Si le socialisme ça marchait, je serais socialiste depuis longtemps. Vous aussi sans doute, et toute la planète.
Le travail et les richesses équitablement partagés, la fin des patrons rapaces, le pouvoir à ceux qui produisent et non aux fainéants qui en profitent, une société où chaque individu – devenu centre du monde – serait récompensé en fonction de ses mérites. Où l’État assisterait les plus faibles au lieu de laisser l’impitoyable sélection naturelle les engloutir… Qui refuserait ce merveilleux programme ? Aucun être humain digne de ce nom.
Or – c’est l’historien qui parle – le socialisme, ça ne marche pas.
Hélas.
Le christianisme, antisocial ?
La première tentative de socialisme intégral nous est bien connue, c’était à Jérusalem, peu de temps après la mort de Jésus. Les disciples, autoproclamés apôtres, décidèrent que les adeptes de la nouvelle religion mettraient tout en commun. L’échec fut tel, qu’il fallut d’urgence organiser dans l’Empire une collecte de fonds pour soutenir la communauté de Jérusalem en faillite. Et l’on vit naître un clergé, les anciens pêcheurs du lac, dont le niveau de vie s’éleva brusquement. Devenus oisifs, ces apparatchiks percevaient l’impôt volontaire des travailleurs et en disposaient à leur guise, sans autre contrôle qu’un vague programme de redistribution.
Je vous renvoie à l’article Le premier programme de Gauche dans ce blog, où vous trouverez les détails.
Ensuite, l’Église créée par les apôtres s’accommoda du capitalisme, en devint le promoteur, le principal acteur et bénéficiaire. François d’Assise fut une parenthèse immédiatement fermée par son successeur à la tête de son Ordre. Et quand des franciscains dissidents, les Dolciniens, voulurent rappeler à l’Église l’urgence du partage et de la pauvreté, ils furent condamnés par l’Inquisition. Qui extermina ensuite par le feu d’autres égalitaristes chrétiens, les Vaudois et les différentes sortes de Cathares.
Luther voulait réformer cette Église ? Mais il soutint les Princes allemands dans leur féroce répression des paysans révoltés par leur pauvreté. Et c’est dans les nations protestantes que le capitalisme a connu sa mutation moderne, son plus bel épanouissement jusqu’à nos jours.
Le siècle des Révolutions
La Révolution Française fut faite par des bourgeois et des nobles, effrayés dès le pillage de l’entreprise Réveillon (juin 1789) par la naissance d’aspirations égalitaires dans le prolétariat parisien. La Déclaration des Droits de l’Homme affirme haut et fort le droit à la propriété, elle est résolument capitaliste.
Au XIXe siècle vinrent les premiers socialistes déclarés, en France et en Allemagne. Mais c’est Lénine qui fit pour la première fois l’expérience grandeur nature du socialisme, dans la Russie devenue URSS sous Staline. On connaît la suite : à bout de souffle, épuisée, la patrie du socialisme réel s’effondra sous les coups du capitalisme triomphant de Reagan.
Aucun des pays où le socialisme a été mis en œuvre n’a jamais réussi. Partout, ce fut la dictature des idéologues : Mao, Pol Pot, Castro, Kim Jong-il… Un désastre social et humain.
Quitter le socialisme ?
Alors on servit à l’Europe un plat nouveau, ni chair ni poisson, la social-démocratie. Le plus bel exemple est Tony Blair, socialiste qui poursuivit l’œuvre de M. Thatcher et permit à l’Angleterre de se relever. On se souvient de la phrase qu’il prononça devant le Parlement français : « Il n’y a pas une économie de droite ou une économie de gauche : il y a l’économie qui marche, et celle qui ne marche pas. »
C’était proclamer la fin de l’idéologie socialiste, condamnée par son inadéquation à la réalité humaine et sociale.
Le socialisme ne marche que quand on le quitte.
Il semble que M. Hollande l’ait enfin compris, en tout cas il le dit. Mais s’il passe aux actes, il va se trouver face aux enfants attardés du prolétariat parisien de juin 1789, les idéologues d’une idée généreuse qui a fait la preuve de son incapacité à exister dans la réalité. Il y aura avis de tempête, et l’on souhaite à ce grand louvoyeur de pouvoir nous en sortir. S’il y parvient, il aura réussi là où tous ses prédécesseurs ont échoué : mettre un point final au socialisme à la française. Exploit qui fera de lui un grand président.
Jésus, socialiste ?
J’ai montré dans les Mémoires d’un Juif ordinaire que Jésus n’a jamais eu ce que nous appelons aujourd’hui une doctrine sociale ou politique. Dans ses paroles comme dans ses actes, il s’est tenu soigneusement à l’écart des combats politiques de son époque. S’il a parlé du prolétariat (parabole de l’ouvrier de la onzième heure), c’est pour proposer une solution qu’aucun syndicat n’accepterait : la rémunération au bon vouloir du patron. Et dans d’autres paraboles, il semble non seulement admettre, mais encourager le capitalisme.
Jésus était réaliste. Il ne propose pas de réformer la société, c’est aux individus qu’il s’adresse : le monde tel qu’il est, tu ne le changeras pas. Mais tu peux te changer toi-même, tu le dois. Transforme ton regard sur les autres, ta façon de te comporter avec eux, ta relation personnelle à l’argent et aux biens de ce monde.
Tu n’as de pouvoir que sur toi-même. Mais sur toi-même, tu as tout pouvoir.
Ne cherche pas à changer les autres : change-toi toi-même.
Et en changeant ce que tu es, par contagion tu transformeras le monde.
M.B., 19 février 2014