ISLAM ET RÉPUBLIQUE (Macron et le CFCM) : QU’EST-CE QUE L’ISLAM ?

L’islam est-il soluble dans la République ? Est-il franco-compatible ? Pourquoi le président de la République tarde-t-il tant à faire un discours sur cette question ? C’est sans doute qu’il partage les mensonges habituels sur les questions brûlantes que pose l’islam, abordées dans l’article précédent.

M. Macron a réuni le CFCM (1) pour lui demander : « Comment nos concitoyens dont la religion est l’islam peuvent-ils vivre tranquillement leur religion en respectant absolument toutes les lois de la République ? » Le lendemain, le CFCM répondait par une annonce qu’il prétendait « forte ». Dix points, parmi lesquels : « Chacun doit être libre de vivre sa foi dans le respect du cadre républicain » ou « il faut lever toute confusion entre pratique religieuse piétiste et radicalisation ».

Ce qui pose la vraie question, la question simple à laquelle personne ne veut répondre : qu’estce que la foi musulmane ? Qu’est-ce que sa pratique religieuse piétiste ? Et finalement, qu’est-ce que l’islam ?

I. Qu’est-ce que l’islam ?

Cette religion repose sur trois piliers (2) :

1) Une légende

On sait qu’en 622 une tribu arabe, les Qoraysh menés par des judéo-chrétiens, émigra de la Syrie vers Médine. À la tête des émigrés, un chef de guerre charismatique avait fait en 614 la preuve de son talent dans une razzia manquée vers Jérusalem. Médine devint sa tête de pont, à partir de laquelle les Arabes s’élancèrent à la conquête du monde après sa mort en 632.

Pour qu’elle devienne mondiale, cette conquête devait être surnaturelle et avoir un Prophète égal à Moïse ou Jésus. Les premiers califes décidèrent donc que leur Prophète serait ce chef de guerre charismatique. Le premier témoignage indépendant à son sujet date de 640 : « On dit que [dans les bagages des Arabes] est apparu un prophète… C’est un faussaire, car les prophètes ne viennent pas armés avec épées et chars de guerre. Ceux qui l’ont rencontré disent qu’on ne trouve rien d’authentique dans ce prétendu prophète : il n’est question que de verser le sang des hommes » (3)

Il fallut deux siècles aux historiens à la solde des califes pour transformer cette réputation détestable en légende pieuse, celle d’un visionnaire recevant par bribes le texte d’un Coran directement issu de la bouche d’Allah. Quatre générations après les faits, Ibn-Ishâq († 768) composa sur ordre une première Vie du fondateur de l’islam aujourd’hui perdue, reprise un siècle plus tard par Ibn Hishâm († 833). Ce fut la Sîra qui constitue jusqu’à aujourd’hui la base de toute biographie de Mahomet et des origines de l’islam.

Biographie reconstituée à partir de légendes qui transformèrent l’émigration du Prophète en Hégire au nom d’Allah, pour justifier le pouvoir des Califes successifs et leurs conquêtes foudroyantes.

2) Un texte

Dès le début du 7e siècle se développa la prédication de groupes judéo-chrétiens réfugiés en Syrie à leurs voisins Arabes. Ces catéchèses, ils les écrivaient sur des feuillets qui furent d’abord rassemblés sans aucun ordre, puis enrichis de quelques lois par le chef de guerre arabe à Médine, et enfin complétés par les califes successifs au gré de leurs besoins. Cette liasse de feuillets fut appelée le Qour’An, le texte récité en public. Texte obscur, le Coran – rédigé dans un arabe du 8e siècle encore proche de l’araméen syriaque – est plein d’allusions, d’équivoques, de sous-entendus incompréhensibles au lecteur d’aujourd’hui.

Ces obscurités servirent le propos des premiers califes, qui les utilisèrent pour enrichir la ‘’biographie’’ du Prophète. Régis Blachère : « Le cercle vicieux était désormais fermé : les allusions contenues dans le Coran devaient servir de support à la Tradition biographique [du Prophète] – sans laquelle ces allusions restaient lettre morte » (4). Maxime Rodinson appelle les historiens de l’islam des « forgeurs de tradition » (5) : ils ont fabriqué une légende à partir d’un texte, pour expliquer ensuite les obscurités de ce texte en s’appuyant sur la légende.

Le problème à la source de tous nos déboires (et de ceux des musulmans) c’est ce Coran. Pour les croyants, il est matériellement, grammaticalement, la parole d’Allah. On ne peut pas en faire l’exégèse historico-critique, puisqu’on ne ‘’critique’’ pas Dieu. Le Coran est la référence absolue de tous les musulmans, leur seul point commun d’un bout à l’autre de la planète.

3) Une tradition

Ce texte, qui émerge au début du 8e siècle dans sa version actuelle, était tellement lacunaire et incompréhensible qu’on éprouva le besoin de le compléter à l’aide de « paroles du Prophète » entendues par ses proches et non-consignées par écrit, les hadîts. Les premiers hadîts mentionnent la chaîne des témoins qui les ont transmis, mais très vite on en ajouta près d’un million, jusqu’à l’ayatollah Khomeiny qui publia des hadîts pour condamner au nom du Prophète (donc d’Allah) l’existence de l’état d’Israël.

Hadîts et Sîra se développèrent au sein de la Sunna qui devint, après le Coran, la deuxième autorité de l’islam. Textes tellement profus, d’origine tellement incertaine, tellement manipulables, qu’il fut facile à tel ou tel imam / mollah d’en extraire les interdits qu’il lui plaisait d’imposer à ses fidèles. C’est la charia : prenant son origine en Allah, elle est supérieure aux lois humaines et doit s’imposer à toutes.

II. Une impasse mortelle

Voilà ce que nos politiciens, commentateurs & journaleux ne savent pas. Ou s’ils le savent (on ose l’espérer) ils font semblant de l’ignorer. Ils veulent l’ignorer et s’enfoncent dans le mensonge, tout comme les autorités musulmanes avec lesquelles ils ‘’dialoguent’’ – ou plutôt dansent une farandole de la tromperie qui tourne sur elle-même et se mord la queue, inlassablement.

Ainsi du président Macron. Est-il en même temps plein de bonne volonté et naïf, ou bien cynique et hypocrite quand il déclare : « Nous devons distinguer à tout prix entre l’islam (l’exercice tranquille d’une religion), le communautarisme (l’existence d’un groupe différent de l’ensemble de la communauté nationale), l’islamisme (la transformation d’une foi en système politique), la radicalisation (la contestation des lois & principes de la République), et le terrorisme (des actions violentes & mortifères) ».

 À la lumière du bref résumé ci-dessus, reprenons ces termes :.

1- « L’islam… exercice tranquille d’une religion ». S’il est coraniste, c’est-à-dire fidèle à la lettre du Coran (c’est-à-dire fidèle à la parole d’Allah) l’islam ne peut pas être « tranquille ». Ou plutôt il ne le doit pas, puisque le Coran prescrit le Djihad comme itinéraire obligé sur le « chemin d’Allah » (6).

2- « L’existence d’un groupe différent de l’ensemble de la communauté nationale ». Pour le musulman coraniste, il n’y a pas d’autre « communauté » que l’Umma, la communauté mondiale et informelle des ‘’Soumis à Allah’’, les Muslim. Et pas d’autre nation que le Coran incréé présent au ciel, dont le Coran écrit sur terre est un fidèle reflet.

3- « Le communautarisme, transformation d’une foi en système politique ». Mais les communautaristes ne transforment pas leur foi en système politique. Ils suivent le Coran qui est une conception à la fois religieuse et politique de la société. « Lorsqu’Allah-et-son-Prophète ont pris une décision, dit le Coran, les croyants n’ont plus le choix : ceux qui désobéissent à Allah-et-son-Prophète s’égarent totalement » (7)

Totalement, le mot est lâché. L’islam coraniste est un totalitarisme communautaire au nom d’Allah-et-son-Prophète, Allah ne faisant plus qu’un avec Mahomet et ceux qui lui succèderont : « Croyants ! Obéissez à Allah, au Prophète et à ceux qui [après lui] détiennent l’autorité » (8).

4- « Islamisme », « radicalisation » et « terrorisme » : voyez l’article précédent.

Mensonge des politiques, mais hypocrisie du CFCM et des belles âmes qui entonnent ses chansons. Quand il dit que « Chacun doit être libre de vivre sa foi dans le respect du cadre républicain », il faut entendre que les musulmans revendiquent de vivre publiquement leur foi. Pour cela, poursuit le CFCM, il faudra « lever toute confusion entre pratique religieuse piétiste et radicalisation ». Mais qu’est-ce qu’une « pratique piétiste » de l’islam, sinon une pratique aussi proche que possible du Coran, de ses préceptes, des hadît (lesquels ?) et de la charia ?

Y a-t-il, pour nos politiques comme pour le CFCM, un islam non-coraniste ?

Les musulmans en France sont donc dans une impasse, et nous avec eux. À se heurter sans cesse à ses murs, à se cogner les uns aux autres dans l’espace communautaire français, on se blesse et parfois on se tue. Au § V. de l’article précédent, lisez le vœu pieux que je formulais. Le verrai-je un jour réalisé ?

                                                                                 M.B., 3 novembre 2019
(1) Conseil Français du Culte Musulman.
(2) Je résume ici brièvement l’étude approfondie que j’ai faite à partir des sources, parue dans Naissance du Coran, aux origines de la violence, L’Harmattan 2014, 140 pages et 400 notes critiques. Je vous y renvoie.
(3) Doctrina Jacobi, correspondance entre un chrétien et un Juif, datée de 640 ou peut-être 634.
(4) Régis Blachère, Le problème de Mahomet. Essai de biographie critique du fondateur de l’islam, Paris, PUF, 1952.
(5) Maxime Rodinson, Mahomet, Paris, Seuil, 1961-1967.
(6) Voir le chap. 19 de Naissance du Coran, « Djihad ».
(7) Coran XXXIII, 36. J’adopte la version de Denise Masson, justifiée par le v. 33 qui précède. Voir les chap. 18, « Totalitaire » et 14, « On cherche un prophète » de Naissance du Coran.
(8) Coran IV, 59.

NAISSANCE CORAN 1COUV

35 réflexions au sujet de « ISLAM ET RÉPUBLIQUE (Macron et le CFCM) : QU’EST-CE QUE L’ISLAM ? »

  1. P.K.

    Aurions-nous osé demander aux « bons chrétiens », d’il y a un siècle, ce que nous demandons aux musulmans français d’aujourd’hui, à savoir de reconnaître que leur « prophète » (et non pas le guerrier Mahomet) n’était qu’une mise en scène de califes destinée à assoir leur pouvoir.

    Le Christ, fils de dieu, (et non pas l’homme Jésus, pour le peu que nous en savons), création de Pierre, Paul & Cie, a permis aux chrétiens de dominer la quasi totalité du monde pendant plusieurs centaines d’années, avec les résultats que nous connaissons…

    Ces deux traditions s’appuient sur la notion d’un Dieu unique, supérieur à tous les autres dieux, qui doivent donc disparaître, et ce, avec leurs croyants, s’ils ne se convertissent pas. « Tuez les tous, Dieu reconnaitra les siens ».

    Le concept de « dieu unique » est dramatique.

    Il fut créé par les juifs, pendant leur captivité à Babylone, pour leur permettre de survivre et de dominer les multiples dieux qui les entouraient, et cela leur a réussi.

    Mais ce concept a aussi permis d’assoir pouvoir et domination sur les hommes en fixant des règles qui ne peuvent être remises en cause, puisqu’étant présentées comme venant d’un Etre ou d’un Concept supérieur : « Père, Fils et Esprit » pour les chrétiens, « Allah » pour les musulmans, mais aussi « Peuple » pour les communistes et « Profit » pour le libéralisme…

    Le monothéisme est fondamentalement réducteur.

    Avant d’être écrasées par le monothéisme, toutes les civilisations « primitives… » avaient développé des relations « divines », c’est à dire spirituelles et non pas purement matérielles, avec les étoiles, les arbres, les animaux etc.

    C’était une façon pour les hommes « primitifs » de ne pas se croire supérieurs aux autres êtres vivants, mais d’en attendre au contraire une complémentarité de vie dans un univers commun.

    Respect que nous sommes peut-être entrain de redécouvrir, notamment à travers les combats pour l’environnement et notre survie sur terre…

    S’il n’est pas déjà trop tard !

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Pour la terre, il est bien tard. Pour la redécouverte de Jésus derrière les dogmes du pagano-christianisme, il faudrait des millions de lecteurs comme vous, assez nombreux pour faire bouger consciences & structures. S’il n’est pas trop tard, il n’est pas encore temps !
      M.B.

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  2. Jean-Marie

    Comment pourrait-on s’y prendre pour que nos vecteurs d’opinions (politique net journalistes en particulier) se retrouve dans l’impossibilité de parler de l’islam comme si son discours était historique .

    On peut laïquement respecter les religions mais pas quand elles affirment que 2 + 2 font 5

    Autant laisser croire historique les contes de Grimm

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      C’est (beaucoup) plus complexe que ça. Les religions prennent appui sur l’inconscient, les mythes – qui se réfèrent toujours à l’Histoire en la manipulant.
      M.B.

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  3. Jean Roche

    Bonjour,

    Je trouve dommage (mais c’est votre droit) de centrer la discussion sur l’idée que la biographie de Muhammad est inventée pour l’essentiel, en refusant d’autres points de vue. C’est se priver de tout ce qu’il y a de cohérent, et très instructif, dans les innombrables descriptions de comportements, de troubles physiques et psychiques dispersées dans les hadiths, et des éclairages de la médecine.

    Je dirai même que cette approche a fait ses preuves, plus qu’aucune autre à ma connaissance, pour ce qui est d’aider les musulmans à se libérer de l’Islam, ou au moins de son caractère écrasant et aliénant (la spiritualité, c’est autre chose).

    Je le remets : http://bouquinsblog.blog4ever.com/psychologie-de-mahomet-et-des-musulmans-ali-sina
    Pour la paranoïa sévère, flagrante, qui ressort du Coran comme des divers comportements connus du Prophète : https://pagesperso-orange.fr/daruc/divers/islam5.htm

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      La « biographie » traditionnelle (Sîra) est légendaire, inventée à la demande des califes. Elle ne repose sur rien ou presque. Les chercheurs indépendants (et ignorés) dont j’ai étudié les travaux cherchent hors de cette Pensée Unique les traces du Prophète dans l’Histoire. Et ils en trouvent (peu). Un jour peut-être fera-t-on une étude historico-critique du million (+ ou -) de hadîths présents sur le marché ?
      M.B.

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  4. Jean-Marie

    Grand merci Michel tout particulièrement pour le paragraphe 1 qui résume le problème.

    Et encore ne souligne-t-il pas qu’Allah » ne pouvait pas choisir comme « messager suprême » un obsédé sexuel; ni d’un poussant aux crimes.

    Toutes les religions anthropomorphisent notre Ineffable Source et Finalité qui ne pouvait que nous concevoir libre d’agir « mal » puisqu’Il ne pouvait que nous appeler à croître librement à notre rythme , incarnation après incarnation , en Amour sage.

    Un robot programmé pour toujours bien faire ne présentait aucun intérêt.

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  5. Jean Roche

    A part ça, cette idée d’une invention quasi-totale du personnage pose quand même quelques problèmes. La désinformation existe, certes, mais en général elle se fait à l’économie. Et il y a tous les indices, dispersés dans l’immense corpus des hadiths (où il y a énormément de redondances, pour dire que leur trop grand nombre n’est pas un argument suffisant pour les rejeter en bloc) qui permettent de diagnostiquer un certain nombre de troubles physiques (acromégalie) et psychiques (épilepsie, paranoïa) de cet homme. Ali Sina a détaillé ça dans un ouvrage très documenté : http://bouquinsblog.blog4ever.com/psychologie-de-mahomet-et-des-musulmans-ali-sina

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Oui, on sait peu de choses sur le guerrier charismatique transformé en Prophète par Sîra/Hadîts. J’attends le jour où quelques-uns (car ce sera un immense travail) feront le tri historico-critique dans les textes de la tradition musulmane en étant LIBRES de toute contrainte ou a-priori dogmatique ou politique. Il a fallu 200 ans aux Xns pour le faire, après Reimarus. C’est pas demain la veille…
      M.B.

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      1. Jean Roche

        Pourquoi « guerrier transformé en prophète » alors que c’est manifestement le contraire d’après toutes les sources directes, et d’autant plus crédibles qu’elles sont loin de lui faire toujours honneur (il n’est pas bien difficile de faire la part des enjolivement manifestes quand on a plusieurs versions) ? Sur quoi cela s’appuie-t-il ?

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        1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

          Les « sources » dont vous parlez sont la Sîra du 8e siècle, légendaire et constamment reproduite jusqu’à aujourd’hui. J’ai cherché ailleurs, voyez ma réponse à Dominique Lescat.
          M.B.

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  6. Emile Hesta

    Tant de peines,tant de bonnes intentions,tant de « politiquement »correct,tant d’analyses,tant de »il faut faire ceci,il faut faire cela »…
    Les chrétiens auraient-ils oublié qui est le « père »du mensonge?
    « Voir Jean 8:44…

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    1. Emile Hesta

      Bien sûr.
      Mais,ce qui était autrefois « La fille aînée de l’Eglise »en sa déchristianisation actuelle(comme toute l’Europe occidentale)est bien mal armée pour se défendre contre le »père du mensonge » et sa légion:
      cette idéo-religion totalitaire et mortifère,encore de » beaux jours » en perspective!

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  7. Dominique Lescat

    Michel,
    Je me suis abonnée à votre lettre parce que votre parcours atypique et « en recherche » me parlait. J’ai par exemple été touchée par votre bel article, très humain, sur « le vieil homme palestinien et la clef ».
    Mais vos deux derniers textes, surtout celui-ci, sont très décevants, surtout de votre part. Je ne dirai rien de Macron: je ne suis pas dans sa tête et ne peux pas savoir ce qu’il pense au fond de lui-même. C’est quand vous parlez du Coran et de l’islam en général (dont vous savez bien qu’il est pluriel) qu’il y a problème. Ainsi, vous feignez de ne pas savoir qu’il existe de nombreux chercheurs arabisants et arabophones, musulmans et non-musulmans qui examinent les sources du Coran, font des analyses linguistiques, rhétoriques, anthropologiques – pour n’en citer que quelques-uns : Abdelmajid Charfi, Youssef Seddik en Tunisie, François Déroche (professeur au collège de France qui travaille sur les premiers manuscrits), Rachid Benzine, Jacqueline Chabbi et bien d’autres en France, les chercheurs autour d’Angelika Neuwirth en Allemagne, les dominicains du Caire, groupe de recherche dont fait aussi partie Michel Cuypers, etc., etc., que quelqu’un comme Ghaleb Bencheikh s’efforce, notamment dans son émission sur France-Culture, d’éclairer les auditeurs sur tout ce qui touche à l’islam, tout en prenant position avec courage. Contre les imams intégristes ou intégrisants, le plus souvent très peu formés, il en existe qui sont critiques, voire frondeurs, comme Mohamed Bajravil ou Abdelali Mamoun. Et aujourd’hui, il y a des femmes imams qui se battent pour l’égalité hommes/femme. Malheureusement, vous reproduisez les  » idées reçues sur le Coran » que dénoncent avec compétence Michel Cuypers et Geneviève Gobillot dans leur ouvrage du même nom. Par ailleurs, vous écrivez que Muhammad a quitté La Mecque pour Yathrib (qui deviendra Médine) avec des gens de la tribu des Quraich : vous ne pouvez pas ne pas savoir que s’il est parti, c’est parce la plupart des Qôraysh, bien qu’étant de sa propre tribu, lui étaient hostiles. Quant à « l’analphabétisme » de Muhammad, personne aujourd’hui ne l’affirme sérieusement et d’ailleurs rien dans le Coran ne le suggère (la première sourate considérée par la tradition comme la 1ère révélée, la XCVI, commence par « Lis ! »). Et il n’est pas possible ici de citer les innombrables versets faisant appel à la raison, l’intelligence, le jugement personnel. Enfin, vous ne pouvez pas affirmer que, pour un musulman,  » Allah ne (fait) plus qu’un avec Mahomet », car c’est porter atteinte à l’unicité absolue de Dieu, comme le dit et le répète le Coran. Concernant le Coran comme « parole de Dieu » et « incréé », nous ne pouvez pas ignorer que par exemple, très tôt dans l’histoire de l’islam, ce « dogme » a été mis en cause, notamment par les mutazilites (il ne peut pas y avoir un autre « incréé » à-côté de Dieu qui est le seul incréé), ou par le grand philosophe Averroès, bref, qu’il y a toujours eu débat et que celui-ci continue au sein même de l’islam.
    Un de vos lecteurs écrit dans son commentaire de votre article précédent qu’il n’a rien lu de pire comme lecture que le Coran. Admettons que celui-ci est d’un abord difficile. Ne serait-il pas judicieux, au lieu de porter un tel jugement définitif, de chercher à en creuser la compréhension, toujours « ouverte », précisément en raison de la difficulté, par exemple en comparant différentes traductions, en se référant à des analyses, etc.? Personnellement, j’ai du mal avec l’Apocalypse, ce qui m’incite à en creuser le(s) sens à l’aide d’analyses de biblistes plus compétents que moi, de même que j’ai du mal avec le Deutéronome, ce qui me pousse à aller voir ce qu’en disent des commentaires rabbiniques dans le Talmud. Autrement dit, ce qui étonne, choque ou dérange devrait susciter plutôt la curiosité, l’envie d’aller plus loin, qu’un rejet pur et simple. Ne sait-il pas ce lecteur que la rhétorique sémitique diffère de la rhétorique des anciens, grecs et romains, qui nous a été transmise ?
    Cordialement,
    D.L.

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Merci de votre longue contribution. « Tous les chercheurs » que vous citez s’inscrivent (comme vous semble-t-il) dans la tradition dominante en Orient comme en Europe. J’ai lu ou rencontré certains d’entre eux : aucun ne s’écarte de la Sirâ/Sunna. Mais il y a d’autres chercheurs, ignorés, rejetés et excommuniés par les premiers, qui interrogent le texte et l’Histoire avec un regard neuf. J’ai résumé leurs travaux dans « Naissance du Coran » : je vous suggère de lire ce court essai, vous trouverez dans sa « Postface » l’histoire de cette recherche non-académique, avec les références.
      Dans mes livres comme dans ce blog, je m’efforce d’être agréable à lire, compréhensible sans détours, et le plus concis possible. Avec en tête la devise de Socrate : « Le pédagogue n’est pas celui qui apporte ses réponses, mais celui qui aide à poser les bonnes questions ».
      Amicalement, M.B.

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    2. Jean-Marie

      Faut-il en déduire que, derrière vos nombreux auteurs de référence, le Mohamed auquel croit la majorité des musulmans non seulement est né en Arabie, mais a vraiment fait tout ce qu’on peut lire comme le meilleurs des envoyés de Dieu ?

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    3. Jojo

      Le commentaire de Mme Lescat critique ma contribution à l’article précédent, ce qui m’amène à répondre. Mais avant, faire crédit à l’islam de courants ou de personnages qu’il a condamnés ne me semble pas très honnête. Les mutazilites et Averroës ont été condamnés par l’islam officiel. C’est un peu comme si on faisait crédit à l’Eglise catholique d’avoir découvert l’héliocentrique: non seulement il a été formulé par le chanoine Copernic, mais encore il a été défendu et promu par le catholique Galilée, qui avait été fortement encouragé par son mécène, le cardinal qui allait être élu pape. J’ajoute que le représentant officieux du Vatican avait invité Copernic à enseigner dans des universités italiennes, mais le Polonais avait décliné l’invitation. Il suffit d’oublier le procès Galilée, et le tour est joué. Ajoutons que Luther, lui, s’en était pris à Rhéticus, le collaborateur de Copernic, avec une ironie cinglante. Quand on place un cache au bon endroit, tout change. En tout cas, faire crédit à l’islam de ce qu’il a condamné n’est pas intellectuellement acceptable. J’ajoute qu’Averroës n’est pas un grand philosophe (quelle philosophie pourrait-on lui imputer?), mais un juriste commentateur d’Aristote (qui trouvait normal d’exécuter les infidèles).
      Ensuite, vous reprochez à M.B. de ne pas suivre la présentation que la Sira donne de la vie de Mahomet, mais il explique pourtant très clairement que des textes postérieurs de deux siècles, et que rien ne relie de façon continue à l’époque de Mahomet, ne sont pas fiables. Vous vous étonnez qu’il ne sache pas que Mahomet a dû quitter La Mecque pour Médine, mais vous ignorez les résultats récents de l’archéologie, qui viennent de révéler que La Mecque n’existait pas au début du septième siècle: les routes des caravaniers arabes passaient plus au nord. Ce seul point, admis aujourd’hui par tous les historiens, suffit à montrer que la Sira est une fabrication postérieure.
      Pour en venir à ce que vous me reprochez, votre critique est parfaitement circulaire. Quand on est obligé de procéder à des lectures allégoriques, c’est que le texte d’origine pose des problèmes. La méthode a été inventée par les Grecs dès l’époque classique, puis largement développée à l’époque hellénistique, pour légitimer la mythologie, dont on avait compris le caractère théologiquement inadmissible. On a donc cherché à lui prêter des sens symboliques, ce qu’ont largement développé les Stoïciens, dont s’est inspiré Philon d’Alexandrie pour opérer son immense lecture allégorique de la Bible, qui a introduit l’allégorie dans le judaïsme, où elle se développera ensuite avec la kabbale. Et tout le monde a oublié que l’allégorie était une méthode grecque (qui permet de légitimer absolument n’importe quel texte, et, avec un minimum de bonne volonté, de transformer un indicateur de chemins de fer en traité de métaphysique). Que les théologiens musulmans aient donc, à leur tour, employé une méthode allégorique pour interpréter des passages incompréhensibles est donc tout à fait naturel, mais cela ne nous apprend rien sur le texte, si ce n’est qu’il n’est pas acceptable en l’état. Il ne faut jamais confondre les textes et la littérature secondaire. Quel que soit le nombre de témoins que vous invoquez, ce sont tous des sympathisants à des niveaux divers, et vous vous gardez bien de mentionner Luxenberg. Le simple fait (dont est parti Luxenberg) que 20% du Coran soit incompréhensible en arabe, suffit à démonter la légende. Il est aussi facile que malhonnête de voir dans cette incompréhensibilité même le signe d’un sens caché.
      Vous dites avoir du mal avec l’Apocalypse et le Deutéronome, ce qui n’a de sens que si vous considérez qu’il s’agit d’une parole divine. Ce ne sont que des textes écrits par des hommes, tous les interprètes attribuent le Deutéronome à des prêtres du Temple. On considère généralement que ce serait le texte qui aurait été à l’origine de la réforme de Josias dans les années 630-620, mais cette datation ne repose sur rien, et le texte est probablement postérieur. La bien-pensance d’aujourd’hui ne s’accorde guère avec celle des rédacteurs de ce code. Bien-pensance contre bien-pensance, mais ne vaudrait-il pas mieux penser juste? Et surtout comment ne pas voir qu’attribuer à Dieu le Deutéronome relève du blasphème? Dieu ne parle pas, et s’il parlait, il parlerait mieux. Les Néoplatoniciens, dont s’inspirera toute la mystique chrétienne, savaient, eux, que Dieu est au dessus, non seulement de la parole, mais aussi de l’être, dans l’indicibilité d’une présence, qui, seule, peut l’exprimer.

      Répondre
  8. Devos Jean

    Michel ;
    Macron , j’en suis convaincu , sait tout ça mais « ne peut pas  » dire la vérité vraie et crue aux Français car ce message est pour l’instant politiquement irrecevable . Il mettrait le feu aux poudres . Il avance donc à petits pas par touches successives pour provoquer une évolution Il a raison de ne pas se laisser manipuler par les médias qui le poussent à parler pour ensuite le critiquer son « flou » inévitable
    Pour sortir de l’impasse il faut me semble t-il 3 actions parallèles
    1 – Des sachants » comme vous de plus en plus nombreux doivent infuser la vérité dans la la société
    2 – Aider les théologiens de l’Islam à revisiter leurs dogmes ( long !long !)
    3- Et laisser pratiquer un islam non coranique en les protégeant absolument des  » Coranistes » intégristes !!

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Je partage entièrement votre analyse, mais mon sang (il a tort !) ne fait qu’un tour quand j’entends les âneries quotidiennes dont cet article ne donne qu’un échantillon.
      Oui, Macron s’auto-censure – comme, de plus en plus, nous tous.
      De vos 3 actions parallèles, la 1re se heurte à l’absence d’écoute de « ceux qui parlent », la 2e est im-pos-sible (on n’a jamais vu un théologien changer d’avis) et la 3e, je crois que la République s’en acquitte assez bien.
      Merci, M.B.

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  9. Max Dessus

    Bonjour,
    Je n’ai pas votre culture des textes religieux, mais il me semble que le djihad ne recouvre pas uniquement une lutte guerrière mais aussi une lutte sur soi qui peut être parfaitement tranquille.
    Il faudrait aussi, pour être équitable rappeler tous les passages bibliques appelant aux massacres.
    Enfin pouvez vous me citer des exemples de religieux chrétiens critiquant Dieu?
    Tout ceci pour dire qu’il est dangereux de faire de l’islam une religion différente des autres. Toutes ont leur légendes, leur dogmes, leur preceptes, leurs écrits produits par les hommes (et non par Dieu; imagine t on Dieu parlant, dictant, écrivant ? Tout ceci est invention des hommes ( et des femmes).
    Bien a vous

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      1- Il y a une énorme littérature sur le Djihad. Il semble que ce soit à partir de notre moyen-âge que des érudits musulmans aient distingué le « petit djihad » (guerrier) du « grand djihad » (spirituel). On a aussi ergoté sur la distinction entre djihad et qitâl, deux mots signifiant « combat ». Dans « Naissance du Coran », j’ai préféré situer ce mot dans le contexte originel du Coran, qui est (pour partie) l’essénisme ultra-violent.
      M.B.
      2- La différence entre islam et christianisme, c’est que ce dernier a effectué depuis 2 siècles un immense travail critique sur la Bible – et donc sur « Dieu », ou plutôt sur l’image qu’en donnent les différents christianismes

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      1. Max Dessus

        Merci pour ces éclaircissements.
        Il reste a faire avec le Coran ce qui a été fait avec la Bible ! Sachant qu’il a fallu 18 siècle au christianisme pour faire cette lecture critique de la Bible, espérons qu’il faudra moins de temps pour le Coran.

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    2. Jean Roche

      Bonjour,
      Le hadith qui parle de « djihad al akbar », « plus grand djihad », par opposition au « djihad al ashgar », « plus petit djihad », ne figure dans aucun des six (en comptant large) recueils canoniques sunnites, ni chez les chiites. Il est supposé avoir été prononcé au retour de l’expédition de Tabouk (demi-échec, on n’avait pas trouvé l’ennemi) et on n’a noté aucun ralentissement du djihad de conquête après cela. Enfin, tous les passages du Coran qui traitent du djihad parlent bien de guerre au sens habituel. Par ailleurs, ce hadith ne rejette absolument pas le « plus petit djihad ».
      Sur ces questions je recommande le livre d’Ibn Warraq, L’Islam dans le terrorisme islamique, un résumé : http://bouquinsblog.blog4ever.com/l-islam-dans-le-terrorisme-islamique-ibn-warraq

      Quant aux passages de la Bible qui parlent de massacres voire génocides ordonnés par Dieu, ce ne sont que des récits, non confirmés du reste par l’archéologie (sur cette question http://bouquinsblog.blog4ever.com/la-bible-devoilee-israel-finkelstein-et-neil-asher-silberman). Il n’y a pas d’injonction à soumettre le monde par les armes comme dans le Coran (8:39, 9:29, et cetera). En outre, personne n’a jamais pris intégralement la Bible à la lettre, c’est rigoureusement impossible. C’est possible (quoique pas simple) avec le Coran.

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      1. Max Dessus

        L’erreur commune serait bien de prendre a la lettre des légendes qui datent de plusieurs siècles. Considérons les comme les contes et légendes de nos enfances (collection blanche et or). Il n’y a pas plus de vérité dans la Bible ou le Coran que dans les légendes grecques des dieux de l’Olympe !

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        1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

          Attention : il y dans les mythes, contes et légendes, une part de vérité. Les spécialistes le savent bien et travaillent à les « démythifier ».
          M.B.

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          1. peter

            Il y a dans les mythes, contes et légendes , une part de vérité symbolique , analogique qui nous émeut , nous effraient et peut nous mettre en mouvement intérieur pour réaliser l’harmonie de nos désirs et de combattre notre vaniteux complexe de supériorité.
            Ce qui n’est pas le cas du Coran où tout est pris et accepté comme vérité « illogique » et met en mouvement l’extériorité sans contrepartie si ce n’est la soumission (qui peut être pris pour une libération) de l’esprit intérieur .

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            1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

              Attention : à travers le judéo-christianisme dont il est issu, le Coran lui aussi s’appuis sur des mythes. Quant au « complexe de supériorité », c’est le fait de toutes les religions monothéistes.
              M.B.

      2. Jean-Pierre CASTEL

        Que des récits de violence dans la Bible, aucun commandement de violence ???
        De « Lapide les idolâtres » Dt. 13, 7-1, Ex. 22, 27 à « Les idolâtres […] méritent la mort »Romains 1, 21-32, les références ne manquent pourtant pas, sans oublier le ‘récit’ « Quant à mes ennemis, ceux qui n’ont pas voulu que je règne sur eux, amenez les ici, et égorgez les devant moi. » (Luc 19: 27),

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          1. Jean-Pierre CASTEL

            Je réagissais juste à l’affirmation « pas de commandement de violence dans la Bible ».
            Quant à l’exégèse, y c avec méthode historico-critique, elle n’atteint que des happy few. D’une manière générale, l’exégèse passe, la lettre reste, surtout si elle est réputée sacrée.
            Le problème est bien de prendre de la distance par rapport aux textes sacrés. Les rabbins ont inventé le « midrashic way », la tension entre la Torah et le Talmud. De fait, l’étude des textes était plus systématique dans le judaïsme que dans le christianisme. Mais certains rabbins déplorent aujourd’hui la fin du talmudisme…

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            1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

              L’exégèse ne passe pas, elle progresse. Mais elle ne « passe pas » dans le public, c’est vrai. Ou très lentement. ça viendra…
              M.B.

    3. Jojo

      C’est l’islam lui-même qui se présente comme une religion différente de toutes les autres. Un théologien musulman, professeur de théologie dans une université turque, m’avait expliqué un jour que la Bible était une révélation plus ou moins bien transcrite, qu’il y avait quatre évangiles selon chaque rédacteur, ce qui montrait qu’aucun n’était absolument exact, alors que le Coran, lui, était la parole parfaite de Dieu, dont la Bible et les évangiles n’étaient que des approximations. Tout l’islam repose sur cette base, qui, à l’évidence, ne tient pas.

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      1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

        En effet. Dans « Naissance du Coran » je retrace le cheminement qui aboutit à l’auto-justification du Coran, et cite les sourates qui inscrivent cette justification du Livre par le Livre.
        M.B.

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