Il y a sur cette terre, environ 1 milliard de musulmans – soit logiquement la moitié de femmes. Que dit le Coran de nos adorables moitiés ?
Aux origines : le messianisme judéo-essénien
Pour son époque l’Ancien Testament n’est pas particulièrement misogyne, il donne même parfois aux femmes une place qu’elles n’avaient pas chez les peuples voisins.
Mais à partir de l’exil (- 586), on voit apparaître en Israël un messianisme de plus en plus exacerbé, combiné à partir du II° siècle avant J.C. avec un gnosticisme de plus en plus affirmé.
Messianisme : c’est l’attente d’un Messie charismatique et belliqueux, qui prendra la tête d’une guerre d’extermination contre tous les ennemis d’Israël.
Gnosticisme : c’est un courant philosophique qui sépare l’univers en deux sphères, celle du bien (les Fils de Lumière) et celle du mal (les Fils des Ténèbres).
Les manuscrits trouvés sur les rives de la Mer Morte datent du tournant du 1° millénaire. On y lit des perles, comme : « La perversion du cœur des femmes éloigne les humbles de Dieu, égare les humains dans un fossé et les séduit par leurs flatteries. (1) Au roi elles enlèvent sa gloire, au brave sa force, au pauvre le soutien dans sa pauvreté. » (2)
Ầ cette époque, était donc répandue en Israël une idéologie selon laquelle la femme, par nature, détourne l’homme de sa mission.
Pourquoi ? Parce qu’ici-bas les Fils de Lumière (nous) sont engagés dans une guerre sans merci, totale, contre les Fils des Ténèbres (eux). Dans ce climat totalitaire, la séduction féminine empêche le fanatique d’être entièrement investi dans la seule chose qui compte, son combat pour le triomphe de la cause du Bien (nous).
Séductrice, la femme représente pour l’homme (et donc pour la communauté des combattants) un danger mortel.
Séduction (tentation), en arabe, se dit fîtna.
On retrouve cette misogynie dans le Talmud, écrit juif rabbinique écrit cinq siècles plus tard. « Le Talmud est résolument misogyne… La femme n’est pas digne de témoigner (pas plus que le fou ou l’enfant). Le mariage est un acte d’achat, et la femme appartient à son mari sans pouvoir, contrairement à lui, dissoudre cette union. » (3)
Retenons de cela qu’un fort courant juif, d’origine essénienne et qui s’épanouit dans le judaïsme rabbinique, voyait dans le monde la scène d’un combat apocalyptique entre le bien et le mal. Guerre totale : ne survivront que ceux dont les armes ne seront ni polluées, ni alourdies par une quelconque tentation.
Prêt à se sacrifier pour le retour du Messie, le fanatique ne doit être retenu ou empêché par rien.
Le Coran, un texte d’inspiration judéo-chrétienne
La recherche contemporaine a mis en évidence un fait que les érudits musulmans peinent à reconnaître : le Coran est entièrement d’inspiration juive et nazôréenne. (4)
Juive, et pas n’importe quel judaïsme : le judaïsme rabbinique du VII° siècle, c’est-à-dire talmudique.
Nazôréenne : cette secte judéo-chrétienne, qui sort lentement de l’oubli, E.M. Gallez l’appelle à juste titre un judéonazôréisme (5). C’est-à-dire un judéo-christianisme particulier, à la fois messianique et fortement teinté de gnosticisme.
On ne peut pas comprendre le Coran si l’on oublie qu’il part en guerre d’une part contre les musrikûn, ceux qui associent d’autres dieux au Dieu unique (les idolâtres et les chrétiens). Et d’autre part contre les kafirûn, ceux qui « recouvrent » Dieu par leurs infidélités à sa Loi (les juifs).
Dans l’optique talmudique aussi bien que nazôréenne reprises par le Coran, le salut du monde est en jeu : il y a d’un côté le « parti d’Allah », hizb Llah, qui doit tout sacrifier au Chemin d’Allah, sabîl Llah. Et de l’autre le « parti de Satan », hizb saytân formé par les ennemis d’Allah.
L’homme musulman est un mukallaf, un chargé de mission, réquisitionné par Allah : tout doit être sacrifié à cette cause.
Les femmes, obstacles à la cause
Dans cette optique totalitaire seule compte l’Umma, la communauté des croyants : l’individu ne compte pas.
Or, à cause de leur maternité les femmes ont l’esprit tourné vers la vie qu’elles créent autour d’elles, d’où cette prescription du Coran : « Vos femmes et vos enfants sont pour vous des ennemis. Prenez-y garde ! Vos biens et vos enfants ne sont qu’une tentation – fîtna » (6).
C’est aussi pourquoi « les hommes ont autorité sur les femmes, parce qu’Allah les préfère à elles » (7). Et si elles ne se soumettent pas, « celles de vos femmes dont vous craignez la désobéissance, reléguez-les dans des chambres à part et frappez-les. Mais si elles vous supplient, cessez de peser sur elles » (8).
Non pas que l’homme serait automatiquement du parti de Dieu, tandis que la femme serait automatiquement du parti de Satan. Mais seule une femme devenue mukallaf , militant(e) totalement engagée dans la cause, peut trouver grâce aux yeux de la communauté, l’ Umma.
La femme n’est pas l’égale de l’homme, mais la croyante est l’égale du croyant. Ce qui peut expliquer le choix de certaines femmes du port du voile, qui les marque comme croyantes plutôt que comme femmes.
On trouve déjà cette idée dans plusieurs évangiles apocryphes gnostiques comme l’évangile de Thomas, logion 114 :
« Simon-Pierre dit : « Que Marie sorte du milieu de nous, car les femmes ne sont pas dignes de la Vie ». Jésus dit : « Je l’attirerai afin de la faire mâle… car toute femme qui se fera mâle entrera dans le Royaume des cieux ».
Le Coran, un progrès et un adoucissement
On sait assez peu de choses sur la société arabe du Hîdjaz au VII° siècle. Mais ce qu’on constate, c’est que le Coran annule la lapidation de la femme adultère, prescrite – et pratiquée – dans le judaïsme à l’époque de Jésus.
Si une femme est surprise en flagrant délit d’adultère (ou fortement soupçonnée), « le débauché et la débauchée recevront cent coups de fouets chacun, et un groupe de croyants sera témoin de leur châtiment. N’ayez aucune indulgence envers eux, c’est la religion d’Allah. » (9)
De même, en cas d’héritage « Allah ordonne d’attribuer au garçon la part de deux filles » (10) : c’était sans doute plus qu’elles n’avaient jamais reçu.
La législation coranique sur la dot, les enfants, le divorce, le témoignage en justice nous paraît médiévale et inacceptable : pour nous elle l’est , mais au VII° siècle elle représentait plutôt un progrès.
Le problème, c’est que l’horloge historique de certains fanatiques musulmans s’est arrêtée à la fin du VII° siècle. En ce qui concerne l’accusation d’adultère notamment, ils oublient que les plaies de cent coups de fouets cicatrisent plus facilement qu’un corps écrasé à coups de pierres.
Les hadîths
D’autant plus qu’au texte du Coran se sont ajoutés, au cours des siècles, des hadîths ou paroles du Prophète recueillies par ses proches compagnons, et non consignées dans le texte du Coran dicté par Allah à son Prophète.
Ainsi, ce délicieux proverbe qui lui est attribué :
« La plus grande cause de misère que j’ai laissée à l’homme, ce sont les femmes. »
Ou encore, cet autre attribué à ‘Ali, neveu de Mahomet :
« La femme toute entière est un mal. Et ce qu’il y a de pire en elle, c’est que c’est un mal nécessaire » (11).
Heureusement, il y a des versets du Coran (dictés par Dieu) comme celui-ci :
« Vos femmes sont un champ à labourer : labourez-le comme il vous plaît. » (12). Tout récemment, je bavardais avec un musulman de milieu populaire, qui était fier de passer ses journées à étudier le texte du Coran. Il m’expliqua que ce verset de la sourate « La Vache », la 2° du Coran, signifiait en fait que les maris peuvent prendre leurs femmes par devant ou par derrière, « comme il leur plaît ». Ce sont les délices de l’exégèse coranique, adaptée à « un peuple qui ne se trompe pas » (13).
L’héritage judéo-gnostique en christianisme
Les chrétiens n’ont de leçons à donner à personne.
Rappelons-nous ce que fut la condition de la femme en chrétienté triomphante : nous étions tout aussi messianistes, attendant le retour du Christ et prêts à le hâter par quelques bonnes croisades – comme celle des armées du pape contre les pieux albigeois.
Tout aussi gnostiques, reléguant l’œuvre de chair aux confessionnaux, si d’aventure elle s’accompagnait de plaisir.
Combien de siècles avons-nous mis à reconnaître aux femmes, après une âme semblable à celle des hommes, une dignité égale à la leur ?
Et nous souvenons-nous que Jésus, qui fut nazôréen, parlait en public à une femme, étrangère de surcroît, acceptait dans son entourage des femmes qui se montrèrent à son égard d’un dévouement sans borne, jusqu’au bout. Relevait sans la juger une prostituée repentante, rendait la vie à une femme adultère sur le point d’être lapidée…
Hélas, Jésus a été transformé en Christ, ce qui ne lui a pas réussi – et à nous non plus.
M.B., 21 août 2011
(1) Écrits Intertestamentaires, Pléiade 1987, Fragments divers : Pièges de la Femme, pp. 447-451.
(2) Testaments des XII Patriarches, Juda, id. p. 867.
(3) Raphaël Cohen, Ouvertures sur le Talmud, Paris, Granger, 1990, p. 125.
(4) Voyez, dans ce blog, les articles rassemblés sous la rubrique « L’islam en questions »
(5) Le Messie et son prophète, 2 tomes aux Éditions de Paris, 2005. Ouvrage remarquable, auquel j’emprunte une partie de cet article.
(6) Coran 64, 14-15.
(7) Coran 4,34 a.
(8) Coran 4,34 b. Traduction Denise Masson, corrigée par Berque.
(9) Coran 24,2.
(10) Coran 4,11.
(11) Deux hadîths cités par Gallez, Tome I page 508.
(12) Coran 2, 223.
(13) Coran 5, 51.