Archives pour la catégorie LE CHRISTIANSME EN CRISE

Quelques analyses des crises du christianisme depuis ses origines

INTERNET : LA FIN D’UN MONDE ?

Peut-on échapper à Internet ? Pas plus sans doute qu’aux avions qui introduisent en Europe des virus et des parasites tropicaux. Pas plus qu’à l’air du temps, qu’on est bien obligé de respirer même s’il est pollué.

C’est ainsi qu’Over-Blog, sur lequel vous avez le privilège de me lire, vient de se mettre au goût du jour – et je n’ai pas pu y échapper.

On m’avertit que la nouvelle version possède un nouveau design, et me permet de gagner de l’argent – comment donc ai-je pu vous éduquer jusqu’ici tout gratuitement ? On m’apprend que je peux bloguer depuis mon mobile, dont je ne me suis jamais servi que pour téléphoner, animal préhistorique que je suis. Que je dispose désormais d’un outil de migration depuis des plateformes tierces, mais surtout d’une fonction repost agrémentée d’un responsive design.

Enfin, ô joie, on me dit que je peux bloguer sur Windows Live.

Ma vie est transformée, et je voulais vous le dire sans plus tarder. Grâce au Social Hub intégré, je vais pouvoir être connected avec des inconnus, qui le resteront malgré ma mise en page intuitive.

Comment ai-je pu vivre si longtemps sans l’acquis d’un tel progrès ?

Convaincu d’avoir franchi une étape décisive dans l’évolution de l’humanité, j’essaye de me connecter sur mon blog enfin modernisé. Je clique, et un message apparaît m’informant que The application is frozen. L’anglais n’ayant pour moi aucun secret, je comprends que la porte que j’ouvrais depuis 10 ans pour entrer chez moi, dans mon blog,  est bloquée par le givre – frozen. On n’entre plus, ô progrès ! Tu me laisses à la porte.

Heureusement, on m’informe que je peux basculer en section HTLM, et que je peux désormais suivre mon blog grâce au reader. J’aimerais seulement pouvoir y écrire cet article dont vous avez tant besoin…

Je parviens à  dégeler les gonds de la porte du blog et je tape le titre de cet article : il faut 1 minute 10 chrono pour qu’il s’inscrive dans la fenêtre. J’écris l’article :  il faut attendre 5 à 15 secondes pour que chaque frappe soit suivie d’effet. Vu mon âge, je ne suis pas sûr d’être encore en vie au moment de la conclusion.

J’ouvre la page que vous avez le bonheur de contempler, pour découvrir que l’espace jusqu’ici dévolu à mes textes enchanteurs est désormais pollué par un tas d’icônes permettant la migration vers les plateformes tierces.

C’est laid, ça encombre, mais c’est aussi inévitable qu’indispensable.

Il y a plus grave, et j’ose vous en parler. Notre cerveau (en tout cas, le mien) est rempli de milliers de neurones qui possèdent chacun des dendrites partant dans tous les sens, un peu comme les épines d’un oursin. Chacun de ces dendrites est en contact avec ceux des neurones voisins : la communication circule en 3D.

Elle s’effectue dans tous les sens, de façon multipolaire, ce qui explique la possibilité créatrice de notre cerveau (en tout cas, du mien).

Tandis que les circuits de l’ordinateur fonctionnent en 2D, ils sont unipolaires, l’information circule dans un seul sens, de façon linéaire : une information suit l’autre, et uniquement quand la première a été validée.

Vous devinez l’appauvrissement : on est passé du foisonnement d’un ciel étoilé, beauté perçue d’un seul coup d’œil,  aux rails d’un chemin de fer cahotant d’une traverse à l’autre.

L’ennui, c’est que les moins de 40 ans ne savent plus ‘’penser’’ qu’en suivant ces rails. L’intuition, l’évocation poétique d’un vocabulaire qui appelle des connotations inédites, l’infinie créativité, la fantaisie, n’existent plus dans une communication linéaire. C’est la fin d’un monde, celui du langage humain. Les linguistes ont établi qu’un vocabulaire de 400 mots permet la communication de survie. Internet a réduit le vocabulaire des inernotes à quelques pulsions cognitives.  La pensée est devenue information :

« Ch’te dis ça : et toi, tu dis quoi ? T’aime, ou t’aime pas ? – J’clique like – T’as cliqué ? Alors, t’es mon ami – Au fait, t’es qui, toi ? – K’ècek’ça peut’faire ? T’as cliqué j’aime, donc on est amis. »

Il est vraisemblable qu’un formatage mondial des cerveaux est en train de s’accomplir à travers l’usage d’Internet et des résosocio. Une nouvelle façon de penser, ou plutôt de ne pas penser. De dire une seule chose à la fois, pour recevoir une réponse sans contenu : j’aime / j’aimepa.

La planète communique massivement pour ne rien dire d’autre que « J’existe, puisque je communique. Et toi, t’existes ? Alors, clique. »

Une nouvelle humanité va naître, dont la pensée sera limitée, comme le langage informatique, à une succession de 0 et de 1. « T’aimes ? Clique. T’aimes pas ? Clique pas. Si tu cliques pas, t’existes pas. »

L’ennui, c’est que des religions politiques comme le communisme ou le nazisme fonctionnent exactement de cette façon. Et aussi les religions monothéistes comme l’islam coranique.

Leurs adeptes divisent l’humanité en deux, 0 ou 1 :

Ceux qui pensent comme nous, qui aiment comme nous, ceux-là ont le droit d’exister.

Et ceux qui ne pensent pas comme nous, qui n’aiment pas comme nous ? Comme il n’y a pas de touche pour cliquer « j’aime pas », ils sont hors réseau. Si jamais ils trouvent un moyen de faire savoir qu’ils z’aiment pas, il faut les supprimer parce qu’ils sortent du seul langage admis, 0 ou 1.

Allez ! Beau n’année, cliquez comme y faut.

                                 M.B., 31 déc. 2013

 

 

ÉLECTION D’UN NOUVEAU PAPE : que faut-il en attendre ?

Un nouveau pape est appelé à régner : seule une minorité de catholiques convaincus devrait se sentir concernée par cette élection, et pourtant elle fait la Une des médias du monde entier. Ce qui montre à quel point le lobby catholique est encore puissant sur la planète.

J’ai montré ailleurs (1) combien cette puissance est fragilisée par l’évolution récente du monde.

Comme les précédentes, l’élection va se jouer autour du rôle de la Curie Romaine. Depuis mille ans, c’est elle qui détient le véritable pouvoir dans l’Église. Le pape Paul VI, qui en était issu, s’est montré capable de la contrôler – grâce à quoi il a pu mener à terme le Concile Vatican II, auquel elle était farouchement opposée.

Naïvement, son successeur Jean-Paul Ier a déclaré en montant sur le trône de Pierre qu’il avait l’intention de la réformer : quelques semaines plus tard, il mourait dans son lit de façon inexplicable, et jamais expliquée.

De même qu’un musulman qui s’attaque au Coran doit mourir, un pape qui s’attaque à la Curie ne peut pas survivre. On ne plaisante pas avec les assises d’un pouvoir planétaire.

Le nouveau pape va-t-il tenter de réformer la Curie ? C’est là-dessus que se jouera l’élection. Si c’est un italien, les curialistes pousseront un ouf de soulagement. Si c’est un ‘’étranger’’, pour pouvoir être élu il devra leur donner des gages de non-nocivité, et ensuite il sera étroitement surveillé par eux.

Réformer la Curie ? Ce serait transformer une monarchie aristocratique en démocratie. Le Concile Vatican II avait ouvert la porte, en instaurant des Synodes qui devaient prendre collégialement les grandes décisions. Avec brutalité, le pape Jean-Paul II a claqué cette porte. On trouvera dans ce blog (cliquez) la recension du livre bouleversant de Mgr Weakland, témoin de la ‘’reprise en mains’’ du pouvoir par la Curie à partir de 1980 sous l’autorité du pape polonais.

Une réforme en profondeur de la Curie est impossible. On ne réforme pas une monarchie absolue, il faut pour cela une Révolution qui détruise tout l’ordre ancien et coupe la tête du Roi. Au mieux, le nouveau pape fera un nettoyage de surface, repoussera la poussière sous les meubles. Des déclarations, quelques gestes symboliques. Il tentera d’assainir les finances vaticanes, répètera que le clergé doit être vertueux et respecter ses engagements de chasteté – que bien évidemment il ne remettra pas en cause, etc.

Suffirait-il d’ailleurs de réformer la Curie pour que l’Église catholique redevienne ce qu’elle prétend être, un ferment dans la pâte, une force alternative capable de contrebalancer la mondialisation avec son mépris des valeurs humaines, son règne absolu du plus fort et du plus riche ? Par cette réforme, le nouveau pape pourrait-il redonner vie à l’Église, pour qu’à nouveau elle entraîne derrière elle une humanité désorientée, en quête de sens ?

L’observateur qui prend du recul le sait : la vraie cause du déclin du catholicisme est ailleurs. Elle n’est ni dans la corruption du Vatican, ni dans le célibat des prêtres, la condamnation du préservatif et autres muletas qu’on agite sous le nez des gens pour détourner leur attention.

La vraie question, c’est que l’imposant édifice des dogmes catholiques n’est plus crédible. Il repose sur une physique et une métaphysique dont nous savons depuis longtemps qu’elles ne correspondent plus à la réalité.

La pensée catholique ne rend plus compte du réel, là est le drame profond de l’Église.

Dans tous les domaines qui commandent nos vies – physique, astrophysique, biologie, philosophie, sociologie, morale -, l’Église n’a plus rien à dire : elle répète, et elle se répète. Ses dogmes et leurs applications pratiques, les sacrements, lui viennent de l’antiquité et du Moyen âge. Elle n’a pas pu, elle ne peut pas, elle ne pourra jamais remplacer par un autre ce socle sur lequel repose son identité profonde.

Le résultat, ce sont des catholiques déboussolés, des ex-catholiques désabusés, et une grande majorité d’incroyants qui ne s’intéressent qu’à l’aspect people d’une institution dont ils n’attendent rien, depuis longtemps.

On dit parfois : « Mais, et l’Afrique, et l’Amérique latine ? Là, le catholicisme est encore vigoureux ! » C’est faux : dans ces pays, les évangélistes américains taillent des croupières à l’Église catholique, qui s’en inquiète. Et leur piété populaire, dont elle est si fière, est fortement imprégnée d’un paganisme religieux à travers lequel ces peuples, superficiellement évangélisés, expriment leur besoin de surnaturel. Dans la réalité vécue, on est bien loin de la pureté doctrinale dont se réclame l’identité catholique !

Qu’attendre d’un nouveau pape ? Pas grand-chose. Si par hasard il était conscient de la véritable nature du défi qu’affronte l’Église depuis plus d’un siècle, et de sa profondeur – défi auquel elle n’a jamais su répondre -, il lui serait impossible d’y faire face, et d’y répondre.

Car ce n’est pas de réformes qu’aurait besoin cette institution bimillénaire : c’est d’une refondation.

Ou plutôt, de se souvenir qu’elle n’a jamais été fondée par Jésus le nazôréen, mais par des hommes qui se sont servis de son image pour établir, sur terre, le pouvoir de Pierre.

                                                 M.B., 9 mars 2013

P.S. : Si dans quelques années il s’avérait que j’ai eu tort, je serai le tout premier à m’en réjouir !
(1) Cliquez et cliquez . Voir dans la colonne de droite de ce blog les têtes de chapitre « Crise de l’Occident »  et « Le christianisme en crise »