CHARLIE HEBDO (2) : « NOT IN MY NAME ! »

                    Nous avons vu hier les enfants d’une école musulmane de Paris brandir des pancartes « Not in my name ! », pas en mon nom !

            Si l’initiative vient bien d’eux, s’ils sont sincères, qu’est-ce qui se passe dans la tête de ces gamins ? Qu’est-ce qui se passe dans la tête des musulmans de France ?

            « Pas en mon nom », la tuerie de Charlie : alors, au nom de qui, au nom de quoi ?

I. La France catholique

            Sans s’en rendre compte, sans le savoir, les français et leurs dirigeants politiques réagissent à ce genre d’événement en ex-catholiques. Je m’explique.

            La République et ses valeurs – auxquelles nous tenons tant, qui ont été assassinées à travers Charlie – sont nés d’un mouvement des Lumières qui réinterprétait le catholicisme (1). Un état centralisé avec sa hiérarchie, comme l’Église de Rome. Un corpus de valeurs, des lois, largement inspirés du Nouveau Testament.

            Bref, un éthos inspiré par le catholicisme, soit qu’il l’imite, soit qu’il s’inscrive contre.

            Le point de départ de notre République, c’était et c’est toujours le catholicisme romain.

            C’est à travers ce prisme non-dit, non-avoué, que nous  réagissons face à aux dérives de l’islam. Mais est-ce que ce sont des dérives ?

            Dans l’Avant-propos de Naissance du Coran, j’écrivais :

            « Ceux qui dénoncent l’amalgame – « surtout ne confondez pas les bons musulmans avec une poignée de fanatiques ! » – entretiennent-ils une illusion ?

            « Ils répètent que l’islam modéré prêche la tolérance, la paix et l’amour universel. La violence des islamistes n’est-elle donc qu’un accident, une dérive regrettable qui n’a rien à voir avec le Coran, ou bien a-t-elle été inscrite par lui dans les gènes de l’islam ? »

            À cette question, les français ex-catholiques ont du mal à répondre parce que leur grille de lecture n’est pas la bonne.

II. Le Coran, seule autorité de l’Oumma

            Contrairement à la République et à l’Église catholique (aux Juifs, aux Protestants), les musulmans n’ont ni hiérarchie, ni autorité centrale. Ils ont des mosquées, avec leurs imams.

            Un imam est soit autoproclamé, soit désigné par la communauté qui peut le désavouer à tout moment. Aucune règle ne définit ce qu’est ou doit être un imam, aucune formation normative commune à tous les imams, aucun contrôle de leur enseignement par une autorité centrale.

            Chaque vendredi, la communauté musulmane (l’Oumma) se constitue, se reconnaît et s’identifie lors du culte de la mosquée. Ce culte, ce sont des versets du Coran récités en arabe – un arabe que les fidèles ne comprennent pas – même quand ils parlent arabe, parce que l’arabe du Coran leur est incompréhensible, ce n’est pas celui qu’ils parlent (2). Et c’est le prêche de l’imam : il dit ce que la communauté a envie d’entendre, la communauté entend ce qu’il a envie de lui dire.

            Aucune autre autorité normative dans l’islam que celle du Coran (3). De Djakarta à Kaboul, de Londres à Sanaa, est musulman celui qui se soumet (4) à l’autorité du Coran et de son Prophète Muhammad.

III. Le Coran et la violence

            Voici donc une religion totalisatrice – puisqu’elle prétend régir la société et la vie quotidienne dans leurs moindres détails, la Charia – dont la référence commune à tous est un texte écrit au 8e siècle, compréhensible par les seuls érudits qui se disputent sur la signification de nombreux versets.

            Certains de ces versets appellent explicitement au génocide des Juifs et des nasâra, c’est-à-dire les chrétiens, c’est-à-dire l’Occident. Le Coran est clairement, explicitement, antisémite et antichrétien (antioccidental). Ce sont ces versets qui font tourner la tête des djihadistes, parce qu’ils s’accompagnent de l’appel au martyre pour Allah. Qu’on le veuille ou non, ils sont écrits en lettres de feu dans le Coran et entretiennent sur la planète un incendie ravageur.

            Suffirait-il de les mettre entre crochets pour qu’ils ne soient jamais récités en public, comme les chrétiens l’ont fait pour les malédictions qui parsèment les psaumes de David, prière officielle du bréviaire des prêtres et de l’Office monastique ? Suffirait-il d’en dresser la liste, d’en désavouer l’origine divine et de les rejeter comme « non-musulmans » ?

            Hélas, non. Dans Naissance du Coran j’ai montré que la violence du Coran ne réside pas seulement dans ces versets brûlants. C’est un texte messianique, qui divise l’humanité en deux : nous, les soumis, et les autres. Tous les autres, qui doivent disparaître physiquement parce qu’ils offensent Allah en refusant de se soumettre au Prophète et à son Coran.

            Certes, on peut trouver dans le Coran l’écho de la spiritualité judéo-chrétienne qui fut à l’origine de son écriture. Mais ce n’est que flûte traversière à côté des trompettes du fanatisme messianique. Et les djihadistes n’entendent pas cette discrète musique-là.

IV. Not in my name

            “Pas en mon nom”, proclament des gamins musulmans. Mais au nom de quoi ? D’un Coran qu’il est interdit sous peine de mort de critiquer – on ne critique pas Allah ? Au nom d’un islam déconnecté du Coran ?

            « Pas en mon nom » : proclamation pathétique de musulmans qui ne peuvent pas se défaire d’un texte sacré imprégné de violence messianique. Souffrance de braves gens obligés de se réclamer d’une religion faite de contradictions qu’ils n’ont ni le droit, ni les moyens de résoudre.

            Je souffre avec eux.

            Nous aimerions tant leur tendre la main : mais entre nos mains et les leurs, il y a le Coran.

            Ne pas les juger, ne pas les condamner, partager leur souffrance – la schizophrénie à laquelle ils sont encore condamnés.

            Et travailler, dans la nuit obscure, pour les encourager à faire ce travail qu’ils sont les seuls à pouvoir accomplir : une lecture critique du Coran, seule issue au drame qu’ils vivent et nous avec eux.

                                                           M.B., 9 janvier 2015
 P.S. : cet article fait suite à CHARLIE HEBDO (1) : POURQUOI ?
 (1) Je résume d’un mot une question explorée par quantité de sociologues.
(2) Voir dans ce blog l’article Naissance du Coran (II) : une langue incompréhensible ?
(3) Voir dans ce blog l’article Les musulmans dans l’impasse : l’Appel de Paris
(4) Islam vient du verbe araméen ‘aslama qui veut dire « se soumettre. » ‘Aslama, islam, mouslim, même racine : le musulman est un « soumis. »

20 réflexions au sujet de « CHARLIE HEBDO (2) : « NOT IN MY NAME ! » »

  1. Ping : CHARLIE HEBDO (3) : L’IMPASSE DE LA PENSÉE UNIQUE | Une vie à la recherche de la liberté intérieure, morale et politique

  2. nadab

    Après vérification , ce que tout un chacun peut faire, les traduction de la TOB et de la traduction officielle pour la liturgie catholique qui est toute récente sont fort dissemblables.
    J’ai l’habitude de vérifier et de citer mes sources, ce que vous ne faites pas. Et ce n’est pas la première fois que je le constate. Même à mon âge avancé, c’est un héritage universitaire qui ne s’oublie pas.
    Il est fâcheux que vous ne le fassiez pas car cela laisse planer un doute sur l’ensemble de vos travaux.

    Je ne vous dérangerai donc plus, aucune véritable conversation n’étant possible avec vous.

    Répondre
    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Cher monsieur,
      Si j’ai bonne mémoire, notre échange concernait la version des 150 psaumes utilisée dans la liturgie catholique francophone. C’est la version de la TOB à laquelle j’ai participé en 1975 qui a été adoptée alors, imprimée dans les missels et utilisée par les communautés religieuses. Je ne sache pas qu’on en ait utilisé une autre pour cet usage.
      Quant à mes sources, je les cite toujours sauf quand il s’agit d’un roman. Mon dernier essai « Naissance du Coran » comporte 411 notes qui indiquent à chaque fois les sources utilisées dans cet essai.
      Amicalement, M.B.

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  3. Ping : DES MUSULMANS DANS L’IMPASSE : quelques réactions à « Charlie » d’intellectuels musulmans, A. Bidar, G. Bencheikh, S. Aldeeb, M. Talbi. | Une vie à la recherche de la liberté intérieure, morale et politique

  4. nadab

    Désolé de vous contredire mais vous semblez ignorer l’existence et la mise en vigueur de la Nova Vulgata, version Paul VI – Jean-Paul II. Allez donc faire un tour sur le site officiel du Vatican, vous y trouverez la confirmation de ce que j’ai écrit. En revenant, vous pouvez passer par le site de l’AELF.

    Répondre
    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      La « Nova Vulgata » est un de ces objets archéologiques que le Vatican aime mettre en vitrine. Elle ne sert plus de référence nulle part : fort heureusement la référence du texte biblique aujourd’hui pour les catholiques ce n’est pas sa traduction latine vaticane mais l’original hébreu ou grec.
      M.B.

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  5. Lecoq olivier

    Bonjour,
    Peut on dire que Jésus « était Charlie  » avant l’heure et qu’il Il a été tuer pour ça …?
    Cordialement.
    Olivier lecoq.

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  6. Jean Ratte

    Pourquoi « not in my name» et non « pas en mon nom» ? Est-ce que les écoles musulmanes n’apprennent pas le français à leurs élèves ou ont-il honte de parler français.? Si les petits musulmans ne s’expriment même pas en français, la communication va être encore plus difficile. Une langue commune permet de résoudre bien des problèmes.
    Ou bien est-ce encore une manipulation made in UK, un « false flag » mot bien british qui n’existe ps en français ?
    «Mon Nom »est un beau palindrome riche d,ouvertures et de coïncidence des opposés

    Montréal le 09 janvier 13h

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Je suppose qu’ils se référaient aux pancartes brandies par des manifestants américains contre les assassinats de noirs par des policiers blancs.
      M.B.

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  8. Jean Jégu

    Michel,

    Que les musulmans aient à accomplir une lecture critique du Coran ne semble guère faire de doute. Ne pourriez-vous les y aider plutôt que de leur laisser entendre que le Coran est la source de tous leurs ( et nos) maux.
    Ne pensez-vous pas que les textes, quels qu’ils soient, portent toujours la marque de leur époque, parfois de leur histoire. Et nos histoires n’ont pas été écrites, hélas, qu’avec de l’encre. On peut éternellement le regretter ; on peut aussi, sur ce terreau, bâtir un aujourd’hui différent.

    Et aujourd’hui, vous le dites-vous-même « l’arabe du Coran leur est incompréhensible, ce n’est pas celui qu’ils parlent « . L’imam « dit ce que la communauté a envie d’entendre, la communauté entend ce qu’il a envie de lui dire. » Il semble bien que des imams prêchent la paix et la concorde et que donc leurs communautés veuillent entendre parler de paix et de concorde.

    Personnellement je m’en félicite. Il n’y a pas deux catégories d’humains. Au delà de nos différences, nous sommes avec eux des humains. Ne refusons pas la main qu’ils nous tendent ; c’est nous qui manquerions d’humanité.
    J.J.

    Répondre
    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Je ne sais ce que tous les imams prêchent, mais j’ai entendu dire comme vous que certaines mosquées étaient des écoles de djihad. Ceci dit, quoi qu’on prêche, reste le Coran. J’ai publié « Naissance du Coran » pour les (nous) aider à le lire. Mais qui lira mon petit livre ?
      M.B.

      Répondre
  9. Jean Roche

    Peut-être, simplement, leur rappeler ou leur signaler que des tas de gens quittent cette religion (et quand ils peuvent s’exprimer ils n’en disent pas du bien…). Après, à eux de voir.

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    1. nadab

      Ce que vous dites à propos de la lecture des Psaumes est malheureusement vrai et propre au catholicisme. J’ai voulu un jour lire le psaume 137 qui, bien sûr n’est pas de David et contient dans ses derniers versets de si violentes paroles pour exprimer la douleur de l’exil. En émasculant ainsi le texte, on lui fait perdre une grande partie de sa valeur et notamment, les sentiments de haine que peut faire naître l’exil et qu’il faut reconnaître quand nous sommes face à des exilés ou que nous-mêmes sommes appelés un jour à connaître l’exil. Mais cela ne veut pas dire, dans une lecture imbécile, que nous devons occuper nos loisirs à écraser les petits enfants sur les rochers…
      Je ne connais pas l’arabe comme vous et n’ai donc pas d’aptitude à juger le Coran, mais il est probable que des problèmes de lecture analogues se posent pour lui. au demeurant, ils n’ont pas tant à voir avec une étude historico-critique qu’avec une saine capacité d’interprétation de la hiérarchie des normes.
      Cela dit, on ne saurait, dans les évènements actuels oublier la société dans laquelle ils se déroulent. Nous avons plus de policiers, tout de même, qui se suicident que de policiers tués par les terroristes. Les jeunes américains prennent spontanément des armes automatiques pour tuer au hasard. Nos gouvernements sont en quête de moyens pour diminuer les frais occasionnés par la fin de la vie des citoyens.. J’ai entendu récemment qu’on voulait, pour achever d’abrutir les autres de faire une régie du hachich qui rapporterait des sous et créerait des emplois. Dans beaucoup de pays occidentaux, la natalité décroît , J’arrête mon énumération, vous la continuerez facilement.
      Alors, dans un tel contexte, pourquoi pas le prétendu jihad qui offre l’avantage de passer à la télévision. Sous ce rapport, il semble que nos assassins étaient déjà un peu connus…Pas assez, sans doute.

      Cela dit, nous sommes en guerre. Il ne faut pas interpréter séparément ces crimes, l’envoi de bateaux chargés de réfugiés, destinés, les pauvres, à déstabiliser nos sociétés et leur contre-coup voulu, les manifestations allemandes.

      Le temps est à la lecture du livre de Céphania le prophète.

      Répondre
      1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

        En 1975, j’ai été l’un des 4 qui ont traduit le psautier pour les catholiques francophones (c’est la version qu’ils entendent à la messe). On a dû mettre des crochets aux appels à la violence de nombreux psaumes. J’aurai voulu qu’ils soient maintenus. Ou alors (et je l’ai proposé) qu’on expurge le psautier de tout ce qui rappelle le messianisme. Impossible, bien sûr.
        M.B.

        Répondre
        1. Jean-Marie

          Pour notre culture pourriez-vous en dire plus sur

          j’ai été l’un des 4

          SVP. Merci

          PS. Vous considérez bien que David comme Salomon ne furent d que des mini-roitelets « légendairisés » ?

          Répondre
          1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

            1- En 1974/75, les évêques français ont confié à 4 experts la tâche de finaliser la traduction officielle pour la francophonie des 150 psaumes. Il y avait Paul Beauchamp s.j., Marina Manatti, Jacqueline F. Frié et moi. Nous traduisions, à partir de l’hébreu, 80 versets par jour en moyenne.
            2- David, petit roitelet local, oui. « En revanche son fils, Salomon, a été un grand roi » etc., (re)lisez « Naissance du Coran » page 14.
            M.B.

            Répondre
            1. nadab

              Heureux d’apprendre que les psaumes avaient, dans ce cas, été traduit depuis l’hébreu, quoique fût maintenue la numérotation de la Septante, ce qui n’a pas grande importance.
              Cependant, le texte de référence de l’Église romaine reste la « Nova Vulgata ». C’est à partir de ce dernier texte qu’a été établie la récente traduction dite liturgique de la Bible qui aurait réuni, cette fois-ci, quelques soixante-dix experts… Comme les témoins de Jéovah, l’Église romaine a ses propres textes et au fond, je ne sais pas si les Écritures comptent tant que cela pour elle qui est surtout imbue de sa tradition.

            2. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

              Non, la traduction liturgique officielle catholique des psaumes est celle que nous avons faite, et qui a été reprise dans la TOB.
              La « Nova Vulgata » confiée par Pie XII à l’abbaye San Girolamo de Rome fut un coup d’épée dans l’eau. J’en parle un peu dans mon roman « Le secret du treizième apôtre ».
              M.B.

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