Les évangiles ont-ils quelque chose à dire sur l‘écologie et le développement durable ?
I. Jésus dans son environnement
Les évangiles décrivent
-a- Une société rurale
Des petits paysans propriétaires de leur lopin de terre, vivant en autosuffisance.
De gros propriétaires terriens, employant des ouvriers agricoles journaliers qui sont au bas de l’échelle sociale : chômeurs, ils n’ont aucun emploi fixe, attendent à la porte des fermes de se faire embaucher. Jésus fait l’éloge d’un de ces propriétaires qui paye le salaire d’une journée pour une heure de travail : aucune critique du système de latifundia, une justification tacite du chômage des uns et du paternalisme des autres.
-b- Une société artisanale
Des pêcheurs pauvres (Pierre et André) qui possèdent leur barque mais travaillent seuls, très dur et parfois sans rien ramener à la maison.
Des petites entreprises de pêche (Les fils Zébédée, Jean et Jacques), avec quelques ouvriers autour du patron-pêcheur : ils vivent sans doute mieux que les premiers.
Des artisans : Jésus lui-même est tecton (petit entrepreneur en bâtiments) alors que se produit autour de lui un boom immobilier : reconstruction de la ville de Sépphoris rasée en l’an 12, construction de Tibériade. Il en a certainement profité, ce n’est pas un pauvre, il vivait mieux que les autres artisans de son pays.
Il lui en est resté son carnet d’adresses, d’anciens clients fortunés : d’où l’aisance dont il fait preuve dans ses contacts avec les riches, qui le soutiendront économiquement et financièrement quand il décidera de mener une vie itinérante.
-c- Un commerce mondialisé ?
Depuis plus d’un siècle, s’était mis en place dans le bassin méditerranéen un réseau de production qui drainait les matières premières de tout l’Empire vers Rome : blé, vin, huile, métaux (cliquez). Comme aujourd’hui, des pays « sous-developpés » étaient exploités à fond par une puissance dominante. Qui redistribuait le produit des impôts prélevés sur les pauvres aux gros commerçants et transporteurs. Les ports Tyr, Sidon, Césarée de Palestine s’enrichissaient, mais ce commerce était aux mains d’une oligarchie de langue grecque, dont faisaient partie des juifs hellénisés considérés comme « étrangers » par le petit peuple – lequel ne bénéficiait aucunement de la mondialisation de l’époque.
La situation était donc comparable à la nôtre : une petite minorité qui s’enrichit grâce au travail de l’immense majorité pauvre, confisque la richesse produite à son seul profit et spécule sur les matières premières sans aucun contrôle.
La différence, c’est que toute l’économie d’alors reposait sur des produits renouvelables. La métallurgie était encore embryonnaire, quelques mines à ciel ouvert suffisaient à l’alimenter, l’idée que ces minerais pourraient s’épuiser était impensable. La déforestation n’était pas inconnue : on sait que la construction du Temple de Jérusalem a coûté cher à la forêt libanaise, et le développement de la flotte commerciale continuait à dépeupler les forêts, de la Galilée à la Syrie.
Mais personne ne pouvait imaginer que le bois pourrait un jour venir à manquer.
-d- Jésus écologiste ?
Dans ce contexte, la question de l’écologie ne se posait donc pas.
Dans son enseignement Jésus, artisan semi-urbain, emploie très peu d’images tirées de son métier (sauf la construction d’une tour) ou d’un autre artisanat, poterie, forge, pêche, etc. La plupart des comparaisons de ses paraboles viennent de l’agriculture, quelques unes du commerce ou de la finance.
Il apparaît comme un homme en harmonie totale avec la nature qui l’entoure, dont il goûte et décrit la beauté avec un plaisir évident.
Pour lui il n’y a pas de rupture entre l’écosystème, les humains qui en vivent et la dimension spirituelle du monde.
Non seulement il vit en harmonie avec la nature, mais – comme tous les juifs – il voit en elle un langage qui parle de Dieu.
Un temple dans lequel Dieu réside, plus et mieux que dans celui de Jérusalem.
Dans le contexte d’après-Copenhague, c’est cela que nous pouvons retenir de lui : la nature n’est pas seulement une ressource épuisable, elle est l’une des façons dont nous percevons la présence et la réalité de Dieu.
Et ceci, hors de tout cadre proprement « religieux ».
La nature : pas seulement une richesse à gérer avec parcimonie, de façon équitable.
Mais aussi le langage universel par lequel Dieu parle aux humains.
II. Copenhague, symptôme de la faillite des Églises
Ces remarques à la louche montrent comment l’enseignement de Jésus aurait pu prendre sa place dans la réflexion de Copenhague.
Car pour la première fois de son histoire l’ensemble de la planète s’est mobilisé, des milliers d’ONG issues des peuples, des partis politiques, des chefs d’États, une couverture médiatique exceptionnelle. Jamais encore on n’avait vu cela, l’humanité haletante se préoccupant de sa survie. Et si la montagne a accouché d’une petite souris, le fait même qu’elle ait pu être enceinte est une immense avancée.
Tous étaient présents à ce rendez-vous universel.
Tous, sauf les Églises.
Les commentateurs ont souligné que l’aspect commercial de la négociation l’avait emporté sur tous les autres : un sommet privé de respiration.
Or vingt quatre heures après son échec relatif, l’Église catholique a communiqué. Allait-elle apporter ce supplément d’âme qui a tellement manqué à Copenhague ?
Non. Elle a fait savoir officiellement que le pape en fonction songeait à béatifier son prédécesseur Jean Poldeux, et son autre prédécesseur Pie XII.
Dont chacun connaît le silence assourdissant sur les atrocités nazies, et dont on passe sous silence la complicité dans la filière d’évasion des criminels de guerre.
Cela fait des années que la planète s’interroge, prend lentement conscience des conséquences de l’activité humaine sur la planète. Dans la réflexion, dans l’esprit de millions de gens, les choses ont changé.
L’Église catholique, ses penseurs, ses théologiens, ont-ils pris leur part à cet immense effort collectif ?
Non. En revanche, elle se préoccupe de la béatification de ses papes.
D’ailleurs, quels théologiens, quels penseurs ? Tous ce qui pouvait penser a été méthodiquement stérilisé pendant le long pontificat de Jean-Paul II et de son bras droit, Benoît XVI.
L’absence de l’Église catholique dans une réflexion planétaire est un exemple de plus qu’elle n’a plus rien à dire.
Un immense capital de confiance et de crédibilité, accumulé pendant des siècles, s’est évanoui en l’espace d’une génération – la nôtre.
Personne ne s’en réjouit.
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