LA VIE APRÉS LA MORT (I). Des preuves ?

En 1975 paraissait un livre à l’immense succès mondial, La Vie après la vie. Enquête à propos d’un phénomène : la survie de la conscience après la mort du corps. Son auteur, l’américain Raymond Moody, était philosophe, docteur en psychiatrie et médecine. Très vite ses éditeurs flairèrent la bonne affaire et ajoutèrent un sous-titre racoleur : La preuve scientifique de la vie après la mort.  Ce sous-titre – des preuves scientifiques de l’au-delà – sur lequel se jetèrent les fondamentalistes chrétiens et les parapsychologues, obligea Moody à se battre pour expliquer le sens de son enquête : oui, elle portait sur des dizaines de cas de réanimation après constatation d’une mort clinique (EMI). Oui, elle était méthodique et rigoureuse. Oui, elle conduisait à des résultats significatifs, qu’on ne pouvait ni ignorer, ni écarter. Mais non, elle n’était pas scientifique au sens restreint des ‘’sciences dures’’. Moody réfutait à la fois ce terme, et l’accusation qui lui était faite de conclusions infondées, voire manipulées. Il demandait à la communauté scientifique internationale d’étendre son enquête à des cas plus nombreux, venant de cultures non-américaines, et de la soumettre à un protocole d’interprétation adapté au sujet. D’où la parution de son dernier livre publié en 2015, The unintelligible afterlife, traduit en français Donner du sens au non-sens. Comment concevoir la vie après la vie ?

L’enquête mondiale

L’Icelandais E. Haraldsoon (H) et le Russe K. Osis (O) travaillaient déjà depuis un certain temps sur ce sujet. Ils furent les premiers à entendre la demande de Moody. En 1977 ils publièrent At the Hour of Death, traduit en français Ce qu’ils ont vu au seuil de la mort. Une enquête gigantesque menée d’abord auprès de milliers de médecins et d’infirmières américains, dont ils interprétèrent les résultats à la lumière de sciences ‘’non-dures’’ comme la sociologie, la psychologie, l’analyse statistique des données. Leur travail fut ensuite repris et confirmé par d’autres.

H&O firent porter leur enquête sur les témoignages de 5000 médecins et 5000 infirmières américains présents au chevet de milliers de patients en phase terminale, peu de temps avant leur mort. Ils devaient suivre un protocole très précis :  (1) un questionnaire sur le malade – sexe, âge, niveau d’éducation, religion, croyance dans la survie (2) sa fiche médicale – antécédents psychiatriques, médicaments prescrits, température et (3) un questionnaire sur celui / celle qui a recueilli les données du malade – description de ce qu’ils ont vu et entendu, changement de comportement du malade après son expérience.

Mais il fallait éliminer le facteur culturel et religieux : la même enquête fut menée en Inde, auprès d’autant de médecins et d’infirmières hindous, avec le même protocole exigeant.

Immense travail qui a pris plusieurs années sur deux continents. H&O ont fait appel à l’ordinateur pour établir des statistiques à partir des interrogatoires menés en phase terminale auprès de milliers de patients Américains et Indiens.

Dans un certain pourcentage de cas ils ont pu observer des phénomènes particuliers : apparitions décrites par le malade, brefs dialogues entre lui et l’apparition, son changement de comportement après ce qu’il a vu / entendu. La complexité de l’enquête ne leur a pas permis de chiffrer ce pourcentage, qui semble inférieur à 10%.

La rigueur du protocole imposé aux médecins et infirmières des deux pays a permis à H&O de distinguer d’une part les phénomènes provoqués par l’état médical du mourant (fièvre, prise de neuroleptiques, antécédents psychiatriques) et d’autre part les visions / auditions extérieurs à lui, inexplicables par son état médical et confirmés par la clarté de sa conscience avant et après la ‘’vision’’.

H&O n’ont pas jugé utile d’étendre leur enquête à d’autres continents, la différence entre Américains et Indiens étant assez significative pour obtenir des résultats probants.

Les points communs

Le premier résultat est tombé : les expériences de contacts avec l’au-delà vécues par certains mourants sont perçues et décrites de la même façon par les Américains et les Indiens. Seule différence : lorsqu’ils entrent en contact avec un personnage religieux, les Américains le décrivent comme le Christ, Marie ou un ange. Tandis que les Indiens ‘’voient’’ des personnages de la mythologie hindoue, Rama, Krishna, etc. Interprétation due à leur culture d’origine, qui n’invalide pas leur témoignage.

Mais le plus souvent, ce que les mourants ‘’voient’’ ce sont des membres décédés de leur famille ou des proches, qui cherchent à leur faciliter le passage vers l’autre vie et les invitent à les suivre.

Moody avait étudié des cas de réanimation post-mortem, alors que H&O ont surtout rapporté les expériences de malades juste avant leur mort (avec quelques cas de réanimation). Or les résultats de leur enquête et ceux publiés par Moody concordent sur l’essentiel, c’est-à-dire le contact du mourant avec des personnages de l’au-delà. Moody avait harmonisé ses résultats en un récit d’événements successifs. Il décrivait un processus homogène de l’après-mort, apparemment identique pour toutes les personnes réanimées : sortie du corps, traversée d’un tunnel sombre, puis rencontre avec des personnes décédées de la famille et avec un « être de lumière » qui dégageait une sensation d’amour et de paix inexprimables. C’est ce récit construit qui a fait le succès de son livre et a permis de le porter à l’écran.

Beaucoup plus étendue, l’enquête de H&O ne présente pas la même homogénéité. Certains de ces évènements sont parfois présents à l’identique, mais ils sont parfois différents et parfois absents. Ainsi les expériences de décorporation ne sont pas systématiques, le « tunnel noir » peut être décrit autrement, etc. Mais ce qui est presque toujours présent c’est la rencontre avec des personnes décédées familières, puis avec un être (ou plusieurs) de lumière impossible à décrire. Ainsi que le regret d’avoir dû ‘’revenir’’, accompagné d’une grande sérénité et de la fin de la peur devant la mort.

Des résultats qui bouleversent nos préjugés

Ainsi, le travail de Moody était confirmé et le principal reproche qu’on lui faisait était écarté : un échantillon de patients limité, tous américains, sans protocole établi. L’ampleur des populations touchées par H&O, sur deux continents de culture totalement différente, avec un protocole rigoureux, identique pour tous et donc utilisable informatiquement, permettait d’établir des résultats scientifiques (au sens des sciences humaines). Les rencontres de quelques-uns avec l’au-delà au moment de la mort (ou juste après) sont des réalités qu’on ne peut pas rejeter au nom de la raison. Elles ne sont pas provoquées par une pathologie, une déficience psychiatrique ou une anomalie de type médical, Elles ne dépendent pas de la culture des mourants.

Enfin elles ne sont pas influencées par l’adhésion à une foi ou une religion quelconque. Certains des malades examinés par H&O étaient et se disaient ouvertement incroyants, voire agnostiques. L’expérience qu’ils ont décrite avait pourtant le même point commun avec toutes les autres : au seuil de la mort ou juste après, la rencontre d’un ou plusieurs personnages de l’au-delà. Accompagnés d’un phénomène lumineux intense (Moody : un ‘’être de lumière’’), qui manifestait à leur égard un sentiment d’amour comme ils n’en avaient jamais éprouvé. Provoquant une sensation de paix, elle aussi impossible à décrire, que ceux qui sont revenus à la vie ont ramené avec eux et qui leur a permis de vivre une « bonne mort ».

Les Français, derniers bastions du rationalisme triomphant des Lumières et héritiers d’Auguste Comte, haussent les épaules devant ces résultats.

Rendez-vous au moment de la mort.

                                                   M.B. (avec la collaboration de M. de P.), 1er Août 2023
P.S. : Dans le prochain article je proposerai quelques éléments ‘’non-scientifiques’’ (mais non moins probants) qui permettent d’éclairer les rencontres avec l’au-delà.
Sur ce sujet, voyez Peut-on communiquer avec nos morts ?Accompagner les mourants, tutoyer la mort

10 réflexions au sujet de « LA VIE APRÉS LA MORT (I). Des preuves ? »

  1. Ping : Y A-T-IL DES SIGNES DE L’AU-DELȦ ? (II) | Une vie à la recherche de la liberté intérieure, morale et politique

  2. Nadab

    Si nous considérons les cas de suspension brutale de la conscience. Le sujet ne garde aucun souvenir, demeure seulement un trou noir dans sa mémoire. Il semble donc que les récits « d’expériences particulières » ne peuvent concerner en fait que des récits d’entrée et de sortie d’état d’altération grave de la conscience.
    Il a fallu que ces états aient un caractère relativement progressif pour qu’un récit se constitue, à la manière d’un récit de rêve.
    Au demeurant, l’étude de ces phénomènes est intéressante, non par ce qu’elle pourrait nous apprendre sur la mort, mais par ce qu’elle peut nous apporter d’informations sur l’inconscient humain. Celui-ci a en effet un fond commun. La régression narcissique engendrée par l’état dans lequel se trouve le sujet, fait probablement écho à son dénuement de tout petit, étroitement dépendant des soins maternels.
    La mort, c’est tout autre chose et effectivement, nous n’en savons rien, en tout cas rien par la science qui se borne à nous dire que c’est le moment ou les fonctions qui entretiennent la vie cessent leur activité.

    Répondre
    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Merci de ces précisions. Mais quand vous écrivez « nous ne savons rien [de la mort], en tout cas rien par la science qui se borne à nous dire que c’est le moment ou les fonctions qui entretiennent la vie cessent leur activité », vous restez dans le schéma ancien. Depuis + de 50 ans, la science de la réanimation & soins palliatifs a fait des progrès gigantesques. Les chercheurs de l’EMI s’efforcent de les intégrer. La recherche est toujours en cours. On ne peut plus dire simplement : « Nous n’en savons rien ».
      M.B.

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  3. Stéphane Michaud

    Nul ne sait ce qui se passe après notre mort, et personne ne reviendra pour nous le raconter. Cependant, serait-il possible d’imaginer que lors du passage de la vie à la mort, un « déluge » hormonal ou un « relâchement » général du système nerveux (je ne sais pas si le terme est recevable), serait responsable de ces visions?
    Le fait de revoir les personnes aimées disparue, ne correspond-t-il pas à une sorte de désir ultime du mourant, avant de s’éteindre? Comme si on se disait: voilà, je m’en vais rejoindre tous ceux que j’ai aimé et qui ont disparus. Cette ultime pensée réconfortante peut-elle générer ces belles visions?
    Quant à la lumière aveuglante et bienfaisante, est-ce que cela pourrait correspondre au « relâchement » dont je parle plus haut?
    Dans tous les cas, il y a un côté rassurant à cette intéressante lecture, c’est qu’il semble que nous partons en paix et plutôt sereinement.
    Qu’en est-il également des morts brutales? Une hémorragie ou un infarctus massifs, un accident… Ressentirions-nous la même paix?
    Ceci est un mystère absolu et personnellement, je ne souhaite pas connaître un jour la vérité sur l’après, si tant est que l’on puisse la découvrir… Il me semble important que chacun, croyant ou incroyant, se fasse sa propre idée de la mort…
    Merci pour votre article!

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      « Nul ne sait ce qui se passe après notre mort, et personne ne reviendra pour nous le raconter. » Ce n’est pas tout-à-fait exact. Les EMI donnent un aperçu du « processus de mort » + de mille fois documenté, étudié, critiqué en sorte que seuls ceux qui ne connaissent pas le dossier affirment « on ne sait rien ». Tout dépend de ce qu’on considère comme « mort » : la médecine de réanimation a fait voler en éclats nos vieux préjugés sur ce mot.
      « … important que chacun, croyant ou incroyant, se fasse sa propre idée de la mort » : conscients de l’importance du facteur religieux, H&O l’ont pratiquement éliminé (je le dis). Leurs résultats sont indépendants de la foi religieuse.
      merci, M.B.

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      H&O ont tenté de séparer au mieux ce qui était hallucination de ce qui était expérience  »particulière » racontée avec le maximum de garanties.
      M.B.

      Répondre

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