LES MENTEURS : BREXIT, OU COUILLEXIT ?

Mes lecteurs savent que ce blog s’efforce de ne pas céder à l’émotion. Mais comment prendre du recul quand les événements vous acculent, dos au mur de la honte ?

Par pur calcul politicien (garder sa majorité au sein du parti conservateur), David Cameron lance le Royaume Uni dans la folle aventure d’un référendum sur l’Europe.

Parce qu’il ambitionne de le détrôner et de prendre sa place, son collègue Boris Johnson – jusque là europhile -, tourne casaque et prend la tête des europhobes britanniques de façon tonitruante. Tout comme Nigel Farage, chef des indépendantistes britanniques mais quand même député au parlement européen – un parlement qu’il méprise et insulte à longueur d’années. L’un et l’autre réclame le Brexit à coup d’arguments surréalistes – c’est à qui mentira le plus, et le plus fort.

Bataille de testostérones, les anglais aiment la virilité.

Inventé sur leur île, le fair-play est devenu un marqueur de l’identité britannique. Mr. Cameron a joué, he has played, il a perdu. Sera-t-il fair ? Et s’il ne l’est pas, est-il encore britannique ?

Non, il ne l’est plus, il refuse de gérer lui-même les conséquences du tsunami qu’il a provoqué. Cette patate brûlante qu’il a mûrement réchauffée, il la refile à un hypothétique successeur. Fuyant ses responsabilités, il démissionne pour qu’un autre que lui les assume, et colmate les voies d’eau qu’il a ouvertes. Démissionner ? Oui, mais plus tard, pour donner à ses amis le temps de barrer la route à Boris Johnson, qu’ils n’aiment pas. Sidérée, l’Europe attendra pour se reconstruire le bon vouloir du parti conservateur de Sa Majesté britannique.

Lequel Boris, enfin parvenu au seuil du 10 Downing Street à coup de mensonges populistes, se défile à son tour et refuse d’y entrer. Adieu, flamboyantes promesses ! Sans se démonter et sans regret apparent, le lendemain du vote il annonce à la télé qu’il n’a cessé de mentir au peuple pour le faire votre out. Puis il quitte le plateau et choisit lui aussi prendre la fuite.

Pour compléter la honte britannique, une dernière fois Nigel Farage se lève au sein du Parlement Européen et le nargue : « Ah ah ah ! Maintenant que c’est fait, vous riez jaune ! » À quoi Mr. Junker, étranglé de colère, répond qu’après avoir si longtemps profité de ses privilèges et salaires de député européen, il devra désormais se trouver d’autres sources de revenus – et l’Angleterre, avec lui.

Peut-on reprocher au peuple anglais de les avoir cru ? Non, les peuples croient ceux qui se proclament responsables de leurs destins, la main sur le cœur et la bouche en cul de poule. C’était ainsi depuis toujours, mais c’est en train de changer. Les peuples n’aiment pas avoir honte d’eux-mêmes. Pas trop longtemps. De plus en plus, ils entendent la voix de Ruy Blas :

Bon appétit, messieurs ! Ô ministres intègres, conseillers vertueux ! Voilà votre façon de servir, serviteurs qui pillez la maison ! Donc, vous n’avez pas honte et vous choisissez l’heure, l’heure sombre où l’Europe agonisante pleure ! Donc, vous n’avez pas ici d’autres intérêts que de remplir votre poche et de vous enfuir après ! Soyez flétris devant votre pays qui tombe, fossoyeurs qui venez le voler dans sa tombe ! Mais voyez, regardez, ayez quelque pudeur ! L’Angleterre et sa vertu, l’Angleterre et sa grandeur, tout s’en va !

N’ayant pas l’élégance de Victor Hugo, je rappellerai qu’après Alexis Tsipras qui promettait aux Grecs la lune et leur a offert le marécage, après François Hollande qui désignait la Finance comme son seul ennemi mais veut aujourd’hui l’attirer à Paris, après… abrégeons cette liste, hélas longue. Mais constatons qu’à force de mensonges, de honte, d’impudeur, d’intérêts privés et de fuites, les fossoyeurs qui nous volent dans la tombe creusée par eux semblent avoir perdu, avec leur dignité et leur crédibilité, les attributs de leur virilité.

                                                                       M.B., 30 juin 2016

17 réflexions au sujet de « LES MENTEURS : BREXIT, OU COUILLEXIT ? »

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  2. Jean

    Une idéologie est abstraite et globale, donc par où l’aborder et comment la mettre en difficulté quand les dirigeants n’ont pas de statuts ni de chefs officielement reconnus. Dans une guerre normale il est possible de parlementer et poser des arguments pour négocier ou oficialiser un combat. Là on a à faire à une invasion de parasites dispersés et difficilement localisables.
    Je ne peut m’empêcher de penser aux autres guerres de religions qui ont eu lieu par le passé et qui furent elles aussi très meurtrères, nous les jugeons sévèrement aujourd’hui mais rappelons nous de comment elles ont fini, sont-elles vraiement finies ?… (il y a peu de tant, j’ai relue l’apocalypse ) Il y a tant de divisions encore de nos jours. L’intolérance et une certaine ignorance seront toujours à la base de ce genre de conflit tant que la religion se voilera de superstition.

    Père pardonne-leur car il ne savent pas

    Répondre
    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Une idéologie s’élabore peu à peu, au fil des siècles ses auteurs deviennent anonymes mais elle vit sa vie.
      Dénoncer non seulement les superstitions, mais surtout l’utilisation politico-guerrière d’une religion : c’est ce que je tente de faire, Inch’Allah.
      M.B.

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      1. JR

        Bonjour,

        Le problème spécifique de l’Islam est que cette « utilisation politico-guerrière d’une religion » a commencé avec son fondateur (d’après les chroniques islamiques en tout cas), et qu’il est supposé, et largement considéré comme, incritiquable…

        Le battage autour du « vrai Islam » (désincarné, qui serait innocent de ce qui se fait de mal en son nom mais qu’on devrait créditer de ce qui se fait de bien en son nom…) est un non-sens. Si c’est avec ça qu’on espère « déradicaliser », ça fait peur.

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  3. Debanne

    Bonjour,

    Oui, le mensonge chez les politiques est la condition pour se maintenir au pouvoir ! Ah l’éthique de conviction et celle de responsabilité chères à Max Weber : à lire ou à relire…
    Enfin, se souvenir que les prophètes sont entendus parce qu’ils sont attendus… A méditer sans relâche avant toute prise de position.
    Quant à Finkiel… que sait-il de plus que les autres quand on voit son parcours de haine et de profiteur ?…

    Amicalement
    H de D.

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Les prophètes sont entendus quand ils meurent pour leur message (Jésus, Gandhi, Martin Luther King, etc.)
      M.B.

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      1. Debanne

        Cher Michel Benoit,

        Je viens d’apprendre avec une immense tristesse (et beaucoup de retard…) le décès d’Anne-Marie Delcambre. Mais peut-être le saviez-vous ?
        J’avais eu l’occasion de signaler ses travaux ici-même.
        C’est une immense perte pour la pensée intellectuelle française, pour la connaissance du monde arabe ainsi que pour la compréhension historico-critique du Coran !
        Je me rends compte que pas un mot, pas une ligne n’ont été publiés par le ministère de l’Enseignement supérieur ou celui de l’Education nationale pour lui rendre hommage (il est vrai que la ministre est franco-marocaine : lire à ce sujet ce qu’écrivait Anne-Marie Delcambre à propos de la nomination de Rachida Dati au ministère de la Justice !…).
        Hélas, je ne suis pas étonné, car cela va dans le droit fil de ce que nous connaissons depuis le début de ce quinquennat à propos de l’Islam en France ! Héritier des Lumières, je n’ai jamais connu un Président de la République et un gouvernement aussi nuls à tous points de vue sous la cinquième République, alors à propos de l’islamisme !…
        Il est particulièrement intéressant de noter qu’Anne-Marie Delcambre soutenait l’idée que la « radicalisation » n’apparaît pas ex-nihilo, mais qu’il existe une suite logique et indistincte entre islam et islamisme… Chacun analysera à la lumière de ce que nous connaissons en France depuis plusieurs mois…
        Pauvre Laïcité si mal menée, si égratignée, si piétinée au quotidien ! Je propose donc que l’on ajoute à Liberté, Egalité, Fraternité : Laïcité !…
        Je me sens orphelin (comme plein d’autres…) de cette grande Dame et me dit qu’il ne reste plus que vous cher Michel Benoit pour éclairer nos lanternes de mécréants français à propos du Coran et de ses prolongements socio-historiques…
        Voici un lien parmi tant d’autres (à diffuser sans modération !) concernant l’auteure : https://assr.revues.org/10413

        Amicalement et tristement,

        H de D.

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        1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

          Non, je ne suis pas le seul, mais il est vrai que les chercheurs libres pèsent peu de chose en face de l’écrasante Pensée Unique. Son règne ne commence pas avec ce quinquennat déclinant, mais déjà sous Sarkosy… Un « islam de France » ! N’ont-ils aucune connaissance de ce dont ils parlent ? Avec Mme Delcambre, une grande voix se tait (qui n’a jamais été entendue).
          Amicalement, M.B.

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  4. Braxmeyer

    Monsieur,
    je tenais à vous dire que j’ai essayé de m’abonner à votre blog à plusieurs reprises. Jusqu’à présent, je n’ai jamais reçu l’e-mail pour valider mon inscription. Dommage car je trouve vos articles extrêmement intéressants.
    Cordialement.
    F.Braxmeyer

    Répondre
    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Dans la page « accueil » du blog, colonne de droite, il y a une case où il vous suffit d’inscrire votre e-mail. Si ça ne fonctionne pas, dites-le moi, je tâcherai d’en avertir l’administration d’Overblog.
      M.B.

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  5. Lucien Martin

    Le pire à mes yeux est que, avec cette turlupinade, qui rivalise à mes yeux avec celles de nombre de nos politiciens, le citoyen, aujourd’hui je pense, a vraiment perdu toute confiance en ceux-ci. Au point que, systématiquement, derrière tout information, toute affirmation, le premier réflexe est de chercher l’objectif caché et l’entourloupe enrubannée. Voilà qui pourrit à la racine toute vie publique.

    J’enfonce une porte que je sais pourtant ouverte : il est beaucoup plus difficile de regagner que de perdre la confiance, sans laquelle la vie sociale fait penser à la forêt de Bondy.

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  6. JR

    Bonjour,
    L’avenir dira si les Britanniques ont eu tort ou raison (soit dit en passant, Alain Finkielkraut vient de dire qu’il ne le sait pas non plus mais que les eurocrates n’ont « pas volé » ce qui leur arrive). Et après tout, la Suisse, totalement enclavée dans l’UE, ne montre aucune velléité d’y entrer et se porte fort bien autant qu’on sache.
    L’Union Européenne, c’est aussi la promesse rabâchée d’un grand soir libéral, qui ne vaut pas forcément mieux que l’autre, et donc je la vois bien, à terme, suivre l’URSS dans la poubelle de l’histoire.

    Répondre
    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Bien sûr, l’avenir le dira. Ce qui est effarant, c’est la pitoyable misère des hommes politiques !
      M.B.

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      1. JR

        Ce sont des hommes avec leurs grandeurs et leurs petitesses.
        Mais ce qui m’effraie le plus, c’est la force des œillères idéologiques, dans un sens ou un autre (à propos, un mien essai que j’ai à peu près renoncé à placer : http://bouquinsblog.blog4ever.com/les-virus-de-la-pensee ).
        Outre le libéralisme vu comme un nec plus ultra et la fin de l’histoire, un des principes directeurs de l’UE, théorique autant que rhétorique, dit que casser les frontières y compris économiques c’est amener la paix. C’est complètement faux. Les frontières et limites, pas seulement géographiques, ont toujours été dessinées, plus ou moins arbitrairement, pour faire la paix. Après, comme toute construction humaine, ça s’use, c’est de moins en moins adapté, il y a des tensions, et cetera… et on s’en sort avec une redéfinition des frontières.
        En Europe, on est à la montée des tensions un peu partout et on n’en voit pas le bout…

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        1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

          Mon propos n’était pas d’entrer dans ce débat, mais (une fois n’est pas coutume) de réagir dans l’indignation.
          M.B.

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