LES MUSULMANS DANS L’IMPASSE (III) : le déni de réalité (Ali Malek)

            L’islam des terroristes djihadistes est-il le vrai islam ? Leur violence est-elle compatible avec une religion qui se prétend meilleure que toutes les autres ?

            Les penseurs musulmans qui tentent de résoudre cette impasse avancent deux types de solutions :

1- Il faut distinguer deux époques successives dans le Coran : la ‘’période mecquoise’’ ‘(612-622) pendant laquelle Muhammad aurait prêché une religion spiritualiste et morale, suivie de la ‘’période médinoise’’ (622-632), guerrière, conquérante et violente. Du Coran, les musulmans ne devraient retenir que les sourates de la première période.

2- Le vrai islam a été perverti par les califes qui ont promulgué des milliers de « paroles du Prophètes » ou hadiths, non-consignées dans le Coran. Ce sont ces hadiths qui incitent à la violence, pas le Coran.

            Dans un article publié par Le Monde du 1er février 2015 (1), Comment l’islam est perverti par des fidèles, M. Ali Malek invoque avec véhémence chacune de ces deux solutions. Je le cite :

1re solution : « Le Coran ne demandait pas aux [Arabes] d’islamiser le monde, mais de s’islamiser eux-mêmes… Dans la mesure où [le Prophète] écrivait lui-même les sourates, il ne pouvait… contredire [son] enseignement : ‘’ Est-ce à toi de contraindre les gens pour qu’ils deviennent croyants ?  » Ce verset date de la période mecquoise où le Prophète mettait du zèle à prêcher ses concitoyens ».

2e solution : « Contemporain de l’imam Malik [† 705], Ibn Ishaq écrit à la demande du calife la première biographie de Mahomet… source de toutes les autres biographies apparues ultérieurement. On est à peu près un siècle et demi après le Prophète. C’est au cours de cette époque que vont être écrites les premières compilations de hadiths et que va se cristalliser cette version de l’islam qui nous est parvenue aujourd’hui. [À partir de cette première biographie], Ibn Ishaq [† 767] a écrit une biographie du Prophète [et] en a brossé un portrait sur mesure pour des califes sanguinaires ».

            M. Ali Malek affirme qu’il y a deux Corans dans le Coran – et c’est courageux de sa part quand on sait que le « Gandhi du Soudan », Mahmoud Muhammad Taha, a été pendu en 1985 pour avoir prétendu la même chose, ce qui a été considéré comme une apostasie par son gouvernement.

            Mais il ne peut pas aller plus loin. Dans Naissance du Coran, j’ai rassemblé les travaux de chercheurs qui proposent une toute autre version : le Prophète n’a pas « écrit lui-même les sourates », le Coran s’est formé sur une période de plus d’un siècle, à partir de la prédication de judéo-chrétiens syriens, les nazôréens. Ce noyau judéo-chrétien a ensuite été amplifié par les califes de Jérusalem, de Damas et peut-être même de Bagdad. Le texte final contient, dans un mélange inextricable, les catéchèses de ces nazôréens et un ensemble de législations califales plus tardives.

            Ce n’est donc pas la distinction entre ‘’période mecquoise’’ et ‘’période médinoise’’ qui permettrait aux musulmans de sortir de l’impasse, mais une exégèse historique et critique du texte, semblable à celle que les chrétiens ont entrepris, il y a près de deux siècles, sur la Bible. Ce qui leur a permis de faire le tri entre passages inspirés de Dieu et passages reflétant l’Histoire des six ou sept siècles sur lesquels la Bible a été écrite. D’y trouver l’apaisement, en eux et avec le reste du monde. De s’ouvrir enfin à la modernité.

Déni de réalité

            C’est pourquoi M. Ali Malek – comme tant d’autres – est obligé de nier la réalité quand il affirme dans Le Monde : « Y a-t-il un seul verset dans le Coran qui appelle à mettre à mort celui ou celle qui insulte le Prophète ? » Hélas, oui. Puisque « quiconque obéit au Prophète obéit à Dieu » (2), le Coran a forgé un nom composé, Allah-et-son-Prophète. Et il affirme : «  Vous ne devez jamais offenser le Prophète d’Allah… Allah maudit en ce monde et dans l’autre ceux qui offensent Allah-et-son-Prophète, il leur prépare un horrible châtiment (3).

            Ou encore quand il affirme : « Aucun verset ne légitime le meurtre d’un blasphémateur, d’un hérétique ou d’un apostat. Aucun ! » Hélas, ces versets il y en a des dizaines. Par exemple : « Les chrétiens ont dit : Le Messie est fils de Dieu. Qu’Allah les tue ! » (4) « Prophète, combats les non-croyants et les hypocrites : sois dur avec eux ! Quand vous les rencontrez, frappez-les à la nuque jusqu’à ce que vous les ayez abattus ! » (5) Ces ‘’hypocrites’’ sont ceux qui ont pratiqué l’islam sans conviction et l’abandonnent – c’est-à-dire des apostats : « S’ils tournent le dos [à la vraie foi], dit le Coran, saisissez-les alors, et tuez-les où que vous les trouviez. » (6)

            Quand enfin M. Malek affirme que « le djihad offensif est interdit par le Coran », je ne peux que le renvoyer au chapitre 19 de Naissance du Coran, Djihad : l’appel au martyre, où je montre – textes à l’appui – que la guerre d’extermination menée contre les Juifs et les chrétiens (c’est-à-dire les occidentaux) est longuement prescrite et motivée dans le Coran.

            « Personne ne peut toucher directement au Coran… Il y a suffisamment de versets belliqueux dans le Coran pour réduire toute la planète en un amas de ruine (7) ».

Déni de réalité et Pensée Unique

            Ce déni de réalité, lié à l’interdiction de soumettre le Coran à la critique, les musulmans sont les premiers à en souffrir, et nous avec eux. Il alimente la Pensée Unique (8) que nous entendons ressassée à longueur d’antennes : « Pas d’amalgame ! Ne confondons pas bons musulmans et terroristes ! » Mais c’est au nom du Coran que les terroristes accomplissent leurs crimes, parce qu’ils trouvent dans ce texte largement de quoi alimenter leur haine.

            Aucun des chercheurs de haut niveau dont j’ai exploité les travaux dans Naissance du Coran n’est musulman – et pour cause. Un jour viendra, je l’espère, où des musulmans pourront se mettre au travail sans risquer leur vie. Entreprenant une relecture sereine, objective et critique, du Coran. Y trouvant enfin la paix, en eux-mêmes d’abord, avec nous ensuite.

                                                                 M.B., 1er février 2015
 (1)http://www.lemonde.fr/journalelectronique/donnees/protege/20150201
(2) Coran 4, 80.
(3) Coran 33, 53-57.
(4) Coran 9,30.
(5) Coran 9, 73 // 66, 9 ; 47, 4.
(6) Coran 4, 89.
(7) Sami Aldeeb :
http://ripostelaique.com/lettre-ouverte-de-sami-aldeeb-a-manuel-valls-connaissez-vous-lapartheid-islamique/
 (8) Voyez dans ce blog le mot-clé Pensée Unique.
 NAISSANCE CORAN 1COUV

17 réflexions au sujet de « LES MUSULMANS DANS L’IMPASSE (III) : le déni de réalité (Ali Malek) »

  1. Ping : CORAN : LES CHOSES BOUGENT | Une vie à la recherche de la liberté intérieure, morale et politique

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  4. dr coq

    Papier de Ali Malek extrêmement choquant dans le Monde, pour lui le Coran serait irréprochable alors qu’il suffit de l’ouvrir à n’importe quelle page pour le contredire !

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      1. JP Castel

        @Karim Ben Amor
        Bonjour, merci infiniment, c’est très éclairant. J’espère que vous avez écrit au journal!
        Pourriez-vous répondre à la question que je posais ci-dessus:
        – quelle est la signification de « la fermerture des portes de l’itjihad » ? (interdiction de l’interprétation, de l’exégèse?)
        – de quand date cette fermeture, qui en sont les auteurs?
        – est-il légitime de dire (cf. Angelina Neuwirth dans l’autre article du Monde ci-dessus référencé) : « chaque musulman peut interpréter selon ses moyens, même le plus simple des croyants. Seule compte l’intention » ?
        Merci d’avance

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        1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

          Pardonnez-moi de ne pas répondre à ces questions-là : je ne suis en rien un spécialiste de l’islam et de la longue histoire de son exégèse : je n’ai travaillé que sur le texte du Coran, jusqu’au début du 8e siècle. Vous trouverez vos réponses sur Internet.
          Angelina Neuwirth : il n’y a aucune autorité normative pour l’interprétation du texte (comme, par exemple, le Vatican qui dit COMMENT il faut comprendre les évangiles). C’est ce qu’elle veut dire : un djihadiste peut se réclamer du Coran tout autant qu’un pacifiste.
          M.B.

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  5. TARENTO-LONATI

    M Michel Benoît Je vous remercie pour l’excellent livre « La naissance du Coran ».Dans ma connaissance des religions monothéistes, il représente le « chaînon manquant ».
    Mon frère aîné m’avait prêté son exemplaire. Je viens de commander votre livre et je compte le prêter à mon tour.
    Ce livre est particulièrement important actuellement…

    Tous mes remerciements.
    Andrée Tarento-Lonati

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Oui, ce livre est important parce qu’il fait le point sur un siècle de recherche indépendante de la légende islamique. C’est pourquoi il reste confidentiel : faites-le connaître autour de vous !
      M.B.

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  6. Brackman Hervé

    Ces déclarations sont très importantes car la majorité des personnes mélangent Coran, Islam et ne s’y retrouvent pas et sont demandeurs d’informations.
    Je viens d’acheter votre livre et je vais commencer sa lecture, c’est la première fois que je vois des écrits que je prends pour « sérieux » et qui vont pouvoir nous éclairer.
    Je vous remercie et continuer ces informations car le monde , l’humanité fonce dans le mur si on continue ainsi.

    Merci encore

    Rév. P. Hervé

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Hélas, je suis « vox clamantis in deserto ». La Pensée Unique occupe tout le terrain, c’est une de ses définitions. Bonne lecture, faites savoir ! M.B.

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      1. Brackman Hervé

        Ne croyez pas cela, vous n’êtes pas « vox clamantis in deserto », bien au contraire et il faut continuer et perséverer ; je continue la lecture du coran mais je suis revenu à un autre livre qui m’intéressait beaucoup « Jésus et ses héritiers » (je ne sais plus pourquoi mais je devais approfondir un sujet repris dans le coran) et si je puis me permettre de vous poser une question que vous aurez plus facile que moi pour y répondre ; au chapitre « treizième apôtre » page 43 vous dites 1ère ligne : quand il quitte le Jourdain, (après son baptême avec Jean-Baptiste) 4 hommes décident de le suivre, André et son frère Pierre, Philippe et Nathanaël, Nathanaël (Natan Ha El en hébreu) est très peu renseigné dans le NT, pouvez-vous me donner les coordonnées d’où je puis le retrouver ?
        Avez-vous un blog où l’on puisse échanger ? Nathanaël me tient particulièrement à coeur mais je n’échange pas à ce sujet mais je pense qu’il est connu sous un autre nom.
        Merci à vous

        Rév.P Hervé Brackman

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        1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

          Vous savez que Nathanaël n’est cité que dans le IV° évangile, dans des parties qui appartiennent au « récit du 13° apôtre » : voyez à ce sujet « L’évangile du treizième apôtre, aux sources de l’évangile selon saint Jean », que j’ai publié chez l’Harmattan en 2013. Donc une source historiquement fiable.
          Il semble qu’ailleurs (Mt, Mc, Lc, Ac) il soit appelé Barthélémy. Je n’en sais pas +, ne m’étant jamais intéressé à ce personnage.
          Vous pouvez échanger sur ce blog où vous êtes bienvenu.
          Amicalement, M.B.

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