Publié sur Internet (1) au printemps 2015, Le grand secret de l’islam n’est pas passé inaperçu. Cet été son auteur, Olaf (un pseudonyme) a demandé à me rencontrer. Je me suis trouvé en face d’un homme jeune, cordial, qui n’est pas historien de formation mais a travaillé sous la direction d’Édouard-Marie Gallez pour, me dit-il, mettre sa thèse monumentale Le messie et son prophète (2) à la portée du grand public.
Son pari est réussi, et ce n’était pas simple : pour écrire Naissance du Coran, j’avais moi-même passé des mois à étudier l’ouvrage d’E.M. Gallez, plus de mille pages passionnantes truffées de notes qui sont autant de dossiers historiques et exégétiques très fouillés.
En lisant le livre d’Olaf, j’étais curieux de voir comment il traite un sujet rendu brûlant par l’actualité de ces dernières années. J’ai pu constater que lui et moi parvenons aux mêmes conclusions, quoique par des cheminements différents.
Car l’approche d’Olaf est avant tout historique. Après un court préambule où il rappelle ce que l’islam dit de lui-même – c’est-à-dire la légende musulmane fondatrice -, il résume en 100 pages brillantes les travaux récents des historiens et archéologues qui remettent totalement en question cette légende. Puis en 30 pages il revient sur la technique de ‘’fabrication de l’histoire’’ qui a permis à cette légende de prendre forme entre le 7e et le 9e siècle, et conclut en analysant quelques-uns des versets du Coran où cette fabrication transparaît, laissant entrevoir ce que fut la matrice originelle du texte.
Dans Naissance du Coran, j’ai abordé les mêmes questions en exégète, c’est-à-dire en replaçant la lettre du Coran dans son contexte historique et en analysant à chaque fois l’influence de ce contexte sur le texte. Nos deux démarches sont donc parfaitement complémentaires, elles s’éclairent l’une l’autre.
Olaf commence son parcours historique avec les débuts du christianisme, soit aux années 30 de notre ère. Tandis que j’ai voulu replacer la naissance du Coran dans un courant de pensée qui a pris naissance beaucoup plus tôt avec la légende de Josué (- 1200) mise par écrit au 6e siècle avant J.C. C’est le messianisme, l’idéologie la plus meurtrière jamais née dans le camp occidental dont elle a imprègné l’Histoire jusqu’à nos jours. Je montre comment la violence messianique s’est radicalisée au tournant du 1er millénaire en milieu essénien, pour être transmise aux Arabes par des judéo-chrétiens, les nazôréens.
Olaf semble faire l’impasse sur les Esséniens, mais rentre plus que moi dans les détails de la suite de l’histoire. Il a notamment deux chapitres sur les premiers califes de l’islam, question que je n’ai pas abordée puisque je me concentrais sur l’examen du texte du Coran.
Avec brio, il résume cette période extrêmement troublée qui va des califes Omar, Otman et Ali jusqu’à Abd Al-Malik et ses successeurs. Il nous aide à comprendre la différence entre Sunnites, Chiites et Alaouites, et montre comment leurs dissensions ont accompagné la naissance du Coran. Ce faisant, il déblaie le terrain pour l’étape suivante qui serait de « poursuivre les investigations archéologiques…, et préciser la part exacte des manipulations revenant à chaque calife » ((3). Je disais la même chose : « L’élaboration [du Coran]… a duré plus d’un siècle pendant lequel les califes vont façonner le Coran. On aimerait pouvoir identifier aujourd’hui dans son texte la marque de tel ou tel de ces califes, savoir à qui attribuer ce verset plutôt que tel autre : dans l’état actuel de la recherche, c’est impossible. » (4)
Olaf met donc en place l’ossature historique qui permettra aux chercheurs de s’attaquer à cet immense chantier, « une lecture exégétique complète du Coran » (5). Quant aux investigations archéologiques – indispensables à la recherche historique et exégétique -, elles seront de plus en plus difficiles puisque les islamistes détruisent systématiquement les sites archéologiques et les manuscrits anciens qui tombent entre leurs mains : on comprend pourquoi, il leur est essentiel d’effacer toutes traces de la naissance du Coran puisqu’elles font exploser la légende fondatrice de l’islam.
Il faudra donc du temps, beaucoup de temps, avant que cette étape suivante n’aboutisse. C’est aux musulmans eux-mêmes qu’il revient d’entamer ce « très vaste chantier » (6), mais ce sera difficile car « toute approche critique [du Coran] est [pour eux] plus que prohibée, elle est sacrilège. » (7)
Les chrétiens ont connu la même situation : n’oublions pas qu’il leur a fallu près de deux siècles pour entreprendre l’exégèse historico-critique de la Bible, et qu’elle n’a été autorisée aux catholiques qu’en 1943. « C’est en apprenant à lire la Bible de façon exigeante, à la fois critique et respectueuse, qu’ils ont pu récemment s’apaiser et accepter l’autre sans haine ni complexe ». (8)
Je recommande donc vivement la lecture du Grand secret de l’islam, et remercie Olaf d’avoir si heureusement débrouillé une Histoire interdite comme j’ai tenté, avec Naissance du Coran, d’éclairer une exégèse interdite.
Sachant, hélas, que les premiers concernés par ces deux ouvrages – les musulmans – ne liront ni l’un, ni l’autre.
Merci et bon courage.
Que le paix de Dieu soit avec vous tous !
En réponse à votre article, le grand secret de l’islam qui rejoint votre livre la naissance de Coran, je me permets de vous proposer une analyse critique de ces deux approches séduisantes qui reposent sur un procédé révisionniste consistant en trois étapes:
1-Nier en bloc l’histoire musulmane attestée par une quantité de textes certes plus ou moins tardifs et souvent contradictoires pour certains détails mais dont la trame de fond reste la même ; au lieu de leur appliquer le critère d’attestations multiples et d’embarras et les autres critères de croisement des textes comme vous l’avez bien fait dans vos recherches sur les début du christianisme rendu accessible par votre livre ( Jésus et ses Héritiers * que j’ai eu plaisir à lire)
2-Une fois l’histoire musulmane évacuée, on imagine un autre scénario reposant sur un complot entretenu par les Califes sans apporter de preuves tangibles
3-Chercher le moindre indice qui permet de reconstituer la nouvelle histoire, à partir d’un terme dans le Coran on bâti toute une piste de recherche; les Naçaras qui peuvent être les Nazaréens ou les Nazoréens ou les Nasaréens, la confusion reste totale car beaucoup de gens pensent que c’est termes sont interchangeables , heureusement que les premiers » chrétiens » comme Épiphane fait bien la distinction dans son panarion (note 18 et 29)
Bref, le sujet est complexe et une réponse ne peut être apporté sur petit espace d’échange comme celui ci, je renvois les personnes intéressées de consulter mon site web en suivant dans l’ordre:
Lien 1: Le coran est les thèses orientalistes
http://lechemindroit.webs.com/Le%20Coran%20et%20l'orientalisme.pdf
Lien 2 : réponse à la thèse d’Édouard Marie Galles
http://www.freewebs.com/lechemindroit/-%20New%20Folder/These%20Edouard%20Marie%20Gallez.pdf
Cordialement
Merci de votre message, c’est un plaisir de voir un(e) musulman(e ?) qui prend la peine de réfléchir sans lancer l’anathème de principe comme si souvent. Dans ce petit espace d’échange :
1- Les traditions historiques qui font suite à l’apparition d’un personnage qu’elles invoquent pour créer une religion suivent à peu près toutes le même chemin. Le travail de l’historien-exégète est justement de s’en abstraire pour tenter de « démaquiller » les textes fondateurs, et s’approcher ainsi au plus près de l’événement/personnage à l’origine des mythes/légendes. L’Histoire « à rebours » consiste à projeter sur le passé des élucubrations du présent !
2- Les preuves du travail des historiographes au service des califes sont fiables : quelques témoignages historiques et l’exégèse du Coran lui-même. Il n’y a pas eu « complot des califes », pas plus qu’il n’y a « complot des évangélistes », mais construction d’une nouvelle religion à partir de la mémoire (trafiquée/inventée) d’un homme.
3- L’identité des nazôréens/nazaréens/nazaréniens a été longtemps confuse, à cause de la confusion qu’entretenaient Épiphane & Cie sur ces termes, + la confusion entre nazôréens et ébionites (Jérôme, Augustin).
Merci de votre apport, m.b.
Merci, merci, cher monsieur, pour ces très intéressantes informations. Je viens de télécharger « Le grand secret de l’Islam » d’Olaf et compte bien le lire et le diffuser autour de moi et si possible auprès de musulmans, comme pour votre livre « La naissance du Coran ».
Un(e) musulman(e) qui devient de façon conséquente critique du Coran cesse tout simplement d’être musulman(e). Pourquoi ne pas écouter d’abord ceux, nombreux, qui ont franchi ce pas ?