CHOC DES CIVILISATIONS, OU FIN D’UNE CIVILISATION ?

          En 1996, Samuel P. Huntington publiait Le choc des civilisations. Il analysait la confrontation entre « L’Occident et le reste du monde », la civilisation occidentale est les autres. Il montrait qu’un choc était inévitable, et serait ravageur, entre ces deux entités : l’une cernable et définie (l’Occident), l’autre floue et mouvante (le reste du monde).

     L’analyse de Huntington ne prenait pas (ou pas suffisamment) en compte un phénomène majeur, bien exprimé par Élie Barnavi (Les religions meurtrières, Flammarion, 2006 : cliquez) : « Vous croyiez Dieu mort et enterré, ou du moins définitivement chassé de l’espace public… Vous découvrez, effaré, qu’Il revient en force, et avec quel éclat » (p. 9)

     Le retour de Dieu (ou plutôt des religions, car « Dieu » n’est pas plus présent qu’autrefois) est un phénomène nouveau, inattendu, et qui change tout. Nous découvrons que nous nous sommes trompés pendant plus d’un siècle : Dieu n’est pas mort, comme le proclamait Nietzche. Il y a bien un choc, mais c’est un choc entre religions. Comme il en a été pendant des siècles, en fait depuis que l’homme existe en sociétés.

     Pourquoi n’avons-nous pas su analyser et comprendre  ce qui nous arrive ? Parce que l’Europe s’était habituée, depuis le IV° siècle, à habiter l’intérieur d’une civilisation fondée, enracinée dans le christianisme, totalement façonnée par lui. Pour le meilleur comme pour le pire, l’Europe a été chrétienne, officiellement, depuis l’an 380 – date à laquelle l’empereur Théodose décrèta le christianisme religion officielle (et unique religion) de l’Empire romain.

     Cela a duré, inchangé, pendant 17 siècles. Et puis, en 2004, pour la première fois de son histoire, l’Europe déclare officiellement qu’elle ne reconnaît plus son identité dans le christianisme : le projet de Constitution Européenne ne comporte aucune référence chrétienne, malgré la baroud d’honneur mené par 3 pays sur 25 (l’Italie poussée par le Vatican, l’Espagne, la Pologne). L’Europe se définit comme un ensemble de sociétés marchandes, sans socle identitaire commun : ce qui ne suffit pas à faire une civilisation.


     Nous ne vivons donc pas un  « choc des civilisations », entre eux et nous : mais la confrontation entre une civilisation (le Tiers-monde, emmené par l’islam) et une non-civilisation, l’Europe. Laquelle ne représente plus une force capable de s’opposer pour exister, mais un ventre mou que pénètre, avec une extraordinaire facilité, l’islam sous toutes ses formes.

     L’Allemagne, vieille nation chrétienne, vient de prendre la présidence de l’Europe. Elle ne présidera rien, puisque l’Europe ne lutte pas à armes égales contre la civilisation, forte et sûre d’elle-même, qui lui fait face.


                        M.B., janvier 2007

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