L’HUMOUR FACE À L’OPPRESSION : le rire de Jeanne d’Arc

Héroïne nationale, caution de l’extrême droite… Oublions tout ça pour redécouvrir un aspect méconnu de Jeanne d’Arc, et qui crève les yeux quand on lit les actes de son procès d’inquisition (1) : une vision prophétique de la religion catholique, qui me paraît étonnamment actuelle.

Rappelons brièvement les faits : la France était alors coupée en deux, l’Ouest et la Bourgogne occupés ou contrôlés par les Anglais. Après avoir fait sauter le verrou d’Orléans et couronné le dauphin Charles à Reims, Jeanne est capturée à Compiègne le 23 mai 1430. Son procès débute le 9 janvier 1431 : il durera cinq mois, jusqu’à son exécution le 30 mai 1431.

Cinq mois face à l’élite des théologiens et des juristes de Paris, face aux plus hautes autorités de l’Église collaboratrice avec l’Angleterre. Après deux tentatives d’évasion, on lui met les fers aux pieds et elle est gardée à vue, jour et nuit, par des soldats anglais. Les interrogatoires se succèdent en rafale : chacune de ses réponses est notée mot pour mot, puis scrutée par une armée d’experts avant qu’ils ne la convoquent à nouveau. À chaque mot prononcé devant les juges, elle joue sa vie ou sa mort sur le bûcher. Et elle le sait.

Dès le début, elle tient tête. On lui dit : « Jeanne, il vous est maintenant interdit de vous évader. » Elle répond crânement : « Je n’accepte aucune interdiction. Tout prisonnier a bien le droit de s’évader ! – Mais si vous le pouviez, vous évaderiez-vous ? – Pas sans la permission de Dieu. Mais si je voyais la porte de la prison ouverte et les anglais la tête ailleurs, j’en déduirais que c’est la permission de Dieu, et je m’évaderais. Car ‘’Aide-toi, le ciel t’aidera’’. » Quand les juges reviennent à la charge : « Vos voix vous ont-elles révélé que vous vous évaderiez de prison ? », elle se moque : « Ai-je à vous le dire ? »

 Elle s’accroche à ce que les voix lui disent jour après jour, « réponds hardiment. » Et très vite, elle va prendre le dessus sur ses interrogateurs : « Laissez-moi parler ! Je vous le dis, prenez bien garde ! Vous qui vous dites mes juges, vous assumez une lourde charge. » Et à Cauchon, évêque de Beauvais : « Vous dites que vous êtes mon juge. Je ne sais pas si vous l’êtes, mais avisez-vous bien de ne pas me juger mal, car vous vous mettriez en grand danger. Je n’ai rien à faire ici : qu’on me renvoie à Dieu, de qui je suis venue ».

Le rire de Jeanne : humour et impertinence

Les juges lui posent la question dont dépend tout le procès : ses révélations, sont-elles authentiques ? Est-elle une névrosée, ou pire encore, une sorcière ? Il faut qu’elle n’omette rien de ce qu’elle a entendu et vu, « de mes yeux vus » dit-elle. Elle adopte alors une position dont elle ne changera rien, jusqu’au bout : « Vous ne me tirerez pas [du nez] la forme sous laquelle mes visions me sont apparues. Si je vous le disais, je dévoilerais ce que je leur ai promis de taire, et je serais parjure [à Dieu]. Est-ce là ce que vous souhaitez ? D’ailleurs, si la voix m’a défendu de vous répondre, que voulez-vous que je vous dise ? » On insiste : « Vos voix vous ont-elles dit ce que vous deviez nous répondre à ce sujet ? » Elle s’en tire par une pirouette : « Si elles l’ont fait, je n’ai pas bien entendu. »

Alors les juges entrent dans les détails les plus scabreux, et l’humour de Jeanne se déchaîne : « Quand vous voyiez vos voix, est-ce qu’il y avait de la lumière ? – Bien sûr qu’il y en avait, et beaucoup même ! Toute la lumière n’est pas pour vous tout seul ! » Quand ils lui demandent : « Les saintes qui vous apparaissent, est-ce qu’elles ont des cheveux ? », on croit entendre Jeanne éclater de rire : « Drôle de question ! » Puis rire encore à la suivante : « Quand vous avez vu saint Michel, était-il nu ? – Pensez-vous que Notre-Seigneur n’ait de quoi le vêtir ? – Mais avait-il des cheveux ? – Et pourquoi les lui aurait-on coupés ? » Ils insistent : « Est-ce que sainte Catherine et sainte Marguerite sentaient bon ? », et elle les ridiculise : « Bien sûr qu’elles sentaient bon ! – Mais en les embrassant, sentiez-vous leur chaleur ? – Je ne pouvais pas les embrasser sans les sentir ! – Dites-nous, par où les embrassiez-vous, par en-haut ou par en-bas ? » Elle évite ce piège grossier et joue sur les mots : « Il sied mieux de les embrasser par en-bas que par en-haut » – c’est-à dire avec humilité plutôt qu’avec orgueil. Les juges vulgaires et mal emboutis ont-ils compris ?

Question importante pour eux : quel était le signe qui a permis au Dauphin de lui faire crédit à Chinon ? « Comment était le signe qui vous fit reconnaître par votre roi ? » Alors, elle brave le tribunal : « N’attendez pas de moi une réponse. Allez donc demander au roi, et lui vous répondra… Eh ! le signe qu’il vous faut, à vous autres, c’est bien que Dieu me délivre de vos mains ! »

Alors les juges changent de sujet : pour remporter ses victoires, aurait-elle soudoyé des soldats anglais ? « Avez-vous donné de l’argent aux Anglais ? – Je ne suis pas trésorier de France, pour donner de l’argent ! »

 Auront-ils plus de succès sur le plan politique ? Depuis 1378 il y a deux papes, le français Clément VII élu contre le napolitain Urbain VI. C’est le Grand schisme d’Occident, qui a déchiré la chrétienté pendant 40 ans. Les Français soutiennent leur compatriote Clément, les Anglais Urbain qui leur est acquis. En 1410, un troisième pape est élu, mais les deux démissionnés refusent de se retirer : cela fait trois papes en Occident ! Lequel des trois Jeanne reconnaît-elle ? Le pape français ou l’un des deux autres ? (2) « Parlez-nous de Monseigneur notre pape, demandent les juges : lequel croyez-vous être le bon ? » Jeanne, qui connaît comme tout le monde la division de la chrétienté, se moque d’eux : « Des papes, il y en aurait donc deux ? »

Mais le harcèlement le plus douloureux pour elle, c’est celui qui concerne l’habit d’homme qu’elle porte. Il faut se rappeler qu’elle a combattu les Anglais sous l’armure. Devenue leur prisonnière, elle est gardée jour et nuit par des soudards qui ne rêvent que de forcer sa virginité. Il est plus facile de violer une femme en soulevant sa robe qu’en lui arrachant son pantalon, c’est pourquoi elle refuse obstinément de reprendre l’habit féminin. Les juges lui mentent : « Les lois de l’Église et les saintes Écritures, disent-ils, portent que les femmes qui prennent l’habit d’homme (ou vice-versa) sont condamnées par Dieu. » C’est en partie faux, et elle répond : « On m’a souvent exhortée à prendre habit de femme et à faire des ouvrages convenables aux dames. J’ai refusé et refuse encore. Quant aux ouvrages de dames, il y a bien assez d’autres femmes pour les faire ».

Alors on lui demande : « Sous le conseil de qui avez-vous pris l’habit d’homme ? Est-ce Dieu qui vous a commandé de prendre cet habit ? » Elle répond : « L’habit n’est rien, c’est secondaire. Je n’ai pris cet habit et je n’ai rien fait sans le conseil de Dieu et des anges. De l’habit d’homme comme du reste, je n’ai voulu avoir d’autre caution que le salut de mon âme.» On insiste : « Voulez-vous enfin prendre habit de femme ? – Donnez m’en un, et que je m’en aille ! Autrement, non. Je garde celui-ci, puisqu’il plaît à Dieu que je le porte ».

Ils vont donc se servir de son habit pour un chantage odieux : Jeanne demande à entendre la messe et à faire ses Pâques, ce qui serait pour elle un soutien spirituel dont elle a grand besoin. Elle supplie : « Permettez-moi de faire mes Pâques en habit d’homme : ce costume-là ne change pas mon âme. Le porter n’est pas contre l’Église ! » Inflexibles, utilisant ce détail vestimentaire pour l’affaiblir encore, les juges refusent.

Le secret de la force de Jeanne

Il faut rappeler qu’elle a les fers aux mains et aux pieds, que ces interrogatoires durent depuis des semaines et des mois, que la moindre de ses réponses est notée, puis scrutée par des dizaines de théologiens, de canonistes et de prélats. D’où tire-t-elle cette force extraordinaire, qui lui permet de « répondre hardiment » à ceux dont elle se sait condamnée par avance ?

Quand on lui demande : « Jeanne, êtes-vous en état de grâce ? », le tribunal tend l’oreille : à cette époque, de Paris à Bologne, d’Augsbourg à Rome, la chrétienté ferraillait sur la question de la grâce. Sommes-nous agis par Dieu, ou gardons-nous une part de libre-arbitre ? Dans quel camp Jeanne se range-t-elle ? Comme partout, le tribunal est divisé sur cette question : de quel parti sollicite-t-elle l’indulgence en épousant sa thèse ? Face à ces hommes bardés des diplômes les plus prestigieux d’Europe, la petite paysanne de 19 ans, qui ne sait que son catéchisme, répond du tac au tac : la grâce, « si je n’y suis, Dieu m’y mette. Si j’y suis, Dieu m’y garde ! »

La réponse est si parfaitement juste que les théologiens, dépités, passent à autre chose : « Vos voix vous ont dit que vous iriez au Paradis. Est-ce que vous tenez pour assuré d’être sauvée, et non point damnée en enfer ? » Elle répond : « Je crois fermement que je serai sauvée, je le crois aussi fermement que si j’y étais déjà. » Bouche bée, le juge ne peut que murmurer « Voilà une réponse bien forte ! »

Là réside la force de Jeanne : ce qu’elle dit, c’est ce qu’elle vit. Ce n’est pas de la théologie, c’est l’abandon total d’une humble créature dans la main de son créateur. Oui, déjà, elle vit en esprit et en espérance dans l’autre monde, celui de Dieu. Et elle écrase de sa hauteur les sommités du magistère catholique rassemblées à Rouen pour la juger. Elle sourit, elle danse dans un rayon de lumière divine, elle rit et se rit d’eux : qui sont-ils, face à Celui dont elle a une expérience vivante ?

Ainsi se pose la question cruciale : qui est son juge ?

Jeanne, théologienne du nouveau monde

À la fin du procès surgit enfin cette question qui sous-tend toutes les accusations : Jeanne accepte-t-elle de se soumettre à la doctrine de l’Église et au pouvoir qui en découle… ou bien estime-t-elle qu’elle dépend d’une autre autorité, supérieure à l’Église ? Pas un instant elle n’oublie ce qu’elle a vu et entendu : des voix qui lui parlent au nom de Dieu. C’est là-dessus qu’on l’attaque : comment peut-elle croire à l’origine divine de ces voix ? « Je crois aux apparitions de saint Michel, répond-elle, à cause de ses bons conseils et doctrine qu’il m’a donnés » Voilà, nous y sommes : « Sur cela [la doctrine], voulez-vous vous en remettre au jugement de notre Sainte Mère l’Église ? – Je m’en remets à Notre-Seigneur [Jésus] qui m’a envoyée, à Notre-Dame et à tous les saints du paradis. Il me semble que c’est tout un, Jésus et l’Église, cela ne fait pas de difficulté. Pourquoi en faites-vous, des difficultés, vous autres ? »

Elle a mis le doigt sur la plaie qui suppure dans la chrétienté depuis son origine : quelle Église ? Celle de Jésus, ou celle du magistère catholique ? On lui fait un petit cours de théologie : « C’est qu’il y a d’un côté l’Église triomphante, Dieu, les saints au paradis. Et de l’autre l’Église militante, le pape, vicaire de Dieu sur cette terre, les cardinaux, les prélats, le clergé, les bons catholiques. Et cette Église réunie ne peut se tromper, elle est gouvernée par le Saint Esprit. Alors, voulez-vous vous en remettre à l’Église militante ? » À cet instant, Jeanne scelle sa condamnation à mort : « J’ai agi de par Dieu, la Vierge Marie, tous les saints et saintes du paradis, l’Église victorieuse de là-haut, et de par leurs commandements. À cette Église-là, je soumets tous mes actes, faits ou à faire. » Et elle précise : « Je crois que le pape, les évêques et autres gens d’Église sont là pour garder la foi chrétienne et punir ceux qui en défaillent. Mais quant à moi, je ne me soumettrai qu’à l’Église du ciel, c’set-à-dire à Dieu, à la Vierge Marie, aux saints et saintes du paradis. Si l’Église militante me commandait de faire le contraire du commandement de Dieu, je ne m’en rapporterais à personne au monde, sauf à Notre-Seigneur [Jésus], dont je ferai toujours le bon plaisir ».

Il y aurait donc deux Églises, celle du ciel et celle de la terre ? Celle de Jésus et de Dieu, et celle du pape et des théologiens ? Comme s’ils n’en croyaient pas leurs oreilles, les juges insistent : «  N’êtes-vous donc pas soumise à l’Église qui est sur la terre, le pape, les cardinaux et autres prélats d’Église ? – Si, répond Jeanne sans hésiter. [Mais] Notre-Seigneur [Jésus] premier servi. Ce que je vous réponds, je ne le prends pas sous mon bonnet. Je n’ai pas commandement de désobéir à l’Église, mais Dieu premier servi ».

« Dieu premier servi », qui deviendra la devise du scoutisme catholique, le tribunal ne l’entend pas de la même oreille que Jeanne. Quel Dieu ? Celui de l’Église qui se dit infaillible, ou Celui d’une révélation directe faite à une paysanne ? Pour Jeanne, l’Église institutionnelle, son clergé et ses théologiens se sont éloignés de Dieu au point de dire et de faire le contraire de l’enseignement de Jésus. Par une intuition fulgurante, c’est lui qu’elle met au centre de sa foi, dût-elle en mourir. « Dieu premier servi » c’est le Dieu de Jésus, pas celui des théologiens.

L’hallali

Vers la fin du procès, on devine que l’épuisement la gagne. Elle est moins bravache mais tient toujours bon sur ce qui lui importe plus que tout, l’authenticité de sa relation avec Dieu. Constatant sa pâleur, ses juges lui demandent hypocritement : « Et comment allez-vous, Jeanne, depuis samedi ? » À bout de forces, elle répond : « Vous le voyez bien, ça va comme ça peut. Aussi bien que ça peut. » Et elle ajoute : « On est quelque fois pendu pour avoir dit la vérité. » Alors, comme Pâque approche, ils lui demandent si, dans sa prison, elle a respecté le carême : « Avez-vous jeûné tous les jours de ce carême ? » Elle trouve la force de répondre : « Est-ce que cela concerne le procès ? » Puis elle murmure que oui, elle a jeûné. Et bien jeûné, croyez-en les Anglais qui la détiennent.

Au cours de ces cinq mois, d’interminables interrogatoires l’ont affaiblie sans éteindre sa force intérieure. Ses juges l’ont harcelée sur ses révélations, son habit d’homme, son refus de se soumettre à l’Église militante. D’un bout à l’autre elle a refusé de dire « ce qui n’est pas du procès », c’est-à-dire ce qu’elle a entendu de Dieu et ne concernait qu’elle et sa mission. À aucun moment, malgré la fourberie des juges, leurs ruses, leur sournoiserie, elle n’a dévié de cette ligne. Elle a déjoué tous leurs pièges, sa prodigieuse mémoire lui a rappelé chacune de ses paroles déjà prononcée. À chaque fois qu’ils sont revenus à la charge sous un autre angle, elle a répété : « J’ai déjà répondu là-dessus. Vous me chargez trop, passez outre ! »

Juste avant la sentence, Cauchon l’adjure une dernière fois de se soumettre au pouvoir de l’Église : « Jeanne, il vous faut vous soumettre à l’Église militante ! » Sa voix semble plus faible, mais elle ne tremble pas : « Moi aussi, je me soumets à Dieu. Quand à ce que j’ai dit et fait, je m’en rapporte à Lui, à sa personne propre. » « Vous voulez dire, s’exclame Cauchon, que vous n’avez pas de juge sur terre, même pas le pape ? » La vaillante petite combattante répond : « J’ai un bon maître, Notre-Seigneur [Jésus], à qui je me remets en tout, et à nul autre – Enfin, oui ou non, voulez-vous vous soumettre à notre Saint Père le pape ? » Dans sa détresse Jeanne a gardé une réserve d’humour : « Menez-m’y, je lui répondrai. C’est tout. » On entend Cauchon crier : « Mais vous blasphémez [contre l’Église], en soutenant ces erreurs ! » Et Jeanne de redresser la tête : « Je ne blasphème ni Dieu, ni les saints ».

Suit la lecture de l’acte d’accusation : « Jeanne, par la ferveur que vous portez à la Passion de notre créateur, revenez à la voie de vérité en obéissant à l’Église et en vous soumettant à son jugement. Si vous n’agissez pas ainsi, sachez que votre âme serait précipitée en damnation, et votre corps rompu. » À quoi elle répond : « Ce que j’ai dit au procès, je le maintiens – Donc, vous croyez que vous n’êtes pas tenue de vous soumettre à l’Église militante, ou à d’autres qu’à Dieu lui-même ? – Si je voyais le bûcher et le bourreau prêt à bouter le feu, si même j’étais dedans le feu, je ne dirais rien d’autre. Je soutiendrais ce que j’ai dit au procès, jusqu’à la mort ».

On connaît la suite, le moment de terreur et de faiblesse devant le bûcher, l’abjuration. La relapse quelques jours plus tard : revenue à ses erreurs « comme un chien à son vomi », Jeanne est brûlée vive le 30 mai 1431. Quand les flammes l’atteignent, elle prononce deux fois le même nom : « Jésus ! Jésus ! »

Jeanne d’Arc aujourd’hui

 Depuis son origine, le christianisme a connu le même dilemme : Jésus et son enseignement, ou bien des dogmes de plus en plus éloignés de ce qu’il a dit, de ce qu’il était ? Très tôt, un courant mystique ininterrompu a vu émerger de grandes figures, dont François d’Assise est l’archétype : des laïcs, ne sachant pas la théologie mais fascinés par la personne de Jésus, accrochés à son humanité et au cœur de son évangile. Jeanne se situe dans cette lignée quand elle affirme qu’elle se rapporte à sa personne propre. Qu’elle s’en remet en tout à Jésus, et à nul autre.

 Comme elle, nombre de chrétiens enjambent aujourd’hui un carcan dogmatique devenu incompréhensible pour se tourner vers l’expérience intime de Dieu. Résilience qui s’exprime en particulier dans le renouveau charismatique, né aux États-Unis et répandu en Europe à partir de 1970. Ce mouvement, qui ne s’appuie plus sur des vérités abstraites mais sur la personne de Jésus, est en train de transformer le christianisme moderne. Certes, il y a ici ou là des dérapages, des excès d’affectivité et d’inévitables récupérations politiques. Mais le pauvre de Nazareth est la référence du pape actuel, qui parle plus souvent de Jésus que du Christ.

  Est-ce un christianisme nouveau qui est en train de naître, une proposition de sens nouvelle pour un monde nouveau ? L’avenir le dira. Mais par son courage inébranlable, par sa lucidité et sa fidélité à l’essentiel, Jeanne n’a pas fini de nous en apprendre.

                                                                                                  M.B., 1er août 2017
 (1) J’ai utilisé Le procès de condamnation de Jeanne d’Arc, édition des minutes authentiques publiée en 1953 par le Club du meilleur livre sous la direction de Michel de Romilly. Préface de Michel Riquet S.J., avant-propos de Raymond Oursel.
(2) Juridiquement, le Grand schisme était terminé depuis 1417 (élection de Martin V). Mais en 1430 la chrétienté restait divisée entre trois centres de pouvoir.

13 réflexions au sujet de « L’HUMOUR FACE À L’OPPRESSION : le rire de Jeanne d’Arc »

  1. Olivier

    Jeanne est plus qu’un prénom pour nous Français , c’est un anneau qui relie les peuples qui composent notre France et au delà.
    Nous l’avons intégrée dans la constituante de notre être !
    « Elle est proche de nous à chaque instant « ,disait mon grand père combattant à Verdun ,Chemin des Dames ….
    Avant de sortir de la tranchée il priait Jeanne .Tous le faisaient !
    Elle est, en quelque sorte le témoin d’une possible divinité qui s’adresserait à chacun de nous directement en excluant l’ordre établit .
    Le savoir pourrait être universel sans pour autant avoir pris connaissance des » Saintes Ecritures « .
    Il en va donc de la crédibilité des églises en général!
    Nous savons aussi que Jeanne était devenue gênante pour Charles Vll…
    Sa popularité lui faisait de l’ombre …

    Une jeune fille de 17 ans !
    Une enfant qui a intégré l’espace familial de tous .
    Les mères et les pères se sont responsabilisé.e.s et se sont senti.e.s concerné.e.s par son destin .
    la pureté de l’être et l’ amour envers Jésus et surtout
    « Il est possible d’être en Dieu sans
    L’Eglise  »
    Ce que recherchent aujourd’hui de nombreuses âmes !
    Elle est en quelque sorte la combattante de la libre pensée !

    Dans sa lutte contre les Anglais elle s’est montré fidèle à Jésus et dans sa romance transportée oralement .
    Mais au-delà de celle ci nous pouvons dire quelle s’ est élevée en Jésus suite à son message !
    Comme beaucoup d’autres elle s’est éveillée au travers ce qu’elle connaissait, sa culture religieuse !
    Elle était sur la voie de la Connaissance !
    Elle a compris le message d’amour de celui qu’elle aimait .
    L’amour de tous et de toutes pour la vie

    Avancée seule devant l’armée de Talbot au lendemain de la prise des Tourelles le 8 mai
    Une jeune fille de 17 ans accompagné de son étendard ou l’on pouvait lire : Jesus Maria ,
    a jeté le trouble dans la tête des Anglais en refusant de se battre un Dimanche ( jour du Seigneur)
    Ils ont fait demi tour jugeant qu’il n’y avait plus rien à gagner ici bas !
    La peur ?, le respect ? non
    Ils voyaient en elle l’espace d’un instant l’amour d’une Fille à un Père
    C’est le signe qu’elle leur donna en conscience
    « Dieu  » est Amour !

    Olivier

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  2. Claude Trogler-Briand

    Cette idée est intéressante d’une mise en opposition/concurrence de DEUX Églises (en fait, l’Église de Jérusalem, dirigée initialement par Jacques frère de Jésus et l’Église de Rome, fabrication de Saül/Paul qui plaçât à sa tête Simon/Céphas/Pierre puisque, ni vrai disciple… ni même vrai Juif, il lui fallait un « homme de paille » à ce poste – et quel meilleur choix possible que le plus gâteux des Apôtres, celui à qui Jésus devait toujours tout répéter pour n’être quand même pas compris, comme pour les « 77 pardons » ! – mais qui donnât naissance à l’Église Catholique. D’autres ont eut une approche plus « politique » du sujet, comme Michel de Grèce, qui, dans « La Conjuration de Jeanne » développe l’idée d’un complot utilisant Jeanne pour tenter d’établir une Église Gallicane indépendante de Rome, ou en tout cas de son « Évêque », le Pape.
    https://www.babelio.com/livres/Grece-La-Conjuration-de-Jeanne/40239

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Ces thèses : Apprentis historiens qui meublent leurs loisirs en rêvant. Les minutes du procès d’inquisition sont là.
      M.B.

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      1. Jean Roche

        Vous me décevez un peu, là. Ces minutes ont été rédigées par un certain Pierre Cauchon qui a pris tout son temps et qui a montré de bien d’autres façons qu’il n’était pas si hostile à Jeanne qu’il voulait le laisser croire (procès très long, pas de torture malgré l’insolence de l’accusée… il a été sévèrement critiqué par les vrais ennemis de Jeanne, non pas les Anglais qui se contentaient de l’avoir attrapée mais la Sorbonne qui régentait la vie religieuse de la France).

        Depuis le début il se trouve des gens pour relever les zones d’ombre tant de l’origine que de la fin. Et puis il y a eu la sacralisation de cette histoire au dix-neuvième siècle, renforcée par la canonisation éminemment politique au vingtième.

        Enfin, je ne suis sûr de rien, mais cette histoire de Dieu qui se soucierait subitement d’une querelle vieille déjà d’un siècle entre deux royaumes chrétiens, en passe de se régler, quelque chose ne va pas. Il y a trop d’anomalie. Par exemple pour le début, on pouvait prendre au sérieux une paysanne visionnaire qui apportait un espoir, il n’était pas question pour autant de la traiter en grande dame et les textes sont formels, on a traité Jeanne en grande dame, on a le détail de sa façon de s’exprimer et de ses tenues entre autres, avant qu’elle eût prouvé sa valeur sur les champs de bataille. Par exemple pour la fin, cette sentence en deux temps, déclaration de relaps parce qu’elle avait repris un habit d’homme dont elle n’était pas censée disposer, ce n’est pas crédible, ça sent trop la lutte d’influence quelque part. Enfin, on ne se débarrasse pas si facilement de Jeanne des Armoises, née d’Arc ou non.

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        1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

          Avez-vous lu les études de Raymond Oursel sur la tradition textuelle des minutes du procès de Rouen ? Ce n’est pas Cauchon qui a écrit, puis publié le texte : c’est une procédure d’Inquisition, scrupuleusement respectée. Il y a peu de personnages du Moyen âge sur lesquels on dispose de tant d’informations indiscutables.
          Les arguments que vous mettez en avant ne tiennent pas devant ce texte.
          M.B.

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          1. Jean Roche

            Bon, je ne vais pas me battre là-dessus, je comprends que ce soit presque aussi sensible que les récits évangéliques (je n’en pense pas moins que les thèses dissidentes apportent du sens… et je me méfie, peut-être un peu trop, des thèses « officielles » depuis que j’ai découvert à quel point Alésia à Alise-Sainte-Reine, c’est aberrant pour de nombreuses raisons, autre sujet).

            Je rebondis sur ce que vous écrivez, sur le rapprochement avec le « renouveau charismatique », retour à la pauvreté, etc. Mais c’est justement chez les « dissidents » que j’ai découvert les liens possibles de l’histoire de Jeanne avec le tiers-ordre franciscain, qui en était mutatis mutandis l’équivalent à cette époque, les vaudois ayant été déclarés hérétiques.

            Même les fameuses « voix », si atypiques pour des apparitions en contexte catholique, s’expliqueraient prosaïquement dans ce cadre. On avait coutume, dans ce tiers-ordre, de se donner du « saint » et de la « sainte » (« Comment allez-vous Saint Michel ? – Très bien Sainte Catherine, et vous-même ?« ). Et donc il s’agirait d’instructeurs bien humains appliquant un projet bien arrêté. Beaucoup de conjecture certes, mais plus plausible que la version « officielle ».

            Aussi bien Yolande d’Anjou qu’Anne de Bedford, deux femmes très influentes dans les deux camps, en auraient été membres.

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            1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

              1- Les « officiels » ont mis presque cinq siècles pour reconnaître Jeanne, et encore pour des raisons politiques. Sa canonisation s’inscrit dans le jeu géopolitique de l’après 1+ guerre mondiale. C’est la thèse « officielle », voyez la présentation vidéo faite au Centre J.d’A. de Domrémy = 50 minutes de politique. La thèse « dissidente » serait plutôt la critique radicale de l’Église faite par Jeanne, que j’ai tenté de mettre en lumière ici.
              2. Les voix de Jeanne ne sont pas du tout atypiques : l’histoire de la mystique chrétienne en est remplie, celles de Jeanne sonnent juste. L’interprétation « voix du tiers-ordre » est totalement farfelue (amusante). Voyez ma réponse à Claude Trogier
              Merci, M.B.

            2. Jean Roche

              Là, désolé, la reconnaissance (en faisant l’impasse sur les multiples éléments discordants) est venue en gros vers le milieu du dix-neuvième siècle, voir par exemple Jules Michelet.

              Des apparitions religieuses en contexte catholique qui délivrent un message aussi concret et partisan, je demande des exemples. On s’acheminait vers une victoire d’un camp par jet d’éponge, le Roi de France et d’Angleterre se serait installé en France. L’Angleterre délaissée aurait probablement fini par faire sécession. La guerre qui durait depuis déjà un siècle a été relancée pour encore un quart de siècle.

            3. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

              « Reconnaissance » par l’Église = canonisation.
              En effet, la question demeure : pourquoi Dieu & ses anges s’intéressent-ils tant à un pays (contre un autre) ? Notez que d’après la Bible, Yahwé avait pris parti pour Israël, puis Dieu pour les Croisés, etc. Quand nous rencontrerons Dieu (s’il existe), nous lui poserons la question.
              M.B.

            4. Jean Roche

              Heu, les Croisades, quoi qu’on en pense par ailleurs, ont eu lieu bien après la finalisation de la Bible.

              Quand on approfondit, on se rend compte que le Yahvé de la Bible a longtemps été le dieu tutélaire unique des hébreux mais qu’il n’est devenu que très tardivement unique pour tous les peuples, et que l’histoire a alors été révisée à la stalinienne (y compris en y ajoutant les horreurs que l’on sait
              ).

              Dans le cas de Jeanne, il y aurait eu intervention divine dans une querelle dynastique entre deux royaumes aussi chrétiens l’un que l’autre, au bout d’un siècle d’une guerre qui s’achevait et qui s’est trouvée relancée. Une sacrée singularité autant que je sache.

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