FRANÇOIS FILLON ET LA VÉRITÉ

« … Je dirai aux juges ma vérité, qui est LA vérité », affirmait récemment M. Fillon devant les français. Quand Jésus dit à Pilate : « Je suis venu rendre témoignage à la vérité », ce dernier, en politicien sceptique, lui répond d’un ton désabusé : « Qu’est-ce que la vérité ? »

Qu’est-ce que la vérité ? Donald Trump vient d’introduire en politique la notion de « vérité alternative ». Pour tout le monde, mentir c’est dire ou faire le contraire de la vérité. Quand un politicien ne veut pas être accusé de mensonge (faute politique), que fait-il ? Il change la nature de la vérité, tout simplement. Donc il ne ment pas, puisqu’il sa vérité devient LA vérité et qu’il s’y conforme.

J’ai montré ailleurs comment « Certains politiques s’affranchissent de la vérité… en affirmant que ce qui est n’est pas, et que ce qui n’est pas est » (1). Longuement formaté par un système politique bien d’chez nous, avec ses pratiques anciennes et largement répandues, M. Fillon invoque son bon droit : il n’a rien fait d’illégal, et c’est la vérité.

Il oublie qu’il y a la vérité inscrite dans la loi, et une autre vérité inscrite dans les têtes. Cette vérité-là elle est impalpable, insaisissable. Elle change avec les temps qui changent, et ces temps-ci le temps va vite, très vite. Comme lui, la vérité valse dans la tête des gens une valse à mille temps.

M. Fillon n’a pas compris que le peuple français a un besoin compulsif de propreté. Que nous sommes lassés, écœurés, par une classe politique dont nous pensons qu’elle profite d’avantages multiples et exorbitants, à notre détriment. Avons-nous tort de le penser ? Sans doute, la grande majorité de nos politiciens est honnête, ce n’est pas vrai qu’ils sont « tous pourris ». Mais la vérité dans les têtes n’est pas la vérité des faits. C’est cela que M. Fillon n’ pas compris.

Les multiples imprécisions de sa défense ont donné l’impression qu’il mentait, alors qu’il était simplement sous le choc : « Comment ! Moi qui suis honnête depuis 35 ans, qui n’ai enfreint aucune loi, me soupçonner, moi ? »

Sa vérité n’est pas alternative comme celle de M. Trump, elle est vraie. Il n’a pas compris que depuis quelques temps, dans la tête de millions de français, une autre vérité s’était faite jour, confusément mais massivement. Une ‘’vérité alternative’’ populaire ? Non, une nouvelle vérité, qui exige des politiciens plus que de l’honnêteté, du désintéressement.

Pour ne l’avoir pas compris, M. Fillon a commis une double faute politique, impardonnable celle-là : attaquer la justice, et laisser entendre que si, d’aventure, il était mis en examen, il ne tiendrait pas son engagement solennel de se retirer.

Il est évident que la justice, en oubliant qu’elle doit être d’abord inquisitoire avant d’être accusatoire, a été injuste envers lui. Évident que le choix des calendriers d’annonces a obéi à une stratégie politique, bien plus que judiciaire. Mais peu importe : on n’attaque pas cette institution, on n’allume pas une bombe dans les fondations mêmes de l’édifice républicain. Contre l’injustice des juges on se défend autrement, si on peut.

Et on ne viole pas un engagement pris publiquement, au motif qu’on a été mal traité par la justice. Trop tard mon gars, fallait pas prendre devant nous cet engagement ! « Faire ce que j’ai dit » a été le premier slogan de sa campagne.

En s’entêtant dans sa vérité comme il le fait, M. Fillon risque d’encourager le climat de guerre civile qu’il vient de a dénoncer. Non plus cette fois une guerre civile entre quartiers défavorisés et police, mais entre français.

C’est dans ces circonstances qu’on voit l’homme d’État.

                                                                   M.B., dimanche 5 février 2017, 15h.

(1) Dans Trump, Brexit, France, etc. Y a-t-il une vérité alternative ?

21 réflexions au sujet de « FRANÇOIS FILLON ET LA VÉRITÉ »

  1. Roland Leblanc

    Ne croyez=vous pas que nous sommes tous responsables de la situation; oui, nous tous … comme c’est expliqué dans le Ho’oponopono. Connaissez=vous?
    Bon chemin à nous tous!
    Paix sur le chemin de Vie!
    Roland ♀

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  2. Jon Jon

    Ba moi je trouve votre article fort à propos. Les religieux en France ont peut être suffisamment accepté avec humilité de « rester à leur place » ces derniers siècles… Mais qui a eu davantage d’impact social direct, concret, ne serait-ce qu’en France, que quelqu’un comme l’abbé Pierre, pour finir par être récupéré, au travers de son institution « Emmaus », par des politiciens véreux et sans scrupules ? Les penseurs « athés » finissent tous par se mordre la queue… Ou se la biiiiip… En tous les cas ils ne valent certainement pas mieux que les religieux.

    Effectivement si Fillon voulait prouver par les actes son intégrité d’homme avant tout, puis de politique, il aurait dû accepter la défaite, peu importent les causes, réelles, justifiables, légales ou non. Si le système est vicié mais que l’on ne l’est pas on s’en détache, peu importent les conséquences sur ce système ou sur soi-même. Sinon on reste un lâche, un hypocrite, indigne de représenter quiconque d’autre que soi-même car en effet, qui voudrait être représenté par un lâche et un hypocrite? Ni les français ni toute personne saine d’esprit. En réalité, d’un point de vue spirituel, on en arrive encore à la même conclusion du lâcher prise, du non-acte comme issue toujours favorable, comme moyen de calmer, temporiser, revenir à la source. Et je ne sais pas qui ose « penser » que Trump aux Etats Unis est une solution valable, à part peut être en espérant qu’il va être un catalyseur qui précipitera le capitalisme outrancier à sa fin pour déboucher sur un hybride plus intéressant… Cet homme, à m’image de son pays, concentre toutes les tares auxquelles devra pallier l’être humain s’il compte survivre de manière plus harmonieuse à l’avenir. Le pinacle de la connerie humaine malgré son immense progression…

    Il est très facile dans le discours des politiques de remplacer des mots par d’autres qui leur sont très semblables dans le langage politique: remplacez « la France » et « les français » par « moi », puisqu’ils sont les représentants des français. Et puis remplacez le mot « responsabilité » par « pouvoir » puisque l’un entraine automatiquement l’autre chez un homme digne de ce nom. Juste ces deux mots, essayez ce soir lors de la prochaine déclaration du prochain « fantôme affamé » comme on dit dans le bouddhisme, que vous verrez à la télé…

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Il n’empêche que M. Fillon (ne) s’est (pas) défendu de façon déplorable. Un bon politique doit aussi savoir boxer. Pauvres de nous !
      M.B.

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  3. Jean Roche

    Pour le dire autrement, autant vos articles sur la religion peuvent être passionnants et stimulants, autant là, et ce n’est même plus une question d’opinion, vous n’apportez rien, ni information ni réflexion ni quoi que ce soit qui puisse aider à se dégager du totalitarisme mou qui nous enferme dans ses mensonges, ni même à l’accepter.

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      La « religion » est une clé de lecture comme une autre de ce qui se passe. Quand ce qui se passe est violent & inquiétant, les « religieux » doivent réagir. Comme ils peuvent.
      M.B.

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  4. Jean Roche

    Bonjour,
    Ca ne sert à rien de dire que Donald Trump a menti si on ne donne pas un exemple concret de ses mensonges.
    Pour le moment, je retiens qu’il a rétabli la vérité sur un point où le mensonge nous faisait aussi mal qu’aux Américains. On, y compris François Fillon, nous serine depuis fort longtemps que pour combattre le chômage il faut imiter les USA chez qui ce taux est deux fois inférieur. On sait à présent quand on veut bien le savoir, et grâce à Trump, qu’il est deux fois supérieur.

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  5. Adèle

    Merci de cette réflexion .Confondre sa vérité avec LA vérité est effectivement une fâcheuse erreur ,et même une faute , que risquent de commettre tous ceux qui sont au service d’un engagement …Mais que penser de la » vérité » des amis de F. FIllon ,bien prompts à l’incriminer , n’hésitant pas longtemps avant de le lâcher dans la tempête ,même si cela doit nuire à leur parti (pour lequel, au demeurant, je ne vote pas ) ?

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Ambition, calculs, lâcheté bien plus que « vérité ».
      Qu’on vote ou pas LR, ce que nous voyons depuis 1 mois est mauvais pour la démocratie et notre pays.
      M.B.

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  6. Devos Jean

    Cher monsieur Benoît ,
    J’aime mieux vous lire quand vous m’emmenez dans les hauteurs ou les profondeurs des religions .
    Ce papier ci, méritait mieux de votre part
    « le peuple français a un besoin compulsif de propreté. » Je ne le pense pas du tout !
    Le peuple français a besoin de guides courageux qui lui disent « ses quatre vérités » !!

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Vous avez raison, ceci n’est pas un blog politique. Je vous rappelle cependant son titre : « Une vie consacrée à la liberté… politique » A certains moments, je ne peux pas m’abstraire de ce que vit mon pays. Jésus lui-même a pris des positions dans ce domaine…
      Merci, M.B.

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  7. Lucien Martin

    À des nuances près, je partage votre analyse, sous une réserve toutefois. Vous écrivez : « Il oublie qu’il y a la vérité inscrite dans la loi, et une autre vérité inscrite dans les têtes. Cette vérité-là elle est impalpable, insaisissable. Elle change avec les temps qui changent, et ces temps-ci le temps va vite, très vite. Comme lui, la vérité valse dans la tête des gens une valse à mille temps.

    Plutôt que de « vérité », il me semble, il s’agit d’éthique et, oui, celle-ci peut évoluer. Mais il ne faut pas confondre morale et droit. La première peut être plus exigeante que la seconde, mais elle n’est sanctionnée et sanctionnable en démocratie que lorsque le droit, constatant l’évolution des mœurs et la solidité de cette évolution, introduit la nouvelle règle morale dans l’appareil du Droit et l’assortit alors d’une sanction légale.

    Appliquer aujourd’hui une sanction (à supposer d’ailleurs qu’elle existe dans la loi) à des faits commis AVANT que la règle morale ensuite violée ait été importée dans le Droit, c’est quelque chose d’extrêmement grave : en démocratie tout particulièrement, un principe fondamental de l’état de droit est celui de al non-rétroactivité.

    Ici, on peut admettre aujourd’hui que l’emploi d’un proche en qualité d’assistant parlementaire est à proscrire (comme c’est le cas à l’assemblée européenne),mais, au jour où Fillon a employé sa femme en cette qualité – et aujourd’hui encore dans la loi – cette pratique était parfaitement légale (vous le reconnaissez d’ailleurs) Il est donc antidémocratique de le sanctionner pour cela. Certes, le premier de tous les droits démocratiques, c’est la liberté, mais celle-ci, comme la démocratie elle-même ne se conçoit pas sans un minimum de discipline (là est le Droit), à défaut, ce n’est pas la démocratie, mais le désordre et, finalement, la loi du plus fort.

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Bien sûr, la loi prime sur des valeurs morales changeantes selon l’humeur du temps. Mais avec Internet etc., nous sommes entrés dans une ère nouvelle. Certains comportements encore légaux ne sont plus admis. La loi a toujours un temps de retard sur la société.Je constate que Fillon, comme beaucoup d’autres, ne l’a pas compris à temps.
      M.B.

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      1. Lucien Martin

        « La loi a toujours un temps de retard sur la société », écrivez-vous. C’est tout à fait exact.

        C’est même là ce que j’appellerais la problématique existentielle du Droit. Fait pour consacrer les règles communément admises dans le milieu social, il les dote de la sanction publique (alors que la morale n’a pas d’autre sanction que… morale) quand elles semblent durablement « reçues » par ce milieu. De ce fait, elle est, par nature pourrait-on dire, toujours plus ou moins en retard sur la société. Mais ce n’est vrai que dans la mesure où celle-ci ne va au-delà du Droit que plus ou moins à la marge et c’est au Droit à veiller à s’adapter quand une évolution est suffisamment affirmée pour justifier sa consécration juridique. Il peut arriver qu’il manque de réactivité, c’est vrai.

        Mais tenir toute pratique sociale comme ontologiquement supérieure à la loi, sans l' »amortisseur » de son admission à la qualité juridique, c’est s’exposer à l’affaiblissement de la loi et glisser vers le désordre, qui n’est certes pas le lit de la démocratie. Or, une caractéristique de notre époque est qu’on tend à admettre trop facilement sans réserve et sans attendre toute innovation de la pratique sociale, sans attendre sa consécration par l’épreuve du temps. D’où cette tendance à considérer le juriste comme « conservateur ». Mais il ne faut pas confondre liberté et licence.

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      2. S. Christiane

        Bonjour M. Benoît,
        Vous dites « M. Fillon invoque son bon droit : il n’a rien fait d’illégal, et c’est la vérité ».
        Quelle vérité ? Car le problème n’est pas d’avoir employé femme et enfants (en les payant grassement tout de même et avec l’argent de l’Etat)) mais que ce soit un travail qui n’a pas existé ! et cela révolte tout un chacun, privilèges de riches et d’élus ! C’est à la Justice de dire la Vérité et il doit bien y avoir des preuves dans un sens ou dans l’autre !
        Christiane S.

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        1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

          Quand le PNF a déféré M. Fillon à 3 juges d’instruction, M. Lévy, son avocat, leur a remis un épais dossier de 674 pages contenant des preuves de l’activité de Mme Fillon. 48h plus tard, ces juges ont « convoqué M. Fillon le 15 mars en vue de mise en examen ». Ont-ils eu le temps, en 48h, d’étudier chacun ce dossier, puis de se concerter pour prendre d’un commun accord une décision aussi grave ? Normalement, cette procédure prend plusieurs mois. Pourquoi si vite ? Où est la « justice sereine » ?
          Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres des manipulations judiciaires entourant la candidature de M. Fillon, pour l’empêcher.
          Mais aussi, pourquoi ne le dit-il pas plus clairement ?
          Pôvres de nous…
          M.B.

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          1. Lucien Martin

            Je partage tout fait votre analyse. Je relève à cette occasion que vous faites état de ce que l’avocat des Fillon a remis aux juges d’instruction dans les jours suivant leur nomination un dossier de 674 pages. C’est considérable et même inhabituel ; l’étude (sérieuse) d’un si volumineux dossier demande plus de deux jour , je le dis en avocat honoraire que je suis, et cela alimente les inquiétudes que suscite en moi la procédure singulière à bien des égards dont les Fillon sont l’objet.

            Je ne mets pas en doute la fiabilité de cette information, car vous me donnez toutes les raisons de penser que vous n’avancez rien sans vérification. Il ne s’agit donc pour moi que de savoir d’où vous tenez cette information ; car j’entends bien m’en servir le cas échéant.

            Amicalement

            Répondre
            1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

              Déclaration de M. Lévy, avocat des Fillon, sur LCI samedi (ou dimanche matin ?) dernier.
              M. Lévy semble un homme très précis, il a longuement expliqué le dossier sur cette chaîne
              M.B.

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