Archives du mot-clé islam

CHARLIE HEBDO (1) : POURQUOI ?

               Les assassins de Charlie Hebdo ont déjà gagné, puisqu’ils ont touché la France au cœur, nous sommes bouleversés à l’intérieur de nous-mêmes.

            C’est ce qu’ils voulaient, bien joué.

            Devant ces évènements, chercher à comprendre n’est pas vain : c’est se donner les moyens de résister intérieurement. Lire la suite

UTOPIE NAZIE, CHRÉTIENNE, ISLAMIQUE : la fin du monde

L’utopie mène l’humanité depuis ses origines, et elle la mène au chaos.

Ce qui la caractérise, c’est la volonté d’établir une société parfaite. Elle balance entre le rêve et le projet, l’imaginaire et le programme, entre u-topia (le lieu qui n’est pas) et eu-topia (le lieu du bien).

Au 6e siècle avant J.C., elle a pris en milieu juif une forme religieuse qui a marqué définitivement le destin de la planète : le messianisme (1). J’en ai retracé le parcours dans Naissance du Coran, mais nous partirons ici de son expression la plus récente, le nazisme (2). Lire la suite

ALLAH OU’AKBAR !

            Allah ou’Akbar, Dieu est grand ! D’où vient ce cri de ralliement des musulmans ?

            Il faut remonter très haut, jusqu’aux Esséniens – une secte juive dont les textes, écrits au tournant du 1er millénaire, ont été retrouvés dans les grottes de Qumrân. Lire la suite

… ET SES ENFANTS MASSACRERAS (la tuerie de Peshawar)

                   « UN SEUL DIEU TU ADORERAS

                   ET SES ENFANTS MASSACRERAS »

            Le 16 décembre, cent trente deux enfants ont été massacrés par les Talibans dans une école militaire de Peshawar. Certains de ces enfants, qui se cachaient sous des tables, en ont été extirpés pour être froidement exécutés en masse.

            « Taliban », en arabe comme en pachtoun, désigne un étudiant dans une université musulmane. C’est donc au nom d’une idéologie religieuse que les Talibans ont massacré ces enfants.

            Comment est-ce possible ? Quel « Dieu » peut-il inspirer, ou exiger, pareille horreur ?

 I. Le sacrifice humain

          Dans toutes les civilisations depuis le néolithique, il a été pratiqué afin de s’attirer les faveurs des dieux. On a récemment proposé une interprétation intéressante : ces sacrifices auraient eu pour but de canaliser la violence d’un groupe humain en la déchargeant sur l’individu sacrifié. Le sacrifice humain assurait la cohésion de ce groupe, qui se protégeait de toute « violence intérieure » en l’évacuant dans un rite sacré.

            Pendant leur exil à Babylone, les Hébreux ont condamné avec horreur les sacrifices d’enfants. On lit dans la Torah, écrite à cette époque : « [les Babyloniens] vont même jusqu’à brûler au feu leurs fils et leurs filles pour leurs dieux ! Tu ne livreras pas tes enfants au feu de Moloch, Yahvé a tout cela en abomination. » (1)

            Ils ont inscrit ce rejet du sacrifice d’enfants dans un épisode bien connu du Livre de la Genèse. Dieu demande à Abraham de lui sacrifier son fils Isaac, et Abraham est prêt à s’exécuter. Mais au dernier moment, Dieu substitue un bélier à l’enfant. Dés lors, pour se concilier les faveurs de leur Dieu, les Juifs ne sacrifieront plus que des animaux.

 II. Le martyre pour Dieu

             On lit pourtant dans le Livre des Juges le récit du meurtre de la fille de Jephté par son père (2). Mais d’abord cette fille n’est pas une enfant, elle est en âge d’être mariée. Et puis ce meurtre est l’accomplissement d’un vœu prononcé par Jephté avant une bataille : s’il est victorieux, il sacrifiera la première personne qui viendra à lui – et c’est sa fille.

            Plus tard, la Bible raconte l’histoire de ces sept enfants Juifs qui préfèrent mourir sous la torture plutôt que de manger du porc. Avant d’aller au supplice, chacun tient le même discours  : « Dieu nous ressuscitera pour une vie éternelle, nous qui mourons pour ses lois. » (3) Ce n’est pas un meurtre – ils étaient libres d’apostasier. Ce n’est pas un suicide – comme Samson ils préfèrent mourir que de se soumettre. C’est le premier témoignage dans l’Histoire d’un martyre pour Dieu, et cet épisode devenu fameux aura des répercussions inattendues.

            D’abord sur les Esséniens et Zélotes réfugiés à Massada : ils préfèreront s’entretuer, femmes et enfants y compris, plutôt que de se livrer aux Romains.

            Ensuite sur le Coran, qui fait une large place au martyre pour Dieu (4). « Ceux qui ont combattu dans le Chemin d’Allah et qui ont été tués, je les ferai entrer dans les jardins [du Paradis]. Ne croyez pas que ceux qui sont tués dans le Chemin d’Allah sont morts : ils sont vivants, comblés de biens auprès de leur Seigneur, heureux de la grâce qu’Allah leur a faite [de mourir pour lui] » (5)

            Mais dans un de ses versets, le Coran reprend l’interdiction de la Torah : « Ceux qui, dans leur folie et leur ignorance, tuent leurs propres enfants, voilà ceux qui sont perdus. » (6)

            Explicite dans le Coran, l’interdiction du meurtre d’enfants ne concerne que les enfants des croyants. Ceux des militaires de Peshawar n’étant pas les leurs, les Talibans ont considéré qu’ils ne violaient pas le Coran en les massacrant.

            Mais suivaient-ils ses préceptes ?

 III. L’humanité coupée en deux

             Je l’ai montré dans Naissance du Coran, l’idéologie qui sous-tend ce texte a pris naissance dans le judaïsme, elle s’est radicalisée au tournant du premier millénaire : c’est le messianisme, qui a imprégné le christianisme avant l’islam et inspirera bien plus tard le communisme et le nazisme.

            Les messianistes séparent l’humanité en deux : « D’un côté l’aveugle et le sourd, de l’autre le voyant et l’entendant. » (7)

            D’un côté nous, de l’autre tous les autres.

            D’un côté les bons croyants (les prolétaires, le Herrenvolk), de l’autre les mal-croyants (les capitalistes, les Untermenschen).

            Nous et les autres, nous contre tous les autres.

            Pour un messianiste, ces « autres » ne méritent pas de vivre, ce ne sont pas des êtres humains. Les supprimer est une action agréable à Dieu, puisqu’elle purifie l’humanité de leur race maudite par Dieu.

            En se disant seul choisi par Dieu, le peuple Juif a inventé la notion de pureté raciale et il l’a transmise aux messianistes. Elle a contaminé le Coran qui en fait l’ossature de sa conception de la femme (8), et le nazisme l’a explicitée en décrétant qu’il irait jusqu’à tuer les enfants des races inférieures pour les éteindre à leur source.

            Les Talibans étaient donc parfaitement cohérents avec leur messianisme. Ils respectaient le Coran : « ce ne sont pas nos enfants que nous tuons. Ce sont les enfants de ceux qui s’opposent à nous, c’est-à-dire au Chemin d’Allah. »

         Ils ont évacué leur violence en s’en déchargeant sur des petits, ils ont assuré leur cohésion en supprimant les plus faibles. Dans leur esprit, était-ce  un acte rituel, à caractère sacré ? Je ne sais. Mais Allah, béni soit son nom, ne peut qu’approuver ce massacre de 132 innocents qui ne méritaient pas de vivre puisqu’ils n’étaient pas nés du bon côté – le leur.

            Des enfants qui avaient devant eux toute une vie, des promesses divines éteintes avant même d’avoir pu commencer à se réaliser.

                                                                     M.B., 21 décembre 2014.
 (1) Deutéronome 12,31 ; Lévitique 18, 21.
(2) Livre des Juges chap. 11.
(3) 2e Livre des Maccabées, chap. 7
(4) Voyez Naissance du Coran, chap. 19.
(5) Coran 2, 218 et 9,20. Coran 3, 169.
(6) Coran 6, 140.
(7) Coran 11, 24.
(8) Voyez Naissance du Coran, p. 108.

DIEU EXISTE-T-IL ENCORE ?

Vers 1880, Nietzche écrivait : « Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c’est nous qui l’avons tué ! » (1) À peu près au même moment, Karl Marx enseignait que les religions ont été créées par des sociétés d’oppression. Dans une société moderne (socialiste) Dieu disparaîtra, tout naturellement, tout simplement, comme la branche morte d’un arbre en pleine croissance.

Depuis, ces deux penseurs ont puissamment influencé la planète. Libérées de Dieu, les sociétés pouvaient enfin vivre leur vie.

Nous les avons crus : ils avaient raison.

Eh bien non, ils avaient tort. À la fin du 20ème siècle (2) Dieu, ou plutôt la religion, a fait un retour fracassant sur la scène mondiale. Aujourd’hui, il n’est plus un journal télévisé ou radio, un quotidien ou un périodique, qui ne titre sur la religion : elle est (re)devenue un acteur incontournable de la vie politique et sociale.

Loin d’effacer Dieu de la scène, la modernité l’a fait rentrer de manière fracassante. Le mot est juste, puisque Dieu est le moteur du fracas mondial actuel.

Regardons-y de plus près.

Des religions sans Dieu

Trois religions dominent le fracas mondial : le judaïsme, le christianisme et l’islam.

Traduisez le sionisme, l’Occident et le Moyen Orient.

Trois civilisations, trois cultures qui s’affrontent dans un chassé-croisé de violences sans fin.

Dans Naissance du Coran, j’ai montré que ces trois entités culturelles avaient une même origine, une même source, le messianisme. C’est parce qu’ils sont issus d’une même matrice messianique que Juifs, occidentaux et musulmans se haïssent et se combattent.

Pourtant, ces trois cultures religieuses n’ont-elles pas le même Dieu ?

Non. Depuis Jésus, le Dieu juif n’est pas le même que le Dieu chrétien. Et le Dieu du Coran, qui puise son identité dans le judéo-christianisme, n’est pas le même que celui des Juifs et des chrétiens.

Première constatation, qui rend illusoire le ‘’dialogue interreligieux’’. Impossible de dialoguer quand, sous le même mot ‘’Dieu’’, on met trois choses différentes.

Mais il y a plus grave : dans leur expression et leur mise en œuvre, chacune de ces religions s’affiche pratiquement comme une ‘’religion sans Dieu’’.

Le sionisme ne se réfère pas au Dieu de Moïse, mais à la saga des premiers conquérants de la Palestine, Josué et ses successeurs (cliquez). Dans le Coran, les islamistes choisissent les versets brûlants qui appellent au génocide des Juifs et des chrétiens, et qui contredisent radicalement la tradition judéo-chrétienne dont ce texte est issu.

Quant aux catholiques… Les papes ne s’engagent plus que sur la morale, sexuelle ou familiale. Dieu a disparu du discours officiel de l’Église catholique.

Telles qu’elles apparaissent sur la scène du monde, les trois religions monothéistes sont sans Dieu. Des partis politiques comme les autres, engagés dans des polémiques politico-morales.

Retour de Dieu, absence de Dieu

             Ce que Jérusalem, Rome et La Mecque oublient, c’est que les sept ou huit milliards d’être humains de la planète ont tous, chevillée au corps, la même interrogation douloureuse : quel est le sens de ma vie, de nos vies ? Comment supporter la souffrance ? À part produire et consommer, qu’est-ce que je fais sur terre ? Et après cette vie fugitive, qu’y a-t-il ?

Ces questions de fond, l’immense majorité ne se les pose pas consciemment, ou même les rejette au nom de la mort de Dieu. Oubli trompeur, elles ressurgissent à la première catastrophe, à la première guerre, à chaque mort d’un être aimé.

Les religions n’y répondent plus, parce qu’elles ont oublié Dieu.

Dieu est revenu en force, mais pour opposer les humains.

Quel ‘’Dieu’’ ?

Chacun de nous est renvoyé à sa quête de sens individuelle. Chacun doit trouver, tant bien que mal, dans les placards poussiéreux de sa tradition religieuse d’origine, la trace d’un Dieu omniprésent, et omni-absent.

 

                                                                       M.B., 6 novembre 2014

 

 

(1) Le Gai Savoir

(2) On peut dater ce virage autour de 19980.

 

 

UN EXEMPLE DE foQ. La tribune de F. Gulen (post-scriptum)

La tribune publiée par M. Fethullah Gulen en page 2 dans Le Monde d’hier illustre si bien ce que j’évoquais dans l’article précédent, que je me permets d’en citer quelques phrases en guise de post-scriptum  :

La cruauté de l’EI mérite notre condamnation la plus vive

« En tant que musulman pratiquant profondément influencé par les principes de ma foi, je condamne les atrocités terribles du groupe terroriste de l’EI. Ses actions sont une honte pour la foi qu’il proclame […] La religion islamique repose sur la paix, les droits de l’homme, les libertés et l’état de droit […] Toute interprétation contraire […] est tout simplement erronée et malhonnête.

« Toute forme de violence […] ou la persécution de minorités contredit les principes du Coran […] les membres de l’EI ignorent complètement la foi qu’ils professent […] »

S’ils ignorent les principes de la foi qu’ils professent, les membres de l’EI n’ignorent rien des principes du Coran dans sa version universellement reçue. (1)

Je ne doute pas un instant de la sincérité de M. Gulen, et je salue sa prise de position : elle résume en peu de mots la pensée politiquement correcte.

Mais je m’interroge : il existe donc, quelque part, un Coran qui prêche « la paix, les droits de l’homme, les libertés et l’état de droit » ?

Où se trouve ce Coran, qui dit le contraire du Coran ?

Il faudrait en bourrer quelques containers et les envoyer d’urgence en Orient.

                                         M.B., 3 octobre 2014
 (1) voir l’article précédent

LES MUSULMANS DANS L’IMPASSE : L’APPEL DE PARIS

Depuis la décapitation d’otages occidentaux par des djihadistes au nom d’Allah, vous avez pu entendre en boucle des déclarations indignées, horrifiées, scandalisées de personnalités musulmanes comme Abdallah Zekri : « C’est une révolte que j’ai en moi, une colère, un dégoût. » Ou des musulmans déclarer que « L’islam n’a rien à voir avec cette violence, c’est une religion de paix, de tolérance, etc. » Et Dalil Boubakeur s’exclamer devant les caméras : « C’est pas ça, l’islam ! »

Si c’est pas ça, c’est quoi ? On veut comprendre.

Une seule autorité : le Coran

Contrairement aux Juifs, aux catholiques et aux protestants, les musulmans n’ont aucune organisation centrale. Leurs imams dirigent la prière des mosquées, ne dépendent d’aucune structure hiérarchique, sont autoproclamés ou nommés par une communauté qui peut les licencier à tout moment. Leur statut d’imam dépend presque toujours de considérations politiques locales.

Les musulmans ne reconnaissent qu’une seule autorité, qui fédère l’Oumma (communauté musulmane mondiale) : le Coran.

Est musulman celui qui reconnaît l’autorité du Coran et de son Prophète.

Tout musulman qui s’éloigne du Coran ou qui le remet en question s’exclut de l’Oumma, apostasie punie de mort.

Personne n’ose poser la seule vraie question : le Coran prêche-t-il la violence, oui ou non ? Si oui, aucun musulman ne peut condamner les djihadistes et leurs crimes : ils ne font que mettre le Coran en application.

Violence du Coran

Dans Naissance du Coran, j’ai montré que ce texte puise son inspiration première chez des judéo-chrétiens réfugiés en Syrie pour échapper aux persécutions à la fois des Juifs et des chrétiens. Comme le dit s. Jérôme, ces judéo-chrétiens voulaient « être à la fois Juifs et chrétiens, mais ils ne sont ni Juifs, ni chrétiens. »

Ensuite, la prédication de ces judéo-chrétiens a été amplifiée par les califes de Jérusalem, Damas et Bagdad pour justifier leurs actes de guerre et consolider leur pouvoir politique. Dans sa version finale (fin du 8e siècle ? ), le texte du Coran est le fruit de cette alchimie complexe.

Il se pose en s’opposant aux deux premières Révélations, celle de Moïse et celle de Jésus, le judaïsme et le christianisme. C’est une troisième Révélation qui contient les deux premières mais qui les dépasse, les rend caduques, inutiles, inopérantes. Maléfiques et dangereuses si l’on s’y tient. Et ceux qui s’y tiennent doivent payer tribut, ou disparaître physiquement.

Le Coran efface l’Histoire qui le précède, tout en se réclamant d’elle. Il est un commencement absolu qui reconnaît ses racines, tout en les rejetant.

« Ni Juifs ni chrétiens » : le Coran est né de cette opposition farouche. À son époque, ‘’les chrétiens’’ c’était l’Empire Romain, c’est-à-dire l’Occident : la troisième Révélation est anti-occidentale, moyen-orientale, elle est Arabe, purement Arabe.

Ainsi le Coran n’est pas seulement un livre, c’est une arme de guerre : « N’obéis pas aux non-croyants mais lutte contre eux, avec force, au moyen du Coran. » (1) Son programme c’est la guerre, et ses ennemis sont désignés dans ce que j’appelle les « Versets Brûlants » qui parsèment tout le texte. En voici quelques-uns.

Les Juifs : « Allah ne pardonnera pas aux Juifs, ils empêchent l’humanité d’aller vers Lui : ils mourront. » (2) Ou encore : « Ô vous qui pratiquez le judaïsme ! Vous prétendez être les seuls amis d’Allah, souhaitez mourir ! » (3)

Les chrétiens : « Ces impies, s’ils ne renoncent pas [à leur foi], un châtiment terrible les atteindra. » (4) Et encore : « Les chrétiens disent que le Messie est le Fils de Dieu. Qu’Allah les tue ! Comme ils sont stupides ! » (5)

Tous les non-musulmans : « Ceux qui ne croient pas en Allah et son Prophète, Allah a préparé pour eux un châtiment horrible ! » (6) Ou encore : « On taillera aux incroyants des vêtements de feu, on versera sur leurs têtes de l’eau bouillante qui brûlera leurs entrailles et leur peau. Des fouets de fer seront préparés à leur intention. » (7) Ou bien : « Ceux qui font la guerre à Allah et son Prophète seront tués ou crucifiés, leur main droite et leur pied gauche seront coupés. » (8)

Bref, « saisissez-les, tuez-les partout où vous les trouverez. » (9)

Les djihadistes trouvent dans ces Versets Brûlants la justification pleine et entière de leurs actes monstrueux. Pour eux ce ne sont pas des crimes, ils ne font qu’obéir aux ordres d’Allah.

Et ils le disent.

La décapitation ? Elle n’est pas prescrite explicitement, mais un verset séparé de son contexte peut la laisser à entendre : « Quand vous rencontrez des non-croyants, frappez-les à la nuque jusqu’à ce que vous les ayez abattus. » (10)

Le messianisme : l’humanité séparée en deux

Bien qu’ils soient nombreux, la violence du Coran ne réside pas d’abord dans ces Versets Brûlants : elle vient de ce qu’il sépare l’humanité en deux. À l’origine du monde, « Les hommes formaient une seule communauté» (11), mais maintenant « ils se séparent en deux groupes : d’une part l’aveugle et le sourd et de l’autre, le voyant et l’entendant » (12)

D’une part ceux qui se soumettent au Coran, d’autre part… tous les autres.

Cette idéologie terrifiante, qui sépare l’humanité en deux groupes irrémédiablement opposés l’un à l’autre, elle a un nom, c’est le messianisme.

Dans Naissance du Coran, j’ai retracé l’origine du messianisme qui fut juif avant d’être radicalisé par les Esséniens, fut repris par la chrétienté pendant des siècles et structura le communisme puis le nazisme. Une idéologie qui a tracé un long sillon de sang et d’horreur sur notre planète. Qui se retrouve aujourd’hui chez les sionistes israéliens (soutenus par les néoconservateurs américains). Et chez les djihadistes, qui ne font qu’appliquer le programme messianique du Coran.

Le messianisme c’est la guerre au nom de Dieu, le combat du djihad.

Les musulmans qui prétendent que dans le Coran le mot djihad désigne le combat intérieur, la lutte spirituelle du croyant contre les démons de l’âme, ceux-là se voilent la face : « Prophète, combats les non-croyants et les chrétiens, sois durs envers eux. » (13)

Deux versets pacifistes ?

             Après la décapitation d’Hervé Gourdel Abderrahmane Dahmane, président du Conseil des démocrates musulmans, écrit dans La Croix que « les imams liront des passages du Coran qui interdisent de tuer un être humain.  »

Il fait allusion à deux versets qui demandent une explication. Le premier, « Dieu avait décrété, pour les Juifs : ‘’Quiconque tuera un homme qui lui-même n’a pas tué ou semé la violence sur terre, ce sera comme s’il avait tué tous les hommes. Et quiconque sauve un seul homme, ce sera comme s’il avait sauvé tous les hommes’’. » (14) On trouve ici un souvenir de la grande tradition du judaïsme ancien, une citation du Talmud de Babylone (15) que les judéo-chrétiens connaissaient et respectaient. Mais vous avez bien lu : « Dieu avait décrété pour les Juifs ». Ni juif ni chrétien, le Coran se démarque de ses origines, cette prescription qui s’appliquait aux Juifs n’a plus de valeur pour les disciples de la troisième Révélation.

L’autre verset, « Ne tuez pas votre semblable qu’Allah a déclaré sacré, sauf pour une juste raison » (16) fait allusion à la loi juive du talion. Il est rédigé de telle façon qu’un djihadiste trouvera toujours une « juste raison » de tuer – sa haine de l’Occident.

Isolés dans le Coran, ces deux versets tout droit venus du judaïsme ne font pas le poids face aux dizaines de Versets Brûlants qui parsèment le texte. Et qui mettent périodiquement le feu à la planète.

L’Appel de Paris : les musulmans dans l’impasse

Les musulmans « modérés » ou « libéraux » se trouvent donc dans une impasse douloureuse. En témoigne l’Appel de Paris publié le 9 septembre 2014 par Dalil Boubakeur, Recteur de la Grande Mosquée de Paris, président du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM), conjointement avec un panel de personnalités musulmanes françaises. Je cite :

« Le monde assiste à une flambée inégalée d’extrémisme et de violence au Moyen-Orient, qui instrumentalise l’islam… [Nous dénonçons] sans ambiguïté les actes terroristes qui constituent des crimes contre l’humanité et déclarons solennellement que ces groupes, leurs soutiens et leurs recrues ne peuvent se prévaloir de l’islam.

« Ces agissements d’un autre âge… ne sont fidèles ni aux enseignements ni aux valeurs de l’islam.»

Mais ils sont parfaitement fidèles aux enseignements du Coran.

            Et le Ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve est soit hypocrite, soit ignorant quand il déclare que cet appel « témoigne de la capacité des cultes à se rassembler autour des Droits de l’Homme et des valeurs de la République. Il constitue un démenti apporté à ceux qui s’efforcent d’établir des amalgames entre le terrorisme et la religion musulmane. »

Droits de l’Homme, valeurs républicaines dans le Coran ? On croit rêver. Quand au démenti de l’amalgame, c’est l’habituel refrain politiquement correct de ceux qui nous enfument.

Pleins de bonne volonté, les signataires de l’Appel de Paris confessent que les ‘’crimes’’ djihadistes sont des « agissements d’un autre âge » : en effet, c’est l’âge du Coran, l’autorité unique et suprême de l’islam.

Rêvent-ils à l’établissement d’un islam non-coranique ? Alors, leur Appel aurait dû être rédigé autrement. Par exemple :

« Nous dénonçons sans ambiguïté les nombreux passages du Coran qui appellent au génocide des Juifs et des occidentaux. Nous dénonçons l’optique générale du Coran, qui divise l’humanité en deux factions opposées. Nous reconnaissons que l’humanité est une, et que les humains doivent se respecter et s’entendre, au lieu de se combattre à mort comme le préconise le Coran. »

Mais ceci, jamais ils ne le déclareront.

                                                            M.B., 2 octobre 2014

Pour en savoir plus, lisez

NAISSANCE CORAN 1COUV

            (1) Coran 25, 52.
            (2) Coran 47, 34. Dans ce verset, le Coran appelle les Juifs « les recouvreurs ».
            (3) Coran 62, 6.
            (4) Coran 5, 73.
            (5) Coran 9,30.
            (6) Coran 4, 150.
            (7) Coran 22, 19-21.
            (8) Coran 5, 33.
            (9) Coran 4, 89.
            (10) Coran 47, 4.
            (11) Coran 2, 213.
            (12) Coran 11,24.
            (13) Coran 9, 73 et 66, 9. Dans ce verset, le Coran appelle les chrétiens « les hypocrites».
            (14) Coran 5, 32.
            (15) Mishna Sanhedrin 4, 5. Talmud de Babylone, Kiddushim 1.
            (16) Coran 17, 33.

JÉSUS ET MAHOMET ONT-ILS EXISTÉ ?

NAISSANCE CORAN 1COUV

Qui se cache derrière les personnages-clé de l’Histoire ? Ont-ils été transformés par leurs hagiographes (1) à tel point, qu’on ne peut plus rien connaître de leur réalité humaine, psychologique, affective, et qu’on se demande s’ils ont vraiment existé ?

Saint Louis

Le monumental Saint Louis de Jacques Le Goff se présente comme un exercice d’école de la ‘’Nouvelle Histoire’’. Neuf cent pages, au fil desquelles l’auteur finit par se demander « s’il pourra un jour accéder à cet individu. »

Il divise son livre en deux parties :

1- Une biographie linéaire classique d’après les sources qui sont nombreuses. Linéaire c’est-à-dire chronologique, depuis la naissance jusqu’à la mort du roi.

2- Ces sources, il les reprend de façon transversale par grands thèmes : le roi chrétien, le roi « national », exemplaire, biblique, miroir des princes, le roi des lieux communs  etc. Autant de points de vue différents, d’angles sous lesquels il cherche à cerner la personnalité de saint Louis pour l’atteindre au-delà des portraits convenus, politiques ou hagiographiques, tous animés par le même objectif : se servir de cet homme pour en faire l’icône fondatrice d’un mythe national.

Véritable archéologie des textes, la méthode transversale est laborieuse, elle n’évite pas les répétitions. Mais en faisant ressortir et en confrontant  les strates successives d’une personnalité, elle parvient à atteindre l’homme derrière sa légende.

Au mi-temps de sa fouille, Le Goff en vient à se demander : « Saint Louis a-t-il existé ? » Le lecteur qui l’a suivi jusque là comprend bien qu’il ne remet pas en cause l’existence (indéniable) d’un homme devenu saint Louis, mais qu’il peine à exhumer l’identité humaine de celui qui fut un individu avant d’être un symbole national, un homme « singulier » avant d’être livré à la pluralité des appétits idéologiques.

Jésus

Parce qu’il est lui aussi devenu l’icône fondatrice et l’étendard d’une civilisation, c’est en termes semblables que se pose la question pour Jésus. Qu’il ait vraiment existé, personne n’en doute, les témoignages indépendants permettent de s’assurer qu’il y a bien eu en Palestine, au 1er siècle de notre ère, un homme Jésus. Mais qui était-il ? Transformé en Christ et Dieu, n’a-t-il pas disparu, écrasé sous le poids d’une chrétienté qui a dominé le monde grâce aux transformations qu’elle a fait subir à son image ?

Derrière les idéologies officielles, qu’a-t-il vraiment fait (ses gestes) et qu’a-t-il vraiment dit (son enseignement) ?

Paru en 2001, Dieu malgré lui a voulu répondre à la première question, celle de l’identité de Jésus. Lui aussi, ce livre est divisé en deux parties distinctes. La première est une biographie linéaire critique, depuis la rencontre avec Jean-Baptiste jusqu’au tombeau vide (suivant donc Marc plutôt que Matthieu et Luc), avec une extension dans les quelques années qui ont suivi – les débuts de la légende.

Comme le souligne Le Goff, ce genre de biographie linéaire se heurte toujours au problème du temps, c’est à dire de la succession des événements, la chronologie des faits. Je savais que les évangiles ont été rédigés à partir de souvenirs transmis oralement puis organisés suivent une chronologie artificielle, qui n’est d’ailleurs pas la même chez les synoptiques (2) et chez Jean. J’ai cédé à la facilité en suivant cette chronologie plus ou moins inventée, parce que mon objectif était d’établir l’identité de Jésus. L’ordre dans lequel se sont déroulés les moments de sa vie m’a semblé secondaire, d’autant plus qu’alors je le croyais introuvable.

Depuis, j’ai appris les avancées considérables initiées par P. Périer, Fr Guigain, E.M. Gallez (3) : s’attachant à retrouver l’original araméen derrière le texte grec des évangiles, ils ont identifié des « colliers », unités de récits d’abord transmis oralement puis enfilés comme des perles, dont on commence à reconstituer la succession dans le fouillis du texte. Découverte qui bouleverse totalement l’exégèse classique des évangiles, telle que je l’ai apprise et la pratiquais encore à l’époque de Dieu malgré lui.

Après la biographie linéaire, je propose d’appliquer en 2e partie la méthode transversale chère à Le Goff. Mais de façon tout à fait originale : au lieu de dégager des strates à l’intérieur d’une même tradition de mémoire et de textes, j’ai mis en contact deux traditions totalement étrangères l’une à l’autre. Dans les écrits bouddhistes du Tipitaka j’ai identifié les descriptions de l’Éveil esquissées par Siddhârta Gautama lui-même, pour interroger à cette lumière la vie et la mort de Jésus. Au soir de sa capture avait-il atteint l’Éveil, cette étape ultime de l’accomplissement humain selon le Bouddha ?

Le résultat est surprenant, au point que j’ai intitulé cette 2e partie Un Bouddha juif. Oui, dans ce que nous savons de lui par les évangiles, Jésus a bien manifesté tous les signes extérieurs de l’Éveil tel que le décrit Siddhârta. L’une des conséquences, c’est que la résurrection apparaît alors commeune construction de l’esprit inutile et encombrante. Pour Siddhârta « Rien ne disparaît, tout se transforme » : comme chaque être vivant, en mourant Jésus a transité, si j’ose dire, d’une forme de vie à une autre. Éveillé, il est passé directement de sa vie terrestre à une forme de vie dont nous savons peu de choses, parce qu’elle se déroule dans un autre espace-temps que le nôtre. Puisqu’il n’a pas cessé de vivre, la méditation nous donne les moyens de le rencontrer, au-delà des mots.

Ce portrait transversal inédit me donnait accès à une identité de Jésus, affranchie des empilements théologiques chrétiens successifs qui m’apparaissaient de plus en plus invraisemblables et absurdes.

Après son identité (ce qu’il a vraiment été), je voulais extraire des textes son enseignement (ce qu’il a vraiment dit). Les synoptiques témoignent qu’à ses débuts il n’a fait que répéter l’enseignement de Jean-Baptiste, pour passer tout d’un coup à un ensemble de paroles et d’affirmations totalement personnelles et originales. Aucune étape, aucune évolution intérieure, aucune maturation perceptible entre ce début et cet accomplissement. Comme si Jésus, un beau jour, avait brusquement sorti de sa tête un enseignement révolutionnaire tout cuit d’avance.

J’étais convaincu qu’il a, comme chacun de nous, découvert et mûri peu à peu sa pensée au fil des événements qui bousculaient sa vie. Je me suis tourné vers l’évangile dit selon saint Jean : avec L’évangile du treizième apôtre (2013) j’ai pu identifier quelques repères chronologiques fermes dans la vie du Galiléen. Autour de ces points fixes, pour écrire les Mémoires d’un Juif ordinaire j’ai imaginé de laisser parler la mémoire de Jésus à la veille de sa capture. Subterfuge qu’aurait désavoué Le Goff, qui me permettait pourtant l’approche globale qu’il préconise, nos mémoires nous présentant les événements de notre passé dans un ordre qui n’est pas chrono-logique mais émotionnel.

Au terme de ces travaux, Jésus avait une identité et une parole propres : il existait.

Mahomet

Pourquoi, dans la foulée, m’intéresser à cet homme autour de qui s’est constitué une autre tradition que la mienne, avec son histoire, ses penseurs, ses exégètes, dont je savais peu de choses ?

Parce qu’au cours de mes travaux j’avais rencontré une secte juive, les nazôréens, dont j’ai cru que Jésus avait fait partie. Et que je les retrouvais, souvent cités, dans le texte du Coran. Il y avait donc un lien entre les débuts du christianisme et ceux de l’islam. La signification et la portée du Coran concernaient les chrétiens autant que les musulmans.

Pendant 10 ans, j’ai mené en parallèle une recherche sur ce texte, avec les méthodes de l’exégèse historico-critique qui me sont familières et se montraient si efficace pour la restitution de l’homme-Jésus derrière l’icône du Christ-Dieu.

Dans cette étude du Coran j’ai fait abstraction de la tradition qui a voulu, dès les origines, obliger les croyants musulmans à le lire et à le comprendre en fonction des objectifs politiques d’une nouvelle civilisation conquérante, l’islam.

Selon la légende unique et immuable, ‘’Mahomet’’ serait l’auteur de ce texte, ou plutôt son réceptacle. Pour découvrir qui était cet homme, j’imaginais trouver des sources aussi nombreuses et exploitables que celles qui m’ont permis de retrouver l’identité de Jésus, qui ont permis à Le Goff d’approcher celle de saint Louis.

Je me trompais. Il n’y avait que des biographies calquées sur celle d’Ibn Hichâm, mort deux siècles après ‘’Mahomet’’ et brodant à l’infini sur des légendes tirées d’une tradition orale incontrôlable, les Hadîts et la Sîra. Quelques témoignages, indépendants de ce carcan historiographique immuable, n’apportaient rien sur l’homme, son enfance (réelle), sa vie familiale (réelle), son évolution (réelle) – bref, sur l’individu qu’il fut.

Aucune biographie linéaire digne de ce nom n’était possible, et aucune approche transversale. J’étais condamné au texte du Coran, lui-même souvent incompréhensible.

Pourtant, à l’origine du réveil arabe du 7e siècle et de son expansion fulgurante, il y a bien eu un guerrier arabe charismatique, réputé illettré. Comme le veut la tradition, a-t-il dicté ce texte à ses compagnons, est-il le Sceau des Prophètes, l’initiateur d’une religion plus parfaite que les autres, d’une civilisation meilleure que les autres ? Mais alors comment expliquer les incohérences du texte, ses emprunts à la littérature juive des Talmuds (4), à une Bible et des évangiles apocryphes (5) étranges ? Comment surtout expliquer la violence qui parcourt ce texte, ses appels au génocide de tout non-musulman – nommément, les Juifs et les chrétiens ?

J’ai tiré le fil conducteur des nazôréens, et toute la pelote est venue.

Le résultat c’est, pour la première fois, une explication raisonnée et raisonnable de la naissance du Coran et des origines de sa violence.

Mahomet a-t-il existé ?

Si l’on s’en tient aux termes fixés par Le Goff, non.

Entendons-nous : le guerrier arabe des origines a bien existé, mais il a disparu sous l’épais manteau de traditions musulmanes qui sont devenues intouchables, au point que toute étude du Coran indépendante de ces traditions est interdite aux musulmans. La personne, la personnalité, l’identité humaine de ce guerrier devenu LE prophète sont mis hors-jeu et hors d’atteinte par un formidable barrage idéologique, dont les musulmans sont imprégnés dès leur naissance.

Par la force des choses, Naissance du Coran s’en tient donc au texte, rien que le texte du Coran tel qu’il nous est parvenu, et au contexte historique du Proche-Orient au 7e siècle, qui nous est bien connu.

Jusqu’à présent, les musulmans sont piégés par un cercle vicieux : les obscurités du Coran ont été expliquées par la tradition, et la tradition a été fabriquée à partir du Coran. Peut-être, un jour, tenteront-ils une véritable confrontation transversale des Hadîths et de la Sîra avec le texte sacré et ses sources ?

Tant que les musulmans seront étranglés par les anneaux de ce serpent qui se mord la queue, ils resteront prisonniers de la violence qui imprègne le Coran. Prisonniers d’une impasse qui les condamne à l’obscurantisme, et conduit certains d’entre eux au fanatisme.

Il a fallu trois siècles à la chrétienté  pour se dégager du même cercle vicieux, qui l’étouffait tout autant. Puissent les musulmans s’y mettre rapidement : c’est la paix mondiale qui est en jeu.

                                                                                 M.B., 10 juillet 2014

(1) Hagiographe : auteur des « Vies des Saints » de l’antiquité et du Moyen âge.

(2) Synoptiques : les trois évangiles de Marc, Matthieu et Luc.

(3) Présentés dans le site http://eecho.fr et l’adresse contact@eecho.fr

(4) Talmuds : Volumineux commentaires rabbiniques de la Bible écrits au 5e siècle après J.C.

(5) Apocryphe : Évangiles folkloriques écrits au 2e et 3e siècle, rejetés par l’Église.

UN ROMAN SUR LA NAISSANCE DU CORAN : « La Porte du Messie » de Philip Le Roy

Mon essai Naissance du Coran, aux origines de la violence, est paru il y a deux mois, mais il m’a fallu dix années d’étude, de travail et de tâtonnements pour l’écrire.

Exactement au même moment paraissait le roman de Philip Le Roy, La Porte du Messie (Cherche Midi). Aucun plagiat possible, et aucun contact entre les deux auteurs, qui ne se connaissaient pas et travaillaient chacun de son côté.

Je viens de lire La Porte du Messie. Et j’ai eu l’heureuse surprise d’y trouver une documentation solide : Le Roy a puisé aux mêmes sources que moi, les orientalistes allemands et quelques spécialistes francophones de haut vol, dont Édouard-Marie Gallez.

Il a eu la bonne idée de présenter les résultats de ces recherches érudites sous la forme d’un thriller de facture classique, comme je l’avais fait dans Le Secret du Treizième Apôtre pour présenter la recherche récente sur l’homme Jésus.

Un tabou brisé

Le Roy n’hésite pas à briser le tabou des origines de l’islam, malgré l’interdit farouche du monde musulman relayé par la complicité des médias occidentaux (1). Le Coran n’est pas une révélation divine descendue du ciel sur un visionnaire arabe, Muhammad, mais une série de lectionnaires liturgiques syriaques repris, amplifiés et modifiés pendant un siècle par les califes de Jérusalem et Damas pour établir leur pouvoir politique. Dans Naissance du Coran, j’ai montré en détail la façon dont cette manipulation s’est opérée, avec ses conséquences dévastatrices sur la paix mondiale.

La recherche sur ce sujet est si récente et si confidentielle que les hypothèses sont nombreuses, et Le Roy en adopte quelques-unes qui me semblent particulièrement fragiles – par exemple que La Mecque serait en Syrie, ou que Waraqua, nazôréen et cousin légendaire de Muhammad, serait l’auteur d’un proto-Coran, un texte écrit par lui avant que les califes ne s’en emparent pour le trafiquer. N’empêche, dans ce roman, l’essentiel est dit – auprès duquel ces détails relèvent de querelles d’experts.

Un thriller

J’en ai fait l’expérience avec Le Secret du Treizième Apôtre, un roman d’action est la meilleure façon de faire passer au grand public des vérités qui dérangent.

Le Roy construit autour de ces vérités chuchotées par quelques chercheurs un thriller plaisant, avec une intrigue qui maintient le lecteur en alerte. On lui pardonnera quelques invraisemblances – une lézarde des remparts de Jérusalem, provoquée par un tremblement de terre, qui permet au héros de passer à travers les murs, ou bien ce héros recevant une balle qui traverse son crâne sans lui faire perdre ni sa conscience, ni son sourire… Cela importe peu au regard d’une action bien menée et des informations qu’elle contient sur l’origine du Coran, secret jalousement gardé par les dirigeants musulmans comme par les fondamentalistes américains, sans parler du rôle des nazis dans l’émergence du fondamentalisme islamique.

Tout cela est parfaitement exact, je le signale en note dans Naissance du Coran et l’ai développé dans des articles déjà anciens de ce blog (2).

Une convergence encourageante

Mes lecteurs savent quels obstacles j’ai rencontré pour la publication de Naissance du Coran, aucun « grand éditeur » n’acceptant de prendre le risque de publier cet essai pourtant apaisé et scientifiquement solide.

La parution, au même moment, de deux ouvrages destinés au grand public, convergents malgré l’absence de contact entre les auteurs, relève de la pure coïncidence. J’y vois un encouragement : il a fallu trois siècles pour que la laïcité s’enracine en France, trois siècles de douloureux affrontements. Comme Naissance du Coran, Le roman de Philip Le Roy ose enfin poser les termes d’un débat que le monde musulman va devoir un jour affronter et mener à terme, s’il veut enfin être en paix avec lui-même et avec le reste du monde.

M.B., 6 juillet 2014

(1) Voir dans ce blog les articles sur la Pensée Unique et sur Naissance du Coran (tapez à droite les mots-clés)

(2) Vous les trouverez en tapant à droite le mot-clé Messianisme.

LAÏCITÉ À LA FRANÇAISE ET ISLAM : L’ÉCHEC

Les musulmans peuvent-ils s’insérer dans un état laïc comme la France ? Peut-il y avoir un « islam de France » ?

Naissance de la laïcité en France

On connaît les étapes au cours desquelles le principe de laïcité a fini par s’imposer, douloureusement, à la société française. Le mouvement des Lumières, aboutissant à la constitution Civile du Clergé en 1790. Robespierre tentant de remplacer en 1794 le catholicisme par le culte de l’Être Suprême. La révolte des provinces, notamment les Chouans et les Vendéens. Bonaparte reprenant les choses en mains par le Concordat de 1801. Le retour en force de l’Église à partir de 1815, la reprise des hostilités sous la 3e République, la nouvelle révolte des catholiques lors de la séparation de l’Église et de l’État en 1905…

Il a fallu la boucherie de 14-18 pour que la République reconnaisse, tacitement, le retour de catholiques qui avaient généreusement versé leur sang dans les tranchées. Puis la Résistance de 1940-44, où des prêtres et des communistes avaient lutté fraternellement, côte à côte. Pour que finalement, en 2005, l’Église de France soit la première à souhaiter que rien ne soit changé aux lois qui l’avaient tant révoltée cent ans plus tôt. Reconnaissant que sa séparation d’avec l’État lui convenait parfaitement, qu’elle garantissait à la fois la liberté religieuse et la paix civile dans un pays déchiré par la question religieuse depuis 400 ans.

Deux siècles pour parvenir à une laïcité apaisée, bienfaisante.

Ou plutôt trois siècles, si l’on compte le 18e siècle au cours duquel l’idée même de séparation du religieux et du profane a lentement mûri chez les élites.

Trois siècles pour que cette révolution idéologique, d’abord imposée par la force, soit consentie par l’ensemble des français qui ont fini par voir dans ce consensus leur bien le plus précieux.

Comprenons bien : la révolution laïque n’a été rendue possible que parce qu’elle avait été précédée par une révolution idéologique, la raison acquérant sa juste place aux côtés de la foi. Cet équilibre entre raison et foi, il avait été initié par Thomas d’Aquin – mais on était alors au 13e siècle, l’Église et les États européens ne faisaient encore qu’un. Il a fallu Descartes, puis les philosophes du 18e siècle, pour demander et exiger que la raison (le pouvoir public) et la foi (le pouvoir de l’Église) fassent chambre à part.

Jésus et la laïcité

La chrétienté occidentale aurait pu pourtant s’épargner ces longs siècles de tâtonnements, de confrontations violentes et de révolutions, si elle avait tout simplement appliqué l’enseignement de Jésus.

Rappelons qu’à son époque, non seulement pouvoir civil et pouvoir religieux ne faisaient qu’un, mais l’empereur était divinisé, et son culte obligatoire dans tout l’Empire romain. En Palestine, les Juifs avaient obtenu un statut spécial, le pouvoir religieux était double. Celui du divin César, obligatoire. Et celui du Sanhédrin, toléré par l’occupant romain qui lui laissait l’application des lois religieuses propres au peuple juif, notamment le droit d’exécuter les blasphémateurs et les adultères par lapidation.

Lorsque des théologiens juifs demandent à Jésus s’il convient à un Juif de se soumettre au pouvoir (religieux) de César, sa réponse surprend tout le monde tant elle est révolutionnaire dans ce contexte : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » Personne dans l’Empire n’avait jusque là osé pareille séparation des pouvoirs, et aucun Juif ne pouvait s’y risquer : c’est cette réponse qui a valu à Jésus d’être définitivement brûlé aux yeux du clergé juif, appuyés en l’occasion par les nationalistes Zélotes pour qui « rendre quoi que ce soit à César » était une provocation, un scandale et un crime envers Israël (1).

Distinguer les deux pouvoirs, rendre à chacun ce qui lui est dû dans l’autonomie de leurs sphères respectives, c’est exactement le point d’équilibre auquel la société française est parvenue. Pourquoi l’enseignement de Jésus n’a-t-il pas été suivi dès le début, nous épargnant tant de violences ?

Parce que 30 ans après Jésus, Paul de Tarse a déclaré que le chrétien devait se soumettre à ceux qui détiennent un pouvoir dans la société civile. Et parce qu’en 381-90, la religion chrétienne est devenue religion officielle de l’Empire. De persécutés, les chrétiens sont devenus persécuteurs, le trône de Pierre s’est identifié assez vite au trône de l’empereur. Jusqu’à ce qu’Alcuin, théologien de Charlemagne, élabore la théorie du souverain de droit divin.

On était alors au 8e siècle. C’était le moment où le Coran s’écrivait, pour lequel pouvoir religieux et politique ne font qu’un.

Au même moment, deux sociétés (musulmane et chrétienne) allumaient chacune une bombe qui, depuis, n’a pas cessé d’exploser.

Le messianisme coranique et le pouvoir

Dans Naissance du Coran, aux origines de la violence, je décris l’idéologie messianique dont sont nés à la fois le judaïsme, le christianisme et le Coran : je vous renvoie à ce petit livre, paru chez l’Harmattan, et à la conférence que je viens de donner à ce sujet. Vous y verrez que « pour les messianistes, religion et pouvoir n’ont jamais fait qu’un. Dans le Coran, tout appartient à Dieu, corps, âmes et biens, le passé, le présent comme l’avenir. Il ne distingue pas le matériel du spirituel, tout revient à Allah. Il veut accoucher d’un Homme Nouveau, dans une société totalement soumise à une Loi divine.»

Autrement dit, s’ils suivent le Coran les musulmans en sont encore à l’union-fusion des deux pouvoirs, religieux et civil, qui prévalait en Occident avant le 18e siècle.

« S’ils suivent le Coran » : car là est pour eux aujourd’hui toute la difficulté. Certes, la majorité des musulmans, tout comme nous, n’aspire qu’à vivre en paix. Certes, les musulmans français voient ce qu’est une société apaisée par la laïcité. Certes, ils sont comme nous horrifiés par la violence des djihadistes. Mais au nom de quoi peuvent-ils les condamner ? Car musulmans pacifiques comme fanatiques se réclament du même texte, le Coran. Lequel appelle clairement et de façon répétée les croyants à l’extermination des non-croyants, Juifs et chrétiens.

Parce qu’il est messianiste, le Coran divise l’humanité en deux : nous, les mouslims (soumis au Coran) et les autres, tous les autres. Lesquels n’ont qu’un seul choix : se convertir, être mouslims (soumis au Coran) – ou disparaître physiquement.

C’est seulement quand ils auront accompli la révolution idéologique entreprise chez nous au 18e siècle, que les musulmans pourront être en paix. En eux-mêmes d’abord, puis avec le reste de la planète.

Échec de la laïcité

Notre laïcité à la française suppose que les deux partis, le religieux et le civil, parlent le même langage. Qu’ils parviennent à un accord pour cheminer côte à côte, sans se mélanger, sans empiéter l’un sur l’autre, sans se faire concurrence. Un consensus dans la pensée d’abord, dans les faits ensuite : respectés par le pouvoir, les croyants occidentaux respectent le pouvoir. Chacun chez soi.

Ce consensus, c’est une tragique illusion que de vouloir l’appliquer à une religion qui ne reconnaît qu’une seule autorité ultime, s’appliquant à tous : le Coran. Les mots n’ont pas le même sens, nos lois si difficilement acquises ne s’appliquent pas aux musulmans extrémistes. Ils ne les reconnaissent pas, ne les acceptent pas.

Comment jouer au foot quand une équipe applique certaines règles du jeu, règles que l’équipe d’en face rejette pour en appliquer d’autres ?

Vous connaissez la Pensée Unique, obligatoire, ressassée à longueur d’ondes. Par exemple Manuel Valls tout récemment : « C’est toute une nation qui dit que l’islam a toute sa place en France, parce que l’islam est une religion de tolérance, de respect, une religion de lumière et d’avenir (2). »

C’est stupéfiant. M. Valls oublie de dire que le Coran s’impose à tout musulman. Et semble ignorer que le Coran n’est ni tolérant, ni respectueux (des non-croyants, des femmes). Qu’il n’a pas été écrit par les philosophes des Lumières, mais sous l’impulsion de califes imprégnés de messianisme. Et qu’il ne propose aux habitants de la planète qu’un seul avenir : se soumettre au Coran et appliquer la Charia, ou disparaître.

Manifestement, M. Valls ne sait pas de quoi il parle. Il devrait demander à l’un de ses conseillers de lire mon petit livre, et quelques-uns des ouvrages dont je donne la référence – travaux de chercheurs dont j’ai fait mon miel pour écrire Naissance du Coran.

La schizophrénie est une maladie grave, pratiquement sans traitement.

Mais nos politiciens & journalistes ont-ils d’autre choix que de nous entretenir dans la schizophrénie, affirmant d’un côté une chose dont ils savent (ou devraient savoir) d’un autre côté qu’elle n’existe pas ?

Il n’y a pas, il n’y aura jamais d’islam de France, car il ne peut pas y avoir d’islam non-coranique. Puissent nos amis musulmans, qui doivent souffrir autant que nous de cette schizophrénie, commencer un jour la révolution idéologique que nous avons entreprise, avec tant de mal, il y a 3 siècles.

Leur paix intérieure, et la paix du monde, est à ce seul prix.

                                                M.B., 2 juillet 2014

(1) Voyez Jésus, mémoires d’un Juif ordinaire (Dans le silence des oliviers), Albin Michel & Livre de poche 2011.

(2) Déclaration à l’issue de sa visite à l’Institut du Monde Arabe, publiée dans Le Parisien du jeudi 26 juin 2014.