LA TYRANNIE DES APPARENCES ET LA VIOLENCE : LES MYSTIQUES ONT-ILS QUELQUE CHOSE A NOUS APPRENDRE ? (Conférence à Paris)

Où se nichent les racines de la violence ? Alors qu’elle monte partout autour de nous, les mystiques ont-ils quelque chose à nous apprendre ?

I. Les premières traces d’Homo Sapiens montrent quelque chose d’étonnant : ils rassemblaient les ossements de leurs défunts en un même lieu – alors que les restes des animaux sont éparpillés dans la nature. Yves Coppens pense que c’est à cet indice qu’on détermine le seuil qui sépare les grands singes des hominidés : la conscience qu’il y a quelque chose après la mort, puisque les humains collectent leurs dépouilles dans la conscience confuse, non-formulée, de ce « quelque chose ».

II. Platon et la caverne

En Occident il va falloir attendre Platon pour que cette conscience vague soit formulée dans sa fameuse « parabole de la caverne ». Nous sommes enchaînés, dit-il, dans une grotte obscure, le dos tourné à l’entrée. Jamais nous n’avons vu la source de la lumière qui nous parvient depuis l’ouverture. De la réalité du monde extérieur nous ne connaissons que les ombres, projetées par cette lumière sur le fond de la caverne. Si l’un de nous est libéré de ses chaînes et va jusqu’à l’entrée de la caverne, il sera d’abord ébloui par la lumière et par la réalité du monde qu’il découvre. Revenu auprès de ses compagnons, il ne trouvera pas les mots pour leur dire ce qu’il a vu, pour leur communiquer son expérience toute nouvelle de cette réalité. Les malheureux ne pourront pas comprendre ce qui lui est arrivé, ils le recevront très mal et  refuseront de le croire.

III. La mystique et le mystère

Avec Platon se trouve posée l’interrogation qui va parcourir toute l’histoire de l’humanité, depuis ses grands penseurs jusqu’aux plus humbles : y a-t-il quelque chose au-delà de ce que nous percevons par nos sens ? Au fil des siècles la quête de l’au-delà des apparences s’exprimera de façon multiple, scientifique, morale, sociétale, artistique. Elle trouvera son expression la plus aboutie dans le courant mystique.

Le mystique (1) cherche à percer ce qui se trouve au-delà des apparences. Le mot est de la même famille que mystère, du verbe grec muéô qui signifie « initier ». La voie mystique, initiation à une réalité transcendante qui échappe au sens commun, est de l’ordre du contact, de la perception et de la communication non verbale. Elle semble donc réservée à une minorité qui adopte un autre moyen de communication que celui du langage.

En Grèce et en Asie Mineure fleurissaient des cultes à mystères (Isis, Éleusis, Dionysos, Mithra) dont l’accès était réservé aux initiés à travers des rites gardés secrets. Ils étaient à l’opposé du judaïsme, pour qui Dieu se révèle visiblement à travers la création – ces « cieux qui racontent la gloire de Dieu ». Pour un Juif, la nature familière est à la fois révélation divine et oppression, puisqu’elle est aussi le théâtre de forces maléfiques en action. Une nature inquiétante qui voile autant qu’elle dévoile. Une création prisonnière des enchantements de forces magiques, à la fois positives (divines) et négatives (démoniaques) qui la traversent et  s’affrontent à nos dépends.

Le juif Jésus a pris le contre-pied de cette méfiance en désenchantant la nature. Il posait sur elle un regard qu’on pourrait qualifier de positiviste ou ‘’laïc’’. Pour lui elle n’est le théâtre d’aucun combat caché entre le Bien et le Mal, elle n’est que le lieu que nous habitons. Et il la réenchante en faisant d’elle le décor vivant des deux démarches simultanées, divine et humaine, qui se cherchent et aspirent à se rencontrer. Certes nous dominons la nature mais nous en faisons partie, nous la prolongeons en quelque sorte comme le support vivant dans lequel se situe à la fois notre combat et l’action divine. La nature n’était plus ‘’enchantée’’ mais sacrée : par là Jésus adoptait une attitude écologiste avant l’heure.

Paul de Tarse n’a rien repris de cet enseignement naturaliste de Jésus, mais il a fait de larges emprunts aux cultes à mystères d’Asie Mineure. À partir de lui, le contact avec l’Invisible s’effectuera à travers des gestes matériels, des sacrements comme le baptême ou le repas communautaire sacré. C’est en parallèle à cette discipline qu’il a vécu une expérience mystique exceptionnelle dont il parle rarement, presqu’en s’excusant, car elle s’écarte de la voie sacramentelle qu’il prescrivait par ailleurs à ses fidèles. Il y a donc chez Paul une espèce de schizophrénie, d’un côté la vie ecclésiale qu’il organise et de l’autre sa vie mystique personnelle, individuelle, qui échappe à toute norme. À sa suite l’Église qu’il a fondée se méfiera toujours des mystiques, elle les tiendra à l’écart ou les condamnera.

IV. Mystique et beauté

C’est donc en franc-tireur que le courant mystique chrétien s’est développé chez ces marginaux de l’Église que furent les premiers moines des déserts d’Égypte et du Proche-Orient. Avides d’expérimenter, ces pionniers étaient le plus souvent illettrés. Ce sont des érudits comme Grégoire de Nazianze qui vont les premiers formuler et enseigner la quête mystique de l’au-delà des apparences.

« Ô toi, l’au-delà de tout, écrit Grégoire, comment t’appeler d’un autre nom ? Aucun mot ne t’exprime, aucun esprit ne te saisit. Seul, tu es inconnaissable. Tout les êtres te célèbrent, ceux qui pensent et ceux qui ne pensent pas. Ceux qui savent lire ton univers font monter vers toi un hymne de silence ». On retrouve ici l’intuition biblique – la nature est un langage de Dieu – et l’incapacité du langage à traduire l’expérience mystique : Dieu est connu comme inconnaissable.

Une génération plus tard s. Augustin s’exprime autrement. Il écrit ; « Bien tard je t’ai aimé, ô beauté si antique et si nouvelle ! » Rappelons que la beauté était l’une des catégories de l’être chez Platon. S. Augustin est un néo-platonicien, il cherche la plénitude divine dans la beauté. Et il lui oppose la vacuité des apparences : « Elles me tiennent éloignées de toi, toutes ces beautés qui, si elles ne sont pas en toi, n’existent pas ».

Avec l’esthétisme d’Augustin, la mystique occidentale prend un tournant décisif. Catégorie universelle de l’être, la beauté est perceptible par tous : l’expérience de l’au-delà des apparences n’est donc plus réservée à une petite élite d’initiés, tout être humain est capable de percevoir la beauté des choses ou des êtres et d’en jouir. Cette perception est immédiate, au-delà du langage, des formulations dogmatiques, des rites et des sacrements.

Augustin a baptisé la Bible (« Les cieux racontent la gloire de Dieu ») dans l’eau vive de la philosophie néo-platonicienne. Cette intrusion de l’hellénisme va profondément marquer le courant mystique médiéval qui s’exprimera avec bonheur dans l’art roman et gothique. La nef de Vézelay, le portail de la cathédrale de Reims nous en disent plus sur ce qu’est l’Homme en quête d’invisible que tous les discours théologiques.

Mais les théologiens n’aiment pas ce qui leur échappe, ils vont donc s’employer à écrire et diffuser des « Traités de théologie mystique » dans lesquels, peu à peu, la beauté cèdera le pas à la morale, l’intuition au Discours de la Raison Un deuxième âge de la mystique occidentale commençait, orienté vers l’ascèse et la souffrance.

V. De la beauté à la souffrance

C’est peut-être François d’Assise qui témoigne de ce tournant, avec sa dévotion pour la Passion du Christ. Comme la beauté, la souffrance est une catégorie universelle puisque tous nous la connaissons et l’éprouvons. À la fin du Moyen-âge elle deviendra une participation à la souffrance du Dieu fait homme. La théologie l’emporte définitivement sur l’intuition de la beauté, les crucifix seront de plus en plus sanguinolents, la dévotion de plus en plus triste et parfois macabre. Jean de la Croix insiste sur les ténèbres de l’âme, Thérèse d’Avila rêve au martyre et dans le Paris du XVIIe siècle la Couturière Mystique écrira : « Ô Dieu, donnez-moi des larmes de sang ! ». La beauté était accessible à tous, la douleur est subie par tous : la souffrance se substitue au bonheur contemplatif, changement radical de paradigme.

Le dolorisme marque désormais la mystique occidentale. Le curé d’Ars s’inflige de terribles pénitences et la dernière grande mystique française, mère Yvonne-Aimée de Malestroit morte en 1951, appelle et désire la souffrance comme un chemin privilégié pour parvenir à l’au-delà des apparences.

Alors ? La mystique, communion à la beauté ou bien souffrance initiatique ? Quoi qu’il en soit de ces deux cheminements, la mystique reste une expérience incommunicable et intransmissible que les mots ne peuvent pas dire de façon adéquate. Les mystiques ne cherchent pas à expliquer. Dans le scepticisme et  l’incrédulité générale, ils témoignent de leur expérience vécue.

VI. L’Orient, soufisme et bouddhisme

Au Moyen-âge s’est épanoui dans le monde musulman un puissant courant mystique, le soufisme qui est allé chercher un peu partout son inspiration. Chez Platon d’abord : « Tout ce que l’on voit dans le monde visible est comme un reflet du soleil de ce monde » (2). Chez Augustin : « Donne-moi, Seigneur, le sens de la beauté ! » (3) ou encore « Si souvent je me suis montré à toi, et tu ne m’as pas vu ! Si souvent j’ai été parfum, et tu ne m’as pas senti ! Nourriture, et tu ne m’as pas goûté ! Pourquoi ne puis-je pas t’atteindre à travers les objets ? » (4) Mais aussi dans la gnose d’origine chrétienne ou perse. Bref, le soufisme a grappillé ses éléments dans la mystique de l’Antiquité. Il arrive que les Soufis citent le texte du Coran, mais c’est toujours pour illustrer une expérience mystique préalable, préexistante. Le Coran n’a jamais été à l’initiative de la mystique soufie, et l’islam a toujours persécuté les Soufis comme déviant du Chemin d’Allah.

Plus de mille ans auparavant, c’est sa découverte de la souffrance universelle qui a mis le Bouddha Siddhârta en marche vers l’Éveil. Il a compris que le désir provoque la souffrance, que pour échapper à la souffrance il faut cesser de désirer. Il y parvient par la méditation, discipline de l’esprit qui lui permet d’échapper à la tyrannie des pensées comme des apparences pour parvenir à l’anatta, le Rien. Sachant qu’il n’est plus rien et l’expérimentant dans la méditation, il s’élève dans l’échelle des êtres jusqu’à parvenir…

Mais parvenir à quoi ? Parvenir, dit le Bouddha, au monde de l’absence de perception peuplé de Devas, des êtres qui ont réalisé le Rien et ne connaissent plus ni le désir ni la souffrance – puisqu’elle n’a plus d’objet. C’est là, me semble-t-il, la grande faille du bouddhisme : car l’absence de souffrance est-elle le bonheur ? Dans sa quête du ‘’Rien’’ Siddhârta édifie un magnifique palais, mais ce palais est vide de présence. Ne plus connaître ni désir ni souffrance, ce n’est pas le bonheur auquel nous aspirons. Certes, la méditation nous conduit au-delà des apparences, mais les personnes que nous sommes n’y rencontrent rien de personnel. La transcendance du bouddhisme est vide, un néant glacial dont l’amour semble absent.

VII. Aujourd’hui, où en est-on ?

Le catholicisme officiel a parfois canonisé ses mystiques, mais il n’a jamais su les intégrer pleinement dans son enseignement. Il est resté attaché à des sacrements que beaucoup pratiquent comme des rites magiques et communautaires, efficaces par eux-mêmes. Alors que la rencontre de l’Invisible est une démarche personnelle et intime, qui se situe au-delà des rites et de leurs formulaires.

Bien sûr beaucoup de catholiques y trouvent leur chemin, mais l’Église ne les aide pas à dépasser les rites pour aller vers ce qu’ils signifient. Alors certains croyants se dirigent vers un évangélisme débridé, sectaire, déconnecté de toute structure intellectuelle. Une ‘’foi du charbonnier’’ soumise aux émotions, où l’intuition n’est plus canalisée par les acquis du passé, c’est-à-dire par l’expérience solide et éprouvée des grands mystiques de la tradition.

À part une minorité de gens qui se souviennent de leur éducation catholique, la majorité des Français ne croit plus à rien. Ils sont déboussolés devant le retour en force de l’islam. Or ce qui est frappant dans l’islam, c’est son absence d’espérance. Il tient cela du Coran, texte apocalyptique qui décrit un monde fracturé en deux, ceux qui sont soumis à Allah et les autres. Entre ces deux portions d’humanité, le Coran prescrit une guerre commandée par Allah lui-même. Une guerre d’extermination, sans merci. Et cet Allah qui instaure le Djihad comme règle de vie, il est lointain, miséricordieux dans les mots mais terrifiant dans les faits. Le Coran ne cherche pas à dépasser les apparences, il les soumet à son autorité par la violence et par le sang.

Aujourd’hui, qu’est devenue l’aspiration à la beauté ? Comment négocier avec la souffrance omniprésente ? Jésus, dit l’évangile, était « ému jusqu’aux entrailles en les voyant comme un troupeau sans pasteurs ». Un troupeau informe et douloureux, c’est bien ce à quoi nous ressemblons aujourd’hui.

L’astrophysique nous offre des connaissances et des perspectives exaltantes, totalement nouvelles dans l’histoire de l’humanité. Jamais nous n’avons vu aussi loin dans l’espace, et jamais nous n’avons autant vécu les yeux rivés sur la pointe de nos chaussures.

Pourtant l’aspiration vers l’au-delà des apparences n’a pas disparu des consciences. On le voit jusque dans la rue, où elle s’exprime dans une contestation sociale, politique, écologique, à la fois désordonnée et violente.

-a- Contestation désordonnée, parce que rien ne la structure. On veut obscurément ‘’autre chose’’ que ce qui est, on veut que tout change, on désire ardemment un ‘’autre monde’’ à la fois écologique, sociétal et social. Un monde où la richesse serait équitablement partagée, la planète sauvegardée, la personne humaine libre de ses choix et respectée. Pour tenter de rencontrer cette aspiration confuse, une espèce de « religion laïque » est prônée par des gens comme André Comte-Sponville, Michel Onfray ou Régis Debray. Mais leur programme, vague et utopique, ne parle qu’au petit monde parisien. Il se heurte à une réalité inchangée depuis l’origine des sociétés : égoïsme de tous, accaparement du pouvoir par quelques-uns, course folle vers le profit, épuisement de la planète – bref, c’est l’immuable tyrannie des apparences.

-b- Contestation violente, parce que la parole n’a plus de poids et parfois plus de sens. Quand on ne parle pas le même langage, quand on ne se comprend plus, on s’exprime par la violence qui est la parole des sans-voix et des sans-dents. L’instinct remplace la réflexion, les pulsions élémentaires prennent la place de la raison. Reste la jalousie, l’envie, l’aigreur, la hargne, la haine : le mouvement des ‘’Gilets Jaunes’’ témoigne de cette impasse.

La mystique empruntait les chemins de l’irrationnel pour se projeter au-delà des apparences : mais elle était guidée par la certitude de trouver, par-delà le visible, un Invisible significatif et nourricier. C’est volontairement que le mystique abandonnait son identité sociale et son confort pour s’enfoncer dans le vide du désert. Il se dépouillait librement pour trouver du sens, la perspective d’une élévation au-dessus de lui-même, l’espoir d’une rencontre indicible avec le divin. Au terme il trouvait une joie secrète, profonde, qui illuminait sa vie. Tandis qu’ayant rompu avec leur passé, nos contemporains ont le sentiment de n’avoir plus d’identité, d’avoir été dépouillés malgré eux de leurs conforts intellectuels, moraux et matériels. Et de s’avancer, nus et tremblants de froid, vers un vide de sens, de perspectives, d’avenir et d’espoir. Au terme c’est la tristesse, le découragement, la dépression. Et la violence, qui naît de cette absence de sens et de perspectives.

Comme il voyait loin, De Gaulle « ressentait vivement que l’agonie de la France est née de son impuissance à croire en quoi que ce soit. Si notre civilisation, disait-il, n’est pas la première qui nie l’immortalité de l’âme, c’est bien la première pour laquelle l’âme n’ait pas d’importance. Aucune civilisation ne peut vivre sans valeur suprême, ni peut-être sans transcendance. Je veux bien qu’une civilisation soit sans foi, mais je voudrais savoir ce qu’elle met à sa place » (5)

Que trouvons-nous aujourd’hui sur le marché ? Le bouddhisme, luxe de bobos ? L’islam qui fait peur ? Le catholicisme ? Il a ouvert autrefois l’horizon de l’au-delà des apparences, mais ayant oublié sa raison d’être – l’accès aux mystères cachés – il est aujourd’hui à la fois muet et inopérant. Le « mouvement Jésus », né aux U.S.A., est porté: en Europe par des chercheurs dont je fais partie et qui n’ont pas d’audience dans leur société aveugle et sourde.

La tyrannie des apparences s’est donc installée, source de souffrances et de conflits toujours plus violents. Les politiques ne savent pas gérer cette violence et ouvrir des fenêtres d’espoir, parce qu’ils sont incapables de proposer à ceux qui l‘exercent un horizon de dépassement. Alors le seuil de la violence augmente chaque jour. On s’y habitue, elle devient banale, nous l’acceptons comme une fatalité inévitable, nous apprenons à vivre avec.

« Anne, ma sœur Anne, du haut de ta tour, dans la campagne désolée ne vois-tu rien venir ? »

                                                M.B., conférence au ‘’Cercle Renan’’, 18 janvier 2019.
(1) Voir dans ce blog les articles au mot-clé « mystique »,la catégorie « Au-delà des apparences ». et l’article précédent, RETOUR DE LA VIOLENCE (en jaune)
(2) Mahmoud Shabestari, Soufi iranien, XIIIe siècle.
(3) Mousa Cassim, Soufi bosniaque, XIXe siècle.
(4) Ibn ‘Arabi, Soufi à Damas au XIIe siècle. On reconnaît là un pastiche du fameux Sero te amavi, pulchritudo tam antiqua et tam nova de s. Augustin : « Si tard je t’ai aimé, Beauté ancienne et nouvelle ».
(5) Dans Les chênes qu’on abat, publié par André Malraux en 1971 (Gallimard)
Cette conférence a été suivie d’un échange. Voici quelques-unes des questions qui ont été débattues :
« Pour l’Occident, notre époque est bien moins violente que par le passé. La violence a changé de forme »
« Nous sommes en train de passer de la religion à la spiritualité. Est-ce la fin des Églises ? »
« L’approche mystique (au sens large) apprend à penser et vivre par soi-même. Mais alors, une conscience collective peut-elle se dégager ? »
« Y a-t-il une autre approche de l’au-delà des apparences que la mystique ? »
« Il faut savoir pourquoi on choisirait le catholicisme plutôt qu’une autre religion. Pour la place qu’il fait à la raison ? »
« Si le langage est impuissant à transmettre notre expérience (mystique ou autre), quelle passerelle entre les textes et nous ? »
« Le catholicisme est le seul à donner à la souffrance une valeur positive »

 

16 réflexions au sujet de « LA TYRANNIE DES APPARENCES ET LA VIOLENCE : LES MYSTIQUES ONT-ILS QUELQUE CHOSE A NOUS APPRENDRE ? (Conférence à Paris) »

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  5. BOUTRY pierre

    « Les politiques ne savent pas gérer cette violence et ouvrir des fenêtres d’espoir, parce qu’ils sont incapables de proposer à ceux qui l‘exercent un horizon de dépassement » je pense que vous avez tort de généraliser cette prise de position à tous les groupes politiques . Il est vrai que la fin des idéologies n’aide pas à clarifier une perspectives de dépassement comme vous dites. Mais l’époque a changé, le besoin de démocratie évolue dans ses formes d’expression et les programmes politiques du moins ceux qui existent, sont plus nuancés et élaborés de façon plus participative. Lisez l’Avenir en commun et vous verrez sans qu’il soit besoin d’y adhérer complètement qu’il y a une vraie vision qui n’est pas seulement politique. Vous semblez ignorer la lutte des classes qui est pourtant bien réelle et si on ne peut qu’apprécier les trois premiers quarts de votre texte mon cher Frère, le dernier quart est illusoire quant à la transposition qu’il entend faire vers la réalité. La réalité c’est la violence d’un pouvoir politique au service de cinq pour cent de la population, autiste à toute revendication d’économie morale (je ne parle même pas d’économie des communs) et faisant un usage disproportionné de la force. C’est la violence d’un capitalisme financiarisé numérisé et mondialisé qui abrutit martyrise et écrase le peuple.
    Je n’ai rien contre la voie mystique même si je pense que la voie initiatique est préférable. J4imerais en savoir plus que le mouvement Jésus qui peut aussi être pour des croyants un vrai ressourcement. Merci de nous en dire plus et de donner des références de lecture. Bien à vous Pierre

    Répondre
    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Merci. En effet, la violence est d’abord celle d’une société capitaliste dénuée de tout idéal autre que le profit. Sur la planète, les politiques semblent impuissants à répondre à cette violence. Il m’a paru intéressant de placer la réflexion sur un autre plan, celui de la transcendance pour laquelle nous sommes faits (?).
      Sur le « mouvement Jésus », voyez dans ce blog les articles dans la catégorie « La question Jésus » ou mon livre récent « Jésus, mémoires d’un Juif ordinaire ». Mais c’est dans « l’évangile du 13e apôtre » que vous trouverez les références des principaux chercheurs du « mouvement Jésus ».
      Bonne route, M.B.

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    2. Francis Kretz

      Bonjour Monsieur,

      J’ai lu avec grand intérêt, du moins s première moitié, votre article sur la violence et les mystiques, suite à votre conférence à laquelle je n’avais pu assister. C’est clair et fluide. Il n’est pas très étonnant que les mystiques, y compris les soufis, aient été rejetés par les institutions religieuses, ils n’ont simplement pas besoin des médiateurs qu’elle imposent, prêtres, imams ou rabbins.

      Mais, si les chapitres I à V, et le début du chapitre VI, sur le soufisme, m’ont apporté une vision qui m’a plu, la partie du chapitre VI ensuite sur le bouddhisme reflète une vision occidentale pour ne pas dire un biais judéo-chrétien qui a certes pu être classique mais qu’il vous faudrait actualiser. Il y a d’excellents livres sur le sujet. L’anatta (anatman en sanscrit) n’est en rien le Rien. Ni le ‘néant’, notion de philosophie occidentale récente qui est un contre-sens. Dans le bouddhisme, on parle de vacuité (sunyata). Et l’éveil (bodhi, nirvana) n’est en rien une recherche du vide selon la représentation usuelle en Occident mais fausse pour qui a un tant soit peu pratiquer la méditation sans objet qui est plutôt une conscience de sa présence, un plein de présente, et non un « vide de présence » comme vous l’écrivez. Bouddha a découvert les souffrances de son monde (les mêmes qu’aujourd’hui !) et par l’introspection, il a trouvé le moyen, la méthode, pour s’en libérer : l’éveil, bodhi. Je ne vois pas la faille que vous voyez au bouddhisme ! « L’absence de souffrance est-elle le bonheur ? », questionnez-vous. Je ne sais à quel bonheur vous aspirez (vous dites ‘nous’, quel ‘nous’ ?), je reste perplexe de cette vision. Et le summum de contre-sens est dans votre dernière phrase sur le sujet : « la transcendance du bouddhisme est vide, un néant glacial dont l’amour semble absent ». Il ne l’est pas du tout, vide comme signalé juste ci-dessus, et le Bouddha, bien avant Jésus est compassion. Et en particulier le bouddhisme du grand véhicule.

      Au chapitre VII, votre discours sur l’islam m’a paru bien caricatural. Les articles que je lis de musulmans non radicaux ne me donnent pas du tout votre vision exclusive et radicale dans l’autre sens. Je n’ai pas compris de l’islam qu’il y avait une ‘absence d’espérance’ non plus.

      J’ai (enfin) trouvé à la toute fin de votre article la réponse à votre bonne question du titre, du moins votre réponse, je cite :  » s’enfoncer dans le vide du désert [avec] l’espoir d’une rencontre indicible avec le divin ». Vous critiquez le mouvement social actuel qui ne propose rien (certes pour le moment), pour tomber dans le même piège. La violence est plutôt triste, son enjeu mérite mieux que de critiquer par le mépris ces, je cite, « sans-voix et sans-dents ». Par ailleurs, sociologiquement, il est connu que la violence diminue et non l’inverse. Mais bon. Les médias sociaux et les médias tout court amplifient les choses comme jamais avant.

      Non, franchement, heureusement que d’autres arrivent mieux à conjuguer philosophie et politique ! La seule solution est dans le respect des autres, et l’amour, la recherche de la compréhension de la société, y compris du fait religieux, et de toujours chercher et proposer du positif. L’Humanité le mérite et n’attend que cela. Il me semble.

      Francis Kretz, pour ce qui nous concerne ici, conférencier sur les philosophies de vie du zen et du dao, et des résonances de leurs représentations du monde avec celles de la physique moderne. Membre actif du Cercle Renan. Un article de philosophie sur « immanence & transcendance ? » dans le dernier Cahier Ernest Renan paru (novembre 2018).

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      1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

        Merci de ces critiques, auxquelles je réponds rapidement
        1- Après avoir rencontré le bouddhisme dans le Vajrayana, et aidé par mon ami Matthieu Ricard, je me suis orienté vers le Théravada qui me convenait mieux. J’ai passé un an à travailler le Dighâ Nikâya, surtout le Satthipathânna Sutta. Résumer cela en 1 phrase comme dans l’article en question, c’est forcément passer à côté ! Ce que j’ai voulu dire, c’est que l’anatta, au terme du 4° Jhannâ, ne mène pas à une Présence mais à une conscience de soi (du rien en soi). Les mystiques en revanche ont toujours + ou – conscience d’aboutir à une Présence, et au dialogue avec cette Présence autre qu’eux-mêmes. Je sais que tous ces mots sont courts.
        2- Je ne parle pas de l’islam, au sein duquel se trouvent des intellectuels libéraux ouverts, mais du texte du Coran. Lisez mon essai sur ce sujet , « Naissance du Coran » !
        3- La violence physique diminue sur la planète ? Cf les millions de personnes déplacées, fugitives, boat-people ou émigrants forcés. Et la violence mentale, amplifiée sous la loupe les médias ?
        4- Cette conférence était plus un cri du coeur qu’une tentative pour « conjuguer philosophie et politique », exercice qui dépasse mes moyens.
        Mon cri du coeur a touché le vôtre : banco !
        Amicalement, M.B.

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  6. Castel

    Michel, je reviens sur les questions que j’ai esquissées lors de la conférence:
    – Comment un mystique peut-il associer son expérience mystique, de l’ordre de l’ineffable, et un texte sacré, de l’ordre de la parole, et même de l’écrit par des tiers ? Comment une communication mystique avec un être peut-elle associer cet être ineffable à un personnage que nous ne connaissons que via des textes ?
    – La mystique ignore le langage, elle est ineffable. En cela elle se place en dehors de la transmission : donc en dehors de toute religion ?
    – Cette ignorance du langage, de la transmission n’est-elle pas inquiétante, suspecte, dans la mesure où le langage, la transmission, la culture est ce qu’il y a de spécifiquement humain dans l’homme ?
    – Cette ignorance du langage, de la transmission ne rejoint-elle pas le rejet « des élites » qui caractérise le populisme ?
    De : MICHEL BENOIT

    Répondre
    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      1- Le texte (« sacré », poétique ou autre) sert de tremplin. On lit un passage, et il vous « parle ». Alors on l’abandonne, sous sa poussée on s’enfonce dans un silence habité par son écho. Le secours d’un texte est utile tant qu’on n’a pas atteint le silence permanent des pensées, qui est décrit par les grands mystiques.
      2- Si ce personnage est vivant, la question ne se pose pas. Il faut seulement « savoir » que l’au-delà est peuplé de vivants, puisque la mort n’existe pas.
      3- Oui, absolument. La démarche mystique est universelle, beaucoup l’empruntent hors religion. Je dirais même que la sujétion aux religions l’entrave.
      4- Absolument, et c’est pourquoi les religions se méfient de leurs mystiques. S’écartant du confort d’une religion et de sa sécurité, la démarche mystique est périlleuse : l’auto-suggestion et les démons sont à la porte. D’où la nécessité de fréquenter les écrits des grands mystiques qui ont emprunté ce chemin escarpé.
      5- Oui, mais le mot « populisme » ne s’applique pas aux religions. Il faut le remplacer par le mot « dogmatisme ».
      M.B.

      Répondre
  7. Lucien M. Martin

    Votre texte est tout à fait remarquable. Je craindrais de ne faire que le paraphraser en le commentant. Je me contente de deux observations ou réflexions à sa lecture.

    Tout d’abord, votre rappel de la caverne de Platon, première formulation de la « conscience vague » de ce « quelque chose après la mort ». Nous voilà au cinquième siècle avant J.C. Me revient en mémoire l’étude au titre insolite de Julian Jaynes, psychologue américain qui a étudié à Harvard et Yale et enseigné à Princeton : « La naissance de la conscience dans l’effondrement de l’esprit bicaméral » PUF, Questions. Avec un appareil sémantique, historique, physiologique, etc, il met en évidence que peu avant la même époque, des traces montrent qu’il s’est passé là quelque chose de sans doute transcendant : l’apparition de la conscience, telle que nous l’entendons aujourd’hui chez l’homme et que je caractériserais par le libre arbitre et l’intuition ; les autres éléments de la conscience peuvent n’être que neuronaux. De manière très convaincante, il montre notamment que l’homme de l’Iliade avait quelque chose d’un robot, ne montrait guère d’esprit critique, tandis que celui de l’Odyssée, un siècle environ plus tard, a plus d’esprit critique et de « conscience ». On est alors vers le 8ème siècle. Vers la même époque, est écrite la Bible. Et, à l’époque moins imprécise de Platon, apparaissent les premiers grands philosophes et « scientifiques », tels Démocrite (5ème siècle avJC), qui ont conçu l’atome, p. ex. ou ont vu la terre sphérique (Hipparque, plus près de nous, il est vrai, 2ème siècle av JC) et tournant autour du soleil (Aristarque, 3ème siècle av JC, avant …Copernic, 16ème siècle après JC).

    Il s’est passé quelque chose d’extraordinaire durant ces quelques siècles, qui a fondamentalement changé l’homme, la « naissance de la conscience ». Je me prends parfois à penser que ce pourrait bien être là le moment véritable de la création (envisagée sous l’angle de l’apparition des « Fils de Dieu »).

    Ma seconde observation sera bien plus brève. Elle concerne la relation entre la beauté et l’esprit, et Dieu. Je la crois bien réelle. Comment commenter ce sentiment que j’ai parfois, en écoutant certaines œuvres musicales exceptionnelles (plus que tout autre œuvre artistique, d’ailleurs), d’entendre une voix divine. Et, pour moi alors, c’est plus et mieux qu’une métaphore.

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Merci de cette riche « paraphrase » ! Oui, il y a des tournants dans l’humanité, et le Ve siècle est l’un de ces tournants. Le tournant amorcé par Jésus au 1er siècle est tout aussi capital, bien que plus discret : donner un nom à cet « au-delà » des apparences, un nom qui ne soit pas nominal mais relationnel, Abba. Vous trouverez cela détaillé dans « Jésus, mémoires d’un Juif ordinaire », présenté dans ce blog.
      Quand à la musique, elle est ce qu’il y a de plus approché de « Dieu », puisqu’elle transmet au-delà des mots. D’ailleurs, dans toutes les traditions et la juive, le « ciel » est peuplé d’anges musiciens et d’harmonies célestes.
      Quand nous nous y retrouverons, vous m’aiderez à déchiffrer les partitions !
      M.B.

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      1. Jean-Marie CHUCHTIMI

        Très sérieux : ce sont, pour vous, des anges avec ou sans ailes …. pour ne pas parler de leur sexe ? .

        Les anges sont-ils une catégorie pensante à part conçue par l’Ineffable ou est-ce « simplement » des êtres qui, entre deux incarnations, voire à l’issue de la toute dernière, rendent altruistement des services ou suggèrent des intuitions à leurs semblables incarnés.

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        1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

          Toutes les civilisations anciennes (chamanisme y compris) ont la notion d’anges. Des créatures immatérielles (elle échappent donc à nos sens matériels) qui font la liaison entre l’au-delà et nous. En grec, « angelos » signifie envoyé/messager.
          J’ai nié l’existence de tels être jusqu’à une époque récente. Et puis j’ai travaillé la question, et surtout j’ai expérimenté leur présence.
          Non, ne m’envoyez pas l’adresse d’un psychiatre. Expérimentez, et vous en reparlerez.
          M.B.

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  8. Jean-Marie CHUCHTIMI

    Sauf erreur évidemment, pas plus qu’il n’y a eu de péché original, puisqu’il n’y a pas eu d’Adam et Eve, nous ne sommes pas pécheurs et n’av(i)ons donc pas a être rachetés sur le tau ou la croix par l’unique Fils de Dieu le Père et Dieu lui-même, sur la base d’une souffrance positive et rédemptrice, voire d’une acceptation tout aussi rédemptrice d’une unique désincarnation.

    Nous serions plutôt des diamants bruits appelés à s’auto-ciseler à notre forcément libre vitesse, avec peut-être même des défauts de tailles dus à des régressions, incarnation après incarnation sur cette planète Terre ou divers autres sous le regard aimant de notre Ineffable Source et Finalité au sein duquel nous finir(i)ons par retourner « un jour ».

    Si ce qui précède est plutôt conforme à la réalité, les mystiques chrétiens croyant au discours officiel depuis l’annonce de l’ange Gabriel jusqu’à l’Ascension, en passant par tout le reste de la « légende », étaient à côté de la plaque et les stigmates de la crucifixion sont/seraient le fruit de leur « formidable » volonté humaine (aux pouvoirs peut-être pas encore tous connus en 2019), comme le seraient les miracles de Lourdes entre autres.

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      1- Jésus se situe dans la tradition prophétique juive pour laquelle les prophètes donnaient leur vie « pour la multitude » (idée de péché originel/rédemption absente chez lui, + tardive)
      2- Lisez les mystiques chrétiens : ils partent des dogmes de leur enfance et les dépassent dans leur expérience sans guère s’y référer.
      3- Stigmates : l’hypothèse d’une auto-suggestion ne résiste pas à l’analyse scientifique.
      Merci, M.B.

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