Pourquoi y a-t-il sur terre de la souffrance ? Pourquoi les justes, les innocents souffrent-ils ? Cette question de la souffrance innocente, elle hante la Bible qui lui consacre l’un de ses plus beaux textes, le Livre de Job – chef-d’œuvre de la poésie antique (Ve siècle avant J.C.)
Il commence de façon étrange, par un prologue en prose dans le style des Contes de Perrault. « Le jour où les Fils de Dieu venaient se présenter devant Yahvé, le Satan aussi s’avança parmi eux. » Dans la Bible, les « Fils de Dieu » sont certaines créatures qui ont le privilège d’avoir accès auprès de Lui (1). « Yahvé dit alors au Satan : « D’où viens-tu ? » – « De rôder sur la terre, répondit-il. » Yahvé reprit : « As-tu remarqué mon serviteur Job ? Il n’a point son pareil sur la terre, un homme intègre et droit qui se garde du mal. » On a l’impression que Yahvé tente malicieusement le Satan : « Tu rôdes sur terre pour y semer le mal, mais tu vois, Job est l’un de ceux qui te résistent. »
Satan réplique que Job n’y est pour rien, puisque Yahvé le protège. Mais qu’il lève seulement sa main protectrice et Job, comme les autres, le maudira. « Soit, dit Yahvé au Satan, tous ses biens sont en ton pouvoir. Et le Satan sortit de l’audience de Yahvé. » Immédiatement, catastrophes sur catastrophes s’abattent sur Job qui perd sa richesse, ses amis, ses enfants, sa santé, et s’installe sur un tas de fumier en attendant la mort.
Remarquez que ce n’est pas Dieu qui accable Job : il permet seulement au Satan de le faire souffrir pour éprouver sa vertu, avec l’arrière-pensée évidente que Job, devenu son chevalier, triomphera d’un combat dont il sera l’arbitre malgré lui – le combat cosmique et universel du Mal contre le Bien.
Première conclusion : dans la Bible comme dans toutes les mythologies anciennes, Le Mal (le Satan) est une créature de Dieu qui l’utilise pour tester les humains. Comment Job va-t-il réagir ?
Pourquoi ?
D’abord par une plainte, longue, douloureuse, bouleversante, où revient sans cesse le mot pourquoi ? « Pourquoi ne suis-je pas mort au lieu de naître ? » « Pourquoi donner à un malheureux la lumière, puis une vie remplie d’amertume ? » « Pourquoi, Dieu, m’as-tu pris pour cible ? Est-ce un bien pour toi que de me faire souffrir ? » Job sait qu’il n’a jamais offensé Dieu, sa punition est injuste, il se révolte : « c’est une révolte que ma plainte, la main de Dieu reste pesante malgré mes gémissements. »
Dieu serait-il injuste ?
En face de Job, trois théologiens qui vont l’accabler au nom du dogme. Non disent-ils, Dieu ne peut pas être injuste : « Quand tu étais riche et respecté, tu faisais la leçon aux autres. Maintenant que Dieu t’a frappé, reconnais que c’est par ta faute. Crois-en notre expérience, s’il te châtie, c’est que tu as péché. » Mais Job sait qu’il n’a rien fait de mal, rien qui justifie ses souffrances : il se débat contre les théologiens. « Vraiment, vous êtes la Pensée Unique (2), avec vous mourra la sagesse ! Moi aussi j’ai de l’intelligence, tout comme vous ! Vous n’êtes que des charlatans, j’en sais, moi, autant que vous. Je ne vous cèderai pas mais j’ai à parler à Yahvé, je veux faire à Dieu des remontrances. »
Alors, il rappelle à Dieu que s’il est comme il est, il n’y est pour rien. « Je vivais tranquille quand tu m’as saisi par la nuque pour me briser, tu transperces mes reins sans pitié, tu ouvres en moi plaie sur plaie. » Le monde est violent, les humains souffrent ? C’est toi, Dieu, qui l’as fait ainsi.
Évidemment, les théologiens rejettent la défense de Job et l’accusent de mettre en doute la justice divine : « Ton sort est celui que Dieu réserve au méchant, l’héritage qu’il assigne au maudit. »
L’inconnaissable
Mais Job sait qu’il n’est pas un méchant, il refuse de se croire maudit par Dieu. D’abord, il fait taire les théologiens : « Comme vous savez bien soutenir celui qui souffre ! Qui donc vous apprendra le silence, la seule sagesse qui convienne » devant la souffrance de l’innocent ? Puis, quand Dieu lui-même prend la parole pour lui rappeler que la création, dans sa splendeur et dans ses misères, c’est Lui qui l’a faite telle qu’elle est, et qu’il ajoute : « Seras-tu mon adversaire ? Est-ce toi qui me juges ? », Job lui répond : « Je ne te connaissais que par ouï-dire, j’étais celui qui voilais tes plans. J’ai parlé à la légère, que te dire ? Je mettrai plutôt ma main sur ma bouche ».
Job s’est plaint de Dieu, mais il n’est pas son adversaire. Il reconnaît que Dieu est l’Inconnaissable, que ses souffrances font partie d’un plan qui le dépasse, dont il ne voit pas la finalité mais auquel il se soumet. Et Dieu le récompense en lui rendant santé, richesse, amis et famille.
La souffrance et nous
Comme je l’ai dit dans un article précédent, la chrétienté n’a jamais résolu la question du mal et de la souffrance, sinon par la compassion apportée à ceux qui souffrent. Sur le pourquoi ? – pourquoi le mal, pourquoi la souffrance innocente – elle en est restée à la réponse de Job : parce qu’il y a un plan de Dieu, et que la souffrance est une pédagogie divine. La révolte de Job devant cette pédagogie est la nôtre, mais y a-t-il une autre réponse que la sienne, le silence devant l’impossibilité de connaître un plan de Dieu qui dépasse nos horizons limités ? Sommes-nous capables de replacer les souffrances d’une « vie courte, avec des tourments à satiété » dans une trajectoire qui ne prend son sens qu’à sa fin ? Il faut une sacrée dose de foi, ou des circonstances particulières pour se demander, comme Élie Wiesel au sortir d’un camp de la mort : « Le diable serait-il le chemin proposé par Dieu pour aller vers Lui ? »
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Une remarque générale : on personnifie beaucoup, beaucoup de choses abstraites (la Mort, la République Française, la Vérité, la Justice, etc. etc. et donc ce qui nous pousse à bien ou mal agir). Cela n’a pas le même retentissement pour tout le monde, et pas seulement en fonction des croyances. Selon que l’on est par exemple introverti(e) ou extraverti(e) on ne verra pas une personnification de la même façon (Jung a produit un livre là-dessus). Ce peut-être une source de malentendus voire de discordes profondes.
Bonjour,et meilleurs vœux pour cette année.
Dans le Bouddhisme et l’Hindouisme la notion de « Maya » est souvent mise en avant.
Sachant que le diable est censé agir dans ce monde d’illusion, comment ne pas le considérer comme étant lui même une illusion?
Le sage Ramana Maharshi insistait sur la notion de dualité entre observateur et chose observé.
Le démon n’échappe pas à une telle dualité,car il lui faut bien (dans l’hypothèse de son existence…) se manifester à quelqu’un.
Qu’une pensez vous?
Cordialement.
L’hindo-bouddhisme connaît bien l’existence des démons (les Mara) qu’il personnalise.
Le (les) démons(s) sont perçus comme des personnes par ceux qui sont conscients de subir leurs attaques. Cette conscience n’est pas partagée par tous, elle est le fruit de l’expérience.
Le monde matériel a une réalité. Quand nous percevons une pomme sur une table, ce n’est pas une illusion. L’illusion est dans l’interprétation, non dans la perception.
Peut-on percevoir ce qui échappe aux sens, les réalités de l’au-delà, dieux ou démons ? C’est ce que font les mystiques, d’où l’intérêt que je leur porte.
Merci, M.B.
La plupart des religions ont usées de la conceptualisation anthropomorphique pour représenter métaphoriquement des forces de la nature.
Ainsi l’hindouisme considéré comme un polythéisme est à l’origine un système de pensée athée.
Brahma,Vishnou et Shiva personnalises des forces à l’œuvre dans notre univers.
Très vite ses représentations ont pris le pas sur leurs sens profonds jusqu’à entrainer les fidèles à croire stricto sensu à l’existence de telles entités.
Il en est de même de Satan vraisemblablement.
Le monde matériel existe…subjectivement.
La réalité est le nom que l’on donne à un consensus établi par un collectif de consciences fondé sur la continuité et la vraisemblance d’un scénario (notre vie).
Objectivement nous ne pouvons donc affirmer que ce nous vivons est La réalité,on peut juste dire qu’il s’agit au mieux de notre réalité.
C’est un point crucial à comprendre car sans celui ci la notion de spiritualité perd tout sont sens.
Pour ce qui est de l’illusion dans l’interprétation plutôt que dans la perception,je répondrais: les deux.
Les notions de temps,d’espace,de matière sont clairement des illusions,c’est uniquement parce notre conscience est partie intégrante de ceux ci que nous considérons celle ci comme vrai.
La conception de l’homme de la rue semble ignoré les récentes avancées scientifiques sur la question,le réalisme est mort,place au réalisme modèle dépendant.
« Le monde matériel a une réalité »
Est-ce bien sûr ? Voilà longtemps, bien longtemps que je me pose la question (sans craindre le ridicule…), alors que j’ignorais encore jusqu’à l’existence de la physique quantique.
Seulement, les savants les plus sérieux, de nos jours, se la posent aussi – et tout à fait sérieusement – et les développements de la physique quantique les conduisent de plus en plus à « dématérialiser » la matière et à considérer que ce que nous en percevons n’est qu’un infime bout de l’iceberg de la réalité fondamentale, qui nous échappe totalement. Cela fait penser à Platon : nous sommes dans une grotte et ce que nous percevons n’est que l’ombre projetée sur les parois de celle-ci de la réalité extérieure. Peut-on être certain que la connaissance si imparfaite (deux dimensions, aucun détail) que cette ombre nous donne de la réalité fondamentale est beaucoup plus qu’une illusion ?
Si les mystiques ont réellement un aperçu de ce qui échappe à nos sens (si limités), n’est-ce pas une échappée sur cette réalité fondamentale ?
D’ailleurs – première raison de douter de l’objectivité de notre perception de la réalité : tel qu’il semble bien être, l’atome (qui constitue notre monde matériel) est, à 9,99999% (je ne garantis pas la rigoureuse exactitude de mes décimales…) du vide ; et le reste, cet infime reste, se présente comme corpuscule, quand on l’observe d’une certaine manière, mais comme une onde, quand on l’observe autrement ; alors que les mêmes physiciens admettent que, selon le paradigme actuel, il s’agit là de deux états contradictoires. C’est l’observation qui brise ce statut d’états (contradictoires) superposés et nous donne une image dont il serait hasardeux de dire qu’elle exprime LA réalité.
Tout cela, sans prouver l’existence de Dieu et de notre âme, en renforce la probabilité et en fait désormais une possibilité scientifiquement envisageable. Et, de deux approches de la réalité jusque-là conflictuelles fait deux approches complémentaires. Ce n’est pas rien.
La pomme posée sur une table a une réalité.
M.B.
Peut-être bien n’y a-t-il là de réalité que dans la perception que nous en avons (réalité donc essentiellement subjective) et non, fondamentalement, dans la « pomme ».
Je sais bien que cela est si contraire à notre perception d’êtres imparfaits que l’on tend à y voir une aberration et croyez bien que, pas plus que vous, je ne vois cette pomme comme immatérielle. Mais cela ne suffit pas à évacuer le problème : n’avons-nous pas aussi la notion d’infini alors que nous sommes radicalement incapables de nous le représenter ; cela doit-il conduire à exclure sa réalité fondamentale ? Et, si oui, ne suis-pas alors conduit à nier l’existence de Dieu, puisque, pour moi (et pour vous aussi, il me semble), la notion même de Dieu est ontologiquement indissociable de celle d’infini (en toutes choses) ?
Amicalement
Disciple de Thomas d’Aquin, Jacques Maritain a écrit un petit livre, « Les degrés du savoir ». Degré sensible (la pomme), degré physique (quantique), degré métaphysique, degré mystique…
M.B.
La matière est le nom que l’on donne à des interactions à une échelle donné.
A l’échelle quantique (atomique,sub-atomique) la matière n’existe pas,elle est en superposition d’état.
C’est uniquement la mesure qui permet de définir l’existence d’une particule,en dehors de celle ci (la mesure) on ne peut même pas dire que la particule existe(voir le fameux paradoxe EPR).
Notre réalité est le fruit de ce que l’on appel la décohérence quantique,sorte de « cristallisation » d’une possibilité au sein d’un multivers au possibilités inimaginable.
Un atome est effectivement constitué de plus de 99% de vide,mais ses constituants élémentaire, les particules, sont elles mêmes constitués d’entités encore plus petites,les quarks.
Ses derniers seraient eux mêmes le produit de « cordes » ou de « boucles quantique »,qui constitueraient la plus petite entité mesurable (de la longueur de Planck).
De quoi serait faite ses cordes ou ses boucles? De vide!
La pomme qui est sur la table est donc une réalité pour un observateur vivant au sein de ce monde et lui même issue du processus de décohérence,mais il ne s’agit que d’une réalité subjective,limité dans l’espace et le temps.
C’est là une vision parfaitement matérialiste, il me semble. Me trompé-je ? L’esprit serait un sous-produit infime et accidentel de la vie, elle-même sous-produit infime et accidentel de la matière qui serait tout. Je trouve ça tout aussi simpliste que l’extrême opposé, toute matière (au sens le plus large) serait produit d’un esprit d’ordre supérieur.
Voyez ma réponse à Lucien Martin sur « les degrés du savoir »
M.B.
Vision parfaitement matérialiste ? Je ne le pense pas. Bien au contraire, cette vision des choses tend à « dématérialiser » de plus en plus la matière et, au moins, à faire de celle-ci un produit d’une réalité plus fondamentale au même titre que l’esprit (gommant l’opposition traditionnelle entre matière et esprit), voire à tout ramener l’esprit.
C’est une conclusion à laquelle tend Carlo Rovelli (« Par-delà le visible la réalité du monde physique et la gravité quantique », Odile Jacob éd), un scientifique de haut vol, de même que Jean Staune, autre scientifique (« Notre existence a-t-elle un sens ? »‘, Presses de la Renaissance »)
Une remarque à propos des interventions précédentes. Beaucoup de gens ont été conditionnés à voir la Bible comme forcément une belle et sainte histoire, donc avec la meilleure volonté et l’intelligence la plus vive ils ne peuvent en voir les rugosités (euphémisme, et cela concerne aussi l’Evangile). Ceux qui n’ont pas reçu ce conditionnement ont forcément du mal à le comprendre (certains en deviennent arrogants et agressifs… j’ai envie de leur dire comme Jésus : « Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés »).
Cela me fait penser à cette pauvre Simone Weil, qui pensait trouver dans la Torah les prémices de l’Evangile, sans avoir du tout reçu le conditionnement sus-mentionné (sa famille était agnostique), et qui en a été horrifiée voire détruite. http://bouquinsblog.blog4ever.com/la-pesanteur-et-la-grace-2-simone-weil-antisemite
Nous voilà au cœur des 3 questions que l’humanité se pose depuis la nuit des temps.
La mort ….. La souffrance …. Et le mal.
Les civilisations au cours des siècles ont donné à ces trois questions des réponses très diverses en fonction de leur environnement et leur capacité à appréhender la réalité de leur monde.
Il semble que restées sans explications apportées à ces trois questions, soient pour nous autre les humains, source d’une angoisse insupportable et qu’il ait fallut au cours des siècles y donner une réponse.
Les mythes et nos grands récits fondateurs ont donné en leur temps des réponses à ces questions.
Réponse qui devait la plupart du temps s’imposer collectivement.
Si les interprétations données précédemment nous semblent aujourd’hui désuètes, ou inappropriées, il nous faut bien retrouver une explication qui puisse s’accorder à notre vision du monde actuelle.
Il est certain que l’accès à la notion de « l’évolution » a probablement modifié considérablement notre compréhension du monde et de la vie.
Pour ma part je pense que la mort et la souffrance sont intimement liés à la vie, ce phénomène évolutif impensable sans la présence de ces deux forces étroitement liées.
Le mal pour sa part, me semble lié, à la conscience humaine, aboutissement d’une longue histoire de vie en communauté humaine.
Si la mort et la souffrance sont liés à notre évolution biologique, le mal lui, me semble-t-il est lié à l’évolution de notre conscience.
Il est d’ailleurs étonnant de constater la façon dont cette notion évolue en fonction des époques et des civilisations.
Si je partage ces quelques réflexions ce n’est pas pour entrer dans une polémique par rapport « au mal » mais simplement pour exprimer ma façon de répondre à ces questions fondamentales.
Notre Ineffable Source et Finalité ne pouvait que nous faire libre d’agir mal pour que nos agissements altruistes aient de la valeur; alors qu’on peut aussi regrettablement stagner en se faisant ainsi du tort, mais sans faire vraiment du mal
Il eut été incohérent de nous concevoir robot uniquement programmé pour faire le bien sans aucun mérite donc.
Les « diables » et pas le « chef des diables et ses suppôts » sont des êtres comme vous et moi qui, plus incarnés, font beaucoup de mal mais finiront par faire le bien en croissant en amour durant plusieurs incarnations sur cette planète ou d’autres.
Bonjour,
Comme tous les mythes vraiment puissants (voir aussi Oedipe), celui de Job a donné lieu à des interprétations contrastées. Voir http://bouquinsblog.blog4ever.com/job
Pour ma part, j’imagine – ce n’est peut-être pas pure allégorie – que nous sommes des pensées de Dieu. Or, une pensée naît rarement achevée, armée de pied en cap ; elle doit mûrir, s’améliorer, tendre (sans jamais l’atteindre) vers la perfection. Il arrive qu’une pensée finisse par se révéler stérile sans avenir et, alors, je l’abandonne purement et simplement. Je pense que notre imperfection suffit à expliquer, à travers le libre choix que nous laisse Dieu (et sans lequel je ne serais guère qu’un toton), les épreuves et les souffrances de notre passage terrestre . Y compris, à la limite, la totale disparition avec la mort physique quand la pensée que nous sommes s’avère vaine. Il arrive que la lecture de textes évangéliques donne à penser que la « vie éternelle » promise aux justes, à ceux qui seront sauvés par leur foi (dira Paul de Tarse) (mais quelle foi ?), par opposition avec ceux qui n’ont ni les « œuvres », ni la foi, soit la seule vie après la mort du corps. En sorte que je me pose sérieusement la question du retour au néant de celui qui, faute de foi (selon Paul), ou de grâce, n’aura pas la vie éternelle.
Je ne ressens nullement la nécessité d’une entité supérieure malveillante pour m’expliquer les traverses de la vie. D’ailleurs, mais je l’ai déjà écrit ici, je ne peux concevoir, sans contradiction fondamentale, l’existence d’une telle entité, en compétition avec Dieu, un peu à la manière d’Ahriman en conflit avec Ahuramazda.
Tout cela, au fond, me semble teinté d’anthropomorphisme.
Oui, on en arriverait ainsi très vite au panthéon chrétien : Dieu, sa femme, son fils, son bon associé, et puis son ancien associé qui l’à trahi mais qu’il laisse faire malgré sa toute-puissance. Et son fils serait serait venu nous dire que son père est un gentil papa. Et allons-y !
Et si seulement vous ouvrez la bible. Vous y lirez que Dieu est un amant exigeant, assoiffé d’amour, qui peut être capricieux et cruel dans la vengeance s’il est trahi. Lisez Ezechiel, lisez le Cantique des cantiques, lisez tout : il n’y a que cela. Si vous allez jusqu’au bout, votre âme ne recherchera plus que lui. Mais rappelez-vous : nul ne peut le voir sans mourir. C’est écrit aussi. C’est une partie sérieuse où les interrogations d’adolescent que vous vous posez encore n’ont pas leur place.
Merci, cher adulte. J’ai commencé à lire & étudier la Bible il y a 50 ans, en hébreu ou en grec. J’ai appris à la comprendre en la remettant dans chacun de ses contextes historiques & culturels. Cela m’a permis de comprendre l’évolution de sa pensée au cours des 8 siècles qu’il a fallu pour l’écrire, depuis la Torah jusqu’à l’Apocalypse.
Le même travail est à faire sur le Coran. Il est entrepris par quelques chercheurs non-musulmans, mais ignoré du public & des politiques. Mon prochain roman portera entre autres sur cette question.
L’ado M.B. vous salue
La Bible, pour moi, se borne à la Mikra. La prophétie s’est arrêtée à Malachie. Y associer les livres apocryphes et, pire encore, les livres chrétiens, ne peut qu’en fausser la lecture en donnant une illusion de perspective et donc de progressivité dans la révélation. Bien sûr, les livres n’on pas été chronologiquement écrits dans l’ordre où ils figurent. Certains, cela a été bien montré, sont faits de plusieurs morceaux d’origine et parfois d’époque différentes. mais cela n’a guère d’importance. Ce qui compte, et qui vous échappe, c’est le sens profond du texte : la description des différents modalités de relation de l’homme avec Dieu, comment peut se vivre l’exigence et la violence de Dieu. On pourrait dire autrement, : quelles sont les paroles que le silence de Dieu peut faire naître en l’homme ?
L’aspect historique doit également être pris en compte, avec, principalement, l’expérience de l’exil à Babylone et, en 70 de notre ère, la destruction du Temple de Jérusalem. Plus aucun culte n’est possible depuis et il ne reste que l’étude et la prière. Il n’y aura pas de troisième temple, l’expérience est terminée. Je pense effectivement que ne pas vouloir le reconnaître est refuser d’être adulte et que cela expose à adhérer aux religions qui ont cours actuellement, y compris les pires.
En vous souhaitant une bonne douce et heureuse année 2017 de votre ère.
À mon âge, il est rafraichissant de se faire traiter d’adolescent. Ce n’est d’ailleurs pas nécessairement un signe d’erreur.
Cela dit, j’ai lu (étudié) la Bible et ce n’est certainement pas le Dieu de la Bible, jaloux, colérique, vengeur, qui m’inspirerait. D’ailleurs, la Bible, comme les Évangiles ou le Coran n’est qu’œuvre humaine. J’essaie donc (et je ne prétends assurément pas y parvenir) de comprendre la finalité de ma présence ici-bas. J’ai lu aussi (étudié) le Coran, qui ne fait pas davantage d’Allah un Dieu… divin, mais tellement humain.
Un mot pour finir : en quoi, imaginer l’homme comme une pensée de Dieu nourrirait-il un panthéon chrétien ? Telle de mes pensées (à supposer ma métaphore contenir quelque réalité fondamentale) est-elle mon égale ? Et si je ne suis donc certes pas l’égal de Dieu, comment participerais-je à un panthéon ? Lisez plutôt l’œuvre (scientifique) de Jean Staune (Notre vie a-t-elle un sens ? »), un autre « adolescent ».