‘’Dieu, la science, les preuves’’ (VI) : QUI EST DIEU ?

 

Nous l’avons vu, les récentes découvertes en cosmologie et biologie permettent de savoir qu’il y a eu un commencement à l’univers. Un instant T où l’espace, le temps et la matière ont existé à partir de rien. Puis une succession de réglages tellement nombreux et tellement fins, que l’existence de notre planète telle qu’elle est et de l’humanité pensante ne peuvent en aucun cas être attribués au hasard. À tout cela il y a eu une « cause première », comme l’appellent les philosophes.

Au commencement, une pensée

La seule chose que la science puisse dire de cette cause première, c’est qu’en créant l’univers elle lui a communiqué, à l’instant même du Big Bang, l’information nécessaire et suffisante pour son évolution future. « Au commencement, à l’instant initial, tout, absolument tout dans le cosmos primordial était fantastiquement calculé » pour donner naissance à l’univers tel qu’il est, puis à notre planète telle qu’elle est, avec son environnement étonnamment favorable à l’apparition de la vie. Et enfin à l’espèce humaine au terme d’une évolution qui, elle aussi, accumule une quantité impressionnante de ‘’hasards’’.

« Une information », concluent M.Y. Boloré et O. Bonnassies (B&B) dans leur ouvrage Dieu, la science, les preuves (1). En appelant cette information « une pensée », j’ai franchi un pas supplémentaire. En effet, l’accumulation prodigieuse de paramètres imprimés dès son origine à la matière, qui lui ont permis d’aboutir jusqu’à nous – évitant ou contournant tous les obstacles, corrigeant les erreurs – montre l’existence, au commencement, d’un projet, d’un plan directeur extrêmement sophistiqué. Autrement dit, d’une pensée directrice à l’œuvre dans la création.

Une pensée, et donc un penseur à l’origine de tout.

Ce pas supplémentaire, il reste dans l’orbite de la recherche scientifique puisqu’il en est la conclusion logique et nécessaire. Pourtant B&B n’ont pas exploité leur conclusion. Ils ont appelé ‘’Dieu’’ la cause première, et dans la 2e partie de leur ouvrage ils ont apporté à cette identification un ensemble de « Preuves hors science » dont l’interprétation suppose la foi chrétienne et confirme ses dogmes. Cette démonstration, parce qu’elle contredit le propos des auteurs et le titre de leur livre, ne convaincra personne et en irritera plus d’un.

Peut-on « prouver » Dieu ?

Car on ne prouve pas Dieu, l’histoire de toutes les religions le montre. On en fait l’expérience, et cette expérience est indicible – c’est-à-dire qu’on ne peut rien en dire de façon satisfaisante au moyen des langages humains. Tout ce qu’on peut faire, c’est témoigner de cette expérience : « Voilà ce que j’ai vécu, crois-moi ou ne me crois pas ». Tout alors réside dans la qualité, la fiabilité des témoins et la confiance qu’on peut leur accorder.

Certains de ces témoins ont connu une expérience particulièrement forte, et c’est le cas de ceux qui ont rencontré Jésus le nazôréen lors de sa brève existence. Cette expérience, qui est à la base de la foi chrétienne, s’accorde-t-elle avec les données de la science ? N’a-t-elle rien à voir avec elles ? Ou bien, comme on l’a longtemps cru, la science et la foi chrétienne sont-ils irrémédiablement opposés l’un à l’autre ?

Une parole créatrice

Pour répondre je m’adresserai à l’évangile selon Jean, le plus tardif (fin du 1er siècle) et celui qui porte le plus l’empreinte des courants philosophiques de l’époque. Le début de cet évangile, son Prologue, commence de façon solennelle : « Au commencement était la parole », En arché èn o logos. Ce « Au commencement » est une allusion claire – plus que ça, une reprise – des trois premiers mots par lesquels débute toute la Bible : « Au commencement, Dieu créa », Bereshit bara Élohim.

Bereshit, En arché : c’est l’affirmation pour le judaïsme comme pour le christianisme qu’il y a eu un commencement, une création. Le livre de la Genèse appelle « Dieu », Élohim, la cause première de cette création. Mais le Prologue va plus loin quand il dit que cette cause est un logos, une parole, c’est-à-dire un langage porteur d’information. Sur ce point, il s’accorde pleinement avec les découvertes de la cosmologie moderne.

En mentionnant le Logos l’auteur du Prologue s’inspirait de Philon d’Alexandrie, philosophe juif néo-platonicien mort en 45 et le premier, au terme d’un raisonnement philosophique rigoureux, à avoir pensé Dieu en « Grand Horloger » de l’univers. Ou plutôt en architecte, puisque pour lui le Logos est l’instrument, le maître d’œuvre auquel Dieu confie les plans du monde pour qu’il les réalise.

Mais le Prologue va plus loin que Philon. Il poursuit : « Et Dieu était la parole ». Pour lui il n’y a pas d’intermédiaire entre Dieu et la création, entre sa parole – sa pensée – et l’univers auquel elle imprime l’accumulation prodigieuse des paramètres qui vont lui permettre d’aboutir jusqu’à nous. Dieu ? Une pensée créatrice, disent à la fois la cosmologie et le Prologue.

Certes on a là une définition, mais tout abstraite. Elle classe Dieu dans les catégories de la pensée grecque. À l’intérieur de ces catégories, elle dit qui est Dieu, elle ne dit pas comment il est pour nous. Et que m’importe, à moi, que Dieu soit une pensée créatrice ? Ce que je veux savoir c’est quelle est sa personnalité, de quelle façon je peux entrer en contact avec elle, établir avec elle un dialogue, et quelle est la nature de ce dialogue.

Dieu-pensée ? C’est une fonction, ce n’est pas une identité. Qui est donc cette pensée, cette parole créatrice de l’univers ?

À cette question, auquel ni Philon ni le début du Prologue ni la cosmologie ne répondent, Jésus avait donné, de son vivant, une réponse pleinement satisfaisante.

Un tendre père

Jésus n’était pas philosophe, il n’avait jamais entendu parler de Philon décédé quinze ans après lui. C’est l’auteur du Prologue, écrit 70 ans environ après la mort de Jésus, qui s’est inspiré de son Logos. Jésus n’était pas non plus un intellectuel : il se situait lui-même dans la lignée des prophètes qui l’avaient précédé, comme Moïse, Élie et Jonas. Pour un Juif comme lui, que Dieu soit le créateur de l’univers était une évidence qui n’avait besoin d’aucune preuve : il suffisait de regarder le ciel étoilé, qui « chante la gloire de Dieu ».

Un prophète, qui a proclamé sa volonté d’accomplir le judaïsme de ses Pères, de lui apporter sa touche finale. Pour la tradition juive et jusqu’à aujourd’hui, il n’existe pas de nom par lequel on puisse appeler Dieu. Il est au-dessus des mots, au-delà du langage, insaisissable par la pensée humaine. Donner un nom au Dieu de Moïse était impensable pour un Juif, et interdit.

Or c’est précisément ce que fait Jésus en appelant son Dieu Abba. Il développe la signification de ce petit-nom familier dans plusieurs paraboles, dont celle de l’enfant prodigue de Luc 15.

Un Daddy plein de tendresse pour ses enfants, qui guette leur retour, va au-devant d’eux et les enveloppe de son amour. Un papa comme on en rêve, à la fois éducateur, formateur, indulgent, qui pardonne les bêtises de ses enfants quand ils les regrettent. Un père qui attire vers lui ceux qui le cherchent, et vont à lui de commencements en commencements, par des commencements sans fin.

Dieu-pensée, ou Dieu-amour ? Quel dommage que le christianisme, en construisant l’édifice de ses dogmes fondateurs, ait préféré la philosophie à l’expérience et à l’enseignement du rabbi juif de Galilée !

                                                                        M.B., 1er février 2022.
(1) M.Y. Bolloré et O. Bonnassies, Dieu, la science, les preuves, Trédaniel 2021. Voyez les cinq articles déjà consacrés à ce livre ; Dieu, la science, les preuves (I) : l’aube d’une révolution  – Dieu, la science, les preuves (II) : difficile de tenir parole  – Dieu, la science, les preuves (III) : quand la politique s’en mêle Dieu, la science, les preuves (IV) : pauvre Jésus !  – Dieu, la science, les preuves (V) : mais quel Dieu ?

8 réflexions au sujet de « ‘’Dieu, la science, les preuves’’ (VI) : QUI EST DIEU ? »

  1. Jean-Marie GLÄNTZLEN

    Désolé, mais je ne vous comprends pas .
    A pensée et penseur, je préfère concept pet et concepteur

    Et je persiste et signe : la paternité et la masculinité me semble pour le moins incohérent lorsqu’il est question de l’Être suprême..

    Et devoir utiliser un mot anglais pour çà est très interrogeant ou révélateur.

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      En appelant « Dieu » Abba, Jésus enseigne quel TYPE DE RELATION nous pouvons avoir avec Lui. Ps 130 : « Je suis comme un tout petit enfant blotti contre le sein de sa mère ». Celui qu’on appelle « Dieu » est père ET mère (hébreu « Amma »).
      M.B.

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  2. nadab

    Oui, le bon M. ELLUL disait qu’il n’y avait pas de plus grande trahison du Christ que le christianisme !
    Mais je voudrais revenir sur la parole de Dieu. Certes, elle est créatrice, mais préexistait-elle à la création ? et quel eût été l’efficace d’une parole de Dieu si ce n’est de commander à des anges des actions qu’ils exécutaient comme ces figurines qu’on voit aux mains de enfants.
    Le récit de la création au début de la genèse est plus complexe qu’il n’y paraît.
    Cela est peut-être dû aux aléas de sa composition, mais peu importe, si ce récit a été constitué ainsi, ce n’est pas fruit du hasard, mais un témoignage réfléchi.
    Le récit commence par la création du ciel et de la terre. Ici, la parole divine n’est pas mentionnée. il s’agit d’une forme d’acte. La parole ne vient qu’ensuite, pour la création de la lumière – les ténèbres existaient déjà. Mais cette lumière, ce n’est pas celle du jour, bien sûr. La lumière naturelle ne sera créée que plus tard, au verset 14, avec les luminaires. La parole de Dieu va ensuite nommer cette lumière. Car, à plusieurs reprises, Dieu nomme les choses qu’il crée, soit par sa parole, soit directement. Ce pouvoir de nommer les choses, on verra Dieu l’accorder à l’homme plus tard.
    L’Évangile de Jean centre le récit sur la parole, certes, mais n’omet pas la lumière (et les ténèbres qui désignent ce (ceux…) qui s’oppose(nt) à la parole divine). Mais la lumière est le Christ- « lumière des nations », dit le vieillard Syméon, tout comme la parole est le Christ. Enfin vient la vie.
    « Je suis le chemin, la vérité et la vie », trouvons-nous plus loin dans l’Évangile de Jean. Ne doutons pas que le chemin soit la parole, la vérité la lumière et la vie, la Vie.

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    1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

      Certes, le récit de la création dans la Genèse est complexe – d’autant plus qu’il n’y a pas un, mais DEUX récits, écrits à des époques différentes, dans des contextes différents, par des traditions différentes. Le plus ancien de ces deux récits est le second, Gn 2.
      En quelques pages, je n’ai pu donner ici que des pistes aux lecteurs. Vous empruntez une de ces pistes, merci à vous.
      M.B.

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      1. nadab

        Certes, la composition de la bible s’est faite sur une longue période, de nombreux auteurs y ont participé et l’interprétation récente de la composition des manuscrits de Qumran montre bien comment des « scribes éditeurs » ont façonné le texte.
        Cependant, ce qui compte pour nous, c’est le texte terminé. quand nous regardons une tapisserie, une broderie, si nous ne voyions que la couleur des fils, leur nature ou les points utilisés, voire les réparations ou le nombre de personnes qui sont travaillé, nous passerions à côté de l’essentiel, l’émotion artistique dont elle est elle est la cause pour nous. Pour reprendre l’exemple du récit de la création, les deux récits du textes bibliques ont été réunis parce que chacun apporte une vision et un enseignement particulier, l’un complétant, pour ne pas dire corrigeant l’autre. Peu importe, au fond, si la cohérence de l’ensemble peut laisser à désirer.
        C’est tout cela que j’ai nommé, peut-être maladroitement, « les aléas de la composition ».
        Tout cela pour dire que la Bible n’est pas « la parole de Dieu », selon la formule malheureusement consacrée, mais la parole de l’homme face à Dieu. Et cette parole permet de connaître un peu de Dieu. Il faut ajouter que ce n’est pas une connaissance scientifique, mais une connaissance par l’amour. Elle permet aussi de connaître beaucoup de l’homme.
        Je ne voudrais pas être trop long, mais j’en donnerai juste un exemple. Lorsque nous lisons la fin du psaume 137, que la bien-pensance fait souvent éviter dans les églises, nous ne devons certainement pas en tirer que nous devons massacrer les petits-enfants de nos oppresseurs. Nous devons plutôt y voir la blessure profonde de l’exil et de l’oppression. Et peut-être entier des conclusions sur certains évènements actuels…
        « An Wasserflüssen Babylon », entendons-nous bien dans les dernières mesures, cet accord de la main gauche, soutenu et lancinant du choral de Bach ?

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        1. Michelbenoît-mibe Auteur de l’article

          C’est très juste, merci. Mais la connaissance de la technique de fabrication & du contexe historique d’une tapisserie permet de mieux la comprendre (ex. la « Tapisserie de Bayeux »)
          M.B.

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  3. Jean-Marie GLÄNTZLEN

    Il est des pères indignes

    L’Ineffable n’est ni père, ni mère, il est amour infini créateur.

    Attention à l’auto-suggestion.

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    1. Gris

      Jean-Marie quel prénom mixte qui mérite un détour sur votre remarque.
      J’avoue que la concrétion « amour infini créateur » est d’une remarquable concision pour évaluer les grands problèmes de l’approche spirituelle sur notre monde dit en évolution (pour reprendre le thème de cette série sur la Science et Dieu).
      Amour – Pour faire simple et court : c’est de ce qu’on manque le plus qu’on en parle le plus … logos, logorrhée. Quand tout n’est dérive d’une cause première, calculée au quanta près, alors quelle place reste-t-il à la déviance, au choix, au libre-arbitre, donc à l’amour potentiel d’un père qui attend le retour du prodigue ?
      Infini – Comment faire rentrer l’infini dans un être fini tel que l’homme si ce n’est lui attribuer des extensions qualitatives et sociales (cf. la monade de Leibniz) qui lui permet de tisser les liens sur lesquels il pourra tester son apprentissage par suite d’erreur sans persévérer et tendre vers une perfectibilité que Jésus montrait quand il disait « soyez parfait comme mon Père est parfait ». Perfection inatteignable dans l’histoire car l’approche rétroactive d’un commencement fondé sur une équation partielle de l’univers ne peut être la bonne prémisse d’un syllogisme qui annoncerait cet amour incommensurable : la relativité s’exprime dans un cône de lumière et défini l’enfermement même de l’homme dans sa pensée matérielle. L’histoire de l’évolution de l’univers est unique et ne peut donc être « falsifiable » au sens de Popper. Laissons ouvert à la théorie quantique une part d’imprévu que certains grecs identifiaient sous un dieu du temps Kairos qui se manifestait par l’impromptu. Et comme dieu est plus que la somme des parties relativiste et quantique, accordons lui une personnalité qui comme vous le dites, et par synergie, reste et restera ineffable …en théorie. En pensée, en parole et en acte pourrait nous inciter à extrapoler un dieu qui agit dans les relations et non pas uniquement à partir de…quelque chose ou comme quelqu’un qu’on apparente à un créateur.
      Créateur – Ce terme renvoie à la créature et dans cet élan à la projection de la finalité qu’expose un Bolloré (parmi d’autres du même courant d’idées), l’homme comme un centre et se situant au somment de cette évolution biologique aux mécanismes encore incertains et bien méconnus (mais anthropomorphisme oblige, il suffit de jeter un oeil sur la manière dont les plantes ont admirablement proliférées dans leur adaptation au milieu dans leurs interactions avec d’autres règnes comme les champignons , insectes etc.). Le couple créateur / créature risque de s’effondrer de facto lorsqu’on imagine les retombées de la physique quantique sur le phénomène d’intrication. Le hors espace-temps nous fait peur car il titille notre manière de penser, la nature même l’acte de penser. Les mystiques dont parlent MB sont des témoins de l’abandon non pas de l’ego mais qu’un système de causalité qui dépasse l’entendement (truisme je vous l’accorde !). La mise en place d’une trinité n’est pas le fait de l’Eglise chrétienne postérieure à Jésus et des triunités sont apparus dans bien des civilisations antérieures. Lorsque j’introduis en pensée, en parole et en action il s’agit de pointer du doigt le fonctionnement par relations entre ce qui sépare ces mouvements dont les essences seraient de natures différentes se combinant dans une substance que nous appelons matière (où nous trouverons d’ailleurs décalages dans les phénomènes dits paranormaux).
      « Je voudrais bien mais je peux point » dans la célèbre chanson d’Annie Cordy est une illustration de nos limites entre volonté et pouvoir. Une créature qui se limite à toujours et encore vouloir être aimé par phénomène de reconnaissance de soi, et créature de pouvoir qui ne fait que croire qu’il pourra être ce dieu qu’il projette d’être et s’accordant bien des valeurs qui ne sont que sociales.
      Aussi j’invite, et chacun à sa manière, de faire concorder les trois temps de la pensée, de la parole et de l’action pour Connaître, par expérience et par la foi en « daddy », Cette concordance signera l’accord trinitaire qui libérera l’homme de son identité matérielle et le lancera sur la recherche de la personnalité de son Daddy.
      Il n’y a pas de pères indignes au même titre que votre prénom fût octroyé par un couple qui vous a, fortuitement (???), muni d’un trait-d’union tout à fait neutre celui-ci ; n’est-ce pas Jean-Marie !

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