ÉLECTION D’UN NOUVEAU PAPE : que faut-il en attendre ?

Un nouveau pape est appelé à régner : seule une minorité de catholiques convaincus devrait se sentir concernée par cette élection, et pourtant elle fait la Une des médias du monde entier. Ce qui montre à quel point le lobby catholique est encore puissant sur la planète.

J’ai montré ailleurs (1) combien cette puissance est fragilisée par l’évolution récente du monde.

Comme les précédentes, l’élection va se jouer autour du rôle de la Curie Romaine. Depuis mille ans, c’est elle qui détient le véritable pouvoir dans l’Église. Le pape Paul VI, qui en était issu, s’est montré capable de la contrôler – grâce à quoi il a pu mener à terme le Concile Vatican II, auquel elle était farouchement opposée.

Naïvement, son successeur Jean-Paul Ier a déclaré en montant sur le trône de Pierre qu’il avait l’intention de la réformer : quelques semaines plus tard, il mourait dans son lit de façon inexplicable, et jamais expliquée.

De même qu’un musulman qui s’attaque au Coran doit mourir, un pape qui s’attaque à la Curie ne peut pas survivre. On ne plaisante pas avec les assises d’un pouvoir planétaire.

Le nouveau pape va-t-il tenter de réformer la Curie ? C’est là-dessus que se jouera l’élection. Si c’est un italien, les curialistes pousseront un ouf de soulagement. Si c’est un ‘’étranger’’, pour pouvoir être élu il devra leur donner des gages de non-nocivité, et ensuite il sera étroitement surveillé par eux.

Réformer la Curie ? Ce serait transformer une monarchie aristocratique en démocratie. Le Concile Vatican II avait ouvert la porte, en instaurant des Synodes qui devaient prendre collégialement les grandes décisions. Avec brutalité, le pape Jean-Paul II a claqué cette porte. On trouvera dans ce blog (cliquez) la recension du livre bouleversant de Mgr Weakland, témoin de la ‘’reprise en mains’’ du pouvoir par la Curie à partir de 1980 sous l’autorité du pape polonais.

Une réforme en profondeur de la Curie est impossible. On ne réforme pas une monarchie absolue, il faut pour cela une Révolution qui détruise tout l’ordre ancien et coupe la tête du Roi. Au mieux, le nouveau pape fera un nettoyage de surface, repoussera la poussière sous les meubles. Des déclarations, quelques gestes symboliques. Il tentera d’assainir les finances vaticanes, répètera que le clergé doit être vertueux et respecter ses engagements de chasteté – que bien évidemment il ne remettra pas en cause, etc.

Suffirait-il d’ailleurs de réformer la Curie pour que l’Église catholique redevienne ce qu’elle prétend être, un ferment dans la pâte, une force alternative capable de contrebalancer la mondialisation avec son mépris des valeurs humaines, son règne absolu du plus fort et du plus riche ? Par cette réforme, le nouveau pape pourrait-il redonner vie à l’Église, pour qu’à nouveau elle entraîne derrière elle une humanité désorientée, en quête de sens ?

L’observateur qui prend du recul le sait : la vraie cause du déclin du catholicisme est ailleurs. Elle n’est ni dans la corruption du Vatican, ni dans le célibat des prêtres, la condamnation du préservatif et autres muletas qu’on agite sous le nez des gens pour détourner leur attention.

La vraie question, c’est que l’imposant édifice des dogmes catholiques n’est plus crédible. Il repose sur une physique et une métaphysique dont nous savons depuis longtemps qu’elles ne correspondent plus à la réalité.

La pensée catholique ne rend plus compte du réel, là est le drame profond de l’Église.

Dans tous les domaines qui commandent nos vies – physique, astrophysique, biologie, philosophie, sociologie, morale -, l’Église n’a plus rien à dire : elle répète, et elle se répète. Ses dogmes et leurs applications pratiques, les sacrements, lui viennent de l’antiquité et du Moyen âge. Elle n’a pas pu, elle ne peut pas, elle ne pourra jamais remplacer par un autre ce socle sur lequel repose son identité profonde.

Le résultat, ce sont des catholiques déboussolés, des ex-catholiques désabusés, et une grande majorité d’incroyants qui ne s’intéressent qu’à l’aspect people d’une institution dont ils n’attendent rien, depuis longtemps.

On dit parfois : « Mais, et l’Afrique, et l’Amérique latine ? Là, le catholicisme est encore vigoureux ! » C’est faux : dans ces pays, les évangélistes américains taillent des croupières à l’Église catholique, qui s’en inquiète. Et leur piété populaire, dont elle est si fière, est fortement imprégnée d’un paganisme religieux à travers lequel ces peuples, superficiellement évangélisés, expriment leur besoin de surnaturel. Dans la réalité vécue, on est bien loin de la pureté doctrinale dont se réclame l’identité catholique !

Qu’attendre d’un nouveau pape ? Pas grand-chose. Si par hasard il était conscient de la véritable nature du défi qu’affronte l’Église depuis plus d’un siècle, et de sa profondeur – défi auquel elle n’a jamais su répondre -, il lui serait impossible d’y faire face, et d’y répondre.

Car ce n’est pas de réformes qu’aurait besoin cette institution bimillénaire : c’est d’une refondation.

Ou plutôt, de se souvenir qu’elle n’a jamais été fondée par Jésus le nazôréen, mais par des hommes qui se sont servis de son image pour établir, sur terre, le pouvoir de Pierre.

                                                 M.B., 9 mars 2013

P.S. : Si dans quelques années il s’avérait que j’ai eu tort, je serai le tout premier à m’en réjouir !
(1) Cliquez et cliquez . Voir dans la colonne de droite de ce blog les têtes de chapitre « Crise de l’Occident »  et « Le christianisme en crise »

 

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