DIEU, LA SCIENCE, LES PREUVES (I) : L’aube d’une révolution (M.Y. Bolloré et O. Bonnassies)

Jusqu’au 16e siècle, l’Occident puisait dans la Bible son savoir sur l’univers : il y a 6000 ans, Dieu avait créé le monde en cinq jours, et l’Homme le sixième jour. L’univers était immobile, la terre était en son centre, l’Homme était créé par Dieu à son image.  Or en 1543 un certain Copernic jeta un premier pavé dans la mare, suivi par Galilée, Newton, Buffon, Laplace, Darwin… Non, la terre n’était pas au centre de l’univers, il n’avait pas été créé en cinq jours. Oui, l’Homme apparaissait au terme d’une longue évolution, il descendait du singe. Sous ces coups de boutoir, la conception chrétienne de la création du monde vola en éclat. Tout pouvait s’expliquer par la science qui reléguait la religion dans l’obscurantisme des sacristies. Elle la rendait inutile, dérisoire, et les croyants avaient le choix entre deux solutions : ignorer la science ou perdre leur foi.  

Nourri au 19e siècle par le marxisme et la psychanalyse, le matérialisme scientifique athée  devint la nouvelle croyance de l’Occident. Plus besoin de religion pour comprendre le monde, la science avait réponse à tout. Rien ne semblait pouvoir résister à cette puissante vague matérialiste qui dominait tous les domaines du savoir. Et pourtant, au milieu du 20e siècle il se produisit ce que M.Y. Bolloré et O. Bonnassies appellent « Le Grand Retournement », une véritable révolution qu’ils décrivent en détail dans un livre qui vient de paraître (1) et qui fera date.

Question de méthode 

Matheux et ingénieurs en plusieurs disciplines, les auteurs entendent démontrer que les découvertes scientifiques récentes en cosmologie et en biologie obligent à poser de façon totalement nouvelle la question de l’existence de Dieu et les relations entre la science et la foi. Ils opposent deux théories : d’un côté « il n’existe rien en-dehors de l’univers matériel » et de l’autre « il existe un Dieu créateur de l’univers ». Si une théorie est exacte, l’autre est fausse. Et la science prouve que la théorie matérialiste est fausse, donc que Dieu existe.

Ce gigantesque projet, les auteurs veulent « le construire avant tout sur la raison » (p. 29). C’est-à-dire sur une méthode qui est à la base des sciences exactes : on part d’une hypothèse qu’on confronte au réel, puis on construit « un modèle mathématique… qu’on fait fonctionner… pour le comparer au réel » (p. 37). Si ce modèle fonctionne et permet de répéter l’expérience, alors l’hypothèse est confirmée. Les théories scientifiques peuvent donc être classées en cinq niveaux de certitude décroissante, selon qu’elles sont ou non conformes au réel, modélisables et reproductibles.

Modélisables ? Oui, mais « au sens de ‘’mathématiquement modélisables’’ » (p. 40). Nous voici prévenus : la méthode de nos deux ingénieurs est mathématique. Leurs raisonnements font appel à ce qu’on appelait autrefois la « logique formelle », ancêtre de la logique mathématique moderne et qui s’appuyait sur le syllogisme.

Un syllogisme est une démonstration irréfutable en trois étapes : deux prémisses qu’il est inutile de démontrer puisqu’elles sont supposées vraies, et qui entraînent mécaniquement une conclusion, forcément vraie elle aussi : « Tout ce qui est rare est cher (c’est vrai), or les diamants sont rares (c’est vrai), donc les diamants sont chers (c’est vrai aussi) ».

Le syllogisme induit un mode de pensée binaire, c’est vrai ou c’est faux. D’entrée de jeu les auteurs préviennent que telle sera leur méthode : « En définitive, Dieu existe ou pas : la réponse… est binaire, c’est oui ou non » (p. 29). Et ils énoncent leur syllogisme : « Tout ce qui a un commencement a une cause. Or l’Univers a un commencement. Donc l’Univers a une cause » (p. 61).

Le syllogisme convient parfaitement à des sciences ‘’dures’’ comme la cosmologie et la biologie. Les auteurs vont donc rassembler les résultats obtenus dans ces deux sciences par l’élite des chercheurs mondiaux depuis la fin du 19e siècle. Mort thermique de l’univers, découverte du Big Bang, réglages fins du cosmos et de la biologie… Si la seconde prémisse, « l’univers a un commencement », peut être prouvée avec certitude, alors l’existence de Dieu est certaine. Et l’on est bien à l’aube d’une révolution culturelle majeure, le retour à Dieu par la science. Ce sont les péripéties et les détours de cette révolution que Bolloré et Bonnassies nous font parcourir pas à pas.

Avec le brio et l’agrément d’un thriller, nos deux ingénieurs deviennent biographes et historiens pour nous faire vivre les découvertes des chercheurs du Grand Retournement. Sous nos yeux les ténors de la communauté scientifique mondiale prennent vie, leurs tâtonnements, leurs erreurs, leurs avancées, les oppositions qu’ils rencontrent forment un roman palpitant.

La mort thermique de l’Univers et le Big Bang

Depuis toujours on a cru que l’Univers était immobile et éternel, sans commencement ni fin. Or dès le milieu du 19e siècle, des mathématiciens français (Carnot) puis allemands et anglais conçurent un modèle théorique selon lequel l’univers ne pouvait pas être immobile, il devait évoluer, et évoluer vers son extinction. L’univers devait avoir une fin, et donc il devait avoir eu un commencement. Encore théorique, cette idée était si choquante qu’elle fut rejetée par la communauté scientifique jusqu’à ce qu’Edwin Hubble découvre que les galaxies s’éloignent les unes des autres (1929). Si elles s’éloignent c’est qu’elles proviennent toutes d’un même point, minuscule, à partir duquel l’Univers est en expansion.

On avait là une première preuve que l’univers avait eu un commencement : le Big Bang était né. Cette idée fut « marquée à ses débuts par le mépris, puis par des revirements, des atermoiements… comme si certains scientifiques redoutaient ses implications métaphysiques ». Jusqu’à ce qu’en 1965 deux ingénieurs américains découvrent par hasard un fossile cosmologique, le rayonnement émis au moment du Big Bang. C’était la preuve matérielle tant cherchée d’un commencement à l’univers.

Un pas supplémentaire fut franchi lorsqu’on découvrit que non seulement les galaxies s’éloignaient les unes des autres, mais que leur vitesse d’éloignement est croissante. Or la théorie reçue était que l’univers, à la fin de sa période d’expansion, devait nécessairement se contracter pour revenir à son point de départ. Les tenants de cette théorie durent admettre que l’univers, qui avait commencé dans une formidable explosion d’énergie, allait s’éteindre peu à peu faute de carburant : ce ne serait pas un Big Crunch mais un Big Freeze.

L’univers avait un commencement, donc un auteur. Et une fin, donc une destinée : mais ce n’était pas tout.

Les réglages fins de l’Univers et le principe anthropique

« Au commencement, à l’instant initial tout, absolument tout dans le cosmos primordial était fantastiquement calculé » (p. 62) pour donner naissance à l’univers tel qu’il est, puis à notre planète telle qu’elle est, avec son environnement étonnamment favorable à l’apparition de l’espèce humaine. En une centaine de pages, les auteurs détaillent avec une précision chiffrée la succession stupéfiante des faits scientifiques qui montrent que tout, dans l’Univers, converge vers l’être humain : c’est ce qu’on appelle le « Principe Anthropique ».

La nature de ‘’Dieu’’ ?

Non seulement il y a eu un commencement, donc un auteur à l’origine de ce commencement. Mais la prodigieuse accumulation des réglages de l’univers et de la biologie ne peut en aucun cas être attribuée au hasard. Avant le Big Bang, ni le temps ni l’espace n’existaient : l’auteur de la création est donc intemporel, immatériel, et l’univers qu’il a créé possède une finalité, l’être humain pensant. La seule chose qu’on puisse dire de cet auteur c’est qu’en créant l’univers il lui a communiqué, à l’instant même du Big Bang, l’information nécessaire et suffisante pour son évolution future.

‘’Dieu’’, si on veut l’appeler ainsi, est donc pensée. Dans le mode de raisonnement (la logique formelle) adopté par les auteurs, on ne peut rien en dire de plus. Mais rien de moins, et c’est un pas en avant gigantesque, fourni par la science, dans l’histoire de notre compréhension du monde et de nous-mêmes.

Des résultats incontournables, mais…

Les 320 pages de l’ouvrage de M.Y. Bolloré et O. Bonnassies qui forment sa première partie, « Les preuves liées à la science », sont incontournables. Les auteurs ont collationné et rassemblé des matériaux scientifiques, historiques et biographiques jusque là éparpillés ici et là : le résultat est à la fois éclairant et convaincant, sans appel. Il y aura un ‘’avant’’ et un ‘’après’’ ce livre.

 La seconde partie en revanche, « Les preuves hors science », est très décevante. Nos ingénieurs appliquent la même méthode, la logique formelle et son raisonnement mathématique, à un fourre-tout de questions comme les vérités et les erreurs contenues dans la Bible, l’identité de Jésus, la singularité du peuple juif, les miracles.

La méthode scientifique utilisée dans la première partie, indiscutable et fructueuse, est-elle applicable à ces sujets-là ? La réponse est évidemment non. C’est ce qu’il nous reste à examiner.

                                                                       M.B., 25 nov. 2021
               À suivre : DIEU, LA SCIENCE, LES PREUVES (II) : vérité et erreurs dans la Bible. 
P.S. : Depuis une dizaine d’années, je publie régulièrement dans ce blog des articles sur ce sujet.  Dans la colonne de droite, cliquez sur les mots-clés « Big-Bang » ou « Science ».
(1) Michel-Yves Bolloré et Olivier Bonnassies, DIEU, LA SCIENCE, LES PREUVES. L’aube d’une révolution, Trédaniel, 573 pages avec tableaux, graphiques et illustrations en couleur. Les passages entre parenthèses sont tirés du livre.

13 réflexions au sujet de « DIEU, LA SCIENCE, LES PREUVES (I) : L’aube d’une révolution (M.Y. Bolloré et O. Bonnassies) »

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  8. Louis Belon

    Une première remarque : la démonstration des auteurs reposerait sur le syllogisme, mais l’exemple donné peut tout aussi bien s’exprimer de façon moins convaincante : tout ce qui est rare est cher, or un cheval bon marché est rare, donc un cheval bon marché est cher. Mes compétences ne me permettent pas de juger de la solidité de leurs calculs, qui seraient plus rigoureux pour justifier le principe anthropique que l’appel aux probabilités fait par Trinh Xuan Thuan. Lequel insiste par ailleurs sur l’importance de la spiritualité, l’art et la poésie pour comprendre notre humanité et notre place dans l’univers. Enfin, concernant le principe anthropique on peut lire avec profit sur internet le mémoire de Marc Santolini sur le sujet, tant sur le plan scientifique que philosophique.

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  10. Jean-Claude Lacaze

    Cher Monsieur Benoît vous vous exprimez comme Jean-Paul II dans son encyclique Fidès et ratio (1998) « La Foi et la Raison sont comme les deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de la vérité. »
    Pour moi spiritualité et raison sont indissociables et ne doivent pas être considérées isolément. Je notais en 2015 dans un livre sur la crise écologique, qu’être responsable c’est admettre que l’homme est aussi la nature, que le dualisme homme-nature des religions traditionnelles (les trois monothéismes) n’a pas lieu d’être. Le concept de monisme s’oppose à tous les dualismes. Notons que Richard Dawkins, professeur au New Collège de l’Université d’Oxford, rendu célèbre par le concept de gène égoïste, affirme que la question de l’existence de Dieu est une question scientifique comme une autre…

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  11. Gris

    Attendons la seconde partie ….Toutefois, ayons à l’esprit, enfin en pensée (!), que M.Y. Bolloré est membre surnuméraire de l’Opus Dei. S’agirait-il d’un biais pour une des prémisses dans la présentation des faits scientifiques (via le principe anthropique) ? Gardons donc en mémoire que la physique n’arrive toujours à mettre « dieu » dans une équation qui réunirait la théorie de la gravitation et la quantique.
    Je ne peux que conseiller comme aventure intellectuelle l’approche qui lie la thermodynamique à l’information dans l’ouvrage de d’Alain Connes « Le théâtre quantique ». Car de quoi est faite la pensée si ce n’est d’informations ? Et la pensée (vue comme un ensemble de données…numériques ?, cf. Pythagore) pourrait-elle être la substance d’une essence dénommée esprit ?

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  12. Claude (Mr) Marec

    Cher monsieur, un grand merci pour cet article très intéressant qui me fait attendre la suite avec une certaine impatience ! Je compte bien lire ce livre.

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  13. Jean-Marie GLÄNTZLEN

    Il ne peut qu’exister un Être Supreme, Concepteur Ineffable, forcément avant tout Amour à propos duque l’astrophysicien « vietnamien » d’origine a écrit « L’Univers a été réglé avec une précision infinie pour que la vie apparaisse. … On s’est aperçu que les constantes physiques ont été réglées d’une façon extrêmement précise pour que la vie apparaisse. … Sur la probabilité que la vie apparaisse. La densité de l’univers par exemple, doit être réglée à une précision de 10 puissance moins 60, donc qui est égale à la précision qu’un archer doit exercer s’il voulait planter une flèche dans une cible de 1 cm carré, mais qui serait placé au bord de l’Univers à 14 milliards d’années. Une précision extrême. D’où la question, est-ce qu’il y a un principe créateur, quelque chose qui règle les choses dès le début, ou, c’est le pur hasard ? Mais le pur hasard quand il y a une probabilité si faible pour que cela aboutisse il faut faire l’hypothèse qu’il y a une infinité d’Univers. … Donc, j’appelle ça mon pari pascalien, et bien sûr je pense qu’il y a un principe créateur qui a réglé tout cela dès le début, et je pense qu’il y a un Univers unique, c’est mon intuition. … C’est difficile de croire quand je vois toute cette beauté, cette harmonie, cette organisation, de croire que tout est hasard, que rien n’a de sens, que nous sommes là par hasard, que toute cette architecture cosmique est faite par hasard »

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