Message reçu sur Internet :
Je lis avec toujours énormément d’intérêt vos articles sur votre blog.
Chaque année à cette époque, je cale sur Pâques,
Puisque, si Jésus n’est pas Dieu, il n’est pas ressuscité, quel est pour vous le sens de cette fête ?
Voilà les bons côtés d’Internet : je vais répondre à une inconnue.
Non, Jésus n’est pas « ressuscité » le 9 avril 30 – qui était cette année-là le premier jour de la semaine juive, faisant suite à la fête de pâque. Je vous renvoie pour l’analyse des textes et des faits à Dieu malgré lui, nouvelle enquête sur Jésus (cliquez)
Ce jour-là, juste après le lever du soleil, des femmes se rendent furtivement au jardin qui fait face à la porte ouest de Jérusalem. Dans ce lieu situé hors de la ville, mais proche des murailles, de riches propriétaires faisaient construire leurs caveaux familiaux. C’est l’un d’eux, Joseph d’Arimathie, qui a prêté le sien au rabbi juif itinérant crucifié 72 heures plus tôt.
Pourquoi a-t-il fait ce geste compromettant ? Parce que la mort du crucifié intervient juste au moment où s’ouvre la célébration liturgique de la pâque juive – qui durera jusqu’au lever de soleil du 9 avril, un dimanche pour nous.
Pendant cette période, impossible de s’approcher d’un cadavre (et encore moins de le toucher) sous peine d’une impureté qui rendrait inapte à la célébration de la plus grande fête juive.
Quand les femmes sont en face du tombeau (qu’elle s’attendaient à trouver tel qu’elles l’avaient laissé le vendredi, la lourde pierre tombale fermant l’entrée), elles sont stupéfaites de le trouver ouvert. Et de voir, à l’intérieur, deux hommes en blanc (un seul, selon certains évangiles) qui leur adressent la parole, comme s’ils les attendaient.
A ce stade de la rédaction, personne ne dit encore que Jésus est ressuscité. Les témoins (d’après le meilleur d’entre eux pour cet épisode, le IV° évangile) disent seulement : « On a enlevé le Seigneur, et je ne sais pas où on l’a mis… Si c’est toi qui l’as enlevé, dis-moi où tu l’as mis, et je l’enlèverai ! » (Jn 20,13-15).
Il n’y a aucun témoin de la résurrection : la résurrection est la réponse trouvée, après-coup, au problème posé par le tombeau vide.
En revanche, les témoignages sur la découverte du tombeau vide sont remarquablement précis, et (si l’on sait lire), concordants.
Sachant cela, que reste-t-il de Pâques, pour nous, aujourd’hui ?
D’abord, l’occasion de revivre, en temps cosmique, les derniers moments de Jésus. Pâque avait – et a toujours lieu – au moment de la pleine lune de printemps. Le cosmos tout entier est ainsi associé, pour toujours, au don que fit de lui-même un homme exceptionnel.
Inutile d’aller sur place, à Jérusalem : la lune, ma douce soeur, plante le décor qui convenait au départ de cette terre, dans la souffrance, de celui qui l’a tant aimée. Et (au moins pour l’hémisphère nord), la lune de printemps est visible de tous, partout.
Ensuite, revivre cette nuit où (grâce à la lumière de la pleine lune) les hébreux puirent s’enfuir d’Égypte, conduits par Moïse. Ce jour-là, un peuple naissait, qui se dirait bientôt le « peuple de Dieu » – pour le meilleur et pour le pire.
Jésus a-t-il explicitement voulu que sa mort (qu’il sentait venir) coïncide avec la pâque juive ? Et lui donne ainsi une signification insoupçonnée, celle de l’accomplissement définitif des promesses de Dieu à Israël ? Celle d’un sacrifice (le sien) qui rachèterait l’humanité ?
Rien, dans ses paroles ni dans son attitude, ne permet de dire cela. Oui, il a eu conscience que sa mort permettrait une nouvelle alliance entre Dieu et la multitude. Mais il ne l’a pas conçue comme un sacrifice mettant un terme à ceux de l’ancienne alliance. Cette piste, ce sont les théologiens chrétiens qui vont s’y précipiter, très tôt (dès l’épître aux Hébreux) et pour des raisons qu’on peut appeler « politiques » : fonder le surclassement du judaïsme par le christianisme.
Il n’en reste pas moins : la fuite des hébreux d’Égypte, le passage de la Mer Rouge, sont le début d’une humanité nouvelle.
Regardez bien la pleine lune, chère M.P., dimanche prochain. Elle abolira pour vous les siècles et les distances. C’est sous cette même pleine lune que Jésus a été déposé, à la hâte, dans un tombeau provisoire devant le porte Ouest. Et elle était sans doute encore visible dans le ciel de Jérusalem quand quelques femmes juives, terrorisées, découvrirent que son cadavre n’était plus là.
Le reste appartient aux théologiens de tous poils, et à l’ambition des Églises de tous crins qui les commanditaient.
Donc vendredi, samedi et dimanche soir prochains, soyez sur votre balcon : je serai sur le mien. Dans le ciel de votre Belgique, comme dans celui de ma Picardie, on verra peut-être la pleine lune.
Laissez-vous entraîner par elle hors de ce siècle souffrant, loin de ces terres malgracieuses.
Aux côtés des géants qui nous ont faits ce que nous sommes.
M.B., 7 mars 2007