UN CŒUR EN FORME DE BALLON

Ça y est ! Pendant quelques heures, quelques soirées, quelques jours, les Français sont devenus un peuple.

Dans l’article précédent, j’ai rappelé comment, depuis l’Antiquité, deux sortes d’événements s’étaient montrés capables de transformer une masse d’individus confuse, désordonnée, en peuple – c’est-à-dire en un organise vivant, autonome, ayant pris conscience d’être lui-même et fier de l’être : les jeux d’abord, la religion ensuite.

Au fil des siècles les jeux et la religion sont devenus un spectacle offert à des consommateurs. Un public des jeux friand d’exploits de plus en plus spectaculaires et cruels, des fidèles  assistant à des rites de plus en plus mystérieux, parfois somptueux toujours ésotériques. Les uns et les autres passifs, se contentant de regarder ou d’assister, sans efforts ni périls pour les jeux, sans engagement personnel pour les rites.

Ainsi était hier la masse des Français, divisés, désillusionnés et parfois amers, ne croyant plus ni en Dieu ni en l’État, accusant son Président de tous les maux qu’ils subissaient ou croyaient subir.

Tout a changé avec le mondial du foot et les victoires des Bleus. Je laisse aux sociologues le soin d’analyser l’étonnant phénomène d’identification des Français à une équipe de 23 joueurs, mais le fait est là : pendant ces jeux, une masse informe d’individus s’est transformée en peuple, vibrant d’un seul cœur qui battait à l’unisson. Brusquement conscients qu’être français signifiait quelque chose qui les dépassait et les fondait en un seul.

L’abondance des drapeaux tricolores brandis et agités dans toutes les mains, le jaillissement spontané de l’hymne national, sont sans équivoque : c’est bien une nation qui a brièvement repris conscience d’elle-même. Constatant que les millions de Français avaient oublié pour un instant le chômage, les réformes, les luttes sociales – bref, « tout ça » -, je disais qu’un ballon avait pris la place de leur cerveau : c’était un peu rapide. C’est le cœur des Français qui a pris la forme d’un ballon, et qui s’est soudainement mis à battre.

Accomplissant ce que ni les politiques, ni les religieux ne réussissent (plus) à faire : transformer une masse d’individualistes forcenés en peuple exultant, fier de lui-même.

Artificiel, dérisoire, fugitif ? Peut-être. Mais réjouissant, ne gâtons pas notre plaisir.

Semblable à lui-même, M. Hollande s’est mis le premier en avant pour twitter que tout ça ne valait pas un bon programme social (le sien). Moins médiocre que lui, M. Macron s’est contenté de dire « Merci, et n’oubliez pas d’où vous venez. »

C’étaient les mots justes, les seuls audibles au soir du 16 juillet.

Humiliés, les politiciens reprendront dès aujourd’hui leurs petits jeux. Ayant oublié, depuis longtemps, que ça devrait être à eux de porter l’espoir d’un peuple, d’incarner sa confiance, de susciter sa joie.

                                                                                            M.B., 17 juillet 2018

8 réflexions au sujet de « UN CŒUR EN FORME DE BALLON »

  1. Ange lini

    « Quand les drapeaux sont de sortie, l’intelligence est dans les trompettes. Malheurs aux peuples qui ont besoin de héros… »
    H.Hesse.B.Brecht

    Répondre
  2. Debanne

    Cher Michel Benoit,

    Je fais suite à ma précédente réponse. Oui vous avez raison, nous faisons partie de ce « peuple ». Néanmoins, cette population est composée de catégories. Or, je ne fais pas partie de la catégorie de ceux qui célèbrent une victoire liée à un jeu, et ils ne feront jamais partie de ma catégorie. Nous ne vivons pas dans le même monde. C’est comme ça.
    Pourtant, ceux que certains nomment sans aucun discernement des « héros », seront décorés de la médaille la plus prestigieuse (en principe…), de notre pays.
    Malgré tout, parmi ceux-là, des musulmans qui secrètement (les circonstances l’exigent…) nous détestent profondément, recevront cette décoration !…
    D’autre part, la différence de traitement réservée par Macron aux militaire blessés et aux joueurs de ballon, vient encore conforter sa gouvernance de « président des riches ». Chassez le naturel, il revient au galop !…
    Enfin, je suis persuadé que vous comme moi connaissons quelqu’un qui mériterait cette distinction pour ses mérites bien réels.
    Ainsi, je connais un cancérologue ayant mis au point un traitement très efficace d’un certain cancer. Son taux de guérison est de plus de 99 %. Je peux en témoigner, car il m’ a guéri alors que ses confrères français me prédisaient, non seulement un avenir limité, mais dans le meilleur des cas, des conséquences physiques handicapantes irrémédiables ! Plusieurs années après avoir bénéficié de son traitement je me porte comme un charme…
    Cet homme exceptionnel n’est pas connu, ne fait pas parler de lui, est d’une modestie remarquable, mais sauve des vies d’hommes à longueur d’années. Pourtant, il n’aura jamais la légion d’honneur, alors qu’il l’a mérite au plus haut point ! Il ne facture pas de dépassements d’honoraires alors qu’il le pourrait largement, et sa consultation est restée à 25 euros !…
    D’ailleurs, si notre inénarrable « socialisse » Mitterrand avait été soigné dès le départ par lui, il n’aurait pas connu la fin tragique qui a été la sienne. Et je pèse mes mots en connaissance de cause…
    Mais puisque les français rendent hommage à des vulgaires, ils ne peuvent pas être intéressés par les services inestimables rendus par cet homme, lequel serait considéré comme un « dieu vivant » au Japon…
    Aussi, jamais au grand jamais je ne divulguerai son nom et ses coordonnées, sauf à mes patients et connaissances bien sûr…

    Bien amicalement,

    H de D.

    Répondre
    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Voyez Jésus. Manipulé certes par ses héritiers, mais quelle destinée après sa mort passée inaperçue dans l’Empire romain !
      Les vrais héros sont posthumes.
      M.B.

      Répondre
  3. Jon Jon

    Toujours content de vous lire! Loin de partager votre ferveur pour le maquereau de nos peuplades, suppôt des oligarques financiers à la mine diabolique, quant à son audace à parler aux burkinabés en oubliant que c’est son peuple qui a tyrannisé le leur et pas l’inverse, je m’interroge également sur votre vision d’un « peuple » qui n’est autre qu’un amalgame de différentes peuplades colonisées par ces mêmes oligarques sur un large territoire un jour devenu état-nation. Les nations n’ont aucun sens si ce n’est celui, arbitraire, que lui attribuent ses conquérants. Les bretons, les alsaciens, les corses existent bien dans toute leur splendeur, à taille humaine. Les français, comme tous les autres « peuples », n’existent qu’aux yeux des aveuglés par les concepts fourre-tout des conquérants bourrins et affamés de toujours plus. Peut-être un lien avec la compétition et le sport moderne surmédiatisé?… Ce « peuple fier et conscient de lui-même » n’est rien d’autre qu’une masse mentale difforme et grossière, une horde potentiellement extrêmement dangereuse (expérimenter ces moments d’union nationale dans certains coins surpeuplés), tout autant qu’inconsciente, en réalité, de ce qu’elle est. C’est la même qui commet des exactions, qui pille et tue, parce qu’elle est le nombre, parce que rien ne l’arrête, si ce n’est le contrôle ferme de qui lui a donné vie: essayez donc de klaxonner en plein centre ville pendant dix minutes assis sur le toit de votre voiture aujourd’hui pour voir si vous êtes le champion. Pourquoi prendre parti dans la politique politicienne qui n’est qu’n grossier jeu de pouvoirs, ou vanter la gloire du « peuple-horde », conscient collectif inhumain aussi énorme que basique, lorsqu’on explore les voies de notre esprit, inspiré par ces individus que sont Jésus, Bouddha ou d’autres, qui ne font, finalement, que pénétrer davantage dans le subtil de la vie et de ce qui caractérise l’individu.

    Répondre
    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      « Ferveur » pour Macron ? Non, mais soulagement que ce soit lui plutôt que d’autres – vous savez qui.
      La Nation française s’est construite dans le sang et la terreur. Le 14 juillet 1790, la fête de la Fédération rassemblait les peuplades françaises. Les Girondins furent exécutés, Paris et ses excités prirent le pouvoir.
      Je ne « prends pas partie dans la politique politicienne ». J’essaye de la mettre occasionnellement en perspective.
      M.B.

      Répondre
      1. Debanne

        Cher Michel Benoit,

        Voici un petit sondage (un de plus !), montrant que l’optimisme des membres de la république en marche après la victoire des « bleus », est dénué de tout fondement objectif !…
        Bientôt un petit article sur l’affaire Benalla ?

        Bien amicalement,

        H de D.

        http://www.atlantico.fr/decryptage/douche-froide-sondage-qui-montre-que-victoire-2018-laisse-francais-totalement-marbre-vivre-ensemble-jerome-fourquet-3458916.html

        Répondre

Répondre à Jon Jon Annuler la réponse.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>