Michel Benoit, Daniel Marguerat et Jésus : un article en Suisse.

          Lu dans Le Matin Dimanche, Genève, 21 Déc. 2008 :

                    Le Vatican dit-il la vérité ?

           Mode : Les églises se vident, sauf à Noël et à Pâques, et pourtant les libraires n’ont jamais autant vendu de livres sur le Christ. Pour la première fois depuis vingt siècles, cette figure a complètement échappé au contrôle des religieux et vit une nouvelle existence romanesque. Faut-il s’en réjouir ? Et quelles seront les conséquences de ce phénomène pour la chrétienté ?

                                     (par Jocelyn ROCHAT)

Après 17 siècles de contrôle féroce, le Christ a fini par échapper à la surveillance jalouse des Églises. Progressivement récupéré par les historiens dès 1778, Jésus est désormais tombé dans le domaine public. Le voici même, selon la formule de l’historien Michel Benoît, « devenu un people », comme Nicolas Sarkosy ou Paris Hilton.
          Grâce, ou à cause de Dan Brown et de son « Da Vinci Code« , on s’interroge sur la vie sexuelle de Jésus (a-t-il épousé Marie-Madeleine, lui a-t-il fait un enfant ?). Grâce, ou à cause de Mel Gibson, nous avons vu sur écran géant les détails les plus sanglants de sa Passion.

          La montre de Jésus

« Et si Jésus avait porté une montre comme notre président, on voudrait en connaître la marque », ironise le Français Michel Benoît. Pourtant l’historien est très loin de regretter cet intérêt pour le Jésus people. « Nous assistons à un phénomène nouveau. A travers des films et des romans à succès, un vaste public s’habitue à entendre parler de Jésus autrement, et il en redemande.

          A l’entendre, cette curiosité des foules pour un Jésus plus intime serait « une bonne nouvelle. Même si les réponses des romanciers ou des scénaristes sont souvent simplistes ou mensongères, ces nouveaux récits posent quand même la bonne question au grand public : qui était ce Jésus, sur lequel s’est construite l’identité culturelle de l’Occident ?Désormais, les gens se sentent autorisés à réclamer un droit d’inventaire, sans tabou. On peut s’interroger sur tout, et on ne se prive pas »

          « Enfin ! , s’exclame Daniel Marguerat, l’expert Lausannois du Jésus historique. Enfin le grand public se pose des questions sur Jésus et perd un peu de sa naïveté »
          Les deux chercheurs s’accordent cependant pour penser que cette nouvelle médiatisation est une arme à double tranchant. « Il faut se battre sur deux fronts : face à l’Église et face aux fausses pistes imaginées par des romanciers à succès mais peu sérieux », précise Michel Benoît. Question d’actualité, en cette période de Noël, la composition (contestée dans le camp catholique) de la Sainte Famille.

          Une histoire de fratrie

Jésus avait-il, oui ou non, des frères et soeurs ? « Si l’on consulte les évangiles, les données sont d’une évidence aveuglante : autant Marc que Matthieu, Luc et Jean mentionnent leur existence. Cette question a été contestée pour des raisons qui n’ont rien à voir avec l’Histoire », assure Daniel Marguerat.
          D’accord sur le côté utile de ce Jésus people qui passionne les foules à une époque où les Églises se vident, les deus experts divergent, en revanche, sur les conséquences de cet intérêt pour l’homme Jésus.
          Pour Michel Benoît, « les populations européennes éduquées d’aujourd’hui n’acceptent plus aussi facilement de croire à des choses inimaginables, par exemple l’histoire d’une vierge qui a eu un enfant en restant vierge avant, pendant et après, et elles devraient prendre leurs distances avec les Églises »
          Pour le protestant Daniel Marguerat, en revanche, « chercher à connaître le Jésus de l’Histoire n’est pas hostile à la foi. Il est utile pour les croyants de découvrir qui fut cette personne humaine en laquelle Dieu s’est incarné »

          QUI ÉTAIT « LE DISCIPLE QUE JÉSUS AIMAIT » ?

C’est l’une des grandes questions « people », chère aux romanciers, et qui ouvre des perspectives théologiques fascinantes. L’évangile de Jean nous parle à plusieurs reprises du « disciple préféré de Jésus », mais ne lui donne pas de nom. On apprend notamment que, sur la croix, Jésus lui aurait confié sa mère.
          Pendant longtemps, les théologiens ont pensé qu’il s’agissait de l’apôtre Jean. Une théorie contestée dans de nombreux romans à succès. Dan Brown imagine ainsi dans son « Da Vinci Code » que ce disciple préféré était Marie-Madeleine. Et il en profite pour souligner le rôle très inhabituel accordé aux femmes qui suivaient Jésus.

          Auteur d’un autre best-seller international traduit en 18 langues, Michel Benoît donne des traits masculins à ce « disciple préféré ». Mais pas ceux de Jean. Dans Le secret du treizième apôtre  il le décrit comme un riche notable juif, qui résidait dans un beau quartier de Jérusalem et qui possédait la maison où fut célébré le dernier repas de Jésus.
           Selon lui, ce « préféré » savait que Jésus n’était pas un dieu fait homme, mais un humain inspiré. Une révélation qui pourrait faire vaciller le Vatican.

          Ce roman, sorti cette année au Livre de Poche, a été écrit par un auteur totalement atypique. Ancien moine bénédictin, Michel Benoît est théologien et docteur en Biologie. Il a quitté les Ordres en 1984, l’Église désapprouvant ses recherches sur la vie et la personnalité du Christ.
          Ce qui ne l’a pas empêché de poursuivre sa quête. Michel Benoît a aussi passé 5 ans proche du Vatican, et cette expérience a largement nourri son roman.

          Enfin et surtout, « Le secret du 13° apôtre » s’inspire largement des recherches de l’auteur, qu’il a défendues dans deux livres savants, aussi faciles à lire que troublants : Dieu malgré lui (2001) et Jésus et ses héritiers (2008)

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>