Archives du mot-clé Monachisme

QUOI DE NEUF ? LES PSAUMES (II)

 

Les psaumes sont des prières juives écrites par des Juifs entre le 6e et le 3e siècle avant J.C. En fait, certains remontent peut-être à l’époque du roi David (1) à qui l’ensemble du Psautier (le recueil des 150 psaumes) a été attribué par la tradition juive. Or – et c’est étonnant -, alors qu’elle se séparait de la Synagogue, dès son origine la jeune Église chrétienne a considéré ces textes juifs comme sa prière de référence. Au 6e siècle, la Règle des moines dite ‘’de Saint Benoit’’ explique que, « puisque les moines d’aujourd’hui n’ont pas la force comme les Anciens de réciter les 150 psaumes en une journée », qu’ils en récitent au moins une bonne quantité répartie sur les 7 Offices du jour et de la nuit. Plus tard au milieu du Moyen-âge, le bréviaire imposé aux prêtres les a obligés à dire la totalité du psautier en une semaine. Et les psaumes furent introduits dans le rituel de la messe.

Fallait-il donc devenir un Juif-aux-psaumes pour être chrétien ? Lire la suite

ÉGLISE CATHOLIQUE ET PÉDOPHILIE : coupables, pas responsables (Mgr Barbarin)

         États-Unis, Irlande, France… L’Occident est secoué par les affaires de pédophilie à répétition de son clergé catholique. Pourquoi ? Lire la suite

CORAN : LES CHOSES BOUGENT 1. : Leila Qarb

« Le problème des musulmans et le nôtre, ce n’est pas l’islamisme, c’est le Coran. » C’est ce que j’écrivais dans un précédent article, Pour une autre lecture du Coran. Et c’est pourquoi je signale dans ce blog les avancées sur le texte du Coran et sa compréhension, qui se font jour ici ou là, de façon nécessairement très discrète. (1)

Ainsi l’interview sur Radio Courtoisie (2) de deux auteurs, Leila Qadr pour son livre Les trois visages du Coran et Olaf pour Le grand secret de l’islam. Deux chercheurs qui parviennent au même résultat que Naissance du Coran, puisqu’ils ont les mêmes sources et la même méthode, historique et exégétique – exigeante. Lire la suite

« DES HOMMES ET DES DIEUX » : le film.

          Fallait-il, après une dure journée de travail, aller voir ce film ?

          La réponse est : oui, absolument.

           Un grand moment de cinéma. Tout y est parfait, il n’achoppe sur aucun des écueils auxquels on pouvait s’attendre : sentimentalisme, grandiloquence, prêchi-précha… Habités par leur rôle, les acteurs finissent par faire oublier qu’ils jouent. Une caméra habile, sobre, retenue. Un scénario impeccable, des dialogues qui parviennent à faire advenir l’indicible, l’inexprimable : la peur devant une issue fatalement mortelle. Et l’affrontement facial de cette trouille viscérale, qui permit à ces hommes de la surmonter.

           Pendant mes 20 années de vie monastique, j’ai vécu à plusieurs reprises avec des trappistes. Tout ce qui, du quotidien des moines, est capté par l’image, m’est apparu ici absolument, rigoureusement authentique. Dans le film le moindre petit geste de la vie quotidienne des moines est vrai : c’est bien ainsi qu’on bouge dans l’espace, qu’on s’incline, qu’on mange, qu’on se parle, qu’on travaille dans un monastère cistercien. Hollywood n’est pas passé par là.

           Pourtant ce film n’est pas un documentaire, il va bien au-delà. Ne prétend délivrer aucun message qui ne vienne de ces hommes et de la situation dans laquelle ils se trouvent. Ni endoctrinement, ni complaisance, aucun des lieux communs habituels sur la vie monastique. « Ce n’est pas pour décider tout seul qu’on t’a élu », dit un frère à son prieur. Ces hommes ne sont pas des surhommes. Et pourtant, en deux heures de temps, ils nous mènent au-dessus, au-delà de cette sous-humanité ordinaire dans laquelle nous baignons – sans plus nous en apercevoir.

           Il y a longtemps, comme eux j’ai tout quitté pour aller jusqu’au bout d’une expérience de l’extrême. Ầ l’un des frères sur le point de craquer sous la pression de la peur (« Je ne suis pas devenu moine pour me faire voler ma vie, bêtement, ici »), le prieur répond : « Mais en rentrant au monastère, tu as déjà donné ta vie ! Ils ne peuvent plus rien te prendre. »

           On sait que la vie monastique est née au IV° siècle, à la fin des persécutions romaines. Jusque là, le martyre avait été l’idéal – et souvent l’aboutissement inéluctable– de leur choix. Le christianisme devenu religion d’état, la vie était confortable pour les chrétiens.

          On vit alors fleurir un peu partout des ermitages, puis des communautés monastiques. Éteinte la perspective du martyre sanglant, les moines déclarèrent explicitement qu’ils voulaient vivre un martyre sec, ou spirituel.

          Dans le prologue de Prisonnier de Dieu , j’écris qu’en entrant au monastère « j’ai choisi la mort ». Alors, et sans le savoir encore, j’étais dans la droite ligne de la vocation monastique à ses origines.

          Et puis, c’est autre chose que j’ai rencontré. Le drame qui parcourt Prisonnier de Dieu, c’est cette prise de conscience progressive que je ne vivais pas ce pourquoi j’étais rentré. Je me heurtais à la recherche du pouvoir, et de sa forme la plus totalitaire : le pouvoir sur les esprits et les cœurs.

          Cet échec, c’est à moi seul sans doute qu’il faut l’imputer.

           Placés dans une situation extra-ordinaire, les moines cisterciens de l’Atlas sont en quelque sorte contraints, sous nos yeux, de dépasser tout cela. De devenir en toute vérité ce pourquoi ils étaient entrés au noviciat.

          Le message est alors universel. La question n’est plus : moine, ou pas moine ? Chrétien, ou pas chrétien ? Mais : homme devant sa vérité, ou continuant de se mentir à lui-même ? Fétu incarné devant Dieu, ou balloté au vent ? Réalité, ou faux-semblants ?

           Saute alors aux yeux du spectateur une évidence, qui fut celle des premiers moines : le christianisme ne peut pas s’installer dans le confort ordinaire. Cette religion ne peut consentir à la médiocrité, sauf à tomber dans la caricature. C’est une religion de l’extrême, parce qu’elle garde les yeux fixés sur un homme qui (bien que trahi par les siens), a vécu jusqu’à l’extrême des choses toutes simples, sans fin rabâchées, mais que l’excès de vérité rend enfin perceptibles et réelles : amour, pauvreté, humilité, don de soi, ouverture à l’universel…

           Le christianisme ne peut être vraiment vécu que dans l’exceptionnel. Mais ces sommets sont-ils à la portée des masses ? Non. Le christianisme est une religion d’élite, Jésus n’a été suivi par aucun des Douze disciples. Seul, peut-être, le Treizième apôtre  (cliquez) , de son vivant, l’a compris …

           Je suis fier que Des hommes et des dieux soit un film français, et heureux qu’il ait été officiellement primé, puis visionné par plus d’un million de spectateurs. C’est l’un des plus beaux chefs d’œuvre de notre cinéma depuis longtemps. Ne le manquez à aucun prix.

                                                     M.B., 1° octobre 2010

LA FIN DU MONACHISME CATHOLIQUE

          Je viens de rencontrer un moine bénédictin français, qui fut mon confrère, et qui reste (le seul) ami très cher que j’aie dans ce milieu où j’ai vécu plus de vingt ans – au siècle dernier.

          Il m’a informé de l’état de délabrement dans lequel se trouvent les monastères de France – et c’est sans doute la même chose ailleurs. Plus aucune vocation, une moyenne d’âge qui dépasse les 75 ans et qui laisse prévoir la fermeture, à moyen-terme, de ces maisons qui furent le fer de lance de l’Église catholique comme de la culture occidentale.

          Il me posait la question angoissée : « Quel avenir ? »

          Historien, je ne sais pas prédire l’avenir, mais je l’ai invité à relire le passé.

I. UNE RÉGLE MARQUÉE AU FER ROUGE

          Les moines d’Occident suivent tous, à la lettre, la Règle de Saint Benoit. Ce texte, que j’ai étudié lorsque je m’efforçais d’en vivre, a été écrit en Italie au début du VI° siècle. L’Empire romain s’était effondré, mais sa culture restait vivante dans certains cercles protégés, comme les monastères.

          La culture, c’est un peu « ce qui reste quand on a tout oublié » : ce qui surnageait à la débâcle de l’Empire, c’était la seule philosophie qui fut proprement romaine (avec, peut-être, l’épicurisme) : le stoïcisme.

          Profondément matérialiste, le stoïcisme a fait la grandeur de Rome par sa conception austère de la vie humaine. Au VI° siècle, il avait sans doute été contaminé par le gnosticisme, mouvement multiforme qui rejetait la matière  comme intrinsèquement impure : et avec la matière, le corps ainsi que tous ses plaisirs. Il est possible que le stoïcisme, au moins dans son expression populaire, ait vu sa raideur potentialisée par la contagion gnostique.

          La Règle de saint Benoît est un texte profondément stoïcien. La contamination stoïque apparaît dans son mépris du corps, qui se traduit par l’organisation de la vie quotidienne des moines et repose sur l’adage mis en exergue par saint Benoît : « Là où commence le plaisir, là commence la mort« .

          Cette conception stoïque de l’existence humaine a rencontré, tout au long des siècle, le malaise de vivre de nombreux postulants à la vie monastique bénédictine. Non seulement elle ne parle plus aux humains du XXI° siècle, mais surtout elle est totalement étrangère à l’enseignement de Jésus dans les évangiles. Extrêmement exigeant sur le plan personnel et social, cet enseignement va beaucoup plus loin que celui des stoïques, sans jamais mépriser le corps.

          Il y a plus, hélas, pour expliquer le déclin actuel des monastères. Reproduisant une conception de la vie spirituelle héritée de certains textes des « Pères du Désert » qui lui étaient parvenus, l’auteur de la Règle enseigne qu’un moine sera « un bon moine » quand il aura récité, chaque jour, une certaine quantité de psaumes.

          La notion de quantité lui paraît essentielle : prise à la lettre, cette injonction a transformé les moines occidentaux en rabâcheurs de psaumes, enfilés à vive allure tout au long de la journée.

          Quand cette psalmodie avait lieu en latin, et s’inscrivait dans une vie simple, celle des paysans du moyen âge, la récitation de l’Office Divin permettait peut-être l’épanouissement d’une vie spirituelle méditative.

          Aujourd’hui, les psaumes sont récités en français, et l’exigence de quantité n’a pas disparue des monastères. Les moines modernes passent donc 4 à 5 heures par jour à mouliner indéfiniment ces psaumes, expressions d’un judaïsme qui n’est pas le leur.

          Alors qu’on voit des foules entières chercher – et trouver – dans la méditation silencieuse une discipline qui structure de l’intérieur leur spiritualité. Méditation pratiquée par Jésus, qui avait « l’habitude » (disent les évangiles) de se retirer dans un lieu désert pour s’y livrer.

          Ceux qui cherchent les voies de l’Invisible se tournent désormais vers le bouddhisme, ou les sectes. Dans le bouddhisme ils trouvent un enseignement et une pratique très solide de la méditation. Dans les sectes, ils trouvent de tout, et souvent des ersatz de méditation – parfois fort dangereux.

          Ce sont presque tous des déçus du catholicisme.

          Les monastères auraient pu, et ils auraient dû, offrir au peuple des chercheurs de Dieu l’enseignement, l’exemple et la pratique de la méditation. En l’ignorant pour rester fidèle à une Règle qui fait d’eux des ruminants de mots, ils signent eux-mêmes leur déclin.

                                                    M.B. 9 avril 2007.