L’évangile du treizième apôtre commence à être lu, quelques critiques me parviennent.
Voici l’une d’elles : « Votre texte tient très bien debout, mais c’est descriptif et sans message. On dirait que c’est écrit seulement pour se justifier, et corriger des inexactitudes ».
Qu’est-ce que l’exégèse ?
Pour la première fois, je publie un ouvrage d’exégèse.
L’exégète se penche sur un texte du passé, né dans un contexte, une culture anciens et disparus, écrit dans une langue morte ou étrangère. Il cherche à comprendre ce que ce texte peut vouloir dire pour nous, dans notre contexte, notre culture actuelle et la langue que nous parlons.
L’exégèse est une des disciplines de l’Histoire : de même que l’historien cherche la vérité des faits, l’exégète cherche la vérité des textes.
C’est un archéologue des mots : après les avoir identifiés, il cherche à les comprendre en les replaçant dans la strate historique dont ils proviennent.
Depuis un siècle et demi, les exégètes bibliques ont mis au point une panoplie d’outils, des critères de lecture qui se révèlent performants. J’en ai donné ailleurs la liste (cliquez), ils sont évalués dans le Tome I de J.P. Meier (1), ce sont eux que j’ai utilisés pour extraire du Quatrième Évangile, dit selon saint Jean, un texte enfoui, noyé dans ce monument fondateur du christianisme.
Une reconstitution ?
Identifier, à l’intérieur de ce texte archiconnu, écrit par plusieurs mains anonymes au tournant du 1e siècle après J.C., un autre texte dont l’auteur serait le disciple bien-aimé de Jésus, qui n’est nommé que dans ce Quatrième Évangile.
Pour procéder à cette extraction, créer de nouveaux outils, des critères de lectures adaptés à cette chirurgie-là, particulièrement délicate et fine.
Est-ce de la chirurgie plastique, aboutit-on à un nouveau texte, reconstitué à partir de l’ancien ?
Non, c’est un accouchement. Sorti de la maternité, le texte paraît nouveau parce qu’il a été débarrassé, nettoyé de l’amas de mots qui l’enveloppait et le rendait quasi-invisible dans ce placenta.
Un nouvel évangile ?
Les trois autres évangiles sont des ouvrages théologiques, et même polémiques.
Des souvenirs, des paroles de Jésus ont été regroupés, triés, corrigés, amputés ou amplifiés, pour répondre à l’ambition des premiers chrétiens : créer une nouvelle religion, en inventant un nouveau dieu.
Cela s’est fait progressivement : écrit le premier, Marc ne divinise pas encore Jésus, comme le feront plus tard Matthieu et Luc – qui déclare avoir soigneusement composé son texte.
Chacun de ces trois évangéliste a inscrit sa théologie propre, en même temps que celle du milieu dans lequel (et pour lequel) il écrivait, non seulement en transformant plus ou moins certains dires et certains faits de Jésus, mais en les présentant de façon « ordonnée », comme le dit Luc.
Or le texte que j’exhume du Quatrième Évangile n’a pas d’ordonnancement, pas de structure élaborée. C’est un recueil de quelques souvenirs d’un habitant de Jérusalem, qui témoigne de ce qu’il a vu et entendu lorsque Jésus quittait sa Galilée natale, pour monter dans la Ville de David.
Le titre de mon petit livre est donc inexact : L’évangile du treizième apôtre aurait pu s’appeler Quelques souvenirs d’un témoin oculaire de Jésus à Jérusalem.
Une description
Les lecteurs découvriront que ce qui est exceptionnel dans ce texte – à vrai dire, unique dans l’Histoire des Religions – c’est que l’auteur se contente de décrire ce qu’il a vu. Il se refuse absolument à toute interprétation morale, religieuse, philosophique ou théologique, des événements dont il a été le témoin, et de la personne qui est à l’origine et au centre de ces événements.
Nous sommes tellement habitués, déformés par l’énorme édifice de pensées, de théories, de dogmes, de controverses qui collent depuis le début à la peau de Jésus, que nous voilà tout déconcertés. Quoi ? Ce disciple anonyme a vraiment rencontré personnellement Jésus, il a vraiment vu ce qu’il raconte, son témoignage est le seul de première main que nous possédions… et il n’en tire aucune conclusion, aucun message, aucune théorie, aucune théologie ?
Eh non ! Il se contente de nous mettre en présence du Galiléen.
Il semble avoir été tellement séduit, subjugué par l’homme qu’il voyait évoluer en Judée, dont il est sans doute devenu un ami proche, qu’il se refuse de nous dire autre chose que : « Venez, et voyez ».
Une critique ?
La critique de mon lecteur est donc le plus beau compliment qu’il pouvait me faire.
Oui, ce livre est descriptif et sans message : au lecteur, et à lui seul, il appartient d’en tirer un message à sa taille. Ajouter mon message à l’absence de message du disciple bien-aimé, c’eût été le trahir (et trahir l’homme qu’il décrit) : c’eût été faire de la mauvaise exégèse.
Oui, c’est une justification de tout ce que j’ai publié jusqu’ici : mes romans (cliquez et cliquez) sont tous nés de cette exégèse.
Oui, c’est écrit pour corriger des inexactitudes : celles qui forment sur le visage de Jésus l’épais maquillage du dogme que nous connaissons, et qui nous étouffe.
Prenez le temps de lire ces cent petites pages. « Venez, et voyez » : je n’ai pas cherché à voir à votre place.
M.B., 5 mars 2013
Comment se procurer L’évangile du treizième apôtre : cliquez
(1) John P. Meier, Un certain Juif, Jésus – (I) Les données de l’Histoire, Cerf, 2004.