WOODSTOCK, BERNARD BESRET, ET LE CATHOLICISME

          J’ai rencontré Bernard Besret en 1967, à Rome : il était alors Prieur de l’Abbaye de Boquen, fondée par Dom Alexis Presle. Depuis, je ne l’ai jamais perdu de vue, bien que nos contacts soient fort espacés.
          Il vient de publier dans sa Newsletter (b2@bernard-besret.com) un petit in memoriam dont voici l’essentiel.
                                      M.B.

                     Quarante ans déjà…


          Il y a quarante ans, le 20 août 1969, pour la fête de Saint Bernard, je prononçais à Boquen un discours qui devait marquer un tournant dans ma vie et dans celle de Boquen.

          C’était quelques jours après le grand rassemblement de Woodstock. Certes l’auditoire qui remplissait l’abbatiale, sagement assis sur les bancs de l’église, ne rappelait nullement le gigantesque désordre du concert américain. Et pourtant le discours prononcé n’était pas sans participer à ce « changement d’air du temps » que Michel Maffesoli se plaît à reconnaître dans cet événement, marquant pour l’évolution des mentalités dans la deuxième moitié du XXe siècle.

          Je m’étais retiré quelques jours chez des amis avec mes compagnons, Dominique Toquet et François Chagneau , pour préparer soigneusement le texte de mon discours. Mais ce n’est qu’en le prononçant, dans un silence à couper au couteau, que je pris conscience du caractère provocateur de mes propos qui disaient tout haut le fond de notre pensée, dans un décalage considérable avec le discours convenu de l’Église catholique romaine.

          Évoquant le célibat des prêtres, des religieux et des religieuses, je proposais l’instauration d’une année sabbatique au cours de laquelle chacun d’entre eux, compte tenu du changement de monde que nous vivions, pourrait remettre ou non en question son engagement par un choix délibéré et mieux éclairé. Pour l’anecdote, cette prise de position m’a valu d’apparaître comme réponse dans le jeu Trivial Pursuit à la question : « qui a remis l’année sabbatique à l’ordre du jour en France? »

          Puis, analysant le célibat comme « mariage avec Dieu », je constatais que, concrètement, sur le plan existentiel, « être marié avec Dieu c’est n’être marié avec personne ». A la sortie, un ami me prit à part et me dit : « C’est une catastrophe, en une phrase tu as fait plus de dix mille veuves ! »

          La réaction de Rome ne tarda pas à arriver. Dès le 10 Octobre, j’étais démis de toutes mes fonctions. Et cela devait entraîner Boquen dans une aventure dont la portée symbolique dépassait de loin les quelques personnes qui y vivaient de façon stable.

          En arrière fond de ce conflit, se décelait (comme l’avait bien remarqué le Cardinal Gouyon, Archevêque de Rennes), une distance prise avec l’ensemble des dogmes professés par le christianisme en général et par le catholicisme romain en particulier. Sur ce point aussi, je pense avoir anticipé sur la distance prise par tant de chrétiens dans les années suivantes, comme les statistiques récentes tendent à le montrer.

          Malheureusement, pour beaucoup de ces chrétiens en déshérence, aucune réflexion de fond n’est venue se substituer aux croyances abandonnées et ils sont restés sans repères dans un monde qui n’en propose pas beaucoup.
          Par bonheur, ce ne fut pas mon cas.

          Au cours de mes lectures et de mes études de philosophie et de théologie, je m’étais constitué une base solide de ce que je pourrais appeler une métaphysique spirituelle. J’avais puisé chez Aristote, Albert Le Grand ou Thomas d’Aquin (dans la partie métaphysique de leur œuvre), puis plus tard chez Maître Eckhart, des éléments qui venaient conforter mes convictions d’adolescent.
          Dans le même mouvement je me retournais vers les philosophies orientales qui avaient fortement contribué à m’éveiller au cours de mes années de lycée et je poursuivais ma quête d’un noyau commun, au delà des différences de modes de pensée, entre l’Orient et l’Occident, ma quête de ce que Aldous Huxley, reprenant une expression de Leibniz, appelait philosophia perennis et que l’on a traduit un peu maladroitement par « Philosophie éternelle ».

                       Bernard Besret (extraits)

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