LAÏCITÉ À LA FRANÇAISE ET ISLAM : L’ÉCHEC

Les musulmans peuvent-ils s’insérer dans un état laïc comme la France ? Peut-il y avoir un « islam de France » ?

Naissance de la laïcité en France

On connaît les étapes au cours desquelles le principe de laïcité a fini par s’imposer, douloureusement, à la société française. Le mouvement des Lumières, aboutissant à la constitution Civile du Clergé en 1790. Robespierre tentant de remplacer en 1794 le catholicisme par le culte de l’Être Suprême. La révolte des provinces, notamment les Chouans et les Vendéens. Bonaparte reprenant les choses en mains par le Concordat de 1801. Le retour en force de l’Église à partir de 1815, la reprise des hostilités sous la 3e République, la nouvelle révolte des catholiques lors de la séparation de l’Église et de l’État en 1905…

Il a fallu la boucherie de 14-18 pour que la République reconnaisse, tacitement, le retour de catholiques qui avaient généreusement versé leur sang dans les tranchées. Puis la Résistance de 1940-44, où des prêtres et des communistes avaient lutté fraternellement, côte à côte. Pour que finalement, en 2005, l’Église de France soit la première à souhaiter que rien ne soit changé aux lois qui l’avaient tant révoltée cent ans plus tôt. Reconnaissant que sa séparation d’avec l’État lui convenait parfaitement, qu’elle garantissait à la fois la liberté religieuse et la paix civile dans un pays déchiré par la question religieuse depuis 400 ans.

Deux siècles pour parvenir à une laïcité apaisée, bienfaisante.

Ou plutôt trois siècles, si l’on compte le 18e siècle au cours duquel l’idée même de séparation du religieux et du profane a lentement mûri chez les élites.

Trois siècles pour que cette révolution idéologique, d’abord imposée par la force, soit consentie par l’ensemble des français qui ont fini par voir dans ce consensus leur bien le plus précieux.

Comprenons bien : la révolution laïque n’a été rendue possible que parce qu’elle avait été précédée par une révolution idéologique, la raison acquérant sa juste place aux côtés de la foi. Cet équilibre entre raison et foi, il avait été initié par Thomas d’Aquin – mais on était alors au 13e siècle, l’Église et les États européens ne faisaient encore qu’un. Il a fallu Descartes, puis les philosophes du 18e siècle, pour demander et exiger que la raison (le pouvoir public) et la foi (le pouvoir de l’Église) fassent chambre à part.

Jésus et la laïcité

La chrétienté occidentale aurait pu pourtant s’épargner ces longs siècles de tâtonnements, de confrontations violentes et de révolutions, si elle avait tout simplement appliqué l’enseignement de Jésus.

Rappelons qu’à son époque, non seulement pouvoir civil et pouvoir religieux ne faisaient qu’un, mais l’empereur était divinisé, et son culte obligatoire dans tout l’Empire romain. En Palestine, les Juifs avaient obtenu un statut spécial, le pouvoir religieux était double. Celui du divin César, obligatoire. Et celui du Sanhédrin, toléré par l’occupant romain qui lui laissait l’application des lois religieuses propres au peuple juif, notamment le droit d’exécuter les blasphémateurs et les adultères par lapidation.

Lorsque des théologiens juifs demandent à Jésus s’il convient à un Juif de se soumettre au pouvoir (religieux) de César, sa réponse surprend tout le monde tant elle est révolutionnaire dans ce contexte : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » Personne dans l’Empire n’avait jusque là osé pareille séparation des pouvoirs, et aucun Juif ne pouvait s’y risquer : c’est cette réponse qui a valu à Jésus d’être définitivement brûlé aux yeux du clergé juif, appuyés en l’occasion par les nationalistes Zélotes pour qui « rendre quoi que ce soit à César » était une provocation, un scandale et un crime envers Israël (1).

Distinguer les deux pouvoirs, rendre à chacun ce qui lui est dû dans l’autonomie de leurs sphères respectives, c’est exactement le point d’équilibre auquel la société française est parvenue. Pourquoi l’enseignement de Jésus n’a-t-il pas été suivi dès le début, nous épargnant tant de violences ?

Parce que 30 ans après Jésus, Paul de Tarse a déclaré que le chrétien devait se soumettre à ceux qui détiennent un pouvoir dans la société civile. Et parce qu’en 381-90, la religion chrétienne est devenue religion officielle de l’Empire. De persécutés, les chrétiens sont devenus persécuteurs, le trône de Pierre s’est identifié assez vite au trône de l’empereur. Jusqu’à ce qu’Alcuin, théologien de Charlemagne, élabore la théorie du souverain de droit divin.

On était alors au 8e siècle. C’était le moment où le Coran s’écrivait, pour lequel pouvoir religieux et politique ne font qu’un.

Au même moment, deux sociétés (musulmane et chrétienne) allumaient chacune une bombe qui, depuis, n’a pas cessé d’exploser.

Le messianisme coranique et le pouvoir

Dans Naissance du Coran, aux origines de la violence, je décris l’idéologie messianique dont sont nés à la fois le judaïsme, le christianisme et le Coran : je vous renvoie à ce petit livre, paru chez l’Harmattan, et à la conférence que je viens de donner à ce sujet. Vous y verrez que « pour les messianistes, religion et pouvoir n’ont jamais fait qu’un. Dans le Coran, tout appartient à Dieu, corps, âmes et biens, le passé, le présent comme l’avenir. Il ne distingue pas le matériel du spirituel, tout revient à Allah. Il veut accoucher d’un Homme Nouveau, dans une société totalement soumise à une Loi divine.»

Autrement dit, s’ils suivent le Coran les musulmans en sont encore à l’union-fusion des deux pouvoirs, religieux et civil, qui prévalait en Occident avant le 18e siècle.

« S’ils suivent le Coran » : car là est pour eux aujourd’hui toute la difficulté. Certes, la majorité des musulmans, tout comme nous, n’aspire qu’à vivre en paix. Certes, les musulmans français voient ce qu’est une société apaisée par la laïcité. Certes, ils sont comme nous horrifiés par la violence des djihadistes. Mais au nom de quoi peuvent-ils les condamner ? Car musulmans pacifiques comme fanatiques se réclament du même texte, le Coran. Lequel appelle clairement et de façon répétée les croyants à l’extermination des non-croyants, Juifs et chrétiens.

Parce qu’il est messianiste, le Coran divise l’humanité en deux : nous, les mouslims (soumis au Coran) et les autres, tous les autres. Lesquels n’ont qu’un seul choix : se convertir, être mouslims (soumis au Coran) – ou disparaître physiquement.

C’est seulement quand ils auront accompli la révolution idéologique entreprise chez nous au 18e siècle, que les musulmans pourront être en paix. En eux-mêmes d’abord, puis avec le reste de la planète.

Échec de la laïcité

Notre laïcité à la française suppose que les deux partis, le religieux et le civil, parlent le même langage. Qu’ils parviennent à un accord pour cheminer côte à côte, sans se mélanger, sans empiéter l’un sur l’autre, sans se faire concurrence. Un consensus dans la pensée d’abord, dans les faits ensuite : respectés par le pouvoir, les croyants occidentaux respectent le pouvoir. Chacun chez soi.

Ce consensus, c’est une tragique illusion que de vouloir l’appliquer à une religion qui ne reconnaît qu’une seule autorité ultime, s’appliquant à tous : le Coran. Les mots n’ont pas le même sens, nos lois si difficilement acquises ne s’appliquent pas aux musulmans extrémistes. Ils ne les reconnaissent pas, ne les acceptent pas.

Comment jouer au foot quand une équipe applique certaines règles du jeu, règles que l’équipe d’en face rejette pour en appliquer d’autres ?

Vous connaissez la Pensée Unique, obligatoire, ressassée à longueur d’ondes. Par exemple Manuel Valls tout récemment : « C’est toute une nation qui dit que l’islam a toute sa place en France, parce que l’islam est une religion de tolérance, de respect, une religion de lumière et d’avenir (2). »

C’est stupéfiant. M. Valls oublie de dire que le Coran s’impose à tout musulman. Et semble ignorer que le Coran n’est ni tolérant, ni respectueux (des non-croyants, des femmes). Qu’il n’a pas été écrit par les philosophes des Lumières, mais sous l’impulsion de califes imprégnés de messianisme. Et qu’il ne propose aux habitants de la planète qu’un seul avenir : se soumettre au Coran et appliquer la Charia, ou disparaître.

Manifestement, M. Valls ne sait pas de quoi il parle. Il devrait demander à l’un de ses conseillers de lire mon petit livre, et quelques-uns des ouvrages dont je donne la référence – travaux de chercheurs dont j’ai fait mon miel pour écrire Naissance du Coran.

La schizophrénie est une maladie grave, pratiquement sans traitement.

Mais nos politiciens & journalistes ont-ils d’autre choix que de nous entretenir dans la schizophrénie, affirmant d’un côté une chose dont ils savent (ou devraient savoir) d’un autre côté qu’elle n’existe pas ?

Il n’y a pas, il n’y aura jamais d’islam de France, car il ne peut pas y avoir d’islam non-coranique. Puissent nos amis musulmans, qui doivent souffrir autant que nous de cette schizophrénie, commencer un jour la révolution idéologique que nous avons entreprise, avec tant de mal, il y a 3 siècles.

Leur paix intérieure, et la paix du monde, est à ce seul prix.

                                                M.B., 2 juillet 2014

(1) Voyez Jésus, mémoires d’un Juif ordinaire (Dans le silence des oliviers), Albin Michel & Livre de poche 2011.

(2) Déclaration à l’issue de sa visite à l’Institut du Monde Arabe, publiée dans Le Parisien du jeudi 26 juin 2014.

 

4 réflexions au sujet de « LAÏCITÉ À LA FRANÇAISE ET ISLAM : L’ÉCHEC »

  1. Abidahou

    Merci pour ces éclairements on en a besoin et je suis d accord pour dire qu’il n ya pas et n’y aura pas d Islam de France
    je suis d avis pour dire que le Coran incite à la séparation entre français et musulmans
    tant que ces derniers ne fassent une révision de fonds en comble des textes

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  2. Ping : UN ROMAN SUR LA NAISSANCE DU CORAN : « La Porte du Messie » de Philip Le Roy | Une vie à la recherche de la liberté intérieure, morale et politique

  3. Martin

    Je crains bien que vous n’ayez raison. Toutefois, une lueur d’espoir dans l’obscurité : la Convention récemment publiée par le CFCM, où la laïcité est présentée comme un acquis précieux ; de même, l’édition religieuse de l’Islam du dimanche matin sur France 2, que je suis assez régulièrement (non que je songe à m’y convertir, mais pour m’informer et savoir, par cela notamment, de quoi je parle). Ceci dit sans grande illusion quant à un éventuel effet rapide de cette conversion.

    Amicalement.

    Répondre
    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Le CFCM (et la télé) : des mots, parfaitement hypocrites.
      Quand avoueront-ils que le Coran est intrinsèquement violent, parce que c’est un texte messianiste, écrit en + d’un siècle, (etc : voyez mon livre « Naissance du Coran ») ?
      Bon courage
      M.B.

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