JÉSUS ET L’ISLAM – Mordillat et Prieur sur ARTE – suite et fin (III)

J’ai choisi de commenter la série Jésus et l’islam de Mordillat et Prieur (ARTE) émission par émission, sans attendre la fin. Cette finale, elle a été diffusée hier et m’amène à corriger mes propos.L’enquête, disais-je, laisse les chercheurs s’exprimer sans hiérarchiser leurs propos, honnêtement mais sans conclure. Au terme du 7e volet, on comprend mieux pourquoi : c’est qu’elle pourrait être vue par l’ensemble du monde musulman, et que ce monde est profondément divisé. D’un côté l’immense masse des croyants, et de l’autre une poignée d’historiens. Or, comme le dit M. Djaït (Tunis), « les hommes pieux ne voient que le côté religieux, ils ne s’intéressent pas aux conclusions des historiens. » Avant de s’en plaindre, rappelons-nous que la chrétienté a connu (et connaît toujours) la même situation.

Ne nous étonnons donc pas des avancées-reculades qui parsèment la série Jésus et l’islam : la schizophrénie musulmane n’a rien à envier à la schizophrénie chrétienne.

Le 6e film aborde d’abord le fondement de l’islam, qui « n’est pas la religion de Muhammad mais la religion d’Abraham », antérieure au christianisme comme au judaïsme. Puis on passe au Dôme du Rocher et à la fameuse inscription d’Abd el-Malik (691) : tous les intervenants tournent autour du pot, sans citer les travaux de Christoph Luxenberg qui montre que « Muhammad » ici n’est pas le nom du Prophète mais une forme verbale qui signifie Loué soit… Loué soit qui ? Jésus, mentionné 14 fois sur cette inscription. Le Jésus des judéo-chrétiens nazôréens qui ont construit le Dôme du Rocher en face du Saint-Sépulcre voisin, pour faire la nique aux chrétiens byzantins devenus leurs ennemis. Pourquoi, au lieu de parvenir par petits pas craintifs vers cette conclusion, ne pas avoir cité les travaux de Luxenberg ?

Le 7e et dernier film revient sur le Coran : qui en est l’auteur ? Et c’est là que Mordillat & Prieur font preuve de leur virtuosité. Montrant que la mise par écrit du Coran s’est effectuée sur une période longue, que de nombreux scribes s’y sont mis, que les califes étaient à la manœuvre, ils font exploser – intervention après intervention – le mythe fondateur de l’islam. « L’idée que Muhammad serait l’unique auteur du Coran n’est plus mise en avant par la recherche occidentale, affirme du bout des lèvres Mme A. Hildi (Londres). Le Coran n’est pas pour nous LA parole de Dieu, mais l’aboutissement d’un long processus historique. »

La finale de l’émission est touchante : oui, le dogme de la Révélation divine au Prophète dans la grotte de Hîra est un mythe qui ne résiste pas à l’analyse. Alors, les trois derniers intervenants (musulmans), visages torturés, se montrent à l’écran déchirés entre ce qu’ils savent et ce qu’ils doivent croire. L’un d’eux finit par avouer dans un murmure que cette question « déchaîne les passions, ce qui explique notre prudence ».

Au terme du 7e film, on s’aperçoit qu’on a parcouru chacune des questions qui mettent le feu à la planète depuis tant de siècles. Que la position des traditionnalistes s’est largement exprimée, corrigée en petites touches de plus en plus affirmées par les résultats de la recherche.

La présentatrice d’ARTE annonçait en début de chaque émission que Mordillat & Prieur « ont fait appel aux plus grands spécialistes de l’islam venus du monde entier » : non, ils ont fait appel à des universitaires tenus par leur fonction au respect de la pensée politiquement correcte, les chercheurs cités dans la Postface de Naissance du Coran n’ont pas été conviés. Mais avec prudence, ils ont quand même laissé percer la voix de l’exégèse historico-critique. Il a fallu 2 siècles aux chrétiens pour entendre cette voix, grâce à quoi ils se sont réconciliés avec la modernité et le reste du monde. Il en faudra sans doute autant pour que les musulmans sortent de l’impasse dans laquelle ils se trouvent, et nous avec eux.

Encore merci à Mordillat & Prieur d’avoir osé.

                                                                     M.B., 11 décembre 2015

P.S. : En passant, n’est-il pas stupéfiant de voir au XXIe siècle la planète ensanglantée par des conflits religieux, des interprétations théologiques, des heurts dogmatiques qui n’ont pas cessé depuis l’invasion de la Palestine par Josué en 1200 avant J.C. ? Si « Dieu est mort », les religions, elles sont bien vivantes.

 

 

 

 

18 réflexions au sujet de « JÉSUS ET L’ISLAM – Mordillat et Prieur sur ARTE – suite et fin (III) »

  1. Olivier

    Quelle fraction des pratiquants dans chacune d’entre elles dispose d’assez de moyens intellectuels et de culture et d’outils pour commencer à s’interroger sur l’historicité de leur croyance ?
    Jean-Marie
    —————————————————
    D’autant plus que les autorités religieuses n’encouragent pas l’étude et l’analyse de la construction historique du christianisme , ni des textes « fond

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        1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

          Volens ! J’envoie demain à des éditeurs le texte de mon peut-être futur roman. Dès que ce sera fait, je me remettrai au blog et citerai cet article.
          Merci
          M.B.

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          1. Debanne

            Cher Michel Benoit,

            Vous m’en voyez ravi par avance car franchement, s’il y a un combat à mener actuellement, c’est bien celui qui consiste à défendre la Laïcité, et cela sans concession aucune !…
            Avec tous mes encouragements,
            Amicalement,
            H de D.

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  2. peter

    Je crois que c’est jean Bottéro qui a dit quelque chose comme : si vous aborder l’histoire des religions vous commencer à ne plus y croire. Un des participants musulman était très embarrassé ( dans le volet 7) par les révélations de l’histoire.
    Il faut revenir aux fondamentaux et se poser la question de cette violence inhérente au monothéisme (voir jan Assmann, Soler) ;l’histoire des religions c’est aussi l’histoire des pouvoirs et des vérités intangibles.

    Seul Jésus nous a donner la clé (comme en musique) : Dieu est en vous et à votre rythme et en résonance vous pourrez accorder votre existence au Rythme Primordial Essentiel qu’est l’Amour-Père-Mère dont Jésus est l’incarnation parfaite et l’exemple à suivre.

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  3. Harold J. Benjamin de Vaucorbeil

    Voir l’excellent dossier du Monde Diplomatique de ce mois : De Jésus à Mahomet. « Bon islam, mauvais islam », « Douter » et « L’islam confronté à la modernité ».

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    1. Jean-Marie

      http://orientxxi.info/magazine/islamophobie-un-mot-un-mal-plus-que-centenaires,1155

      http://orientxxi.info/magazine/islamophobie-un-mot-un-mal-plus-que-centenaires,1155

      Article intéressant à lire ….. pour en réaliser les incohérences, voire la naïveté et l’irréalisme économique et sociétal . Ah les « bons coeurs » , très souvent vivant dans l’aisance, mais mal informés  qui devraient vite jeter certaines certaines fausses certitudes dans la fosse … d’aisance !

      La première incohérence   de toutes : la phobie, c’est la crainte, c’est pas l’appel au meurtre

      Je suis moi aussi, tout en ayant de sympathiques et même parfois chères relations musulmanes, islamophobe et, à la limite, fier de l’être sans m’en vanter

      Et il n’est pas nécessaire ici d’expliquer pourquoi.

      Il serait vraiment d’intérêt général de faire connaître le livre de notre hôte, (et ce site), le site d’Olaf et le site de Leila Qadr , afin que beaucoup, y compris des vecteurs d’opinions et/ou de décisions afin qu’il sachent que ce que croient de bonne et/ou de mauvaise foi (selon ce que l’adjectif veut signifier) les musulmans « non violents », tant pour ce qui est la biographie de leur prophète que pour ce qui est du Qur’an, est sans fondements.

      J’y vois un gros inconvénient : ça risque de donner des idées à beaucoup, Internet facilitant les choses, … de s’informer à propos des fondements des deux autres des traditionnellement appelées « trois religions monothéistes » ; alors qu’il en fut et qu’il en est d’autres au XXI° siècle. Et je n’évoque donc pas le bouddhisme qui n’est pas une religion puisque athée.

      Çà mettrait en péril bien des certitudes, quiétudes naïves et autres « avantages acquis »

      Au moins tous les fidèles de ce blog devraient-ils ne jamais rater une occasion, quand ils ont la possibilité de commenter gratuitement ou non un article sur la Toile, de faire altruistement la promo des « bons auteurs » ci-dessus.

      Je suis islamophobe non pas à cause de l’intégralité des trop nombreux millions* – dénombrement tabou s’il en est ! – d’habitants de la France, pas tous français, de culture musulmane, mais islamophobe à cause des conséquences d’ « authentiques » extraits du Qu’ran mis dans la bouche du non historique Muhammad dont se servent des manipulateurs et autres pour fabriquer d’authentiques, sans guillemets, fanatiques et kamikazes

      Faut-il préciser en conclusion que je ne vote pas FN ?

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      1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

        Etre islamophobe, c’est rejeter en bloc des millions de croyants musulmans qui n’ont d’autre richesse que leur foi. De même qu’être antisémite serait rejeter tous les Juifs, être « laïc » (en France) mettre à l’écart tous les chrétiens. Tandis qu’il y a un courant, minoritaire, de chercheurs qui tentent de mettre en lumière l’imposture de trois religions fondées sur la manipulation des textes & des traditions. Wahabites, sionistes, intégristes, trois interprétations messianistes qui mettent le feu à la planète. L’ennemi c’est le messianisme, explicitement rejeté par Jésus. Le dénoncer c’est n’être pas entendu comme lui, tant les humains ont besoin de sa violence…
        M.B.

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        1. Jean-Marie

          La phobie, quoique le mot ait une connotation négative, mais je le prend
          au sens premier étymologique, ce n’est pas le rejet, c’est la crainte des conséquences.

          Je ne rejette absolument pas des millions de musulmans quoique la foi ne soit pas une richesse mais un asservissement par culpabilisation

          Je souhaite qu’ eux aussi réalisent avoir été trompés et vivent sereinement un déisme adulte éclairé indépendant de toute religion qui entraîne forcément l’amour d’un maximum d’autres êtres pensants incarnation après incarnation.

          Etant bien entendu que seuls font sourire cette évocation qui s’impose des incarnations celles et ceux qui n’ont jamais lu attentivement un ouvrage sérieux sur le sujet. Trois ou quatre, c’est encore mieux.

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      2. Harold J. Benjamin de Vaucorbeil

        Vous dites que vous ne voyez pas la nécessité d’expliquer pourquoi vous craignez l’islam. Pardon, mais je crois, au contraire, qu’il est toujours nécessaire d’expliquer ses phobies. Cela peut être un moyen de les surmonter, comme n’importe quel psychiatre vous le dirait.

        HJBdV

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        1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

          Veuillez vous souvenir (je le répète souvent) que je ne m’occupe pas de l’islam (qu’est-ce que l’islam, combien d’islams y a-t-il ?) mais du Coran. Bien sûr, l’islam (lequel ?) vient à la suite, mais ce n’est pas mon sujet d’étude.
          M.B.

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          1. Harold J. BENJAMIN de VAUCORBEIL

            Cher Michel,
            Ma remarque ne vous était pas destinée ; elle s’adressait à la personne qui se proclamait « islamophobe ».

            HJBdV

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  4. Jean-Marie

    Si « Dieu est mort », les religions, elles sont bien vivantes.

    Marx est mort, mais pas l’Ineffable,

    Les religions avec leurs diverses branches toutes se supposant meilleures et plus authentiques que les autres ne sont-elles pas agonisantes ?

    Quelle fraction des pratiquants dans chacune d’entre elles dispose d’assez de moyens intellectuels et de culture et d’outils pour commencer à s’interroger sur l’historicité de leur croyance ?

    Les religions asservissantes et culpabilisantes anthropomorphisent notre Source et Finalité qui est Amour comme si un petit-enfant en colère pouvait offenser un adulte qui l’aime. La spiritualité déiste invite à la sagesse et donc à l’Amour, les diamants brutes sont appelés à s’auto-ciseler librement à la vitesse qu’ils choisissent, incarnation après incarnation, jusqu’à l’illumination et l’immersion/retour à la Source.

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    1. Claude Trogler Briand

      C’est quoi cette blague de « L’ADULTE QUI L’AIME ? »… quand même pas une référence à ce psychopathe de Dieu d’Abraham / Moïse /Jésus /Muhammad… pour ne pas parler des Gnostiques ?!!!… toutes les Religions Monothéistes s’accordent en fait à glorifier un imposteur qui NE PEUT PAS ÊTRE LE DIEU UNIQUE-CRÉATEUR !… Tout juste le « gérant d’une succursale franchisée se faisant passer pour le Grand Patron jusqu’à ce qu’une tournée d’inspection le remettre à sa place !!!… Nous autres pauvres créatures n’avons RIEN À ATTENDRE d’un éventuel Créateur… et SURTOUT PAS SON AMOUR, il serait temps d’en prendre conscience !!!… Lisez donc « LE SUCCESSEUR DE PIERRE » de J.-M. TRUONG, ou JOSÉ RODRIGUES DOS SANTOS… Les dimensions de l’Univers sont radicalement incompatibles avec la petite idée mesquine d’un Créateur qui Se soucierait de nous, pas même globalement en tant qu’espèce ou planète porteuse de Vie !!!… TOUS les Prophètes sont fatalement des ESCROCS !!!… Faut faire avec !…

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      1. Jean-Marie

        « comme si un petit-enfant en colère pouvait offenser un adulte qui l’aime ».

        Je m’explique : un adulte peut-il s’estimer offensé et en vouloir à un petit gosse contrarié en colère qui lui tape sur le bas de la jambe en pleurnichant « T’es méchant, j’t’aime plus » ?

        C’est seulement une comparaison

        Il me semble qu’on ne peut pas offenser l’Ineffable, que nous sommes des imparfaits appelés à la perfection , mais pas des pécheurs devant être rachetés par le fils de Dieu Dieu lui-même

        Sans le mythe du péché originel, il n’y a plus de raison que le Dieu anthropomorphisé envoie son Fils sur la Terre pour nosu ouvrir la porte du Paradis en rachetant nos péchés.

        C’est plus clair ou votre religion athée vous aveugle ?

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