FRANCOIS ET LE 13° APOTRE : UN FRÉMISSEMENT ?

          François d’Assise nous a tous fait rêver un jour.

           Fils d’un commerçant aisé, soudain il adopte d’étranges comportements.

          L’Église de son temps est riche ? Il découvre Jésus nu sur une croix, et se dénude totalement en public. Désormais il sera pauvre, mais pauvre absolument et pas à la mode théologale.

          Oisive, elle fait travailler les petits ? Se faisant plus petit qu’eux, François remue les caillasses, gâche le ciment, abîme ses belles mains de poète pour rebâtir une chapelle abandonnée.

          Elle a le visage triste de ceux qui possèdent le pouvoir, lancent des croisades d’abord contre les musulmans, puis contre d’autres chrétiens ? François chante, fait l’espiègle sur les places publiques. Se souvenant que Jésus avait dit J’ai joué de la flûte, et vous n’avez pas dansé (1), il rit et danse dans un rayon de soleil.

          Personne ne le prend au sérieux : cela le ravit de joie.

           En tête, il n’a toujours que la personne de Jésus.

          Ayant acquis comme lui droit de pauvreté, droit de liberté vagabonde, droit de légèreté, il n’en demande pas plus. Mais voici que d’autres le rejoignent, et François est inquiet : qu’est-ce qu’ils attendent de lui ? La fraîcheur de l’évangile lui suffit, veulent-ils vivre comme lui ? Ce n’est pas difficile, quittez tout absolument, richesses, honneurs, pouvoir, sécurité, respectabilité.

          Mais ne quittez pas Jésus du regard : comme lui a fait, faites vous aussi.

           Or voici qu’ils deviennent nombreux, il faut les installer, les nourrir, les mettre en action. Tandis que François chante sa vision d’une vie selon l’évangile, d’autres parmi ses frères organisent un ordre religieux nouveau, qui sera fort et puissant dans l’Église comme dans la société.

          Ầ cet ordre il faut un clergé, des prêtres qui deviendront un jour évêques et (qui sait ?) Princes de l’Église. Se souvenant des paroles de Jésus contre le clergé de son temps, se rappelant que c’est lui qui l’a fait crucifier, François refuse absolument d’être ordonné prêtre.

          Ses frères insistent tant, qu’à la fin il acceptera d’être diacre, mais du bout des lèvres. Sa place n’est pas sous une chasuble et un dais en or, sa place est aux côtés de Jésus.

           Ce clergé, il faut l’instruire de la théologie savante et des dogmes compliqués de l’Église. François refuse encore qu’on envoie ses agneaux dans des couvents d’étude, où on va les transformer en loups. On passe outre, et des novices franciscains vont se former dans les universités – avant qu’on en crée une pour eux.

           Soudain, François se réveille comme au milieu d’un cauchemar : ses petits frères, ces chanteurs de Dieu, ces imitateurs de Jésus, on est en train d’en faire un grand corps musclé où la pauvreté devient une vertu, la nuit étoilée un cloître, l’eau de pluie un tonneau de vin et la chanson un discours politique.

          Alors, il s’enfuit sur la montagne de l’Alverne. Là, il se terre dans une fente de rocher. Il a voulu suivre Jésus, il l’imite jusqu’au bout et ressort les mains et les pieds en sang, le côté transpercé comme lui.

          On le ramène au couvent, mais il est devenu aveugle – pour ne pas voir ce que sont devenus ses frères, un ordre puissant au milieu des autres.

           Comme celui de Jésus, le rêve de François ne s’est pas réalisé.

           Ces évangiles, que François voulait suivre et rien d’autre, nous savons maintenant qu’ils ont été écrits à partir de souvenirs des premiers témoins, mais retravaillés, corrigés, amputés ou amplifiés jusqu’à ce que l’Église trouve en eux ce qu’elle voulait dire et faire croire du prophète galiléen.

          Ces souvenirs n’ont pas disparu, ils ont été recouverts par des interprétations en couches successives. Tels que nous les lisons, tels que les lisait François, les évangiles ressemblent aujourd’hui à un fleuve qui charrierait à la fois l’eau de sa source, celle de ses affluents, et les débris arrachés à ses berges.

           L’un de ces témoins des origines a écrit ses souvenirs à lui, ils ont été transmis par sa communauté et forment le noyau initial du plus splendidement théologique des évangiles, celui dit selon saint Jean. Ce témoin a été poursuivi par la haine des apôtres, qui ont effacé jusqu’à son nom : on ne le connaît que par un surnom, « le disciple bien-aimé ».

          Mais ils n’ont pas effacé son témoignage.

           Pour le retrouver, j’ai fait sur l’évangile dit selon saint Jean un travail d’archéologue. Creuser le texte pour parvenir, sous l’accumulation des corrections successives, à sa couche la plus ancienne : un témoignage irremplaçable, puisque c’est celui du seul témoin oculaire du bref parcours public de Jésus.

          Non pas un évangile, mais quelques souvenirs d’événements marquants qui se sont produits lors des montées de Jésus à Jérusalem, jusqu’à sa mort y compris. (cliquez)

         Avec L’évangile du treizième apôtre, nous sommes au plus près possible de la source du fleuve.

          Un texte extrêmement précieux, car ce qu’il raconte, c’est Jésus avant le Christ (cliquez).

           François d’Assise n’avait pas besoin de ces savants travaux : avec une intuition fulgurante, il a su aller directement à celui qu’un épais maquillage avait défiguré, sans pour autant faire disparaître des évangiles la clarté de son visage.

           Hier, le pape François a dit aux journalistes : « Comme j’aimerais que l’Église redevienne pauvre ! »

          Voulait-il dire qu’il aimerait qu’elle retrouve le visage et le message original du prophète galiléen ? Peut-être. Il ne reviendra pas sur des dogmes et une morale qu’il a pour mission de transmettre. Il ne démaquillera pas le Christ, l’Église qu’il dirige ne le supporterait pas.

          Mais s’il rappelle que derrière ses fastes et sa doctrine, il y a un prophète juif révolutionnaire, il redonnera espoir à un monde en perte de vitesse.

           Un frémissement vient de se produire : le pape François connaîtra-t-il le même sort que celui dont il a pris le nom ?

                                          M.B., 17 mars 2013

 (1) Mt 11,17 et Lc 7,32.

1° de couv. évangile 13° ap. Harmattan

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