LES POLITIQUES DANS LE CANIVEAU : JUSQU’OÙ TOMBERONT-ILS ? Laurent Wauquiez et Cie

 Dans la IVe comme dans la Ve République, les élus du peuple savaient qu’ils représentaient ce peuple. Ils parlaient en son nom, et au-delà à l’Europe, au monde. Les Français appréciaient d’être représentés par des hommes qui voyaient les choses d’en-haut, Même s’ils n’étaient pas d’accord, ceux den-bas aimaient la tenue des affrontements de leurs hommes politiques. Leurs mots n’étaient pas toujours les nôtres, mais ils venaient de loin, ils portaient loin parce qu’ils avaient du contenu. Ni attaque personnelle ni grossièreté, on savait se tenir, on était les héritiers d’une certaine élégance française.

 Et nous les petits, les sans-grade, on se sentait respectés, presque valorisés par les mots avec lesquels nos politiques allaient au combat. « Oui, c’est comme ça qu’on doit parler en notre nom ».

Ainsi, en mai 1968, De Gaulle emploie un mot qui excite la fureur des étudiants ; « La réforme oui, la chienlit non ! » Dictionnaire Larousse : « Chienlit, n. fém.,  Masque qui parcourt les rues par temps de carnaval. Par extension (Émile Zola 1881), Personne ridiculement accoutrée. » Jolie façon de dire aux chevelus des barricades d’arrêter leur cirque.

En 1994 F. Mitterrand accorde un dernier entretien télévisé à J.P. Elkabbach. Quand ce dernier lui rappelle la mort de son plus féroce ennemi, Georges Marchais : « Eh bien… murmure le président avec son sourire de doge vénitien, eh bien ! Il va vous manquer maintenant, n’est-ce pas ? »

En 2000 J. Chirac, accusé par l’opposition de financements occultes, s’exclame : « C’est abracadabrantesque ! ». On crie au bégaiement sénile, alors qu’en fait c’est un mot d’Arthur Rimbaud dans Le cœur supplicié (1871) : « Ô flots abracadabrantesques, prenez mon cœur, qu’il soit lavé ! » Jolie façon d’écarter les calomnies de ses adversaires.

Voilà comment on nous parlait alors, voilà comment on parlait en notre nom.

Tout changea le jour où M. Sarkosy, devant la France entière, traita l’un de nous de « pauv’con » et lui ordonna de « se casser ». Ce jour-là, les Français se dirent : « C’est pas comme ça qu’on nous parle, c’est pas comme ça qu’on parle en notre nom ».

La politique venait de mettre un pied dans le caniveau.

Avec M. Hollande, c’est son bureau du palais de l’Élysée qui devint un caniveau, au fond duquel il invita des journalistes à entendre pendant des heures son mépris de la politique et l’aveu de son impuissance. Non, un président ne devrait pas dire ça. En France, si on se lâche, c’est en privé, pas devant la nation. Pas plus que l’autre, ce président-là ne parlait en notre nom.

Foule sentimentale, il faut voir comme on nous parle, comme on nous parle ! On nous prend, faut pas déconner, dès qu’on est né, pour des cons ! 

Ayant retenu la leçon, M. Macron prit soin de tenir les journalistes à distance et soigna ses interventions publiques. On les jugea « arrogantes » parce qu’il remettait la politique au niveau qu’elle n’aurait jamais dû quitter : on avait perdu l’habitude.

Foule sentimentale, on a soif d’idéal, attirée par les étoiles !

Hier, devant un amphi d’étudiants de l’EM-Lyon, M. Wauquiez n’a pas pris le même soin : « Dès que j’ai plus de deux personnes autour de moi, je m’dis toujours que tout c’que j’vais dire va sortir. » Donc c’est entendu, ce député, président d’un grand parti politique, aspirant à la fonction suprême, il parle à nous tous, et en notre nom. Pour dire quoi ?

Des députés d’En Marche, que ce sont des « guignols ». De G. Darmanin que « c’est du Cahuzac puissance 10. Quand on le voit, on s’dit « Tiens ! C’est l’type qui s’est fait une call-girl ! » Ce type-là, il va tomber ! » De N. Sarkosy qu’il « contrôlait les téléphones portables de ceux qui rentraient au Conseil des ministres. Il les mettait sur écoute, tous les mails, tous les textos. » Des syndicats « qu’ils n’en ont rien à foutre si on augmente les cotisations… le truc ! La seule chose qu’ils veulent, c’est encaisser l’argent. » D’Alain Juppé qu’il a « totalement cramé la caisse », de V. Pécresse « Ah ! Le nombre de conneries qu’elle a pu faire ! », d’Angela Merkel « Pour lui trouver du charisme, il faut s’lever de bonne heure ! »

De M. Macron : « Y s’met en bras de chemise : jamais un président ne s’était mis en bras de chemise ! … Fillon, par derrière, il l’a démoli, ça je suis sûr et certain qu’il l’a organisé. Il a… mis en place la cellule de démolition. Je n’ai aucun doute que le machin a été totalement téléguidé. Il y a une dictature totale en France ! »

 Foule sentimentale, faut voir comme on nous parle, comme on nous parle ! On nous inflige des mots qui nous affligent, on nous prend faut pas déconner pour ces cons dès qu’on est né, alors qu’on est, avec soif d’idéal, attirés par les étoiles ! 

Et M. Wauquiez conclut : « Ici, je parle vrai. C’est pas comme le bullshit que je raconte devant les plateaux des médiats ».  (1)

Foule sentimentale, il se dégage de ces gens hors d’usage, et tristes et sans avantages… On nous inflige des mots qui nous affligent !

Le lendemain, il dénonçait « la méthode de voyous » des médias.  Mon grand crime, dit-il, c’est d’avoir une parole libre. Dans ce que j’ai dit, il n’y avait pas une once de mépris à l’égard des Français. » (2) M. Wauquiez confond liberté et grossièreté, parole et insulte, politique et règlement de comptes à OK corral.

Foule sentimentale, il faut voir comme on nous parle ! On nous Sarkosyse, on nous Laurent Wauquiérise, on nous méprise, oh ! le mal qu’on peut nous faire et qui ravagea la moukère !

Jusqu’où nos représentants du peuple se vautreront-ils dans le caniveau ?

Il faut voir comme on nous parle, comme on nous parle. Oh le mal qu’on peut nous faire ! Du ciel dévale un désir qui nous emballe pour demain nos enfants pâles : un mieux, un rêve, un cheval, foule sentimentale ! (3)

                                                                                                                   M.B., 2 mars 2018
 (1) Propos notés d’après la vidéo diffusée par l’émission Quotidien, vérifiés verbatim sur le site de L’Obs.
(2) Propos publiés dans Le Figaro du 21 février 2018.
(3) On a reconnu la voix d’Alain Souchon, juste un peu adaptée aux auteurs du mal qu’on nous fait.

17 réflexions au sujet de « LES POLITIQUES DANS LE CANIVEAU : JUSQU’OÙ TOMBERONT-ILS ? Laurent Wauquiez et Cie »

    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Oui, vous avez raison, nous avons les politiques que nous méritons (puisque nous les avons choisis). D’ailleurs la popularité de M. Wauquiez est en hausse parmi ses suiveurs de droite… J’espère que dans le caniveau, on nous filera un matelas ?
      M.B.

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  1. De Querron

    Bonjour Monsieur Benoit,

    Je lis depuis quelques semaines, et avec intérêt, vos « coups de gueule » sur le monde politique.
    Pour ma part, j’ai cessé de m’intéresser au monde politique depuis Pompidou… En voici les raisons.
    Grand-père préfet, parents chirurgiens pendant une grande période aux Etats-Unis. Fils unique, j’ai hérité de la fortune de ma famille. A 18 ans je n’avais pas besoin de travailler. Mais pour faire plaisir à ma grand-mère adorée (médecin), j’ai fait médecine. N’ayant aucune pression, et travaillant peu, j’ai été classé 1er au concours de première année. Idem pour l’internat (on ne disait pas ECN). Du coup, j’ai fait cardiologie. J’aurais dû choisir radiologie ou anesthésie comme tous les gosses de riches…
    Macron voit loin disiez-vous… Oui, en effet, il voit très loin pour… les riches.
    Avec la suppression de l’ISF, je vais économiser plus de 30 000 euros. Je viens de prendre ma retraite et ma pension s’élève à plus de 17 000 euros mensuels. La CSG sur les retraites ?
    Pour moi une broutille. Malheureusement, pour le couple de retraités modestes (anciens smicards), que je soignais jusque-là, ensemble on a fait le calcul, ils vont perdre plus de 800 euros par an !
    Mais oui, dans cet exemple réel, Monsieur Macron voit loin comme vous dites pour faire payer les pauvres à la place des riches !
    Mais ce n’est pas tout. Lorsque j’ai hérité au décès de mes parents, combien croyez-vous que j’ai payé de droits de succession ? Zéro euro à sortir de ma poche ! Pourquoi ? J’ai donné à l’Etat français une petite toile de maître (hollandais) que mes parents avaient acquis ; pour « solde tout compte ».
    Mes impôts sur le revenus durant ma carrière ? J’en ai payé très peu là encore. Etant depuis toujours nul en maths, j’ai confié mes affaires à un avocat fiscaliste connaissant toutes les règles légales pour y échapper en grande partie.
    Monsieur Macron qui voit très très loin en a-t-il parlé ? Non bien sûr, il vient du monde pourri de la banque…
    J’adore la France, mais je pars vivre à l’étranger (au soleil) et suis en train de vendre tous mes biens. J’ai réalisé de grosses plus-values. Vais-je payer beaucoup de taxes ? Non ! rien du tout ! Je fais don à l’état d’une toile de maître (italien cette fois-ci), achetée par mes grands-parents ; pour « solde de tout compte ».
    Alors qu’un politicard déverse des ordures d’injures, où est le problème ? Ils sont tous comme ça.
    Même Monsieur Macron qui voit très très très loin (comme tout le monde quand il est en haut de la Tour Eiffel), n’a pas daigné évoquer ces cas d’injustice sociale pourtant connus de lui, ancien banquier. N’est-ce pas là encore une insulte vis à vis des gens modestes ?
    Mais c’est bien vrai que comme « président des seuls riches », il voit très loin pour eux et… pour lui bien sûr !…
    Amicalement,

    C-H de Q.

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Merci. Vous comprenez que ces « coups de gueule » ne sont pas dans la ligne habituelle de mon blog, qui fait plutôt état de mes travaux & recherches historiques. Mais je suis aussi un citoyen, et de temps en temps…
      Votre jugement est juste en micro-politique. Il faut voir + loin, en macro-politique et géo-politique. Depuis 1981, l’état a eu comme slogan « prendre aux riches pour donner aux pauvres ». Vous voyez le résultat ? 9,8 millions de chômeurs.
      Macron tente ce qu’on n’a encore pas fait : attirer les riches en leur piquant moins d’argent. Moralement, c’est mal ? Mais la macro-politique n’est pas de la morale. Laissons-le tenter cette piste. S’il échoue, bonjour Le Pen ou Mélanchon.
      Amicalement, M.B.

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  2. Angelini

    Jeanne, faudrait peut être demander à ceux qui touchent le smig, ceux qui sont au chômage, aux petits retraités, à ceux qui souffrent d’un handicap dans les c.a.t et ceux qui sont dans la rue si ils trouvent marrant nos hommes politiques (pardon à tous les autres malheureux que j’oublie) ! Cela doit bien représenter 30 millions de personnes pour notre beau pays des « droits de l’homme »… Quand aux beaux mots de nos anciens « présidents » c’est sur leurs actes qu’ il faut juger de leur « grandeur ». Et si ma mémoire est bonne J Chirac était traité de « super menteur », Mitterrand de machiavel (euphémisme), et notre bon général de résistant à la BBC… Mais il est vrai qu’il maniaient bien le « verbe » devant le « bas peuple », surtout le verbe GRUGER ! Et à tous les temps s’il vous plait… Chapeau bas à cet article et aux lettrés qui le lisent sans cligner des yeux… Pardonnez moi Mr Benoit de préférer vos livres à votre blog. Votre réflexion ne semble pas la même ici….Mais je peux me tromper aussi… »errare humanum est, perseverare diabolicum »

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Il y a une différence entre livre et blog. Chacun de mes livres est le résultat d’années de travail et de l’expérience d’une vie. Un blog, c’est comme un quotidien, c’est du journalisme au jour-le-jour. Le journaliste saisit l’actualité, « passion contre passion ». Un (bon) livre, c’est « Réflexion contre oubli »
      M.B.

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  3. Jean Roche

    Bonjour,
    Pour relativiser, si De Gaulle avait prononcé dans les mêmes circonstances l’équivalent du « cass’toi pauv’con » (et lui aussi pouvait être très grossier) la séquence n’aurait pas été captée et diffusée.
    Par contraste, c’est la révélation imposée par la justice des propos enregistrés par Richard Nixon, dans la foulée de l’affaire du Watergate, qui a fini de le pousser à la démission en 1974.
    Mais c’est vrai qu’il y a comme une décadence…

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      LE soldat De Gaulle était capable d’employer un langage de caserne, comme le fameux « Alors, Massu, toujours aussi con ? ». Mais c’était entre soldats, et ces gens-là se comprenaient (Massu sera son confesseur qques années + tard !)
      M.B.

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  4. Roland Leblanc

    Triste en effet; souhaitons une vison pour nous guider, vision qui vienne de l’intérieur… je sais pas comment, ni pourquoi ils feraient ainsi, mais bon, Savons que nous , à quelque part, nous méritons ce que nous attirons… voyons. Responsables serions=nous?
    Roland ♀

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  5. LECOCQ

    Merci cher Michel, de cette prose, en souhaitant qu’elle soit lue par ces tristes sires dont Wauquiez ! Décidément, certains n’ont toujours rien compris… Vous méritez ainsi que vos écrits, la meilleure audience ! J-François LECOCQ, Lille.

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  6. Gris

    Certes, certes. La politesse et la maîtrise des mots, du langage signent un individu et par delà un peuple.
    Nous avons eu un Roland Barthes et des gavroches comme Renaud.
    Mais les mots ne font pas tout et Monsieur Macron tient un discours bifide. Qui respecte le peuple doit se faire comprendre de lui et par des phrases qui veulent DIRE quelque chose. Ca s’appelle le respect.
    Et sous cape et sourire il n’en porte au gens, pas plus que ses représentants ministériels dans l’arrogance de leur comportement qui est leur vrai « parler ».
    De nos jours en politique, pour briguer les plus haute fonctions, un seul respecte le peuple et les peuples de la planète : François Asselineau. Il parle pour se faire comprendre et il instruit les français. L’effort pédagogique signe le respect qu’il a de ses concitoyens. Toutes les données sont vérifiables. Bref, comme disait Pépin, il parle vrai !

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    1. P.K.

      « La France risée de l’Europe… », n’exagérons quand même pas, car hélas, les autres pays européens n’ont pas grand chose à nous envier du coté de la haute tenue des propos de leurs dirigeants, sans parler des USA, de la Russie, de la Corée du Nord etc.

      Constatons simplement que nous avons les dirigeants que nous méritions !

      Est-ce à dire que la messe est dite ?
      Non, ce combat est permanent.
      L’homme n’est pas intrinsèquement bon, ce serait plutôt l’inverse.

      Alors battons nous.
      Battons nous pour plus de culture ;
      Battons nous pour l’excellence ;
      Battons nous pour l’altruisme.

      Un exemple ?
      A Grenoble l’Association de La Fabrique Opéra offre chaque année à plusieurs centaines de jeunes en formation professionnelle, la possibilité de créer les décors, de composer les costumes, de participer à la coiffure des acteurs d’un Opéra.
      Cette année ce sera CARMEN début avril.
      Résultat : quelques milliers de jeunes et leurs familles viendront assister avec fierté à la représentation d’un opéra où ils ne seraient certainement jamais allés…

      Quel rapport avec l’article de Michel Benoit ?
      Aucun, si on se contente de constater la vulgarité de certains de nos hommes politiques.
      Beaucoup, si on se dit que ces jeunes qui se seront investis dans CARMEN, auront sans doute un autre regard sur un « casse toi pauv’con »…

      « Que vos choix reflètent vos espoirs et non vos peurs » Nelson Mandela

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    2. max dessus

      Je ne sais pas ce qui justifie cette remarque un rien démagogique et populiste. Il faudrait regarder aussi du côté des autres pays (Italie, Royaume-uni, Espagne, Autriche, Pologne, etc). Certains nous font pleurer….
      Cordialement

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      1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

        Hélas, c’est vrai. C’est pourquoi j’ai intitulé cet article « Wauquiez et Cie ». Il y a sur la planète un phénomène général de domination de la Pensée Unique (voir dans ce blog les articles sur ce thème), qui est affolant. Entre 1933 et 1940, à l’expansion des fascismes pouvaient encore s’opposer des pensées libres (qui triomphèrent). Aujourd’hui, c’est pratiquement devenu impossible. Quand ça va péter, il y aura des dégâts !
        M.B.

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