NAISSANCE DU CORAN (II) : une langue incompréhensible ?

Fin avril va paraître un livre sur le Coran, et celui-là n’est pas comme les autres.

En 140 pages, j’ai voulu synthétiser un siècle de recherche indépendante de façon claire, simple, compréhensible.

Voulant en avoir le cœur net, vous achetez une des nombreuses traductions françaises du Coran. Par curiosité, vous comparez cette traduction avec une autre, et les ennuis commencent : ces traductions divergent, et pas seulement sur des points de détail. Pourquoi ?

Au début du 7e siècle, il n’existait pas de littérature arabe (1). Soudain au 8e siècle, apparût un texte, écrit dans une langue d’une grande beauté, qui n’avait aucun antécédent littéraire – fait unique dans l’histoire de la littérature mondiale. Les musulmans considèrent donc sa naissance comme un miracle : le Coran aurait été dicté au Prophète tel qu’il est conservé au ciel, de toute éternité, sur une « Table gardée. »

Pour les Juifs, sur le sommet fulgurant du Sinaï Moïse aurait reçu la Torah sur des tables écrites par le doigt de Dieu. Si le Coran avait été lui aussi écrit par Allah, il aurait été créé comme le reste de l’univers. Mais pour les musulmans, le texte du Coran n’a jamais été créé.

Comme Allah lui-même il est divin, c’est un Verbe incréé. (2)

C’est pourquoi le Coran affirme que « nul autre qu’Allah ne connaît l’interprétation du Coran. » (3) Parce qu’il est de nature divine,  parce que c’est un attribut divin, il participe à l’infini d’Allah et on peut lui reconnaître une infinité de sens.

Traduire le Coran est donc chose impossible, ce serait dire dans une langue autre que la sienne ce que Dieu a dit dans sa propre langue – une langue aussi impénétrable qu’Allah lui-même. C’est pourquoi la traduction wahhabite, patronnée par l’Arabie Saoudite, s’intitule Le Saint Coran, traduction en langue française du sens de ses versets.

Une traduction ne peut que s’approcher du sens du Coran. En choisissant un seul sens, le traducteur trahit l’infinité de ses significations.

Dans la Postface de Naissance du Coran, je résume les travaux des chercheurs qui aboutissent à une tout autre conclusion. La langue du Coran serait issue de l’araméen, langue-soeur de l’hébreu, d’abord adoptée par des Arabes sédentarisés en Syrie et peu à peu transformée par eux au contact des parlers arabes qui étaient les leurs.

Si l’on veut, on peut dire que la langue du Coran est un araméen dialectisé par des Arabes à la fin du 7e siècle, dans le Croissant fertile.

Un arabe du 7e / 8e siècle est aussi éloigné de l’arabe moderne parlé dans les rues d’Alger ou de Rabat que le Roman de la Rose ou Rabelais sont éloignés du français parlé aujourd’hui à Paris. Oui, c’est de l’arabe (comme Rabelais est du français) mais bienheureux qui peut dire qu’il le comprend à livre ouvert.

Ses auteurs pouvaient être fiers d’eux, puisqu’ils avaient inventé une langue pour parler de Dieu et à Dieu, dont le Coran affirme qu’elle est « inimitable. » Et en effet, personne aujourd’hui ne la parle ni ne la comprend sans l’aide de spécialistes, qui souvent ne s’accordent pas sur le sens des mots et des tournures.

En Indonésie, au Pakistan, en Iran ou en Afrique sub-saharienne, les écoliers des madrasas apprennent par cœur et récitent un texte auquel ils ne comprennent rien. Même si leur langue natale était l’arabe, ils ne comprendraient pas car l’arabe qu’ils utilisent chaque jour est très éloigné de l’arabe coranique. Ils articulent et récitent des sons privés de sens, mais qui ont pour eux une valeur sacramentelle puisqu’ils sont divins en eux-mêmes.

Se posait alors à moi un problème : comment étudier un texte dont je ne comprends pas la langue originale ? J’ai donc comparé six traductions françaises avant d’en adopter finalement quatre autres, établies par des arabisants reconnus. Les 140 pages de Naissance du Coran comptent près de 400 citations du texte, j’en donne les références en indiquant (quand il y en a) les variations de traduction, et les justifications fournies par les traducteurs. Les versions de Masson, Berque, Blachère, Grosjean sont confrontées à chaque fois qu’elles divergent, travail complété quand c’est utile par les travaux de Bonnet-Eymard, Gallez, Hamidullah.

Vous n’aurez sans doute pas la patience de faire ce travail : il m’a permis d’approcher au plus près d’un texte devenu sacré, émanation divine qui met périodiquement le feu à la planète depuis 13 siècles.

                  NAISSANCE DU CORAN, aux origines de la violence

                                          À paraître fin avril.

                                                M.B., 10 avril 2014

(1) La « poésie préislamique » pose question.

(2) De même, pour les chrétiens Jésus est la Parole de Dieu incarnée.

(3) Coran 3, 7.

 

 

40 réflexions au sujet de « NAISSANCE DU CORAN (II) : une langue incompréhensible ? »

  1. benoit

    comment un présumé Dieu , pourrait-il  » envoyer » un livre, dont lui seul connait l’interpretation, et qui ne donnerait aucun moyen a sa  » creation  » pour le comprendre. totalement absurde comme Dieu. en passant parfaitement d’accord avec vous, l’ange Gabriel n’a aucun rapport avec le coran.

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  2. arthur

    Je lis en ce moment votre livre très instructif . Voilà plusieurs années que j’étudie l’islamisme afin de comprendre l’agressivité des musulmans radicalisés. J’ai appris par vous que la Mecque n’existait pas du temps de Mahomet, ce qui ne n’étonne pas du tout.Par contre vous n’expliquez pas la façon dont le coran a été traduit , venant d’un texte en langue syro – araméenne impossible à traduire. Par quel mystère le coran existe. De plus l’ange Gabriel qui a annoncé à Marie la venue du Christ serait intervenu entre Allah et Mahomet. Là je n’ai pas compris.

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      La langue originelle des nazôréens était le syro-araméen. Vivant au contact des tribus arabes de Syrie, ils ont traduit leurs catéchèses & textes bibliques dans la langue arabe parlée par ces tribus, qui n’avait encore jamais été écrite.
      Laissez l’ange Gabriel de côté ! Il n’a rien à voir dans la naissance du Coran.
      Bonne lecture
      M.B.

      Répondre
    2. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      La langue originelle des nazôréens était le syro-araméen. Vivant au contact des tribus arabes de Syrie, ils ont traduit leurs catéchèses & textes bibliques dans la langue arabe parlée par ces tribus, qui n’avait encore jamais été écrite.
      Laissez l’ange Gabriel de côté ! Il n’a rien à voir dans la naissance du Coran.
      Bonne lecture
      M.B.

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  7. A. Fuminier

    Bonjour !
    Je découvre sur Amazon un commentaire sur votre livre, manifestement d’un érudit : pourriez-vous nous aider à y voir plus clair dans sa critique ?
    Merci

    Le livre de Michel Benoit:
    C’est vrai qu’il s’agit d’une bonne vulgarisation des travaux du Père Edouard Marie Gallez qui sont assez rudes à lire, quelques références au Frère Bruno BONNET et du Père Luxenberg. L’auteur prétend qu’il a fait une synthèse des travaux scientifiques d’un siècle et demi de recherche mais il n’en est rien en réalité, car il a repris les travaux de prêtres chrétiens pour la plupart, à part l’universitaire Patricia Crone dont il a besoin de sa thèse sur l’absence de la Mecque (et de Mohammed), il a écarté tous les travaux qui ne corroborent pas son opinion préconçue (origine judéo-nazaréenne du Coran) ….c’est normal pour un ex Moine qui ne peut voir l’islam qu’avec ses lunettes de chrétien…si non où ils sont passer les travaux de Nabia Abbot, d’Alfred Louis de Prémare, John Burton, François Déroche,Friedrich Schwally, Gotthelf Bergstrasser, Otto Pretzl, Puin, Sadeghi, Frédéric Imbert, M.C.A. MacDonald et surtout les travaux de Michel Cuypers, Anne sylvie Boisliveau** qui démontrent la cohérence interne du Coran (métatextualité) et l’unité de son Auteur…..Par ailleurs Michel Benoit traite la tradition et les annales musulmane de légende en apportant une demi-preuve ( c-a-d les auteurs qui plaident pour ça) et cela ne l’empêche pas pour autant de se référer à cette « légende » quand cela l’arrange !

    **Livre d’Anne Sylvie Boiliveau sur Amazon.fr : Le Coran par lui-meme: Vocabulaire et argumentation du discours coranique autoreferentiel

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Le procès d’incompétence est un classique pour déconsidérer un auteur qui dérange.
      Admettons que je « choisisse » les travaux dont je fais la synthèse : la question ne serait pas de savoir si j’ai fait un choix partial, mais quelle est la valeur de ces travaux. Et des « preuves » qui en découlent, la façon dont je les synthétise, etc.
      Tuer un dessinateur ou condamner en bloc un écrivain, même démarche.
      M.B.

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  8. Zenobia

    J’imagine que c’est difficile d’avoir de la rigueur lorsqu’on est déjà biaisé.
    Manifestement, vous ne parlez pas l’arabe et n’avez jamais lu le coran dans sa langue originelle. Celle-ci est extrêmement claire et tout son miracle réside dans les secrets qu’elle recèle.
    Votre dernière phrase est blessante et infondée. Les chrétiens ont tué bien plus de personnes que les musulmans durant ces vingt derniers siècles. N’est-ce pas les puritains qui ont rasé les populations d’Amérique? Je vous passe les génocides juif et noir.
    Malheureusement, alors que vous auriez pu être plus rigoureux, faire preuve d’une plus grande ouverture, vous avez préféré être biaisé et tenir un raisonnement aussi pauvre que fallacieux.
    C’est malheureux parce que vous auriez pu peut-être saisir ce que dans cette religion incroyable inspire une foi formidable à vivre.
    Dans votre malhonnêteté intellectuelle, vous avez préféré bien entendu, ne pas mentionner que l’islam est par définition la religion de la science. Manifestement, en plus de ne pas lire le coran dans sa langue originelle, vous ne l’avez pas du tout lu. Vous comprendrez alors pourquoi des savants tels qu’Averroes sont musulmans.

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Voyez le 1° article sur « la langue du Coran ». Ne lisant pas l’arabe, je me suis adressé aux arabisants reconnus pour confronter leurs versions. Est-ce qu’un musulman du XXI° siècle, qui parle l’arabe dialectisé de sa région, comprend un arabe du VIII° siècle sur lequel même les spécialistes ne sont pas d’accord ?
      M.B.

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      1. Aziz

        Vous prétendez entreprendre une démarche scientifique. Hors vous n en avez ni la capacité ni l’objectif.

        Vous omettez l’origine des langues écrites qui est une retranscription des sons.

        Le Coran à été récité par Gabriel au prophète Mohammed qui l’a lui même récité. Il importe d’abord de préserver la transmission phonétique avant de réfléchir au sens. Les penseurs musulmans se sont penchés sur cette question depuis plusieurs siècle sans pervenir à en interpréter le sens exacte. Car l’interprétation appartient à Allah. Nous attendons.

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        1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

          Ce que vous dites là, c’est une légende devenue pensée unique pour les croyants musulmans. Or il se trouve que depuis 1 siècle, des chercheurs en linguistique, épigraphie, exégèse, histoire ancienne, géographie de la péninsule arabe aux 6e et 7e siècles, etc. ont montré que les choses se sont passées tout autrement. Depuis 10 ans je suis de près leurs travaux et les ai résumée dans mon essai, « Naissance du Coran » ‘L’Harmattan). Lisez cet essai, qui vous épargnera le long travail de documentation que j’ai fait pour l’écrire.
          M.B.

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      1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

        Votre question me paraît mal posée. J’utilise la version reçue, mais elle comporte des variantes qui sont imprimées dans la traduction Blachère. Pour + de détails, voyez « Naissance du Coran », à la Postface de 9 pages, « Histoire d’une recherche ».
        M.B.

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    2. arthur

      Zénobia, vous n’avez pas tord dans ce que vous avancez concernant les tueries d’êtres humains. J’attire cependant votre attention sur certains versets du coran qui sont la parole d’Allah et qui demandent aux musulmans pour l’éternité de ne pas prendre pour amis les juifs et les chrétiens de combattre les mécréants et de tuer les associateurs . C’est la parole d’Allah. Jésus Christ n’a jamais demandé aux chrétien de combattre les mécréants, de ne pas avoir d’amis musulmans et de tuer les associateurs. Le nouveau testament ne donne pas d’ordres aux fidèles.

      Répondre
  9. LIVINEC

    Je vous saurais gré de m’indiquer comment je puis me procurer votre livre, afin de le lire avant d’oser faire un éventuel commentaire.
    Bien cordialement.
    Hervé LIVINEC

    Répondre
    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Dès qu’il paraîtra (fin avril/début mai ?), je donnerai toutes indications dans ce blog.
      Osez commenter ! Je ne suis pas un idéologue mais un chercheur : la recherche se nourrit de critique.
      M.B.

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  10. Ping : NAISSANCE DU CORAN (III) : le grand fourre-tout | Une vie à la recherche de la liberté intérieure, morale et politique

  11. Lucien MARTIN

    Je le lirai avec le plus vif intérêt. Désireux de comprendre l’Islam à la source, j’ai acquis il y a déjà assez longtemps une traduction du Coran. J’avoue que, selon les passages, je le trouve où incompréhensible ou ridicule. Je passe donc à côté, mais de quoi ? Je compte sur votre ouvrage pour m’aider à surmonter la difficulté.

    Amicalement.

    Répondre
  12. Jean

    bonjour
    l’ex-maire de Paris a cru bon de changer le nom de la bibliothèque Mouffetard en bibliothèque Mohammed Arkoun! Il doit donc être une voix très importante pour justifier cette « débaptisation » ; il est dit qu’il a beaucoup oeuvré pour un Islam modéré. Avez-vous rencontré son nom dans vos différentes recherches ?
    bien à vous
    Jean

    Répondre
    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Oui bien sûr. LA question n’est pas celle d’un « islam modéré » ou non : la question est « islam coranique », ou non ? Si oui (islam coranique), alors on se tourne vers le Coran : est-il « modéré » ? Réponse dans mon livre à paraître.
      Amiclement, M.B.

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        1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

          En effet. Mais les chrétiens qui brûlaient d’autres chrétiens étaient « non-évangéliques », bien que se disant chrétiens. De même, des musulmans qui disent que leur religion est tolérante sont-ils coranistes, alors que le Coran est tout sauf tolérant ?
          M.B.

          Répondre
  13. Debanne

    Bonjour Michel Benoit,

    Soyez absolument certain que nous ferons connaître votre livre sur le coran autour de nous ! C’est une oeuvre de salut public et intellectuel bien sûr !

    Très chaleureusement,

    H de D

    Répondre
    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Je ne fais qu’ouvrir des portes. C’est aux musulmans de sortir de l’enfermement, comme l’ont fait les chrétiens – mais il leur a fallu 1 siècle 1/2 !
      M.B.

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      1. Jean-Marie

        Partout dans tous les domaines, et ça explique bien des dyscommunications et même parfois des guerres, on utilise « LES » quand il faudrait écrire « DES », c’est à dire « une proportion plus ou moins importante de ….  »

        Exemple : LES chrétiens ci dessus

        Dommage

        PS. Ca m’arrive aussi :-(‘

        Répondre
  14. Anon

    « pour les chrétiens Jésus est la Parole de Dieu incarnée » :
    oui, selon l’évangile de Jean,
    mais plus radicalement encore, pour les chrétiens, Jésus devrait même être Dieu lui-même incarné, non ?:-)

    Répondre
    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Mon éditeur imprime mais ne diffuse pas. Ce sera à vous et à vos amis de faire connaître ce livre – si vous l’avez aimé !
      M.B.

      Répondre
      1. Jean-Marie

        Ce faisant , est-ce qu(‘on ne risque pas d’accélérer la publication de la fatwa invitant à vous asassiner ?

        Moi je ne veux vraiment pas votre mort !

        Répondre

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