EST-CE LA FIN DE LA CIVILISATION OCCIDENTALE ?

 Il y a une trentaine d’années, quand je disais à mes amis : « Bientôt il n’y aura plus de pétrole, plus de lithium, plus de métaux rares. Avec quoi fera-t-on voler nos avions, labourer nos tracteurs ? Avec quoi fabriquera-t-on les batteries de nos voitures ? Le pétrole, c’est le plastique : avec quoi fera-t-on nos téléphones portables, nos téléviseurs, nos ordinateurs, la moitié de nos objets courants ? » Ils se moquaient de moi : « Bah ! c’est pour dans cinquante ou cent ans et d’ici là on aura trouvé autre chose ! »

Non, ce n’était pas pour dans cinquante ans, c’est pour maintenant, c’est pour aujourd’hui. On n’a rien trouvé d’autre que le pétrole pour circuler et faire du plastique. À cause de lui des guerres ont déjà éclaté là-bas, des révoltes et des révolutions chez nous.

Mais ce n’est peut-être que le début.

Pas de ‘’Plan B’’ pour la planète

Il y a trente ans je n’imaginais pas qu’on n’aurait plus de quoi boire sur terre, que l’air y deviendrait irrespirable, que l’immensité des océans serait polluée par nos déchets, que des forêts vastes comme cinq fois la France seraient abattues par nos tronçonneuses ou la proie d’incendies gigantesques. Que l’espace lui-même deviendrait une poubelle encombrée par les débris de nos rêves insensés de conquête. Les énergies renouvelables ? On voit bien qu’elles ne feront pas circuler nos trains, tourner nos usines, fonctionner notre économie. J’étais très loin de ce qui se passe sous nos yeux et sur nos écrans.

Je croyais que devant l’évidence d’une catastrophe imminente, nous changerions radicalement nos modes de vie. Mais les COP se suivent, les congrès se succèdent, et rien. On ne change rien, on va défoncer la planète plus loin, plus profond, plus vite, pour finir de l’épuiser.

Et après ? Quand on aura tout brûlé, tout creusé, tout pollué, et qu’on sera 8 ou 9 milliards à se disputer un peu de terre, un peu d’eau, un peu d’air ?

De cette fin prévisible d’un mode de vie on voit déjà la première conséquence. Un tsunami humain se déverse sur nos plages et nos frontières, un mouvement migratoire jamais vu, jamais imaginé. Une moitié du monde rêve de fuir la violence, la faim, l’angoisse, pour se réfugier dans l’autre moitié – l’Occident. Alors que c’est nous, par notre gloutonnerie, notre cynisme et notre indifférence, qui avons provoqué ces migrations. Poussés par un désespoir sans limites, les migrants cherchent à survivre, préférant se noyer plutôt que d’attendre la mort chez eux. Ils réclament leur part du gâteau, mais le gâteau est déjà plus qu’à moitié dévoré.

Et ce qui en reste, c’est pour nous, pas pour eux.

Tout cela on le sait, c’est écrit dans des centaines de rapports. Pourtant on continue comme si de rien n’était : mais il n’y a pas de Plan B pour la planète.

La peur et la haine

La première conséquence, c’est la peur. Avant c’était là-bas qu’on avait peur de manquer, peur d’être anéantis. Maintenant, la peur a envahi l’Occident, et avec elle la violence. Nous touchons du doigt notre fragilité, nos limites, notre dépendance. Un coronavirus invisible, sournois, mortel, a fait trembler notre civilisation sur ses bases. Comme tout animal qu’on agresse, nos défenses se sont hérissées. Les confinements, les masques, les distances, les solitudes, ont institutionnalisé la défiance. On a perdu confiance dans les spécialistes, les médias, les autorités. Ceux qui savent ont montré qu’ils ne savaient pas, ceux qui parlent qu’ils ignoraient ce dont ils parlent, ceux qui ont le pouvoir qu’ils ne pouvaient rien.

La peur et la défiance ont engendré l’agressivité au quotidien. En 1995 le film de Matthieu Kassovitz, La Haine, obtenait le « César du meilleur film » : aujourd’hui la haine n’est plus sur les écrans, elle s’étale en plein jour. On égorge au couteau, on tue avec des armes de guerre, des hordes de sauvages cassent tout, affrontent les hommes en uniforme en batailles rangées. Parce que la loi les y oblige, ces derniers s’efforcent d’éviter l’escalade – mais un prochain gouvernement ne changera-t-il pas la loi ?

La maladie de la peur et de la haine ont produit un symptôme qui ne trompe pas : la montée des extrêmes, bubons de la peste moderne, résultante de nos aveuglements, réveil de nos endormissements. « Bah ! disaient mes amis, la France en a vu d’autres ! » Oui, en 1793 elle a vu la terreur, en 1871 la Commune. Mais alors le reste de l’Occident n’était pas touché : aujourd’hui c’est la planète entière qui est malade. Et la démocratie pourrait n’être plus bientôt qu’un souvenir.

La fin des valeurs ?

Les humains ayant une remarquable capacité d’adaptation, on voit des jeunes hommes et femmes faire des projets, préparer leur avenir avec entrain. Mais ils ne savent plus ce que c’est que le collectif. Leur horizon se limite à eux-mêmes et à leurs proches. Leur ambition est de ‘’s’en tirer’’ du mieux possible. L’interdépendance entre les humains, la dimension collective de leurs vies leur échappent complètement. C’est qu’il n’y a plus d’état, plus de nation, plus de partis politiques, plus de syndicats, plus d’Église. Qui donc parmi ces jeunes gens accepterait aujourd’hui de sacrifier sa vie pour la France ? Que signifierait pour eux « mourir au champ d’honneur » ? Et dans quelle Église, dans quelle religion, dans quel idéal politique trouveront-ils ce sens de la vie qui la hausse au-dessus d’elle-même ?

Quand toute une génération ne sait plus à quoi ressemblent les valeurs qui ont présidé à sa naissance, quand les anciens ne sont plus des références sur lesquelles on s’appuie mais des objets de compassion qu’on maintient à distance, alors on entrevoit un Occident en train de perdre ses forces spirituelles après avoir gaspillé ses ressources.

Est-ce la fin du monde qui s’annonce ? Sans doute pas. La fin d’une civilisation ? Peut-être. Et avec sa descente dans l’ombre et le néant, quelque chose d’encore jamais vu sur cette planète.

Prophètes, où êtes-vous ?

                                                                              M.B., 14 février 2022.
Et j’ajoute : dans ce monde-là, que peut-on encore dire, que faut-il encore écrire ?

9 réflexions au sujet de « EST-CE LA FIN DE LA CIVILISATION OCCIDENTALE ? »

  1. ange lini

    Bonjour Mr Benoit
    Petite rectification si vous le permettez. Ce n’est pas le virus qui à distillé la peur en ce monde, ce sont la quasi totalité des médias ignorants et en service commandé. Et quand on étudie l’Histoire, ce genre de  » détail  » change tous le sens de la narrative. Si temps est que nous l’ayons été un jour, notre « démocratie » n’est plus qu’un texte vidé de son sens par ceux qui sont sensé le protéger et l’appliquer… Reconnaissons à la « terreur » communiste de s’être effondrée avec pour seul dégâts un mur de pierres jonchant le sol. Reconnaissons aux « bons » argentiers qu’ils y ont toujours préféré un mur de cadavres pour renaitre des cendres de chairs à canons…Votre billet se plaint d’effets, dont d’autres billets ont chéris les causes. Mourir pour une patrie n’a jamais existé. On meurt pour une liberté…même fausse…
    Ps : Ravi de vous savoir en forme ! Pour le rester n’oubliez pas, gingembre, citron, et miel en tisane tous les matins. Vous m’en direz des nouvelles ! Portez vous bien.

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  2. Hubert

    Bonjour Michel
    J’ai juste envie de rappeler cette parole de Geronimo :
     » Quand le dernier arbre aura été abattu,
    quand la dernière rivière aura été empoisonnée,
    quand le dernier poisson aura été péché,
    alors enfin nous saurons que l’argent ne se mange pas. »
    Geronimo est mort en 1909. Peut-on enlever un seul mot à sa parole ?

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  3. JEAN DEVOS

    Dites moi que vous ne pensez pas vraiment ce que vous dites là et que la désespérante noirceur de votre
    tableau n’a pour but que de nous faire réfléchir…
    et que vous nous préparez une suite offrant plus que des lueurs d’espoir
    L’humanité est en progrès
    Jean Devos

    Répondre
    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      hélas je ne « pense » pas, je décris ce que vous voyez chaque jour (si vous regardez)
      Le Mal progresse avec l’humanité. Napoléon a fait tuer 1 million de personnes, Hitler 50 millions, Staline plus encore, etc.
      le « progrès » est une utopie des Lumières. Je vais faire un article « La fin du progrès »
      Lueurs d’espoir ? En ce moment précis, on en voit peu ou pas.
      je vais écarquiller mes yeux : aidez-moi, que voyez-vous ?
      M.B.

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      1. JEAN DEVOS

        Je regarde le monde avec d’autres lunettes .J’ai voyagé toute ma vie professionnelle dans le monde entier. Je vois un monde plus intelligent , plus lucide sur lui-même , sur ses réussites et ses erreurs , un monde plus conscient . La mondialisation apportée par la science et la technologie , nous fait passer à une sorte d’âge adulte .
        Certes l’Occident ne domine plus le monde , des erreurs et des crimes se commettent , mais où est la dégradation par rapport aux catastrophes du siècle dernier?
        Le génie humain se dotera d’autres énergies qui ne seront plus de simples consommations des ressources mais des vrais inventions . C’est en cours !

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        1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

          Oui, tout ce que vous dites est vrai, nos technologies ont beaucoup progressé. Mais notre « humanité » ? Toujours autant de volonté de dominer, d’agresser, d’envahir, toujours la même gloutonnerie politique que sous Jules Césdar.
          Avec, c’est vrai, des progrès notables dans la violence de masse et l’horreur.
          M.B.

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  4. CORRE Henry

    Bonjour Michel,
    les religions du Livre y sont un peu pour quelque chose:
    “Croissez et multipliez, emplissez la terre et conquérez-la. Assujettissez les poissons de la mer, les oiseaux des cieux, et tous les animaux fourmillant sur la terre” » (Gn 1, 28)…….

    cordialement

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Oui. Et quand on pense que ce texte a un arrière-plan POLITIQUE :
      « Multipliez-vous, pour chasser par votre nombre les premiers habitants de Canaan (Israël) ». Rien n’a changé. Aujourd’hui ce sont les Palestiniens. La Droite israélienne connaît ses classiques.
      M.B.

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