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FEMMES, JE VOUS HAIS ! (le Coran et ces dames)

          Il y a sur cette terre, environ 1 milliard de musulmans – soit logiquement la moitié de femmes. Que dit le Coran de nos adorables moitiés ?

 Aux origines : le messianisme judéo-essénien

           Pour son époque l’Ancien Testament n’est pas particulièrement misogyne, il donne même parfois aux femmes une place qu’elles n’avaient pas chez les peuples voisins.

           Mais à partir de l’exil (- 586), on voit apparaître en Israël un messianisme de plus en plus exacerbé, combiné à partir du II° siècle avant J.C. avec un gnosticisme de plus en plus affirmé.

           Messianisme : c’est l’attente d’un Messie charismatique et belliqueux, qui prendra la tête d’une guerre d’extermination contre tous les ennemis d’Israël.

          Gnosticisme : c’est un courant philosophique qui sépare l’univers en deux sphères, celle du bien (les Fils de Lumière) et celle du mal (les Fils des Ténèbres).

           Les manuscrits trouvés sur les rives de la Mer Morte datent du tournant du 1° millénaire. On y lit des perles, comme : « La perversion du cœur des femmes éloigne les humbles de Dieu, égare les humains dans un fossé et les séduit par leurs flatteries. (1) Au roi elles enlèvent sa gloire, au brave sa force, au pauvre le soutien dans sa pauvreté. » (2)

          Ầ cette époque, était donc répandue en Israël une idéologie selon laquelle la femme, par nature, détourne l’homme de sa mission.

          Pourquoi ? Parce qu’ici-bas les Fils de Lumière (nous) sont engagés dans une guerre sans merci, totale, contre les Fils des Ténèbres (eux). Dans ce climat totalitaire, la séduction féminine empêche le fanatique d’être entièrement investi dans la seule chose qui compte, son combat pour le triomphe de la cause du Bien (nous).

          Séductrice, la femme représente pour l’homme (et donc pour la communauté des combattants) un danger mortel.

          Séduction (tentation), en arabe, se dit fîtna.

           On retrouve cette misogynie dans le Talmud, écrit juif rabbinique écrit cinq siècles plus tard. « Le Talmud est résolument misogyne… La femme n’est pas digne de témoigner (pas plus que le fou ou l’enfant). Le mariage est un acte d’achat, et la femme appartient à son mari sans pouvoir, contrairement à lui, dissoudre cette union. » (3)

           Retenons de cela qu’un fort courant juif, d’origine essénienne et qui s’épanouit dans le judaïsme rabbinique, voyait dans le monde la scène d’un combat apocalyptique entre le bien et le mal. Guerre totale : ne survivront que ceux dont les armes ne seront ni polluées, ni alourdies par une quelconque tentation.

          Prêt à se sacrifier pour le retour du Messie, le fanatique ne doit être retenu ou empêché par rien.

 Le Coran, un texte d’inspiration judéo-chrétienne

           La recherche contemporaine a mis en évidence un fait que les érudits musulmans peinent à reconnaître : le Coran est entièrement d’inspiration juive et nazôréenne. (4)

          Juive, et pas n’importe quel judaïsme : le judaïsme rabbinique du VII° siècle, c’est-à-dire talmudique.

          Nazôréenne : cette secte judéo-chrétienne, qui sort lentement de l’oubli, E.M. Gallez l’appelle à juste titre un judéonazôréisme (5). C’est-à-dire un judéo-christianisme particulier, à la fois messianique et fortement teinté de gnosticisme.

           On ne peut pas comprendre le Coran si l’on oublie qu’il part en guerre d’une part contre les musrikûn, ceux qui associent d’autres dieux au Dieu unique (les idolâtres et les chrétiens). Et d’autre part contre les kafirûn, ceux qui « recouvrent » Dieu par leurs infidélités à sa Loi (les juifs).

          Dans l’optique talmudique aussi bien que nazôréenne reprises par le Coran, le salut du monde est en jeu : il y a d’un côté le « parti d’Allah », hizb Llah, qui doit tout sacrifier au Chemin d’Allah, sabîl Llah. Et de l’autre le « parti de Satan », hizb saytân formé par les ennemis d’Allah.

          L’homme musulman est un mukallaf, un chargé de mission, réquisitionné par Allah : tout doit être sacrifié à cette cause.

 Les femmes, obstacles à la cause

          Dans cette optique totalitaire seule compte l’Umma, la communauté des croyants : l’individu ne compte pas.

          Or, à cause de leur maternité les femmes ont l’esprit tourné vers la vie qu’elles créent autour d’elles, d’où cette prescription du Coran : « Vos femmes et vos enfants sont pour vous des ennemis. Prenez-y garde ! Vos biens et vos enfants ne sont qu’une tentation – fîtna » (6).

          C’est aussi pourquoi « les hommes ont autorité sur les femmes, parce qu’Allah les préfère à elles » (7). Et si elles ne se soumettent pas, « celles de vos femmes dont vous craignez la désobéissance, reléguez-les dans des chambres à part et frappez-les. Mais si elles vous supplient, cessez de peser sur elles » (8).

           Non pas que l’homme serait automatiquement du parti de Dieu, tandis que la femme serait automatiquement du parti de Satan. Mais seule une femme devenue mukallaf , militant(e) totalement engagée dans la cause, peut trouver grâce aux yeux de la communauté, l’ Umma.

          La femme n’est pas l’égale de l’homme, mais la croyante est l’égale du croyant. Ce qui peut expliquer le choix de certaines femmes du port du voile, qui les marque comme croyantes plutôt que comme femmes.

           On trouve déjà cette idée dans plusieurs évangiles apocryphes gnostiques comme l’évangile de Thomas, logion 114 :

          « Simon-Pierre dit : « Que Marie sorte du milieu de nous, car les femmes ne sont pas dignes de la Vie ». Jésus dit : « Je l’attirerai afin de la faire mâle… car toute femme qui se fera mâle entrera dans le Royaume des cieux ».

 Le Coran, un progrès et un adoucissement

           On sait assez peu de choses sur la société arabe du Hîdjaz au VII° siècle. Mais ce qu’on constate, c’est que le Coran annule la lapidation de la femme adultère, prescrite – et pratiquée – dans le judaïsme à l’époque de Jésus.

          Si une femme est surprise en flagrant délit d’adultère (ou fortement soupçonnée), « le débauché et la débauchée recevront cent coups de fouets chacun, et un groupe de croyants sera témoin de leur châtiment. N’ayez aucune indulgence envers eux, c’est la religion d’Allah. » (9)

          De même, en cas d’héritage « Allah ordonne d’attribuer au garçon la part de deux filles » (10) : c’était sans doute plus qu’elles n’avaient jamais reçu.

          La législation coranique sur la dot, les enfants, le divorce, le témoignage en justice nous paraît médiévale et inacceptable : pour nous elle l’est , mais au VII° siècle elle représentait plutôt un progrès.

          Le problème, c’est que l’horloge historique de certains fanatiques musulmans s’est arrêtée à la fin du VII° siècle. En ce qui concerne l’accusation d’adultère notamment, ils oublient que les plaies de cent coups de fouets cicatrisent plus facilement qu’un corps écrasé à coups de pierres.

 Les hadîths

           D’autant plus qu’au texte du Coran se sont ajoutés, au cours des siècles, des hadîths ou paroles du Prophète recueillies par ses proches compagnons, et non consignées dans le texte du Coran dicté par Allah à son Prophète.

           Ainsi, ce délicieux proverbe qui lui est attribué :

          « La plus grande cause de misère que j’ai laissée à l’homme, ce sont les femmes. »

          Ou encore, cet autre attribué à ‘Ali, neveu de Mahomet :

          « La femme toute entière est un mal. Et ce qu’il y a de pire en elle, c’est que c’est un mal nécessaire » (11).

           Heureusement, il y a des versets du Coran (dictés par Dieu) comme celui-ci :

          « Vos femmes sont un champ à labourer : labourez-le comme il vous plaît. » (12). Tout récemment, je bavardais avec un musulman de milieu populaire, qui était fier de passer ses journées à étudier le texte du Coran. Il m’expliqua que ce verset de la sourate « La Vache », la 2° du Coran, signifiait en fait que les maris peuvent prendre leurs femmes par devant ou par derrière, « comme il leur plaît ». Ce sont les délices de l’exégèse coranique, adaptée à « un peuple qui ne se trompe pas » (13).

 L’héritage judéo-gnostique en christianisme

           Les chrétiens n’ont de leçons à donner à personne.

          Rappelons-nous ce que fut la condition de la femme en chrétienté triomphante : nous étions tout aussi messianistes, attendant le retour du Christ et prêts à le hâter par quelques bonnes croisades – comme celle des armées du pape contre les pieux albigeois.

          Tout aussi gnostiques, reléguant l’œuvre de chair aux confessionnaux, si d’aventure elle s’accompagnait de plaisir.

          Combien de siècles avons-nous mis à reconnaître aux femmes, après une âme semblable à celle des hommes, une dignité égale à la leur ?

           Et nous souvenons-nous que Jésus, qui fut nazôréen, parlait en public à une femme, étrangère de surcroît, acceptait dans son entourage des femmes qui se montrèrent à son égard d’un dévouement sans borne, jusqu’au bout. Relevait sans la juger une prostituée repentante, rendait la vie à une femme adultère sur le point d’être lapidée…

           Hélas, Jésus a été transformé en Christ, ce qui ne lui a pas réussi – et à nous non plus.

                                                M.B., 21 août 2011

 (1) Écrits Intertestamentaires, Pléiade 1987, Fragments divers : Pièges de la Femme, pp. 447-451.

(2) Testaments des XII Patriarches, Juda, id. p. 867.

(3) Raphaël Cohen, Ouvertures sur le Talmud, Paris, Granger, 1990, p. 125.

(4) Voyez, dans ce blog, les articles rassemblés sous la rubrique « L’islam en questions »

(5) Le Messie et son prophète, 2 tomes aux Éditions de Paris, 2005. Ouvrage remarquable, auquel j’emprunte une partie de cet article.

(6) Coran 64, 14-15.

(7) Coran 4,34 a.

(8) Coran 4,34 b. Traduction Denise Masson, corrigée par Berque.

(9) Coran 24,2.

(10) Coran 4,11.

(11) Deux hadîths cités par Gallez, Tome I page 508.

(12) Coran 2, 223.

(13) Coran 5, 51.

PEUT-ON CHANGER LE MONDE ? (II) Le désespoir

          Les révolutions françaises du XIX° siècle avaient fait naître un immense espoir : on changerait le monde, en changeant l’Homme (cliquez) .

          On commença par détruire deux des trois « ordres » féodaux, le premier-ordre ou clergé, le deuxième-ordre ou noblesse. Devenu tout alors qu’il n’était rien (1), le troisième-ordre ou Tiers-état s’engouffra dans l’ascenseur de la Révolution. Puis l’Empire et les Restaurations mirent fin au rêve : on revint pratiquement à la case départ.

          Était-il donc impossible de changer le monde ?

 I. Changer les sociétés ?

           Se produisit alors un bouleversement inattendu, la naissance du capitalisme industriel. L’ex Tiers-état se fractura en deux : d’un côté les patrons, qui investissaient leurs capitaux, et de l’autre les ouvriers qui les faisaient fructifier par leur travail.

          Pour rendre compte de cette mutation, Karl Marx inventa la notion de classes sociales. Son projet révolutionnaire n’était plus focalisé d’abord sur la création d’un Homme Nouveau, mais d’une société nouvelle. L’Homme valant ce que vaut son travail, la classe ouvrière était appelée à prendre le pouvoir en anéantissant la classe possédante.

           Les révolutions du XIX° siècle avaient voulu réhabiliter l’individu par des slogans inspirés du christianisme (cliquez) . Pour celles du XX° siècle l’individu n’était rien, qu’un atome du corps social. On les appela totalitaires, parce qu’elles s’emparaient de la totalité des individus pour les chauffer jusqu’à ce qu’ils fondent, et se fondent dans la masse. Elles ne laissaient aucune place aux inquiétudes morales, spirituelles ou métaphysiques sur la vie, la mort, la rencontre d’une transcendance.

            La naissance, la dictature puis l’écroulement de l’idéologie communiste ont parcouru le XX° siècle, avec son reflet exact, inversé comme dans un miroir, l’idéologie fasciste.

          Deux rêves messianiques et apocalyptiques, de nature identique (cliquez) .

          En principe vaincus par la chute d’un blockhaus puis d’un mur, ces formes du totalitarisme n’ont cessé de ressurgir. Entre autres dans la Révolution Culturelle chinoise ou chez les Khmers rouges, épisodes tragiques qui associèrent explicitement le projet de créer en même temps un Homme Nouveau, et une société nouvelle.

           Toutes les pistes révolutionnaires avaient été explorées, pour s’écrouler en ne laissant derrière elles que ruines et cadavres. Faute d’alternative, le capitalisme triompha jusqu’à vaciller à son tour dans la crise issue des subprimes, qui semble nous mener aujourd’hui dans le mur.

           Lucide, la jeunesse perçut dès le début la profondeur de cet échec planétaire. Elle ne se résignait pas et réclama un autre monde : « This world is over », ce monde-là est fini. Ce furent les vagues successives des mouvements altermondialistes, depuis les Hippies (1968) jusqu’aux Indignés (2011) : on criait dans la rue, puis les voix s’enrouaient de fatigue. Les protestataires finissaient par se soumettre, rentraient dans le système qu’ils retrouvaient inchangé, identique à lui-même.

          Les plus convaincus, les plus généreux tombèrent dans le désespoir : drogue, alcool, violence, terrorisme. Avec le suicide comme arme ultime.

           Dans ce monde qui pourrissait sur pied, il existait pourtant une institution dont le prestige et les moyens étaient encore intacts au milieu du XX° siècle. L’Église catholique aurait pu offrir une alternative aux révolutions manquées, une perspective aux idéaux trahis, une issue aux impasses mortifères : elle finit par reconnaître qu’un monde nouveau était en train de naître (2). Mais ce fut pour rendre les armes devant le capitalisme triomphant, en établissant des digues de protection devant la montée du socialo-communisme égalitaire (3).

          Ce compromis entre réalité et idéal (supposé évangélique) était-il viable ?

          Pouvait-on en même temps accepter le monde tel qu’il est, et chercher à le changer sans rompre totalement avec lui ?

          La « doctrine sociale chrétienne » n’a jamais été appliquée nulle part. L’Église affichait sa « préférence pour les pauvres », mais ne faisait pas pour elle-même le choix de la pauvreté. Quand elle ne se rangeait pas du côté des puissants et des riches, elle assistait en spectatrice à l’étouffement des protestataires, drapée dans un silence assourdissant (4).

          Les indignés de tous bords comprirent vite qu’ils n’avaient plus rien à attendre d’elle.

           Après la terre, le ciel était désormais vide.

          Et dans ce vide, le monde continuait à tourner, inexorable.

 II. Changer la morale ?

           Commercialisée aux USA en 1966, en France en juin 1967, la pilule contraceptive fut pour le XX° siècle un événement aussi marquant que la révolution industrielle du XIX°.

          Elle a rendu possible la révolution des mœurs, l’irruption du plaisir pour lui-même.

           Entre mai 1968 et l’apparition du Sida en 1982, ce fut une explosion libertaire sans limites. Emmenée par de grands écrivains (Nabokov aux USA, Gide et sa postérité (5) en France), la société occidentale dépénalisa les homosexualités et proclama le droit universel à la liberté sexuelle, quel que soit l’âge. Bref moment d’ivresse, vite tempérée par l’apparition de l’exploitation commerciale des plus faibles livrés aux fantasmes de malades sexuels.

          La diffusion galopante d’un minuscule rétrovirus mit fin au règne du plaisir illimité.

          On légiféra contre les excès de la liberté, on revint au moralement correct, mais le mal était fait : le plaisir avait acquis droit de cité. Un monde nouveau venait de naître.

           Dans cette époque troublée, l’Église catholique aurait pu utiliser son audience pour proposer la réintégration du plaisir dans l’amour. Pour montrer comment l’un et l’autre, quand ils ne sont pas dissociés, sont l’une des voies ordinaires qui mènent à l’expérience directe de la transcendance.

          Au lieu de cela elle tourna le dos au monde nouveau qui se cherchait, s’enferma dans le refus et la condamnation.

           Perdant définitivement la confiance des jeunes, et le peu de crédit qui lui restait. Ils se retrouvèrent seuls pour gérer leurs vies affectives, sans conseils, sans repères, sans horizons.

          Heureusement pour eux et pour nous, l’amour est à lui-même son propre horizon.

           L’effacement des Églises du champ de la conscience morale accompagnait la maturité du Nouveau Monde : un monde décidé à « s’en sortir tout seul », sans maîtres ni horizon transcendant, en même temps qu’il était effrayé par la disparition des guides et des porteurs d’idéaux traditionnels.

          N’apercevant rien, ni personne, capable de remplir ce vide qu’il préférait ignorer ou éviter du regard, tant il est angoissant. Mais vers lequel il marchait les yeux fermés.

 III. Une nouvelle spiritualité ?

           Pendant 17 siècles, ce sont les Églises chrétiennes qui ont eu le monopole de la transcendance, et des moyens d’en faire l’expérience.

          Prisonnier de son héritage juif, le christianisme évangélisa les peuples à coup de liturgies et de prières vocales. « As-tu dit ta prière ? » : prier, c’était réciter des formules.

          Même les moines, fers de lance de l’évangélisation, se voyaient fixer par leur Règle un objectif quantitatif : plus on marmonnait de psaumes, mieux on se rapprochait de Dieu (cliquez) .

            Il y avait eu pourtant en Orient des Maîtres pour enseigner l’Hésychia, en Occident d’autres qui parlaient d’Oraison, ces deux formes de la prière silencieuse. Mais ils ne franchissaient pas le cercle des initiés, et surtout aucun n’expliquait de façon simple, claire et efficace comment parvenir au silence intérieur, porte d’entrée de la rencontre avec la transcendance.

          L’Occident se tourna alors vers l’hindo-bouddhisme, pour découvrir que tout y était dit et expliqué de façon lumineuse, dans un contexte anthropologique et cosmologique totalement différent du christianisme. Et infiniment plus cohérent avec l’expérience, la raison et la science.

          L’Église, seule à posséder la vérité, ignora splendidement ce champ de l’expérience spirituelle. Les meilleurs de ses fils se détournèrent d’elle pour aller défricher, chez les Maîtres orientaux, les chemins de la rencontre avec l’Ineffable dans le silence de l’esprit et des passions.

           Trois fois orphelin de son passé (socialement, moralement, spirituellement), l’Occident n’a pas aujourd’hui d’autre choix que de prendre ses destinées en mains, seul face à un avenir qu’il n’a plus les moyens de comprendre ni d’imaginer.

          Debout aux frontières des ténèbres, ses veilleurs ne voient-ils rien venir ?

                          M.B., 7 novembre 2011

                                        (à suivre – cliquez )

 (1) Qu’est-ce que le Tiers-état ? Rien. Que doit-il être ? Tout. C’est le titre d’une brochure de Sieyès qui accompagna le début de la Révolution française.

(2) Encyclique Rerum Novarum (« Un monde nouveau »), 1891.

(3) Après Rerum Novarum, Quadragesimo Anno (Pie XI, 1931), Mater et Magistra (Jean XXIII, 1961) et Centesimus Annus (Jean-Paul II, 1991) marquent les tâtonnements successifs du magistère catholique dans le domaine social, pendant un siècle.

(4) Quand elle ne les condamnait pas s’ils étaient d’inspiration chrétienne, comme la « Théologie de la libération » en Amérique latine.

(5) Au hasard et sans ordre : Radiguet, Bataille, Genêt, Pauvert, Guillotat, Matzneff, Duvert, les surréalistes…

JÉSUS A-T-IL ÉTÉ L’AMANT DE MARIE-MADELEINE ?

          Au commencement Dieu créa les homme          puis les hommes créèrent des dieux. (1)

l’auteur du Da Vinci Code a pillé une vieille légende, remise au goût du jour par l’affaire de Rennes-le-château : Jésus aurait été l’amant de Marie-Madeleine, et des enfants seraient nés de leur union sexuelle.

L’origine de cette légende se trouve dans un passage de L’Évangile de Philippe, texte gnostique du II°- III° siècle découvert parmi les manuscrits coptes de Nag Hamadi en 1947 :

« La Sagesse que l’on croit stérile  est la mère des anges.

La compagne du Fils est Marie de Magdala.

Le Maître aimait Marie plus que tous ses disciples,

Il l’embrassait souvent sur la bouche » (2)

Dan Brown a sorti cette phrase de son contexte, et s’en est servi dans un but purement commercial.

 Le contexte : un judaïsme devenu gnostique

Les textes gnostiques sont tous imprégnés d’un profond mépris pour le corps : « Malheur à vous… qui vous en remettez à la chair, cette prison qui périré  » (3) Parce que « celui qui a connu l’univers a trouvé un cadavre » (4), pour les gnostiques l’acte sexuel plonge l’ « homme de lumière » dans la ténèbre (5) : « Tous les corps façonnés périront. Ne sont-ils pas nés de rapports [sexuels] semblables à ceux des bêtes ? » (6). Et encore : « Ne crains pas la chair et n’en sois pas amoureux. Si tu la crains elle te dominera, et si tu l’aimes elle te paralysera et te dévorera » (7)

Mais on oublie toujours de dire que les textes gnostiques viennent du judaïsme prophétique, et se prolongeront dans la kabbale juive : mouvement mystique plus que philosophique, pour qui l’union entre l’homme et Dieu est de nature nuptiale. « La chambre nuptiale n’est pas pour les animaux… ni pour les hommes et les femmes impurs. Elle est pour les êtres libres, simples et silencieux » (8). « La chambre nuptiale est le Saint des Saints »(9)

Les gnostiques connaissent donc deux sortes d’unions : l’une, grossière, l’union charnelle des corps. L’autre, spirituelle, l’union nuptiale – aboutissement de la gnose.

Le Jésus des gnostiques ne pouvait forniquer avec Marie-Madeleine : c’eût été tomber dans la déchéance qu’il condamne lui-même : « O incomparable amour de la lumière, s’exc lam e-t-il ! O tristesse du feu qui brûle le corps des hommes, les consumant nuit et jour… lui qui les fait s’unir entre mâles et femelles… et qui les agite secrètement et ouvertement ! Celui qui cherche la vérité auprès de la vraie sagesse doit fuir la volupté, qui détruit l’Homme » (9)

 Le baiser de la prééminence

C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre le baiser de Jésus sur la bouche de Marie-Madeleine, celui des prophètes et du Cantique des Cantiques (« Qu’il me baise des baisers de sa bouche », 1,2) : bref, du mysticisme juif. « La bouche est la source et la sortie du souffle, et lorsque le baiser se pose sur la bouche, un  souffle s’unit à un souffle… à plus forte raison des souffles intérieurs ! » (10)

Ce « souffle intérieur » c’est le ruah, qui désigne indistinctement dans le judaïsme le souffle et l’esprit. Que les Grecs ont traduit pneuma, les Latins spiritus.

Le « baiser sur la bouche » que donne Jésus à Marie-Madeleine est donc un terme codé du gnosticisme : il signifie l’entente, la compréhension mutuelle, la connivence particulière qui existaient entre cet homme et cette femme. Et la transmission d’une Vérité plus haute.

Dans le contexte, il n’a aucune signification érotique.

Marie Madeleine faisait partie du cercle des intimes de Jésus : elle est présente au pied de la croix, elle est la première témoin de ses apparitions – avant les apôtres.

C’est cette intimité que l’Évangile de Philippe traduit par l’image du « baiser sur la bouche ». Allusion codée mais sans équivoque au cheminement mystique qu’il propose aux « parfaits », les gnostiques : ceux qui possèdent la connaissance intime du message de Jésus.

Cela, et rien d’autre.

Un second texte de Nag Hamadi, l’Évangile de Marie, décrit des relations difficiles entre les apôtres et Marie-Madeleine. « Les disciples étaient dans la peine… Marie se leva, embrassa tous [les disciples] et dit à ses frères [les apôtres] : « Ne soyez pas dans la peine et le doute… » Pierre lui répondit : « Sœur, nous savons que le Maître t’a aimée différemment des autres femmes. Dis-nous les parole s qu’il t’a dites… » (11)

Cette fois-ci, Marie embrasse tous les disciples : était-elle donc l’amante de tous ces hommes ? Ou bien ce baiser signifie-t-il qu’elle veut les introduire dans une gnose, celle qu’elle a reçue de Jésus ? Et en effet, juste après elle leur parle et « par ces paroles, elle tourna leurs cœurs vers le Bien » (12). Pierre avoue qu’elle a compris mieux que lui l’enseignement de Jésus : le Maître l’a aimée différemment des autres femmes – c’est-à-dire différemment de la façon dont les autres femmes se font aimer, physiquement. Et la preuve, c’est la qualité de son enseignement…

Alors (selon ce texte) éclate la jalousie d’André : « André prit la parole et s’adressa à ses frères : « Dites, que pensez-vous de ce qu’elle vient de raconter ? … Ces pensées diffèrent de celles que nous avons connues » Pierre ajouta « Est-il possible que le Maître se soit entretenu ainsi, avec une femme, sur des secrets que nous, nous ignorons ? Devons-nous changer nos habitudes, écouter cette femme ? L’a-t-il vraiment choisie et préférée à nous ? » (13)

On retrouve ici l’écho d’un conflit qui parcourt tous les Évangiles canoniques, mais qui a été occulté par l’Église depuis les origines : la lutte pour le pouvoir. Tous veulent être « à la première place » (14) : quelqu’un d’autre va-t-il leur ravir cette première place, parce que plus proche du Maître qu’eux ? Et ce quelqu’un sera-t-il en plus une femme, déchéance suprême pour des hommes convaincus de leur supériorité de mâles ?

Cela, Pierre ne l’admet pas : « Simon Pierre dit ceci [aux disciples] : « Que Marie nous quitte, car les femmes ne sont pas dignes de la vie. Jésus a dit : Voici, moi je la guiderai afin de la rendre mâle, de sorte qu’elle aussi puisse devenir un esprit vivant, semblable à vous, hommes mâles. Car toute femme qui se fera mâle entrera au royaume des Cieux » (15)

Que Marie « se fasse mâle », qu’elle abandonne sa féminité : et alors seulement elle pourra devenir gnostique, car la femme n’est pas digne de la gnose, la connaissance parfaite.

« Alors Marie pleura. Elle dit à Pierre : « Mon frère Pierre, qu’as-tu dans la tête ? Crois-tu que c’est toute seule, dans mon imagination… que je dise des mensonges à propos des enseignements du Maître ? » (16). En pleurant, Marie témoigne de sa faiblesse, c’est à dire de sa féminité. Alors Lévi prend sa défense, confirmant ce que nous apprennent par ailleurs les Évangiles canoniques : le tempérament violent de Pierre, sa volonté de puissance :

« Lévi prit la parole : « Pierre, tu as toujours été un emporté. Je te vois maintenant t’acharner contre la femme, comme le font nos adversaires. Pourtant, si le Maître l’a rendue digne, qui es-tu pour la rejeter ? Assurément, le Maître la connaît très bien : il l’a aimée plus que nous » (17)

Le Maître la connaît très bien : s’agit-il d’une « connaissance » biblique, charnelle ? Non, puisque Lévi précise : « Laissons [la Vérité dans son entièreté] prendre racine en nous… partons annoncer l’Évangile » dans sa totalité gnostique (18).

  La gnose universelle

             Pierre ne supporte pas qu’une femme passe avant lui, au motif qu’elle aurait pénétré plus avant que lui dans l’intimité de Jésus : de même qu’il ne pouvait supporter la présence et l’enseignement du disciple bien-aimé de Jésus, dont le nom comme la mémoire seront effacés de tous les textes, sauf du IV° Évangile.

Il ne peut supporter qu’une connaissance plus intime de Jésus soit transmise par d’autres que la Grande Église, qu’il contrôle. Que l’entrée dans la chambre nuptiale mystique ne lui soit pas accordée, à lui, alors que cette chambre s’ouvre à une femme.

Marie-Madeleine fut-elle la seule à partager le « souffle intérieur » de Jésus par le baiser mystique ? D’après l ‘Évangile selon Thomas, les gnostiques reconnurent ce privilège à une seconde femme. Ici, le contexte prend tout son sens : « Jésus dit : Deux personnes iront se reposer sur un lit : l’une mourra, l’autre vivra (19). Salomé dit : Qui es-tu, homme, pour être – toi qui es issu de l’Unique – monté dans mon lit ? Et pour avoir mangé à ma table ? Jésus lui répondit : Je suis celui qui tient son être de celui qui est juste… » (20)

Si Dan Brown avait lu ce logion de l’Évangile selon Thomas, il aurait pu augmenter les ventes de son livre en aug mentant le nombre des amantes supposée de Jésus. Salomé n’avoue-t-elle pas que Jésus est monté dans son lit ?

Vocabulaire mystique de la chambre nuptiale. « Quand vous ferez de deux un seul et que vous ferez que ce qui est au-dedans soit au-dehors, et que ce qui est au-dehors soit en-dedans… quand vous mettrez une image à la place d’une image, alors vous entrerez dans le royaume » promis par la gnose (21).

C’est ainsi qu’il faut comprendre le passage de l’Évangile de Philippe utilisé par Dan Brown :

« La Sagesse que l’on croit stérile  est la mère des anges

La compagne du Fils est Marie de Magdala.

Le Maître aimait Marie plus que tous ses disciples,

Il l’embrassait souvent sur la bouche  » (22)

La Sagesse, en gnosticisme, c’est Celui qui est né de l’Un, Jésus. On (les impurs) la croit stérile : mais elle est mère des anges, c’est à dire des messagers de la Vérité. « Le parfait Seigneur (23) dit : Je suis venu de l’Un afin de pouvoir vous instruire de toute chose. L’Esprit, qui était un géniteur, avait le pouvoir d’engendrer et de donner forme… à d’autres esprits de la génération inébranlable » (24).

Marie-Madeleine, Salomé : deux représentants de cette « génération inébranlable » qui a été ensemencée par l’enseignement du Géniteur, échangeant avec lui le baiser sur la bouche, souffle à souffle, et partageant avec lui le lit de la chambre nuptiale comme tous les « parfaits ».

En donnant à deux femmes la prééminence sur le troupeau des disciples mâles (et fiers de l’être), les Évangiles gnostiques se montrent fidèles à l’attitude de Jésus, qui avait admis dans son cercle restreint plusieurs femelles. Un seul témoin canonique rapportera la réprobation des apôtres devant l’attitude de leur Maître : le treizième apôtre, dont le récit (amplifié et corrigé par la suite) figure toujours dans le IV° Évangile. « Ses disciples arrivèrent, et s’étonnèrent qu’il parle à une femme » (Jn 4,25). Cet Évangile, qui n’a été reconnu par l’Église que bien après les synoptiques, était le préféré des gnostiques. Faut-il s’en étonner ?

La gnose est universelle, elle admet que des femmes ont pu être « compagnes » de Jésus : l’Église, elle, protège son pouvoir masculin.

La Sagesse s’unit aux hommes (ou aux femmes !) dans la chambre nuptiale. Elle s’unit à eux (à elles) dans un baiser sur la bouche, où le souffle-Esprit divin se mêle au souffle-esprit humain pour enfanter la Vérité, la gnose parfaite.

Évidemment, il n’y a pas là de quoi faire un best-seller. Ni chatouiller les curiosités malsaines, pour faire de l’argent.

Jésus a toujours refusé le pouvoir de l’argent. Pierre refusera l’offre de Simon-le-magicien, qui lui proposait de l’argent en échange d’une part de pouvoir. Siddartha Gautama refuse à plusieurs reprises de « faire des miracles » pour attirer les foules et se faire ouvrir leurs portefeuilles (25).

                       M.B., 14 décembre 2006
      N.B. :. Ce texte a été repris, et adapté pour le grand public, dans un court essai, Jésus et ses héritiers, mensonges et vérités, dont il forme le dernier chapitre.

 (1) Ph 84 (Évangile de Philippe, publié par Jean-Yves Leloup, Albin Michel, 2003)

 (2) Ph 55.

 (3) ThC 16 (Le livre de Thomas le champion, in Textes gnostiques de Shenesêt, Par ole s gnostiques du Christ Jésus présenté par André Wautier, Ganesha, Montréal, 1988)

 (4) Th 56 (L’ Évangile selon Thomas, id.) : « connaître l’univers »  est une métaphore d’ordre sexuel.

 (5) Th 24.

 (6) ThC 5 (cf. Th 7)

(7) Ph 62.

 (8) Ph 73.

 (9) Ph 76.

 (10) ThC 8.

 (11) Pirouch Esser sefirot belima, cité par J.Y. Leloup, op. cit. p. 51.

 (12) Évangile de Marie, présenté par J.Y. Leloup, Albin Michel 1997, pp. 35 et 37.

 (13) Id., p. 35.

 (14) Id, p. 47.

 (15) J’ai analysé les racines et les conséquences de ce conflit oublié dans Dieu malgré lui, Ro ber t Laffont 2001.

 (16) Th 114.

 (17) Évangile de Marie, op. cit. p. 45.

(18) Id., p. 45

 (19) id. p. 45.

 (20) Cf. Lc 17,34 : « Je vous le dis : en cette nuit-là [celle de la fin du monde], deux seront sur le même lit. L’un sera pris, et l’autre laissé » Les gnostiques interprètent cette phrase dans un sens mystique : dans leur langage codé, l’union intime avec Dieu se réalise sur le lit de la « chambre nuptiale ».

 (21) Th 61.

 (22) Th 22.

 (23) Ph 55.

 (24) Noter ce qualificatif : « Parfait » ici signifie « ayant accompli la gnose », « Maître gnostique ».

 (25) La Sophia de Jésus le Christ,7, in André Wautier, op. cit p. 29.

 (26) Kevaddha Sutta, cité et commenté dans Dieu malgré lui, p. 292.

JÉSUS ET LA SEXUALITÉ : DIEU NOUS PRÉSERVATISE DU PAPE !

          Impavide et sucré, l’Homme en Blanc (Benoît XVI) scandalise à nouveau par ses déclarations sur la sexualité, et je m’étonne qu’on s’étonne. Car enfin, cela fait vingt siècles !

          L’Église et la sexualité, l’Église et notre vie la plus intime, la plus quotidienne : le divorce a eu lieu dès l’origine, puisque Paul de Tarse écrit ses lettres entre l’an 50 et l’an 57, avant même que les évangiles ne soient composés. Relations sexuelles hors mariage, adultère, homosexualité, le corps et le plaisir : nous savons ce que Paul en disait. Mais… peut-on savoir ce que Jésus en pensait, Jésus que Paul n’a jamais connu, dont il avait seulement entendu parler ?

I. Homosexualité

          Elle était pratiquée par les juifs, comme en témoignent des textes trouvés à Qumrân et datant environ du II° siècle avant J.C. (1). Si la Bible la condamne fermement, c’est parce qu’elle était liée à la prostitution sacrée des peuples entourant Israël : l’adopter, c’était une forme d’apostasie qui rendait impur.
          Quand Paul écrit (Rm 1,27) : « Les hommes ont abandonné les rapports naturels avec la femme, commettant l’infamie d’homme à homme », il s’adressait aux habitants de Rome et faisait appel à une notion philosophique grecque de nature qui était étrangère au judaïsme. Il est donc normal que Jésus, juif s’adressant à des juifs dans un milieu relativement protégé, ne parle pas de l’homosexualité : ce n’était ni son problème, ni celui de son auditoire.

II. Jésus et la sexualité

          On trouve dans le livre de la Genèse deux récits de la création.
          Le plus récent, de tradition sacerdotale, dit que Dieu donna aux hommes l’ordre d’être féconds, et de se multiplier pour remplir la terre.
          Mais le plus ancien dit que la femme est la chair de la chair de l’homme, et c’est à lui que Jésus se réfère quand il parle de la sexualité humaine. Autrement dit, entre deux traditions il a fait un choix : pour lui, l’acte sexuel c’est « que l’homme s’attache à sa femme et que les deux ne fassent plus qu’une seule chair » (Mt 19,5).

          Il est étonnant que ce solitaire, chaste par choix personnel, ait si bien compris que l’amour physique, quand il est réussi, est une véritable fusion où l’on se perd l’un dans l’autre, jusqu’à ne plus savoir qui est l’un, qui est l’autre. C’est ce que nous appelons l’orgasme, et c’est une expérience divine.
          Pour Jésus, le but de l’amour ce n’est pas d’abord de faire des enfants : c’est d’abord de fusionner l’un dans l’autre.
          C’est d’abord le plaisir.

          L’Église n’a pas suivi le choix de Jésus, elle a faite sienne la tradition sacerdotale de la Bible. Pour elle, l’amour n’est légitime que s’il est suivi de procréation. Le but de l’amour ce n’est pas le plaisir, la fusion amoureuse : c’est la grossesse. Le préservatif, qui permet le plaisir partagé tout en évitant l’enfant, c’est le mal absolu.

III. Relations hors mariage

          Elles étaient condamnées par le judaïsme, mais depuis l’exemple donné par Abraham lui-même on était indulgent envers l’homme qui se payait une prostituée.      
          Indulgence envers l’homme, oui – mais pas envers la femme, malheureuse qui devait ajouter à son métier dégradant une réprobation sociale unanime.
          Or Jésus (Lc 7,36), invité chez un notable, se laisse approcher par une de ces femmes perdues. Elle lui offre les outils de son travail quotidien : des baisers, son parfum, la caresse de ses cheveux. Non seulement il ne la repousse pas, mais il prend sa défense devant tous, au seul motif qu’elle a montré beaucoup d’amour.

          Cette fois-ci, il ne choisit pas entre deux traditions : il prend à contre-pied le judaïsme, et le notable ne s’y trompe pas, qui le lui reproche : « si cet homme était un prophète… » Mais Jésus est un vrai prophète. Oui, cette femme fait l’amour bien qu’elle ne soit pas mariée. Oui, elle est complice de tous les hommes mariés, ses clients. Jésus ne justifie pas son métier, il justifie la personne : « Parce qu’elle a aimé… »
          Pour Jésus, l’amour ne légitime pas le péché. Mais le « péché d’amour » ne permet pas de condamner celui, ou celle, qui aime.

IV. Adultère

          Violemment proscrit par le judaïsme, il entraînait la mort par lapidation solennelle et publique : les accusateurs, puis la foule, tuaient la femme à coup de pierres. Quant à l’homme, il n’était condamné que par sa conscience.
          Le chapitre 8 du quatrième évangile décrit une femme, prise en flagrant délit d’adultère, amenée sur l’esplanade du temple pour être lapidée comme il se doit. Beaucoup d’exégètes considèrent que cet épisode n’appartient pas à la « tradition johannique » : je ne suis pas de leur avis (2), il porte toutes les marques d’une tradition ancienne et provient d’un témoin oculaire, le disciple que Jésus aimait.
          Ce témoin raconte que Jésus se trouvait là, par hasard semble-t-il, au moment où des hommes de loi pharisiens s’apprêtaient à exécuter la femme. Ils lui demandent ce qu’il en pense, et on connaît sa réponse : « Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché jette la première pierre ». Alors, tous s’en vont, et Jésus dit à la femme : « Moi non plus, je ne te condamne pas, va ».
          Cette fois-ci, il s’oppose carrément à son judaïsme natal, et la foule ne s’y trompe pas puisqu’elle cherche à le lapider : ne vient-il pas de se rendre complice d’une adultère ?  
          Sous leur menace, il est obligé de s’enfuir.

          Jésus ne pouvait prévoir ni le préservatif, ni le Sida. Il ne pouvait imaginer l’océan de nos problèmes actuels, mais il nous a laissé un gouvernail : son attitude face aux hommes, aux femmes, ses jugements sur leur sexualité.
          
          Hélas, ce n’est pas lui qui est au gouvernail.

                                   M.B., 22 mars 2009

(1) Rouleau du Temple, 58,17 et surtout Règlement de la Guerre 6,3 : « Avant de partir au combat, aucun jeune garçon et aucune femme n’entrera dans le camp »
(2) Voir L’évangile du treizième apôtre, Aux sources de l’évangile selon saint Jean, Harmattan, 2013 (cliquez)

JÉSUS ET LA SEXUALITÉ (J.P. Meier 0)

          La parution française du tome IV de Un certain juif, Jésus de John P. Meier est un événement : 740 pages, dont presque la moitié de notes techniques.
          Comme dans les tomes précédents, Meier fait le point sur les avancées de la « quête du Jésus historique », avec une ampleur de vue, une érudition, une précision et une honnêteté remarquables. L’étude de ce tome IV sera mon travail de l’été.

          Avant de définir la Loi juive (la Torah) et l’enseignement de Jésus sur le divorce, il rappelle l’obstacle principal de cette quête : quels enseignements pouvons-nous (gens du XXI° siècle) tirer d’un homme du passé, comme Jésus ? Est-il légitime (est-il possible) de poser nos questions, dans les termes qui sont les nôtres aujourd’hui, à un juif galiléen du 1° siècle ?
          Peut-on « tirer du passé des enseignements, des idéaux, des valeurs et des normes pour nous aider à mettre de l’ordre dans notre présent, ou à planifier notre avenir ? » Est-ce que « nous tirons des leçons d’un passé qui a vraiment existé, ou bien d’un passé que nous avons choisi d’imaginer ? » (p. 58).

          Autrement dit : peut-on poser à ce juif du 1° siècle les questions que nous nous posons, aujourd’hui, sur notre sexualité ?

          Il est clair que Jésus ne s’est jamais interrogé sur la nature et la satisfaction du désir sexuel, sur la recherche du plaisir, sur leur valeur morale. « Il n’y a aucune garantie que la quête du Jésus historique… aura quelque chose à dire » en réponse aux questions que nous nous posons, dans les termes et avec la problématique qui sont les nôtres.
          Pourtant ces questions, il faut les poser au Jésus historique : parce qu’il n’est pas pour nous seulement un pédagogue du passé, parmi tant d’autres et comme tant d’autres. Mais un maître de vie, pour le XXI° siècle.
          Il faut donc s’appuyer sur la science exégétique, pour en prolonger les acquis (toujours en mouvement). Les deux pieds solidement ancrés sur ce socle, lever le regard. Ne pas décoller du socle, mais scruter ce que Jésus n’imaginait pas, car ce n’était ni sa culture, ni son environnement, ni sa problématique à lui.
          A cette condition, ce qu’il disait du divorce signifie quelque chose pour notre sexualité d’aujourd’hui.

 I. JÉSUS A-T-IL INTERDIT LE DIVORCE ?

          L’analyse de Meier sur ce point (chap. XXII) est ciselée comme un petit bijou d’exégèse. J’en résume les conclusions :
 
     1- Dans le judaïsme biblique (comme dans toutes les sociétés antiques), le divorce était considéré comme une chose normale, « une solution naturelle et nécessaire » aux problèmes des couples.
     2- L’homme juif pouvait répudier sa femme sous n’importe quel prétexte, pour en épouser une autre.
     3- En revanche, la femme juive ne pouvait pas répudier son mari. Une fois répudiée, elle devait se remarier avec un autre (besoin de protection).
     4- Quand une femme répudiée avait épousé son second mari, elle devenait impure pour le premier mari (et lui seul). Il lui était interdit de se remarier à nouveau avec lui, par exemple si son second mari mourait ou la répudiait à son tour. L’interdiction de remariage avec le premier mari n’obéissait pas à des considérations morales, mais à un critère de pureté rituelle.

          Ensuite, Meier analyse les enseignements de Jésus sur le divorce chez Paul (1° aux Corinthiens, qui cite une parole de Jésus), puis dans la tradition Q (Matthieu et Luc) et enfin chez Marc.

          Il écarte ce qui peut provenir de l’Église primitive ou de contaminations diverses, pour parvenir à la formulation la plus proche possible de ce que Jésus a enseigné :

           Quiconque répudie sa femme et en épouse une autre
           commet un adultère.

          Autrement dit, aucun doute n’est possible : Jésus aurait condamné le divorce.
         
          Quand on sait que la Loi de Moïse acceptait le divorce, cette interdiction totale est troublante. « Jésus a l’audace d’enseigner que ce qu’autorise et organise la Loi est, en fait, le péché d’adultère » – péché puni de mort. Selon lui, « En suivant consciencieusement les règles de la Torah sur le divorce et le remariage, un homme juif commettait un péché grave contre l’un des commandements du Décalogue ».
          Quand il interdit le divorce, « Le juif Jésus est en conflit avec la Loi juive telle qu’on la comprenait et la pratiquait dans le judaïsme majoritaire, avant, pendant et après son temps » (p. 95).
          Jamais l’Église primitive n’aurait créé elle-même une règle, dont tous les témoignages (à commencer par Paul) montrent que ses membres ont eu tant de mal à la suivre, à l’enseigner ou à la faire respecter.
          Elle provient donc bien de Jésus lui-même.

II. POURQUOI ?

Comment expliquer cette prise de position stupéfiante, l’une des deux seules fois (1) où Jésus s’oppose frontalement à un commandement « de Dieu », au risque de passer pour un blasphémateur ?
          Après avoir souligné la proximité de Jésus, sur ce point, avec une partie des Esséniens – et avoir reconnu que ceci ne suffit pas à expliquer cela -, après avoir remarqué que cette interdiction s’accorde avec le choix du célibat fait par Jésus, Meier suggère que l’explication vient peut-être de la croyance en la fin imminente des temps : « inutile de se divorcer ou de se remarier, il n’y en a plus pour longtemps… » Cet argument est formulé explicitement par Paul, mais rien n’indique qu’il ait été la cause de l’interdiction du divorce par Jésus lui-même.

          C’est ici qu’il faut prolonger l’exégèse, sans la trahir ni l’oublier. En ne se demandant pas seulement pourquoi cette condamnation, contraire au judaïsme de Jésus, mais en relisant la justification qu’il en donne lui-même.

          Les Pharisiens lui posent la question du divorce dans le cadre de la halaka, c’est-à-dire de l’interprétation juridique de la Loi : ils invoquent le code légal du Deutéronome (Mc 10,2 et parallèles).
          Or Jésus leur répond dans le cadre de la haggada, c’est-à-dire de l’interprétation spirituelle (ou pourrait dire dévotionnelle) de cette même Loi (2) : il cite la Genèse : « Au commencement Dieu les fit mâle et femelle… et les deux ne feront plus qu’une seule chair ».
          Ce qui justifie pour lui l’indissolubilité du mariage de n’est pas un précepte juridique, mais le fait que l’homme et la femme, quand ils s’unissent, ne font plus qu’une même chair. L’un fusionne avec l’autre, l’autre avec l’un, on ne sait plus qui est qui : c’est une description, sans le mot, du plaisir partagé, c’est-à-dire de l’orgasme.

          Meier remarque ce décalage, Jésus refusant de se laisser enfermer dans un cadre juridique quand il s’agit de relations humaines. « La dualité [homme-femme] se fond [par l’union du mariage] dans l’unité… une seule réalité, un seul être » (p. 104).
          Il ne convient pas à un prêtre catholique d’y voir une allusion claire à cette fusion de deux en un, que produit l’orgasme (dont il n’est pas censé avoir fait l’expérience). Mais pour nous qui vivons en ce monde, il semble clair que Jésus fait du plaisir partagé, du plaisir qui unit deux « chairs » en une seule pendant l’instant divin de l’orgasme, la raison d’être et la loi fondamentale du mariage.
          Ceux qui ont été unis par le partage total et unifiant du plaisir, plus rien ne peut les séparer. On ne peut pas revivre cette expérience, si forte, si marquante, avec un(e) autre, parce qu’on ne peut jamais l’oublier, ni oublier avec qui on l’a une première fois vécue.

          Dans un article précédent (cliquez) , j’avais déjà proposé cette lecture de l’enseignement de Jésus sur la sexualité.
          Encore une fois, il ne faut pas attendre de Jésus une réponse à nos questions, posées dans nos termes du XXI° siècle. L’exégèse scientifique nous fournit seulement une direction, qui permet d’obtenir de lui les réponses dont nous avons besoin pour (bien) vivre.

                                                                 M.B., 13 juillet 2009

PÉDOPHILIE ET ÉGLISE CATHOLIQUE : la nature a horreur du vide.

          Que signifient les affaires de pédophilie dans l’Église catholique ?
          Á quoi renvoient-elles cette institution ?


I. Une société fermée


          Il ne faut jamais oublier que l’Église romaine est une monarchie absolue, avec ses Princes du sang (les cardinaux), ses lois propres (le « droit canon »), ses tribunaux (une Officialité par diocèse, avec cour d’appel à Rome – la « Rote »), ses juges (les Officiaux), et ses ambassades dans le monde entier.
          Un État souverain, qui ne reconnaît pas de juridiction autre que la sienne, ni les Cours de justice internationales, tout comme les USA.

          Quand un crime est commis par un membre du clergé, c’est tout naturellement la machine judiciaire catholique qui s’estime la seule en droit de juger ses ressortissants – comme n’importe quel État souverain. Si un fidèle porte plainte pour abus sexuel commis par un prêtre diocésain, c’est l’Officialité du diocèse qui se saisit de la plainte et la juge.
          Imaginons que le crime sexuel soit avéré, que se passe-t-il ? Quand il ne peut pas faire autrement (passer sous silence), l’évêque va sanctionner… mais comment ? L’Église, qui a longtemps eu ses propres prisons, a perdu le droit d’emprisonner – ce droit a été rendu aux États nationaux. Elle pourrait exclure le prêtre en le « réduisant à l’état laïc », mais cela ne s’est jamais vu. Elle ne peut que le déplacer, l’envoyer dans une autre paroisse après un petit sermon (« et ne recommencez plus, surtout ! »).

       C’est ce qu’elle a toujours fait. L’Église ne considère pas l’acte pédophile comme un acte pathologique (ce qu’il est pourtant), mais comme une faute.
          Pour cela, elle dispose de l’absolution, qui efface les fautes, et de l’injonction à la prière, qui est la seule thérapie qu’elle connaisse contre les « maladies de l’âme ».

          On connaît le résultat.


II. Cachez ce sein que je ne saurais voir


          Mais il y a plus : le caractère sacré du sacerdoce s’étend à la personne qui en est revêtue.
          Manipulant le sacré, la personne du prêtre est sacrée. La salir par la reconnaissance d’une faute sexuelle, c’est salir l’Église elle-même, maîtresse et dispensatrice du sacré.

          On va donc tout faire pour étouffer les affaires, et les traiter en interne.

          Mais, direz-vous, le pape vient de publier une lettre où il affirme que les crimes sexuels commis par des prêtres doivent être dénoncés aux autorités civiles, et punis par elles ?

          C’est une déclaration purement politique.
          Devant l’énormité des scandales récents, et surtout leur diffusion dans les médias, le pape installe un contre-feu médiatique. Il dit pour qu’on l’entende, mais il ne fait pas – il n’a jamais fait, ne fera pas.

          En Irlande, une douzaine d’évêques ont été dénoncés complices de crimes pédophiles. Quatre d’entre eux ont offert leur démission, une seule a été acceptée. Un sur douze, pour montrer sa bonne foi. Que sont devenus les onze autres ?

          La volonté d’échapper à la justice civile est flagrante aux USA. Devant les milliers de plaintes portées contre le clergé, l’Église US n’a fait qu’une chose : payer, pour que les familles retirent leurs plaintes. Ouvrir le parapluie du dollar. Un milliard cinq cent mille dollars ont ainsi été versés, une moyenne de 65.000 $ par famille. Plusieurs diocèses sont en faillite.

          Pour que les affaires n’aillent pas devant les autorités civiles.

          Contrairement à ce que dit le pape.

III. La nature a horreur du vide

          Mais pourquoi l’Église catholique a-t-elle le triste privilège de cette hécatombe pédophile ? Qui ne se rencontre ni chez les pasteurs protestants, ni chez les popes orthodoxes, ni chez les rabbins juifs ?

          Parce que ces derniers peuvent se marier ? Cela doit jouer, en effet. Mais la cause profonde n’est pas là.

          Aucun jeune homme ne se prépare à devenir prêtre catholique dans l’intention formelle d’être plus tard un criminel sexuel. Alors, pourquoi ?

          Le Bouddha Siddhârta prescrit à ses moines la chasteté parfaite, du corps et de l’esprit. Et il explique qu’elle n’est possible – et même bonne, souhaitable, qu’elle rend heureux et équilibré – qu’à une seule condition : c’est la pratique quotidienne de la méditation.

          Or, le catholicisme ignore la méditation (cliquez) .
          Prier, pour un catholique, c’est réciter des prières ou assister à des liturgies. Méditer, pour Siddhârta, c’est pratiquer une discipline mentale qui met le moine face à la réalité inexprimable qu’il appelle l’anatta, le « rien ». Laquelle est très proche de l’expérience mystique chrétienne, mais l’Église s’est toujours méfiée de la mystique et des mystiques, qu’elle déconsidère quand elle les les persécute pas.

          On n’apprend pas la méditation aux futurs prêtres : on leur apprend à réciter des formules, le « bréviaire ». Á mouliner des psaumes.

          On les lâche dans la nature, sans aucun moyen pour affronter le monde des pulsions qui bouillonne autour d’eux, et en eux.

          En l’absence d’expérience et d’enseignement sérieux de la méditation (qui peut parfaitement être « christianisée »), les prêtres et religieux enseignants se retrouvent comme des outres vides, dans lesquelles les pulsions violentes de la sexualité, non maîtrisées, peuvent s’en donner à coeur joie.
          La nature a horreur du vide : ce vide, elle le remplit par ce qui lui tombe sous la main de plus innocent, de plus facile à dominer – les enfants.

          Les prêtres pédophiles sont coupables, mais ils ne sont pas responsables.

          Celle qui est responsable, c’est l’Église qui les condamne à la chasteté, sans jamais leur avoir donné les moyens de la vivre dans l’équilibre, l’harmonie intérieure, le bonheur.


                                         M.B., 22 mars 2010

LE PAPE ET LE PRÉSERVATIF : petite explication de texte.

          Jamais jusqu’ici le Vatican n’avait varié de sa position traditionnelle : la sexualité humaine ne peut avoir qu’un seul but, faire des enfants.

          Le plaisir partagé ? C’est un à-côté de l’amour, pas sa finalité (1).

          Si on fait l’amour, c’est pour procréer.

          Or donc, le préservatif est à jamais inconciliable avec le catholicisme.

           Mais voilà qu’un livre est paru, où le pape, pour la première fois, semblerait justifier son usage… Ô Ciel ! Ce pape annulerait-il tout ce que ses prédécesseurs ont toujours enseigné ?

           Suivons sa déclaration à la trace.

          Dans son édition du samedi 20 novembre 2010, l’Osservatore Romano publie en avant-première des extraits du livre d’entretiens du pape avec un journaliste allemand, destiné à être traduit en plusieurs langues. Selon l’Osservatore, le Pape a déclaré que :

          « l’utilisation du préservatif, pour des cas particuliers comme un prostitué, peut être un premier pas vers une moralisation, une humanisation de la sexualité ».

         Il faut savoir que, depuis sa fondation en 1861, l’Osservatore Romano est l’organe officiel du Vatican. Il joue le même rôle que le Journal Officiel en France : c’est là, et là seulement, qu’on trouve la version authentique des propos du Pape.

            Or, dans l’édition allemande qui paraît 3 jours après l’Osservatore, comme dans sa traduction française, on peut lire que :

          « l’utilisation d’un préservatif peut constituer un premier pas sur le chemin d’une sexualité vécue autrement, une sexualité plus humaine. »  (2) .

           On voit qu’il manque deux mots, qui changent tout :

 1) « Un » (pas une : Relation homosexuelle)

           Dans cette relation, de toute façon il n’y a aucun risque que soit engendré quoi que soit. Le crime a été commis en amont de la semence, au moment où l’homosexuel commence à passer à l’acte. Sa semence a été détournée de sa destination naturelle avant son émission, par la nature même de la relation sexuelle.

            Alors, semence perdue pour perdue… ça ne compte pas.

 2) « Prostitué »

           Le pape précise qu’il n’envisage pas qu’une relation homosexuelle puisse être un acte d’amour. Il la réduit à un geste tarifé, donc dégradé, infrahumain. Il écarte l’idée que deux hommes puissent faire l’amour… par amour.

           En éliminant ces deux mots de sa version destinée au public allemand, puis français et italien, le journaliste fait dire au pape ce qu’il n’a jamais dit, ce qu’il ne peut pas dire : que la relation sexuelle pourrait avoir une autre finalité la reproduction. Qu’elle pourrait tirer sa valeur divine du plaisir partagé.

           Ensuite, il évite de heurter les homosexuels, « des gens qui ne pratiqueraient le sexe qu’en l’achetant ».

           Enfin, il trompe les chrétiens en leur laissant croire que l’utilisation du préservatif « peut constituer un premier pas sur le chemin d’une sexualité vécue autrement ».

             Et puis, il trompe l’opinion publique. Qui, à vrai dire, s’en balance.

                                          M.B., déc. 2010

 (1) Voir mon bref article de 2009, Dieu nous préservatise du pape ! (cliquez).

(2) Lumière du Monde, paru le 27 novembre 2010 aux éditions Bayard, p. 141.