LA FRANCE, SES ROIS, SON ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

Il faut aux Français un chef à qui remettre leur destinée. Roi, Empereur, Lider maximo, Duce, Raïs… quelqu’un dont ils décident qu’Il décidera, en théorie avec eux, mais en fait pour eux.  Et ça ne date pas d’aujourd’hui : au début du IXe siècle Alcuin, abbé de Saint-Martin de Tours et conseiller de Charlemagne, tailla sur mesure pour son patron la doctrine fondatrice de l’empire franc, la ‘’monarchie de droit divin’’. Élu par Dieu, désormais le roi gouvernerait le peuple au nom de Dieu, puis à sa place : « Ce que le roi veult, Dieu le veult. »

Fort érudit, Alcuin savait que l’idée était née à Rome en 63 avant J.C., quand Jules César devint Pontifex maximus pour s’emparer de la dictature : prêtre-roi. Après lui Constantin, au Concile de Nicée (325) décréta qu’il était « le treizième apôtre » et que sa parole avait force d’évangile. Bref, la divine monarchie était en place, et pour longtemps : à l’Assemblée des Notables de 1787, le brave Louis XVI était dans son droit lorsqu’il répondit au duc d’Orléans : « C’est légal, parce que je le veux. »

Pourquoi les français consentirent-ils si longtemps au pouvoir divin d’un roi que seule sa naissance avait mis à leur tête ? Parce que l’Église appuyait son pouvoir humain d’une autorité divine ? Pas seulement. Parce qu’ils étaient imprégnés d’une foi catholique dont les dogmes guidaient leurs vies, leur apportaient le réconfort et l’assurance du salut éternel. Plus encore qu’une foi, le catholicisme était une conception de l’ordre du monde et de la société. Hors de la vision catholique, le monde n’était que chaos. Il fallait aux Français un roi défenseur du dogme, sans lequel le désordre et l’anarchie détruiraient la France.

Par leur hérédité catholique, depuis toujours les français sont viscéralement dogmatiques. Leurs idéologies prennent toujours le pas sur la réalité des faits. On le vit mieux quand l’Angleterre, les princes allemands et les pays nordiques secouèrent le joug du pape : devenus protestants, ils remplacèrent le dogmatisme par le libre-arbitre, l’autorité d’en-haut par la décision individuelle. Une nouvelle société naissait, où le peuple était souverain. Ce qui n’empêcha pas quelques dictateurs de passage, mais en pays protestant le pas était franchi : Dieu n’était plus au pouvoir.

En France, à peine le peuple décrété souverain en 1789, ce même peuple se soumit à Robespierre et à sa terreur. En 1802, par 3.500.000 voix contre 8.374, il élut Bonaparte Consul à vie avec un pouvoir encore plus absolu que Louis XVI. En 1852, son neveu Louis-Napoléon fut élu empereur régnant avec 96, 86% des voix. Puis ce fut le règne de la corruption pendant la IIIe République. Privée de roi, la France devint la patrie du socialisme, de l’affairisme, de l’antisémitisme et du colonialisme. Vaincue et humiliée par le Führer de Berlin, elle se donna pendant quatre ans à celui de Vichy. Hagarde et assommée, elle décida en 1946 de n’avoir plus de chef mais des partis. Lesquels la firent valser avec eux : 24 gouvernements en 12 ans de IVe République, 16 mois au pouvoir pour le plus long, 1 mois pour le plus court !

Fallait-il après cela revenir à la royauté ? On dit que De Gaulle y pensa, mais on ne recolle pas en 1958 une tête coupée en 1793. Devenus républicains, les Français ne voulaient plus de rois – mais ils voulaient être régis. On eût donc un roi républicain, ce qui mit tout le monde d’accord.

Un roi oui, mais élu par le peuple comme aux premiers temps d’Athènes et de Rome. « C’est bien », dirent les Français. Encore fallait-il trouver quelqu’un qui soit capable d’occuper le trône. Un roi oui, mais lequel ? « Je cherche un homme », disait Socrate aux Athéniens. En 1958 on ne chercha pas, De Gaulle était l’homme providentiel tout trouvé. À peine intronisé on le critiqua, on le brocarda, on l’insulta puis on le mitrailla. Mais quand il mourut, on le pleura amèrement. Ainsi sont les Français, qui aiment et respectent leurs rois quand ils ne sont plus.

Le dauphin Pompidou endossa un costume royal qui ne lui allait pas si mal, puis ce fut la dégringolade. Des diamants coulèrent Giscard et permirent à un socialiste pur jus de devenir le plus royal des présidents de la République. « Vous verrez, disait Mitterrand aux prises avec son cancer, je serai le dernier Président de la Ve République. » Par là, il voulait dire « le dernier monarque républicain de France », et il voyait juste. Les Français lui choisirent comme successeur un voyou qui les traita de « pauv’con », puis un autre qui se regarda le nombril pendant cinq ans au lieu de regarder la France épuisée. Chacun avait fait de beaux discours, des proclamations enflammées que suivirent des médiocrités affligeantes.

Aux Français il faut un roi, ils sont comme ça. Catholiques, honteux de l’être ou de l’avoir été, ils veulent des dogmes à croire et quelqu’un pour les leur faire croire. N’y a-t-il soudain personne à la hauteur du trône ? Les dogmes vacillent-ils ? Alors (c’est aujourd’hui) les Français sont affolés, tétanisés. Usées à la corde, les vieilles idéologies d’antan – anarchisme, communisme, égalitarisme, fascisme – refont surface. Ayant perdu toute mémoire, toute raison, toute ambition, toute dignité, des Français continuent d’y croire béatement. Ils balancent entre un bateleur sur son estrade, une semeuse de haine ou un jeune premier qui les cajole parce qu’il les aime. Ce n’est plus la tribune de la République, mais la scène de l’Olympia ou le divan du psy. C’est le sentimentalisme et le chatouillis des passions au pouvoir. D’idées fortes, d’idées maîtresses, d’horizon assez vaste pour entraîner une nation, d’étapes à franchir l’une après l’autre, de contrat de confiance entre le souverain et son peuple – de vision royale, point.

« Les peuples, diton, n’ont que les dirigeants qu’ils méritent. » Une fois encore, les français vont placer quelqu’un(e) sur le trône républicain.

Avec Hamlet, ils sont tentés de se dire : « to sleep, to die »dormir, mourir.

Les rois passent. Les nations dorment parfois mais ne meurent pas. Le réveil du sommeil français sera douloureux.

                                                                       M.B., 14 avril 2017

5 réflexions au sujet de « LA FRANCE, SES ROIS, SON ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE »

    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Mais oui, c’est le cas de Jésus ! Problème : ce n’est pas un Dieu. Autre problème : personne n’a voulu de lui. Résultat : ce qu’on voit…
      Bon courage, M.B.

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  1. de Potter Yvan

    La royauté a apporté à la France, durant des siècles, sa grandeur, sa gloire, son esprit inventeur et novateur, ses qualités diverses et variées qui, dans la diversité des régions et des hommes, ont construit notre nation.

    Aujourd’hui la République veut le redressement de la France, redevenir cette belle et forte nation des temps anciens : c’est l’objectif de cette élection présidentielle. Un seul candidat propose un contrat efficace aux français; ce choix est crucial car il met en jeu l’avenir de la France et de ses enfants.

    Il se nomme François FILLON et ser

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  2. CORRE Henry

    Cher Michel,
    dans votre brillant exposé historique vous oubliez un personnage qui domine le Monde….et la France.
    « Aucun homme ne peut servir deux maîtres : car toujours il haïra l’un et aimera l’autre. On ne peut servir à la fois Dieu et Mammon (Matthieu 6:24). »
    Amicalement
    HC

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