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JÉSUS ET LES ESSÉNIENS (J.P. Meier III)

          Les travaux de l’exégète américain permettent d’y voir clair sur une question longtemps disputée : Les relations entre Jésus et les esséniens.

I. JÉSUS A-T-IL ÉTÉ ESSÉNIEN ?

          Après la découverte des manuscrits de la mer Morte, certains ont pu le penser. La réponse est maintenant indiscutable : c’est non.
          L’un des arguments des « pour » était la proximité entre Jésus et Jean-Baptiste. Il est possible (bien que non assuré) que le Baptiste ait fait un séjour de formation à Qumrân avant de prendre son autonomie : rien ne permet de dire que Jésus en aurait fait autant. 

          J’ai émis l’hypothèse (cliquez) que, lorsque le quatrième évangile témoigne que Jésus se retire à deux reprises « au désert », c’était pour bénéficier – à deux moments-clé de sa vie – de l’hospitalité bienveillante des « hommes en blanc » qui y vivaient en communautés.
          Ce qui rend cette hypothèse possible, c’est que les esséniens sont le seul groupe de pression juif auquel Jésus semble dans les évangiles ne s’être jamais affronté frontalement – à la différence des Pharisiens de Jérusalem, des Sadducéens (gestionnaires du Temple), des Zélotes (fondamentalistes terroristes) ou des Hérodiens (collaborateurs).

          Dans ses tomes III et IV, Meier étudie en détail les points de contact entre Jésus et les esséniens. Des similitudes apparaissent, comme l’attente d’une fin du monde imminente, le rejet du Temple et de son culte, le célibat (cliquez) , le choix d’une vie pauvre et la critique de la richesse…
          Mais, même dans ces domaines-clé de la pensée et de la vie quotidienne, Jésus n’apparaît pas comme un disciple-perroquet des esséniens : les nuances qu’il apporte à leur enseignement montrent que son horizon était manifestement autre et plus vaste que celui des sectaires de Qumrân.

          Les différences sont nombreuses. La principale porte sur les relations avec le « prochain » : les esséniens prescrivaient l’amour des « frères », c’est-à-dire des membres de leur secte, et la haine de tous les autres, qu’ils considéraient comme des ennemis. Lorsque Jésus enseigne « Vous avez appris qu’il a été dit : tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Et moi, je vous dis : aimez vos ennemis… » (Mt 5,43 et //) il cite clairement les esséniens et s’oppose frontalement à eux.
          D’autres différences étaient mieux perçues par ses auditeurs que par nous, comme par exemple l’usage de l’argent (à ne pas confondre avec la richesse individuelle) : Jésus semble s’être fort bien accommodé du système « capitaliste » en vigueur à son époque. Il a été soutenu financièrement par de riches compatriotes, et n’hésitait pas à partager la table de certains d’entre eux, considérés comme impurs même par les juifs ordinaires, etc.

          Au total les différences – et parfois les oppositions tranchées – entre Jésus et les esséniens sont plus importantes, et plus significatives, que les ressemblances.
          Cette constatation permet d’aller plus loin, et de proposer une hypothèse que Meier n’envisage pas – ou du moins, pas directement.

II. CERTAINS DISCIPLES DE JÉSUS ESSÉNIENS ?

          Il est frappant de noter que la seule organisation créée autour de lui par Jésus semble avoir été calquée sur celle de la communauté de Qumrân : un groupe de douze hommes, dont trois (Pierre, André et Jean) émergent. Certes, les « trois » étaient à Qumrân des prêtres : il n’empêche, ces trois-là semblent avoir été distingués des autres par Jésus lui-même.
          Quand Jésus envoie ses disciples en mission, les consignes qu’il leur donne sont celles qui régissaient les esséniens en voyage – sauf le refus de toute hospitalité autre que celle des membres de la secte.
          Enfin, lors de son dernier repas, la « Cène », il n’a pas suivi le rituel de la pâque juive (là-dessus, tout le monde s’accorde), mais celui du repas solennel des esséniens : Jeremias laissait ouverte cette possibilité, que Meier rejette. Elle me paraît maintenant évidente.

          Pourquoi Jésus, qui critiquait nombre de positions esséniennes, aurait-il adopté quelques-unes de leurs pratiques (organisation communautaire, voyages, repas) ?
          Mon hypothèse est que, si lui avait pris toutes ses distances avec une secte à laquelle il n’a jamais appartenu, ses disciples en revanche (certains d’entre eux) avaient été assez proches de la secte pour qu’il adopte, à leur intention, quelques coutumes esséniennes.
          Cela expliquerait que ces disciples, pris au dépourvu par la tournure désastreuse des événements qui conduisirent rapidement leur maître à la crucifixion, aient fait appel aux esséniens pour résoudre le douloureux problème de l’ensevelissement du cadavre de Jésus. Les « hommes en blanc » dont tous les évangiles signalent la présence dans et autour du tombeau le matin du 9 avril 30 ne sont pas des « anges », mais des esséniens qui avaient revêtu, pour le transfert du cadavre, leur tunique blanche rituelle (attestée par plusieurs témoins indépendants comme Flavius Josèphe).
          Cela donne au tombeau trouvé vide une toute autre signification : Jésus n’est pas « ressuscité », son cadavre a été ré-inhumé par les esséniens, selon leur coutume, dans une de leurs nécropoles (où il se trouve toujours).

          La proximité essénienne des disciples de Jésus se voit confirmée par l’organisation de la toute première communauté de Jérusalem, telle qu’en témoignent les Actes. Mise en commun totale des biens, repas rituel (qui ne deviendra l’eucharistie que dans les années 40), autorité hiérarchique des Douze-plus-trois (attestée par Paul dans les années 50), difficulté à maintenir la prééminence d’un célibat considéré comme idéal mais non-applicable, repli sur soi d’une communauté qui considère les « autres » avec suspicion…

III. Conclusion

Si Jésus n’a jamais été essénien, s’il a pris de larges distances par rapport à la secte, à sa doctrine et à ses pratiques, ce n’était pas le cas de ses disciples – du moins aux tout débuts, et sur certains points d’ordre pratique.

          Alors se pose la question : si le Jésus des quatre évangiles ne mentionne jamais les esséniens, s’il semble ne s’être jamais heurté ouvertement à eux comme aux autres, n’y a-t-il pas là un des indices de la relecture des événements, faite par les évangélistes ?
          En rédigeant les textes qui nous sont parvenus, n’ont-ils pas masqué une ou plusieurs déclarations de Jésus contre les esséniens, se contentant de rapporter des allusions voilées à sa critique de leurs pratiques ?

          La question ne concerne pas seulement quelques exégètes ou intellectuels. Pour qu’ils l’abordent en ces termes, il faudrait qu’ils aient la liberté intérieure de franchir certaines frontières, établies par la tradition et le dogme chrétiens.

                                         M.B., 22 juillet 2009

FRÉDÉRIC LENOIR ET LA DIVINITÉ DU CHRIST

          Voilà qu’une controverse pointe dans le Landernau à propos du dernier livre de Frédéric Lenoir, Comment Jésus est devenu Dieu (Fayard).

         Pourquoi ? Parce que, selon La Croix du 28-10-10, ce livre « connaît un succès… qui a de quoi inquiéter. » Au point qu’un des derniers théologiens français encore en activité, le jésuite Bernard Sesboüé, éprouve le besoin de publier une Réponse à Frédéric Lenoir (1) .

          La chose est rare : depuis l’Affaire Renan, l’Église catholique sait qu’elle ne gagne rien à créer ou entretenir une polémique sur les questions dogmatiques. Son attitude habituelle est le silence : étouffer la voix des dissidents.

          Mais F. Lenoir est-il un dissident ?

           En 1865, David Srauss publiait Le Christ de la foi et le Jésus de l’Histoire, établissant une distinction devenue classique : la personne historique de Jésus est autre que le Christ de la foi des chrétiens. Son étude faisait suite à la Vie de Jésus d’Ernest Renan (1863), qui venait de connaître un énorme succès de librairie.

          Dès lors, tout le monde savait (ou pouvait savoir) que Jésus n’est pas né Dieu, qu’il l’est devenu par une suite ininterrompue de transformations dont l’historique est parfaitement connu.

                  Après bien d’autres, en 1988 Gérald Messadié vulgarisa ces évidences dans un roman fantaisiste qui eût un succès considérable, L’homme qui devint Dieu. En 2001, j’ai publié Dieu malgré lui (cliquez) , dont le titre parle de lui-même.

          D’une façon ou d’une autre tout a donc été dit, et depuis longtemps. Pourquoi F. Lenoir revient-il encore sur ce sujet ?

 I. Enfoncer des portes ouvertes

           On ne m’enlèvera pas de l’esprit que le directeur du Monde des Religions, personnage médiatique, utilise là un fonds de commerce qui reste fructueux.

          La preuve : on en parle. Qui s’en plaindrait ? De l’avis même du P. Sesboüé, l’ouvrage est « intelligent, bien informé et bienveillant, pour tout dire sérieux ». Alors, pourquoi inquiète-t-il, au point de réveiller les derniers gardiens du dogme ?

           Pour deux raisons : le sérieux de l’auteur, et sa bienveillance à l’égard des croyants, qu’il se garde autant que possible de heurter de front. Attirer l’intérêt, sans pour autant refroidir une clientèle extraordinairement frileuse.

          Sérieux : l’auteur montre comment Jésus est devenu Dieu à la suite d’une série de conciles, eux-mêmes fruits des travaux de quelques Pères de l’Église qui l’emportèrent sur leurs adversaires entre la fin du II° et le V° siècle. Comment la politique impériale influa largement sur ce processus de déification d’un homme.

          Ce faisant, il enfonce une porte largement ouverte depuis un siècle et demie : rien de nouveau donc, pas de quoi s’inquiéter. Les croyants, au cas où ils l’apprendraient (ils le savent !), refuseront toujours d’en tirer les conséquences sur leur foi.

           Mais si F. Lenoir met sa notoriété au service d’un procès tant de fois jugé, sans rien apporter de nouveau, il hasarde deux conclusions qui débordent la dissertation du spécialiste en histoire des religions :

          1) Jésus, dit-il, est un homme qui entretient un rapport particulier avec Dieu, et joue un rôle salvifique comme médiateur entre Dieu et les hommes, sans être lui-même Dieu.

          2) Il est mort et ressuscité, et continue à être présent aux hommes de manière invisible.

           Là, il se situe sur le terrain du théologien Sesboüé, qui réagit vivement : « la thèse de Frédéric Lenoir détruit le christianisme. Elle ne résiste pas à un examen sérieux : dès le Nouveau Testament, la foi en la divinité de Jésus est fermement attestée… La nouveauté [apportée par les conciles] n’est pas dans la foi, mais dans le langage. C’est un problème d’inculturation dans le milieu grec. »

         Tout ça pour ça… !

 II Le tabou des origines

           Car, comme la plupart de ses prédécesseurs, F. Lenoir se garde bien de franchir le tabou suprême : celui des origines. En vérité, cette question ne ressort pas de sa discipline, il n’est pas exégète mais historien. Il fait partir son enquête du moment où le Nouveau Testament est déjà constitué, et met en lumière les manipulations auxquelles il a été soumis par l’industrie des fabricants de mythes successifs.

           Or, c’est en amont du Nouveau Testament – tel qu’il nous est parvenu – que tout se joue. Dans ces années qui suivent immédiatement la mort de Jésus, au cours desquelles son souvenir va être utilisé par les auteurs de textes devenus sacrés pour le présenter, timidement d’abord, puis de façon affirmée à partir des années 80 à 100, comme un Dieu incarné dans la chair humaine.

          Le P. Sesboüé est dans son rôle quand il affirme que « dès le Nouveau Testament, la foi en la divinité de Jésus est fermement attestée » : mais les exégètes savent que c’est faux. Que les évangiles contiennent à la fois les premières traditions, selon lesquelles Jésus est un prophète juif exceptionnel, et les dernières, selon lesquelles le Verbe s’est fait chair (cliquez) .

          Que Paul dans ses lettres authentiques ne divinise pas Jésus. Mais que les lettres qui lui sont attribuées – et proviennent en fait des Églises fondées par lui – franchissent après lui ce pas décisif.

           Quelques écrivains en ont eu l’intuition, plus ou moins fulgurante : Marcel Légaut (cliquez) , Jean Onimus, Géza Vermes… Mais ce n’étaient pas des exégètes. Ces derniers, qui travaillent depuis un demi siècle avec acharnement (cliquez) , nous permettent de distinguer dans les évangiles ce que Jésus a dit et fait, de ce qu’on lui a fait dire et fait faire.

           Le résultat, c’est une « destruction du christianisme » bien plus radicale que celle qu’opérerait F. Lenoir.

           Mais c’est aussi une lueur d’espoir considérable : redécouvrir Jésus tel qu’en lui-même (et non tel qu’on l’a maquillé en Dieu), c’est s’approcher d’un homme qui aurait pu transformer notre monde assoiffé de mythes et de croyances, s’il n’avait pas été trahi par ceux qui avaient pour mission de transmettre son souvenir.

          Sans le dénaturer.

           A ce travail, je me suis attelé bravement. Car le temps de la dénonciation des impostures de l’Église, le temps du Comment Jésus est devenu Dieu, ce temps est passé.

          On a assez dénoncé, et F. Lenoir n’apporte rien dans un domaine si souvent et si minutieusement exploré.

          On a assez dénoncé le passé, il faut songer au présent et à l’avenir.

         Assez de Comment on a maquillé Jésus en Dieu. Mais : qui était-il en vérité, qu’a-t-il enseigné par ses paroles et par sa façon de vivre et d’agir ?

           Puisque nous avons en mains toutes les crèmes pour démaquiller le Christ, faisons-le.

          Et découvrons le visage neuf, rafraîchissant, chaleureux, émouvant, étonnamment actuel, du plus grand des prophètes juifs. Qui voulut dépasser à la fois le paganisme, et le judaïsme de son enfance.

           En mars 2011 je publierai quelque chose dans ce sens (2) . Un roman, condition nécessaire pour toucher le public des non-spécialistes. Mais un roman totalement, entièrement imprégné des résultats de la recherche exégétique la plus récente.

           Avec l’espoir que d’autres, plus qualifiés, plus généreux, plus talentueux que moi, enfonceront cette porte-là.

          Au seuil de laquelle s’arrêtent nos divas médiatiques.

                                                        M.B., 6 nov. 2010

(1) Christ, Seigneur et fils de Dieu. Libre réponse à Frédéric Lenoir, Lethielleux/DDB.

(2) Texte paru depuis cet article : Dans le silence des oliviers, Albin Michel, 2011 (cliquez) . A paraître dans le Livre de Poche en mai 2013.

LA « QUESTION JÉSUS » DEVIENT PUBLIQUE : D. Marguerat, un dossier de « l’Express » (I)

          N’est-il pas surprenant que l’un des trois grands tabloïds de notre pays laïc publie un épais dossier de Noël sur La Chrétienté (1) ?

         J’y vois une double signification. D’abord, l’évidence que la France a été et reste (au moins culturellement) un pays profondément catholique. Ensuite, que ce pays – comme tout l’Occident – court désespérément après son identité. Confronté à la mondialisation et à un choc de civilisations, il se tourne vers ses racines chrétiennes.

          Revenons sur le premier article de ce dossier.

 I. Daniel Marguerat et le juif Jésus

           J’ai déjà exprimé ici (cliquez) mon regret que ce chercheur respecté de la Quête du Jésus Historique utilise son audience pour diffuser une interprétation particulière de la résurrection de Jésus. Il ne revient pas sur le sujet, mais assène quelques vérités surprenantes. Je le cite :

           « Jésus a-t-il voulu fonder une nouvelle religion ? La réponse est très clairement non. Il n’avait pas l’intention de fonder une synagogue séparée… Malgré son fort charisme, il n’a pas voulu créer une nouvelle entité religieuse… C’était un réformateur d’Israël… qui a voulu montrer que la foi de son peuple devait être rénovée, restaurée, vivifiée… Son combat reste confiné à l’interne d’Israël… Il s’incorpore dans la grande diversité du judaïsme [de son temps]. Il n’est pas placé face aux siens : il est parmi les siens… Jésus était juif à cent pour cent. »

           Affirmer fortement, tranquillement et comme si cela allait de soi, que Jésus n’était rien d’autre qu’un juif parmi les siens, un juif 100 % qui n’a jamais songé à fonder une Église quelconque mais seulement à rénover, restaurer, vivifier son judaïsme natal… Ce n’est pas une nouveauté : dès les années 1980, nous étions déjà plusieurs (cliquez) à le dire.

          La nouveauté, c’est que ces vérités élémentaires ne sont plus réservées au petit monde des chercheurs, mais publiées dans une revue destinée au grand public, d’audience nationale.

          Il faut s’en réjouir : lentement, les choses progressent.

           Enfin ouverte cette porte soigneusement cadenassée pendant des siècles, deux questions se posent : en quoi consiste cette rénovation, à laquelle Jésus prétendait ? Et comment ce réformateur juif a-t-il pu donner naissance au christianisme historique ?

 II. Nouveauté de Jésus

          Pour D. Marguerat, la nouveauté apportée par Jésus réside tout entière dans « le sujet de la pureté ».

          Le peuple élu n’existait que par une muraille intérieure, qui traversait chaque juif : « Une conception défensive de la pureté, qui protégeait le croyant de la contamination des autres ». Jésus « déplace le lieu de la pureté : elle se loge dans ce qui sort de l’humain. » Elle n’est plus « ce qui menace l’individu en venant à lui, mais ce qui va de l’individu vers les autres, paroles et gestes. »

          Ce serait pour avoir fait tomber cette barrière qui protégeait le peuple juif, que Jésus a été condamné par les dignitaires du Temple (les sadducéens).

           C’est bien vu, et bien dit. Mais la réalité est plus complexe. Pour s’en rendre compte, il faut retracer l’évolution intérieure de ce jeune juif ordinaire, bouleversé par sa rencontre avec Jean-Baptiste, et qui va découvrir peu à peu, au fil de ses rencontres et aiguillonné par elles, un monde nouveau.

           Je me suis attaché à retracer cet itinéraire dans un livre à paraître prochainement (2).On y verra comment, en substituant une loi du cœur à la Loi de Moïse, Jésus fait effectivement tomber une des murailles du vieil Israël.

                   Mais s’il a été condamné, c’est pour un ensemble de nouveautés, qui finissent par se tenir comme un tout cohérent. Et la principale source de sa condamnation, la plus immédiate, ne concernait pas le « sujet de la pureté » : ce fut l’introduction, pour la première fois dans l’antiquité, de la notion de laïcité. « Dieu est au ciel : sur terre, il ne peut être invoqué pour justifier des lois ou des coutumes inhumaines.»

           Nouveauté inouïe, très vite oubliée par le christianisme et ignorée par le Coran.

 III. De Jésus au christianisme

           Dans la dernière partie de son article, D. Marguerat cherche à montrer que Paul de Tarse a continué l’enseignement de Jésus, en « rendant le christianisme compatible aux non-juifs… Il a reformulé la croyance judéo-chrétienne dans le langage et les catégories de la culture grecque ».

          Il n’aurait donc fait que prolonger la nouveauté apportée par Jésus, en la mondialisant.

           C’est oublier un peu vite que Paul a d’abord été un fondateur et un organisateur d’Églises, et que certaines d’entre elles (Colossiens, Philippiens, Éphésiens) furent responsables de la divinisation de Jésus – seuil que ce pharisien n’avait jamais franchi.

          Qu’il a mis la souffrance au cœur du salut chrétien (théologie de la croix), formulé les sacrements, fait de la soumission aux pouvoirs civils une norme, etc. Toutes choses par lesquelles il tournait délibérément le dos à l’enseignement (paroles et gestes) du rabbi galiléen.

           Mais l’essentiel n’est pas là. L’essentiel, c’est d’exhumer de la mémoire chrétienne et Occidentale le message original du juif Jésus.

         De le démaquiller, pour retrouver son visage à lui.

           Alors seulement pourra commencer le long travail de recomposition d’une identité perdue – la nôtre.

                    Il fallait ouvrir la porte, et publiquement : merci à Daniel Marguerat, et merci à L’Express, d’avoir poussé quelque peu le loquet.

                                                  M.B. : à suivre 

(1) L’Express du 22 décembre 2010, propos recueillis par Christian Makarian.

 (2) La Nuit des Oliviers (Albin Michel). Un roman, totalement inspiré par la recherche sur le Jésus historique.

JÉSUS, LE PREMIER ALTERMONDIALISTE ?

« Jésus n’a pas cherché à transformer le monde, il annonce sa fin ».

          C’est une phrase-clé du roman Dans le silence des oliviers (cliquez) . Un lecteur me demande si elle est exacte, et si oui, comment décoder ce message ? Je résume donc ici pour lui ce qui parcourt tout ce roman.

 I. Le contexte historique

           Au 1° siècle avant J.C., le monde juif vivait dans un climat de fin du monde. On lisait les apocalypses de Daniel, de Baruch, les écrits de la mer Morte qui annonçaient une guerre entre les Fils de Lumière et les Fils des Ténèbres – une guerre qui serait la dernière.

          Au bord du Jourdain, Jean-Baptiste clamait que cette fin était proche, et qu’elle se manifesterait par un déluge de feu qui engloutirait l’humanité pécheresse. Ce message touchait les juifs, dont la majorité croyait au « Grand Jour » : la fin du monde, suivie d’une résurrection générale qui serait en fait une seconde création échappant à l’emprise du démon.

          La défaite finale et définitive du Mal, personnalisé par Satan.

          Un retour au paradis d’avant la chute d’Adam.

           Disciple de Jean-Baptiste, Jésus commence sa prédication en reprenant à son compte ce message : « Convertissez-vous, car la fin est proche. » Mais très vite, il abandonne ce catastrophisme radical.

          Pourquoi, sous quelles influences ? Les évangiles ne le disent pas, mais soulignent « qu’à la vue des foules hagardes et désorientées, il était ému jusqu’au fond de ses entrailles. » Sans doute est-ce son contact avec ces foules juives désespérées par l’occupation romaine, la collaboration des élites juives, le cynisme des dirigeants fantoches installés par Rome, leur mépris du peuple, cette « racaille » (selon les membres du Sanhédrin) – bref, le désespoir d’une population abandonnée à elle-même -, qui lui a fait dépasser le pessimisme de son maître Jean-Baptiste. Le premier de ses discours commence par le mot  » heureux « , répété comme une litanie : ce sont les « Béatitudes ».

 II. Le droit au bonheur

 

          « Heureux », makarioi, est le nouvel étendard brandi par Jésus. C’est une rupture complète d’avec le courant apocalyptique et l’enseignement des grands prophètes ses prédécesseurs. Heureux ceux qui pleurent, ceux qui ont faim de justice, ceux qui souffrent… Ce n’est pas du masochisme (la joie par la douleur), c’est le regard porté vers un horizon nouveau : le terme et l’accomplissement de la vie humaine n’est pas l’anéantissement dans une fournaise de feu, c’est le bonheur.

          Le droit au bonheur est la base fondatrice de l’enseignement de Jésus. En entendant ce mot la réaction des foules fut immédiate : un succès qui fit de lui une vedette, partout fêtée, suivie par ses fans.

          Le rêve (juif, américain, français) a toujours séduit les foules. Mais ensuite, il faut montrer comment ce rêve peut devenir réalité concrète ! Et là, les choses se compliquent, la popularité décroit.

 III. Transformer la société ?

           Jésus ne propose pas un programme de justice sociale. Témoin du chômage endémique qui régnait dans sa région, il n’en critique pas les causes mais demande aux employeurs de payer l’ouvrier de la onzième heure comme celui qui a travaillé depuis le matin – ce qu’aucun patron raisonnable ne peut accepter. Il donne en exemple le profit réalisé par ceux qui gèrent bien leur fortune (parabole des talents), et fait même l’éloge d’un intendant qui vole son maître en remettant en cachette les dettes de ses débiteurs.

          Comme par ailleurs il a des amis riches, dont il accepte sans hésiter les dons et l’hospitalité, ses disciples constatent qu’il n’a jamais dit qu’il fallait « prendre l’argent des riches pour le donner aux pauvres ». Et ils s’insurgent, voyez Judas qui fait remarquer qu’avec le prix du parfum gaspillé par Marthe à ses pieds (un an de salaire) on aurait pu venir en aide aux pauvres. Réponse de Jésus : « Les pauvres, vous les aurez toujours auprès de vous. Moi, en revanche… »

          Ce n’est pas là l’enseignement d’un réformateur social.

           Il ne propose pas non plus un renversement de l’ordre politique établi. C’était l’ambition des Zélotes, dont plusieurs de ses disciples étaient proches (Pierre, Jean et son frère Jacques, Simon, Judas). S’il faut rendre à Dieu ce qui est à Dieu, il faut aussi rendre à César (l’État en place) ce qui est à César. Aucune contestation politique : c’est sans doute pour cela qu’il a été trahi par la frange politisée de ses suiveurs, et livré au Sanhédrin.

          Ce n’est pas là l’enseignement d’un réformateur politique.

           Sa seule contestation, sans équivoque et violente, s’adresse à l’Église de son temps, les dignitaires Pharisiens et Sadducéens. Forme virulente d’anticléricalisme (et second motif de son arrestation) qui ne remettait pas en cause l’ordre économique et politique global de la société juive.

          A-t-il donc été un allumeur sans feu, un contestataire illuminé, vaguement anarchiste ?

 IV. La fin de ce monde, dès maintenant

           Jésus propose un Royaume différent de ceux qu’il avait sous les yeux.

          L’établissement de ce Royaume, c’est ainsi qu’il conçoit la fin du monde.

          Non pas par une transformation radicale de la société et de ses valeurs, une révolution sociale et politique. Mais par la transformation de chaque individu, à l’intérieur de lui-même : changer le cœur de l’Homme – puisque tout vient de là, pensées, paroles, actions. C’est la « Loi du cœur », qu’il substitue à la Loi juive avec ses 613 préceptes (cliquez) .

           Une révolution individuelle donc, non pas collective.

          Changer les individus pris un à un, pour changer la société qu’ils constituent. Et ceci, dès maintenant, sans attendre le « Grand Jour » ou une hypothétique transformation sociopolitique, qui lui a semblé hors de sa portée. Ou en tout cas, qu’il n’a jamais enseignée.

          Ce changement, il n’est pas pour plus tard, quand toutes les conditions d’une révolte collective seront réunies, mais pour tout de suite. Chaque malade qu’il guérit, chaque  mort en sursis qu’il relève, chaque aveugle qui retrouve la vue à son contact, chaque pécheresse rendue à la vie sociale est une parabole vivante du Royaume qu’il propose. « Va, et ne pèche plus » : désormais, tu es un homme ou une femme nouvelle. En toi, l’ancien monde est fini, tu es la preuve et l’annonciateur du monde nouveau.

          Le Royaume de Jésus, sa mutation sociale et politique est donc déjà là, « sous vos yeux » comme il le répète aux disciples témoins des guérisons, mais il est encore à venir – puisque tous les cœurs ne sont pas encore transformés.

 V. Une utopie individualiste ?

           Cette utopie, il l’a d’abord réalisée en lui-même par le choix radical d’une vie de vagabond. C’est-à-dire ne possédant absolument rien (fin du diktat des richesses) mais subsistant grâce à la générosité de ses amis riches (instauration d’un monde de partage).

          L’épisode de la « multiplication des pains » a été interprété par les évangélistes comme un miracle : c’en est un en effet, le miracle du partage. En le voyant entouré d’une foule affamée, ses bienfaiteurs lui ont fait spontanément parvenir au bord du lac des paniers de pain et de poisson. Dans le partage de cette nourriture, comme dans le repas improvisé sur l’herbe qui suit, Jésus a vu un double symbole de son Royaume : la richesse n’est pas répartie par une loi sociale, elle est partagée par l’élan du cœur. Et le repas de la foule, comme tous les repas de Jésus rapportés par les évangiles, est l’image réalisée de ce que sera le bonheur du Royaume à venir.

           Quant à la puissance injuste et oppressive de l’État, il la méprise et s’en moque avec humour. Oui dit-il, Hérode est « un renard ». Donnons-lui ainsi qu’à César l’impôt qu’ils réclament, et faisons advenir la justice à notre niveau individuel, le seul sur lequel nous ayons prise.

          Il semble avoir accepté la fatalité des pouvoirs (sauf le religieux), comme il avait accepté dès son séjour initial au désert la fatalité de la présence du Satan. Pour lutter, dans un anonymat historique assourdissant, contre chacun d’entre eux.

          Attitude de courage individuel pouvant aller jusqu’au sacrifice suprême.

 VI. Le premier des altermondialistes

           Jésus avait donc compris que vouloir instaurer ici-bas un autre monde que le nôtre était une utopie, qu’aucune action sociale ou politique ne serait jamais capable de réaliser.

          Avec pragmatisme, il a proposé la seule révolution qui soit efficace, celle des individus.

          Non pas changer le monde, mais changer l’Homme.

          La contagion de la révolution par l’exemple et la proximité.

         Changer l’Homme, faire naître un Homme nouveau a été le programme de tous les révolutionnaires, de Robespierre à Lénine et Pol Pot. Ils ont voulu y parvenir par la violence, l’élimination des opposants, le sang répandu : on connaît le résultat.

          Jésus propose une autre arme révolutionnaire : la compassion d’un Dieu, père tendre et aimant. Qui ne condamne personne, ne ferme jamais aucune issue, offre à chacun (d’où qu’il parte) la possibilité de se transformer en changeant son cœur.

          Compassion dont les Hommes Nouveaux devront à leur tour faire preuve envers toute personne rencontrée en chemin (et pas seulement avec les membres du même Parti).

           Mystique, ou réalisme ?

          Programme en tout cas applicable par tous, quels que soient les talents, la position sociale, la fortune ou la pauvreté.

          Que l’Église chrétienne ait vite oublié ce programme en se rangeant du côté des puissants, n’empêche pas qu’une quantité de saints et d’anonymes l’ont entendu et mis en pratique.

           Ce sont les « justes » que vénère le judaïsme, et grâce à qui (selon lui) ce monde existe encore.

                                       M.B., 23 oct. 2011

JÉSUS A LA LUMIÉRE DE LA RECHERCHE CONTEMPORAINE (Jésus et le Bouddha)

Conférence donnée au Cercle Renan, St Germain-des-Près (Paris)

 I. La Quête du Jésus historique

           Pendant vingt siècles, la chrétienté n’a reconnu que « Le Christ » : la réalité historique du nazôréen s’effaçait derrière l’icône du Dieu fait homme, sur lequel s’est construite la culture occidentale. Une fois mis sur orbite divine à la fin du 1er siècle, Jésus avait perdu toute son identité et son enracinement juifs.

           C’est pourtant un Juif (Jacob Emden, † 1776) qui le premier affirma que « le nazôréen a apporté un double bienfait au monde : d’une part, il a renforcé majestueusement la Torah de Moïse… d’autre part, il a fait du bien aux païens en les éloignant de l’idolâtrie ». C’est un autre Juif, Moses Mendelssohn († 1786), qui affirma que Jésus n’avait jamais voulu créer une religion nouvelle. Au même moment, Hermann Reimarus publiait le premier ouvrage écrit par un chrétien, qui reconnaissait explicitement que Jésus était juif.

           Le ‘’fondateur’’ du christianisme, un Juif ? L’idée allait cheminer, lentement.

           En 1865, David Srauss publia un ouvrage au titre programmatique, Le Christ de la foi et le Jésus de l’Histoire, tandis que Renan faisait entrer la  »Quête du Jésus historique » (cliquez) dans l’arène publique par sa Vie de Jésus (1863). Excellent hébraïste, il connaissait mal la tradition rabbinique-talmudique mais avait tout compris : « Ses disciples, écrit-il, ont fait de Jésus ce qu’il y a de plus anti-juif : un homme-Dieu ».

           Au début du XX° siècle se développa une « Jewish reclamation of Jesus », une volonté juive de se réapproprier la personne de Jésus sans haine ni ressentiment. En 1933, Joseph Klausner écrivit en hébreu un Jésus de Nazareth qui s’efforçait de donner une image du Jésus historique qui ne soit « ni celle de la théologie juive, ni celle de la théologie chrétienne ».

          À partir des années 1960-70, les choses s’emballèrent. Robert Aron intéressa le grand public français par ses Années obscures de Jésus (1960) et Ainsi priait Jésus (1968), l’israélien Schalom Ben Chorin publia Bruder Jesus (1967). Mais les réticences catholiques restaient vives : quand en 1975 j’ai proposé à Rome mon sujet de thèse en doctorat, « La liturgie juive et la judaïté de Jésus », le Vatican a rejeté ce projet. Pourtant peu après, le catholique Laurenz Volken écrivait un Jesus der Jude (1985).

          Dans les années 1990, avant de mourir le dominicain français Marie-Émile Boismard publia quelques ouvrages savants sur les évangiles, au contenu déstabilisant pour le dogme catholique. En Allemagne, le sociologue Gerd Theissen donna un délicieux roman, L’ombre du Galiléen (1988), l’une des rares œuvres de fiction qui tenait compte (avec les miennes) de la recherche historique sur Jésus. Et Eugen Drewermann publia plusieurs ouvrages marquants, dont Psychanalyse et exégèse (2000).

           Dans le domaine purement exégétique, c’est aux USA que les choses avancent depuis 1990. Malgré le Jesus Seminar qui fourvoyait son monde sur une fausse piste, des exégètes de haut niveau comme James Charlesworth, John-Dominic Crossan ou Raymond E. Brown placèrent la recherche sur les bons rails. Ils permirent à John P. Meier d’entreprendre son monumental A marginal Jew, Jesus, véritable encyclopédie de la Quête du Jésus historique dont 4 tomes sont traduits en français (1).

          On s’aperçoit que ces exégètes savent tout ou presque du Jésus historique, mais ils ne peuvent pas tout dire, parce qu’ils font tous partie d’une Église chrétienne. N’ayant pas les mêmes contraintes, je me suis aventuré là où ils ne peuvent aller. En 2001, j’ai publié Dieu malgré lui, nouvelle enquête sur Jésus : bien que ne bénéficiant pas encore des travaux de Meier, cet ouvrage reste valable pour l’essentiel. Je l’ai mis à jour par Jésus et ses héritiers et il a donné naissance à deux romans, Le secret du treizième apôtre et Jésus, mémoires d’un Juif ordinaire (Dans le silence des oliviers) qui est comme une synthèse de tous ces travaux et met en lumière l’originalité de l’enseignement de Jésus. Bientôt va paraître L’évangile du treizième apôtre, aux sources de l’évangile selon s. Jean . Dans tous ces livres, je cherche à retrouver la réalité historique de l’homme Jésus.

 II. La boîte à outils : le critère politique

           Les exégètes de la Quête du Jésus historique utilisent des critères scientifiques, sorte de « boite à outils » qui a totalement renouvelé notre compréhension des évangiles et de la façon dont ils se sont formés.

          L’un de ces outils est le « critère d’attestation multiple », qui analyse les points communs et les divergences des synoptiques. Il permet de remonter très haut, jusqu’à la transmission orale qui a donné naissance à des livrets qui devaient ressembler à l’Évangile selon Thomas ou à la Source Q, récemment publiés. On peut alors tenter d’identifier l’empreinte de celui – ou de ceux – qui, à partir des traditions communes aux évangélistes, ont par la suite élaboré les textes tels qu’ils nous sont parvenus.

           Autre critère très efficace, le « critère d’embarras » : il permet d’authentifier des traditions qui auraient trop embarrassé les Églises en formation, pour qu’elles aient pu songer à les inventer. Par exemple, le baptême de Jésus par Jean-Baptiste : quand on commença à diviniser Jésus, il était incongru de faire savoir qu’il s’était soumis, comme n’importe quel Juif, au baptême administré par l’ermite du Jourdain. L’attestation de ce baptême par les trois synoptiques en fait pourtant un événement historiquement indiscutable. On ne s’étonnera pas de voir qu’il a été supprimé du IV° évangile, dit selon s. Jean, dans sa version finale qui date d’environ l’an 90 : les ‘’correcteurs’’ commençaient leur travail de relecture des faits, Jésus était déjà divinisé, il ne pouvait pas en être passé par Jean-Baptiste et son rituel typiquement juif.

           Ce critère est complété par le « critère de discontinuité », qui permet d’identifier des éléments étrangers aux milieux juifs ou grecs dans lesquels les évangiles ont pris naissance. Par exemple, l’attitude critique de Jésus concernant certaines prescriptions de la Torah, le sabbat, les serments ou le divorce.

           En appliquant ces critères, on parvient à distinguer ce que Jésus a dit de ce qu’on lui a fait dire, ce qu’il a fait de ce qu’on lui a fait faire (cliquez). Mais alors, se pose une question toute simple à laquelle les exégètes chrétiens ne peuvent pas répondre sans cesser immédiatement d’appartenir à leur Église : pourquoi les premières générations chrétiennes ont-elles ainsi modifié, altéré, corrigé les paroles, les gestes et la personne même de Jésus ?

          C’est qu’elles obéissaient à un objectif politique : créer dans l’Empire une nouvelle religion, afin de prendre le pouvoir (ce qui a parfaitement réussi). L’idée que les Douze étaient animés d’une ambition politique – prendre la première place – parcourt tous les évangiles. Si l’on intègre ce critère politique dans la lecture et la compréhension du Nouveau Testament, on n’est évidemment pas très populaire chez le

III. L’identité de Jésus

           La lecture historico-critique des textes permet d’aborder sous un jour nouveau la question qui a agité l’Occident pendant 7 siècles : qui était Jésus ?

           1) Jésus est-il le Messie ?

            Le christianisme a emprunté au judaïsme sa caractéristique principale : c’est une religion messianique. Un nouveau monde est attendu, qui remplacera celui-ci au prix d’une apocalypse, un déluge de feu et de sang. La venue du Messie précèdera ou accompagnera cette apocalypse. Il prendra la tête des Fils de Lumière pour mener une guerre d’extermination au cours de laquelle les fils des ténèbres seront tous massacrés. Vous reconnaissez dans ces termes l’idéologie essénienne, qui a joué un grand rôle dans la construction du premier christianisme (2) – bien que Jésus, lui-même, n’ait jamais été essénien.

           On sait que cette première génération chrétienne a vu en Jésus le Messie attendu. Mais lui-même, qu’en a-t-il dit ? La réponse se trouve dans un texte remanié par Matthieu et Luc, mais dont Marc donne l’énoncé original. Jésus était parfaitement au courant de l’obsession messianique juive de son entourage : « Qui dites-vous que je suis ? » demande-t-il à ses suiveurs. « Pierre lui dit : toi, tu es le Messie ! » Et il les menaça (épitimesen) afin qu’ils ne disent à personne [une chose semblable] à propos de lui » (Mc 8,30).

          Épitimesen est un verbe fort : ici, comme dans quelques autres passages non retouchés des évangiles, Jésus refuse nettement, catégoriquement, d’être pris pour le Messie attendu par ses compatriotes.

           2) Jésus est-il de nature divine ?

            La divinisation d’un homme était inimaginable en contexte juif : c’est la 2e génération chrétienne qui a progressivement transformé le fils de Joseph en Dieu, né de Dieu. Mais la Palestine au temps de Jésus était en contact avec les religions gréco-romaines et orientales qui divinisaient toutes des héros mythiques. Une rencontre que fait Jésus n’a donc rien d’étonnant, là aussi il faut la lire chez Marc car Matthieu et Luc modifient subtilement le texte.

Quelqu’un s’agenouille devant lui et lui demande : « Maître, toi qui es Le Bon, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? »

          Sachez que c’était l’habitude, quand on rencontrait un ‘’maître’’ en Israël, de lui poser cette question – plus tard, elle sera reprise par les Pères du Désert. Mais notez la façon dont l’homme appelle Jésus : Didascale àgathé, c’est une apposition qu’il faut traduire comme je l’ai fait « toi qui es Le Bon », et non pas « bon maître ». Et j’ai mis des majuscules, car ‘’Le Bon’’ était l’une des façons dont le judaïsme nommait Celui dont le nom ne peut pas être prononcé – on disait aussi ‘’la Puissance’’, ‘’la Gloire’’, etc.

           Autrement dit, l’homme donne spontanément à Jésus un nom divin, ‘’Le Bon’’. Et lui, avant de répondre posément à sa question, réagit vivement : « Pourquoi m’appelles-tu ‘’Le Bon’’ ? Nul n’est ‘’Le Bon’’ si ce n’est l’Unique, Dieu » (Mc 10,17).

          Dans ce passage comme dans d’autres, Jésus refuse nettement, catégoriquement, d’être pris pour un Dieu.

 IV. Le Dieu de Jésus

           Si Jésus n’est qu’un homme parmi les hommes, qui donc est Dieu pour lui ?

          La réponse est nette : le Dieu du Juif Jésus est le Dieu de tous les Juifs, le Dieu de Moïse et d’Abraham.

          Les discours sur Dieu attribués à Jésus, surtout dans l’évangile dit selon s. Jean, sont en fait des catéchèses chrétiennes de la fin du I° ou du début du II° siècle. Il est frappant de remarquer que Jésus lui-même n’a jamais parlé directement de Dieu – et pourquoi l’aurait-il fait, Juif s’adressant à des Juifs croyants ? Jésus n’est pas un théologien, il n’a donné aucune définition de Dieu, il ne l’a jamais décrit dans ses attributs divins.

          Quand il en parle, c’est indirectement, dans des paraboles où il ne décrit pas Dieu, mais où il propose une nouvelle relation avec Lui.

          Son Dieu n’est pas le Dieu lointain, juge terrifiant et impitoyable de la Torah, mais un Dieu proche avec lequel il entretient la relation confiante et abandonnée d’un petit enfant envers son père ou sa mère.

           C’est la parabole du fils prodigue de Luc 15. Après avoir quitté la maison paternelle et avoir dépensé tout son avoir dans la débauche, le fils fait retour sur lui-même et décide de rentrer chez son père. Chemin faisant, il prépare un petit discours : « Père, j’ai péché contre le ciel et contre toi, je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Mais traite-moi comme l’un de tes serviteurs… »

          Pendant tout ce temps, jour après jour, le père rongé d’anxiété l’a attendu devant la porte de la propriété, guettant sa silhouette. Quand il le voit au loin, il le reconnaît immédiatement, court vers lui, ferme la bouche à son petit discours de repentance, l’embrasse tendrement et ordonne qu’on prépare pour lui, sans attendre, un festin de bienvenue.

          Car le ‘’Royaume’’, le paradis selon Jésus, c’est un repas de fête où chacun se retrouve dans la convivialité auprès de l’hôte, le Père aimant (3).

          Et pour bien marquer la nouveauté de cet enseignement, quand Jésus donne à ses disciples une formule de prière, il leur dit d’appeler Dieu Abba, mot qu’il faut traduire par quelque chose comme ‘’petit papa’’, ‘’daddy’’. Nous avons ici une nouveauté absolue dans l’histoire des religions. Jusque là, le dieu rendait possible la séparation de l’univers entre sacré et profane. Je vous renvoie à l’œuvre de René Girard : le dieu appartenant à la sphère du sacré (qu’il crée, en quelque sorte), une forme de violence était rendue nécessaire pour réconcilier l’univers avec lui-même. On sacrifiait une victime au dieu, victime qui assumait la culpabilité de l’humanité mais se voyait divinisée puisque par sa mort elle rétablissait le lien entre le dieu et les hommes, entre le sacré et le profane.

          Un dieu proche, un Abba qui refuse la victimisation de son fils mais lui offre la rédemption (le retour à la maison) par sa tendresse, cela n’existait nulle part. En tout cas, pas dans le judaïsme qui ne s’adresse jamais à Dieu par ce petit nom, jugé familier et indigne du Dieu de Moïse.

          En un seul mot, Abba, Jésus résume tout son enseignement sur Dieu. Il introduit une révolution qui n’a été, hélas, ni comprise ni suivie d’effets.

 V. L’approche hindo-bouddhiste

           Pour aller plus loin, je vous propose de comparer, non pas le christianisme et le bouddhisme, confrontation de deux systèmes idéologiques qui mène à une impasse. Mais l’expérience vécue par deux hommes, Jésus à la lumière de la recherche historico-critique et le Bouddha Siddhârta tel qu’on le devine à travers les dialogues du Tipitaka, qui sont proches de l’enseignement du maître lui-même (4) . On se trouve alors en présence de deux conceptions de l’Homme et du monde, deux anthropologies fort différentes.

           1- L’anthropologie judéo-chrétienne

           Elle est linéaire. Avant la naissance, il n’y a rien, nous n’existons pas. Après la naissance, on va vers la mort qui met un terme définitif à la vie. Dans l’attente de la résurrection on végète dans le Shéol, qui n’est pas un lieu de punition mais d’attente de la fin du monde. Alors, viendra la résurrection générale : ce ne sera pas un retour à l’état qui était le nôtre avant la mort, mais une seconde création, celle d’un monde parfait, enfin délivré de la domination du Mal.

           2- L’anthropologie orientale

           Elle est cyclique : « Rien ne disparaît, tout se transforme ». Avant cette naissance-ci, nous en avons connu beaucoup d’autres. Si, au moment de la mort, nous n’avons pas apuré notre karma, nous devrons renaître dans une nouvelle vie pour accumuler des actions positives et effacer ainsi les traces des actions négatives du passé.

          Celui qui est parvenu à l’extinction des passions parvient à l’Éveil, le non-retour, le Nirvâna : « Tout est accompli ».

          Pour parvenir à l’Éveil, Siddhârta se base sur une connaissance approfondie de l’esprit humain et de son fonctionnement, notamment du rôle de la mémoire.

          La mémoire est le principal obstacle à l’unification de l’esprit. Par le rappel des émotions et des idées du passé, elle nous fournit les pensées qui nous encombrent et nous ramènent à la tyrannie des passions. Elle ne lâchera prise qu’au moment où l’Eveil est atteint.

          Lutter contre la mémoire est un objectif que la tradition chrétienne avait déjà identifié. Elle proposait deux types de méthodes :

 1- Tromper la mémoire : Répétition du kyrie eleison (Pèlerin russe), des psaumes (moines), du chapelet…

2- Reformater la mémoire : remplacer le matériau des expériences du passé

* par un matériau tiré des Évangiles (Exercices de St Ignace)

* par la visualisation : icônes de l’Orient.

           Dans chacune de ces traditions, la mémoire est détournée ou éduquée, mais elle subsiste. Notez que le bouddhisme tibétain connaît lui aussi la répétition (les mantras) et la visualisation (les thankas).

          Tandis que Siddhârta ne veut ni ‘’tromper’’ ni ‘’reformater’’ la mémoire, il veut la détruire. Cela se fait par étapes progressives :

 – observer la respiration.

– Distance prise par rapport au corps, aux sensations, à l’esprit, aux formations mentales (pensées).

– Disparition de tout lien entre le méditant et ces manifestations corporelles et mentales.

– Détaché du désir sensuel et des objets mentaux, le méditant continue à penser : dans l’étape finale, l’esprit s’unifie, il n’y a plus en lui ni pensée ni mémoire, le plaisir comme la souffrance disparaissent : c’est l’Éveil ou Nirvâna.

 VI. Siddhârta et Jésus : brève évaluation

           Ầ l’usage, cette méthode de contrôle mental s’avère très efficace. Peut-on la confronter à l’enseignement de Jésus ? (5)

          Je vois trois limites à l’enseignement de Siddhârta :

 1- Selon lui, l’extinction procurerait automatiquement la fin de la souffrance, et l’accès au Nirvâna. Or dans le domaine de l’esprit, il n’y a pas d’automatismes : nous sommes sur le terrain de la liberté la plus absolue.

          De son côté Jésus introduit, non pas la notion de ‘’grâce divine’’ telle que le catholicisme l’a élaborée, mais la nécessité d’une rencontre interpersonnelle avec lui, rencontre qui déclenche la démarche de retour vers le ‘’Père’’. En fait, une double démarche – rencontrer Jésus, puis se mettre en route – qui préserve totalement la liberté humaine de choix et de décision.

 2- Une fois franchie l’étape du Nirvâna, le ciel de Siddhârta est vide.

          Son bonheur total et absolu est une réalité négative : c’est l’absence de souffrance. Mais le vrai bonheur ne connaît ni accomplissement final, ni limite (ce qui serait une nouvelle souffrance). Il manque au ciel du Bouddha une Présence, qui entraînerait celui qui a cessé de souffrir vers des « commencements sans fin », un accomplissement sans limites.

          Cette Présence, avec qui (et de qui) être heureux, les mystiques l’ont appelée Dieu. Je comprends que Siddhârta récuse ce nom, et je comprends pourquoi. Mais il n’en reste pas moins que son bel édifice est un palais vide de présence.

          Tandis que pour Jésus, le ‘’ciel’’ est une convivialité heureuse des invités au repas, entre eux comme avec le maître de maison (Abba).

 3- La méthode de Siddhârta est extrêmement laborieuse, elle suppose une longue succession de renaissances (et de souffrances). C’est un escalier, à gravir péniblement, laborieusement, marche après marche.

          Sans faire l’économie de la purification morale ni de l’effort méditatif, Jésus remplace l’escalier par un raccourci qui tient en un seul mot : Abba.

          Dès l’instant où il a fait retour sur lui-même et décide de revenir chez son Abba, le fils prodigue constate qu’il est attendu. De son côté, dès qu’il l’aperçoit et voit qu’il a entrepris cette démarche, le père l’accueille sans plus attendre : la tendresse de Dieu réalise immédiatement la réintégration de l’égaré dans la chaleur du domicile familial. Elle lui permet de franchir en très peu de temps toutes les étapes de l’Éveil, dès l’instant où il a pris la décision de revenir vers son père aimant.

          Même enseignement dans l’anecdote du ‘’bon larron’’ : elle n’est peut-être pas historique, mais sè non è vero, è ben trovato . Cloué sur sa croix, quelques minutes avant de mourir un brigand accomplit d’un seul coup tout le chemin vers l’Éveil : « Ce soir, tu seras avec moi », lui dit Jésus.

           On trouve dans le Tipitaka une anecdote similaire. Un village était terrorisé par un bandit, Angulimalla, qui avait commis plusieurs meurtres. Un jour, Siddhârta vient à traverser le village et s’étonne de le trouver portes closes, volets tirés. Ses disciples l’informent : « C’est à cause d’Angulimalla, tous les habitants se terrent chez eux ! » Ầ cet instant, Angulimalla lui-même déboule devant le Bouddha : « Maître, lui dit-il, j’ai entendu ton enseignement sur l’Éveil : je veux abandonner ma vie de banditisme et te suivre ».

          « Mais Maître, s’inquiètent les disciples, il ne peut pas devenir l’un des nôtres ! C’est un meurtrier ! » – « Laissez-le », dit le Bouddha – et il accueille avec bonté Angulimalla dans sa communauté, la Sangha.

          Six mois plus tard, Angulimalla mourut de maladie. « En vérité, dit le Bouddha à la Sangha, je sais qu’Angulimalla ne renaîtra pas : en peu de temps, il a franchi toutes les étapes de l’Éveil ».

           La sagesse consisterait sans doute à prendre le meilleur de l’enseignement de ces deux immenses maîtres. Mais j’avoue qu’étant d’un naturel paresseux, et traînant derrière moi quelques casseroles de mon passé karmique, je suis infiniment séduit par l’enseignement de Jésus.

                                   M.B. (17 janvier 2013)

(1) Un certain Juif, Jésus – Les données de l’Histoire, Cerf, 2004-2009.

(2) Comme dans le Coran : voir mon essai Naissance du Coran, aux origines de la violence, à paraître.

(3) Tout cela est développé dans Jésus, mémoires d’un Juif ordinaire (Dans le silence des oliviers)

(4) Je me base surtout sur le Dîgha Nikâya, grâce à l’excellente traduction de Maurice Walshe, Thus I have heard, Wisdom Publications, London 1987. Voir aussi Môhan Wijayaratna, plusieurs publications au Cerf & chez LIS, et Walpola Rahula, L’enseignement du Bouddha, Seuil-Sagesses, Sa 13.

(5) Voir la deuxième partie de Dieu malgré lui, intitulée  »Un Bouddha juif »

JÉSUS ÉTAIT-IL NAZORÉEN ?

          Dans mes derniers ouvrages (voir les sources dans L’évangile du 13e apôtre), j’affirme sans hésiter que Jésus était nazôréen : il me faut revenir sur cette affirmation.

          On sait qu’il existait à son époque une secte juive de ce nom. Au 4e siècle après J.C., Épiphane écrit: « Ils s’appellent eux-mêmes nazaraïoi. Il y eût en effet une secte des nazaraïoi avant le Christ, et elle ne connut pas le Christ ». Pline l’Ancien (né en l’an 23) signale, en Syrie, une « province des Nazerini », nazerinorum. L’hébreu n’utilisait pas les voyelles : nazôréens, nazâréens, nazîréens, l’appellation hébraïque varie selon les versions grecques, mais le Nouveau Testament semble formel : Jésus aurait été perçu, de son vivant, comme membre d’un groupe portant ce nom.

           Quelle que soit l’orthographe, cette secte est donc antérieure à Jésus. Épiphane avoue ne pas savoir à quel moment elle a pris naissance : il pense qu’il faut les distinguer des nazîréens de l’Ancien Testament, auxquels Jean-Baptiste lui-même aurait appartenu.

          Est-ce en tant que disciple de Jean-Baptiste que Jésus aurait été nazîréen ? C’est-à-dire que ses parents auraient prononcé pour lui, à sa naissance, le vœu de nazirat ? Les nazîrs ne devaient ni couper leurs cheveux, ni boire de l’alcool – et l’on voit qu’à Cana, Jésus semble être le seul de la noce à être resté sobre. On sait aussi avec certitude que son frère Jacques était nazîr : si le cadet l’était, l’aîné devait l’être également.

          Mais les nazîréens ne doivent pas être confondus avec les nazôréens, rappelle Épiphane. On revient au point de départ : Jésus était-il nazôréen ?

           Il a été formé par des pharisiens provinciaux avant de devenir disciple de Jean-Baptiste. Puis il se sépare de son maître, adopte une attitude et un enseignement très différents de ceux du Baptiste, et s’éloigne des pharisiens ses premiers maîtres. Il se veut totalement indépendant, continuateur mais aussi rénovateur du judaïsme. Cette volonté d’indépendance, cette conscience d’apporter quelque chose de nouveau qui accomplit (et dépasse) la religion de son enfance, sont-ils compatibles avec son appartenance à l’une des sectes juives, par ailleurs mal connue ?

          Un indice permet peut-être d’y voir plus clair. Les Actes des apôtres 24,5 – et ils sont les seuls – désignent Jésus comme « chef de file de la secte des nazôréens ». Désignation hautement improbable, quand on sait que Jésus a refusé d’être assimilé à l’une quelconque des sectes juives de son époque, Zélotes, Hérodiens ou Esséniens.

          Voici donc ce qui a pu se passer.

           Les Actes sont écrits vers l’an 80, quand fait rage la controverse (qu’ils décrivent) entre Juifs et ‘’grecs’’ convertis à la nouvelle religion. A Jérusalem, on est judéo-chrétien, c’est-à-dire qu’on veut rester Juif, tout en étant disciple du Christ. Comme le dira plus tard Jérôme, ils « veulent être à la fois Juifs et chrétiens, mais ils ne sont ni Juifs, ni chrétiens ».

          Ces judéo-chrétiens, il les identifie sans hésitation : il les appelle nazôréens, et c’est en Syrie que Jérôme les a fréquentés.

          D’où mon hypothèse, qui me paraît mieux correspondre à ce que nous savons de Jésus, de la formation du Nouveau Testament et des tensions qui traversèrent l’Église chrétienne jusqu’au 5e siècle.

           Jésus, de son vivant, n’aurait été membre d’aucune des sectes juives répandues en Palestine : il trace une voie nouvelle, c’est un pionnier, un solitaire.

          Après sa mort, les premiers convertis se déchirent : faut-il d’abord être Juif, pour pouvoir devenir chrétien ? Se faire circoncire, pour pouvoir être baptisé ?

          A Jérusalem, les judéo-chrétiens répondent « oui », et se heurtent violemment à Paul de Tarse qui ne veut pas entendre parler de judaïsation comme préalable au baptême.

          Certains de ces judéo-chrétiens sont les nazôréens. Comment se rattachent-ils à la secte juive antérieure du même nom, et que signifierait ce rattachement ? La question reste sans réponse.

          Mais c’est après-coup, quand on écrit la version finale du Nouveau Testament (entre l’an 70 et 90), qu’on fait de Jésus le « chef de file de la secte des nazôréens » : victoire des judéo-chrétiens sur leurs opposants ‘’grecs’’, et victoire ambigüe puisque la version grecques des évangiles trébuche partout sur le nom exact de la secte.

          Nazôréens, nazîréens, nazaréniens ? C’est chez Matthieu qu’on trouve cette dernière orthographe, car il se croit obligé de faire de Jésus un habitant de Nazareth – pour éviter d’en faire un nazôréen, comme les autres

           Auteur du noyau initial de l’évangile selon s. Jean (cliquez), le Disciple que Jésus aimait est le seul qui ajoute sur l’écriteau de la croix la mention « Jésus le nazôréen » – mention totalement improbable, les autorités romaines ne s’intéressaient pas à l’appartenance d’un condamné à une secte juive, dont ils devaient d’ailleurs tout ignorer. L’écriteau de la croix portait seulement, comme c’était la jurisprudence, le motif de la condamnation : « Jésus, [qui s’est fait] le roi des Juifs ».

          Son insistance à qualifier Jésus de nazôréen m’a permis de suggérer que ce disciple aimé de Jésus était, lui, judéo-chrétien sous cette appellation. La communauté qu’il a regroupée autour de lui, et qui nous transmettra son témoignage dans l’évangile dit Selon s. Jean (cliquez), serait la communauté des nazôréens à laquelle font allusion les Actes des apôtres. Ce sont peut-être les « faux-frères » dont Paul parle, avec rage, dans son Épître aux Galates.

          Ces nazôréens, Jérôme les rencontre en Syrie à la fin du 4e siècle.

          Et on les retrouve dans le Coran, sous la transcription arabe nasâra. Dans mon étude à paraître, je mets en lumière le rôle considérable qu’ils ont joué dans la naissance du Coran.

           Pardon à mes lecteurs : il est vraisemblable que Jésus n’était pas nazôréen. Après la mort de Jean-Baptiste, il devient enfin lui-même dans son comportement comme dans son enseignement. Lui-même, c’est-à-dire totalement original. Il ne se rattache ni aux nazôréens, ni aux pharisiens, ni aux esséniens : il se rattache exclusivement à Celui qu’il appelle Abba, et qu’il a découvert au désert (cliquez).

          Abba, ce n’est pas un nouveau nom de Dieu, une autre définition de l’Invisible (cliquez). Par ce mot, Jésus indique seulement quelle était la nature de sa relation avec le Dieu de Moïse.

          Une relation totalement inédite dans le judaïsme, celle d’un enfant qui s’abandonne avec une totale confiance dans les bras de son papa – ou de sa maman (cliquez).

           Les chrétiens ne sont donc pas les héritiers spirituels des nazôréens, à travers Jésus qui en aurait fait partie. En revanche, le Coran est imprégné de ce qu’était devenue l’idéologie messianiste de ces judéo-chrétiens, au 7e siècle et en Syrie.

          Mais ceci est une autre histoire, de violence et de sang.

                                         M.B., 12 juillet 2013
Où l’on voit que l’exégèse, science historique, est affaire de nuances et d’interprétation. Et qu’un exégète peut être honnête dans sa recherche de la signification des textes.

JÉSUS S’EST-IL SUICIDÉ ?

          Au terme de ses deux années de prédication itinérante, le rabbi Jésus se trouvait enfermé dans une impasse totale. En faisant passer la compassion avant l’application stricte de la Loi, il s’était aliéné le clergé juif. En refusant de prendre le parti de la violence, il avait déçu les nationalistes zélotes, ses disciples et une partie du peuple. Son attitude ambigüe envers le pouvoir lui valait d’être recherché par la police d’Hérode. Mais surtout, son enseignement n’avait pas pris, ni sur les foules avant tout assoiffées de guérisons, ni sur ses disciples, ni bien sûr chez ses collègues pharisiens.

          J’ai retracé ce lent cheminement vers l’impasse, qui aurait dû le mener à la dépression et à l’effacement, dans Jésus, mémoires d’un Juif ordinaire (Dans le silence des oliviers) : je renvoie le lecteur à cet ouvrage, publié au Livre de Poche.

           Il se trouvait alors en Galilée. Or, après un moment d’hésitation, on le voit choisir de retourner à Jérusalem. Pire, dès son arrivée dans la « Ville qui tue les prophètes », il ranime Lazare devant une foule composite. Immédiatement prévenu, le Sanhédrin lance contre lui un mandat d’arrêt. Il est obligé de se cacher, la nuit, au jardin des Oliviers.

           Pourquoi n’est-il pas resté chez lui, se taisant enfin, se faisant oublier dans la sécurité relative de sa Galilée natale ? Pourquoi avoir ranimé publiquement Lazare, sachant qu’au Sanhédrin les sadducéens y verraient une résurrection – chose qui leur faisait horreur et dont ils interdisaient même qu’on parle à Jérusalem ? Pourquoi, après le mandat d’arrêt, n’a-t-il pas discrètement franchi une frontière, comme il l’avait déjà fait devant les menaces d’Hérode ?

          Pourquoi s’est-il jeté, délibérément, dans la gueule du loup ?

          Jésus avait-il choisi cette issue nécessairement fatale, plutôt que de continuer à lutter et à se débattre au milieu d’impasses insurmontables, dont il était vivement conscient ?

          Devant son échec, a-t-il cédé au désespoir, s’est-il suicidé en allant se livrer à ceux qui voulaient sa mort ?

            L’hypothèse n’est pas nouvelle, elle a été soutenue entre autres par Marcel Pagnol (1), E. Abécassis (2), P. Dauzat (3), et remise au goût du jour par la publication récente de l’Évangile selon Judas. Dans le chapitre 37 de Dieu malgré lui, « Jésus devant ses échecs et sa mort », j’ai tenté de comprendre son attitude en la comparant à celle d’un autre grand Éveillé de l’Histoire, le Bouddha Siddhârta. Je vous renvoie à ce chapitre, et me contente d’en rappeler ici la conclusion : un Éveillé n’appréhende pas sa mort comme nous. Il la voit venir, en prédit parfois l’heure, l’affronte comme l’aboutissement normal (et inévitable) de son cheminement vers l’Éveil.

           Jésus, qui s’était situé dès ses débuts dans la mouvance des prophètes juifs ses prédécesseurs, savait qu’il était né pour être tué (4). Sa mort violente était l’aboutissement d’une vie de prophète, et comme la leur elle servirait à « une multitude ».

          Sa démarche n’est donc pas suicidaire. Toujours dans Dieu malgré lui, j’ai rappelé (p. 154) que le suicide faisait horreur aux Juifs : « C’est un lâche, celui qui veut mourir quand il n’y a pas lieu ! Il est ignoble de se donner la mort, mais surtout c’est une impiété à l’égard du Dieu qui nous a créés. Ceux qui font la folie de [se suicider], un sombre enfer reçoit leur âme », écrivait Flavius Josèphe, presque contemporain de Jésus.

           Jésus n’a pas été lâche, il ne s’est pas suicidé. Il a affronté sa mort lucidement, face à face, comme un Éveillé.

          Mais vingt ans après, Paul de Tarse va donner à cette mort une signification tout autre, en faisant de la crucifixion l’un des piliers de la nouvelle religion.

 La récupération de la mort de Jésus par Paul de Tarse

           Très peu de temps après sa mort (avril 30), le Galiléen va être considéré par la communauté de Jérusalem comme le Messie attendu par les Juifs – titre que Jésus, lui-même, a toujours refusé de son vivant.

          Paul semble avoir reçu ce premier dogme chrétien vers l’an 33. Mais alors, se posait à lui un dilemme redoutable : pour les Juifs du 1e siècle, le Messie ne pouvait pas mourir : sa venue était « l’apogée glorieuse de l’Histoire… Il devait être éternel, comment pourrait-il mourir ? La mort était la punition du péché (5) ». Or le Messie, qui avait la pureté absolue d’un Juste, ne pouvait pas avoir connu le péché.

          Et non seulement Jésus était mort, mais c’était d’une façon ignominieuse : par crucifixion, châtiment particulièrement douloureux réservé aux esclaves.

           Paul comprit qu’il n’y avait à ce dilemme qu’une solution, et une seule : « Si quelqu’un qui ne devait pas mourir est mort, c’est qu’il avait choisi de mourir. La question alors devenait : ‘’pourquoi Jésus a-t-il choisi une mort aussi horrible’’ ? (5) ».

          Et la réponse de Paul : « Il m’a aimé et s’est livré pour moi (6) ». Jésus avait choisi les souffrances de la crucifixion par amour pour nous.

          Cette explication aurait pu se rapprocher de la façon dont Jésus lui-même avait compris et vécu sa mort. Mais Paul allait beaucoup plus loin : inattendues et infamantes, les souffrances du Messie devenaient – par leur horreur -, le pivot central de sa nouvelle religion : « Je n’ai rien voulu savoir parmi vous, sinon Jésus-Messie crucifié (7) ».

          Ầ partir de cette idée-force, Paul bâtit toute sa compréhension de la vie humaine, de la souffrance et de la mort.

          La vie ? C’est une épreuve, elle n’a d’autre but que de nous acheminer par la souffrance vers la délivrance de la mort.

          Vivre, c’est « communier aux souffrances du Messie et devenir semblable à lui dans sa mort (8) ».

          Vivre, c’est désirer mourir : « Pour moi, mourir m’est un gain (9) ».

           Entraîné sur cette pente, il va jusqu’au bout : « Je trouve ma joie dans les souffrances…, et ce qui manque aux détresses du Messie, je l’achève dans ma chair (10) ». Terrible affirmation ! Elle fait de la souffrance le moyen ordinaire de la perfection chrétienne – comme s’il pouvait manquer quelque chose aux souffrances du Messie, comme si l’humanité était condamnée à souffrir pour accomplir le plan de Dieu.

          Comme s’il nous revenait, à nous devenus supérieurs au Messie, de souffrir pour combler l’appétit de souffrance d’un Dieu insatisfait par sa crucifixion.

           La religion fondée par Paul a trouvé là le fondement de ce qu’on a appelé la « névrose chrétienne ». Alors que Jésus, de son vivant, a toujours eu horreur de la souffrance, n’a jamais cherché qu’à la soulager quand il la rencontrait en chemin. Alors que le début de son programme tient en un seul mot : « Heureux… »

           S’il a délibérément affronté la mort, ce n’est pas qu’il la souhaitait ou la désirait, mais comme une conséquence de son choix d’une vie de prophète. La valorisation de la souffrance était totalement étrangère à Jésus. Enfermé dans des impasses insurmontables, il n’a pas sombré dans la dépression, n’a pas songé au suicide. Il a fait face, et n’aurait jamais songé à donner son horrible supplice en exemple à suivre par d’autres que lui.

           Nos sociétés mondialisées, elles aussi, sont enfermées dans des impasses – économiques, sociales, écologiques, politiques – qui paraissent insurmontables. Jamais la planète n’a été aussi riche, et jamais le sentiment d’impuissance et de désespoir n’ont été plus répandus, éclatant ici et là en révoltes sporadiques.

          Si nous tentons comme Jésus de faire face, sans sombrer dans l’indifférence ou la dépression, nous n’échapperons pas – comme lui – au sentiment de l’échec et de l’inutilité de nos efforts.

          C’est peut-être le moment de se rappeler ce qu’écrivait Saint-Exupéry dans la tourmente de la guerre mondiale : « On ne voit bien qu’avec le coeur. L’essentiel est invisible aux yeux ».

                                                          M.B., 29 juillet 2013

 (1) Judas, Paris, Pastorelly, 1976.

(2) Dans son roman Qumrân, Paris, Ramsay, 1996, p. 183.

(3) Le suicide du Christ, Paris, PUF, 1998.

(4) C’est le titre de la 3° partie des Mémoires d’un Juif ordinaire.

(5) J. Murphy-O’Connor, Histoire de Paul de Tarse, Paris, Cerf, 2004, p. 46.

(6) Épître aux Galates, 2,20.

(7) 1re Épître aux Corinthiens, 2,2.

(8) Épître aux Philippiens, 3,10.

(9) -id.-, 1,21.

(10) Épître aux Colossiens, 1,24.

PAQUES A-T-IL ENCORE UN SENS ?

          Message reçu sur Internet :
          Je lis avec toujours énormément d’intérêt vos articles sur votre blog.  
          Chaque année à cette époque, je cale sur Pâques,
           Puisque, si Jésus n’est pas Dieu, il n’est pas ressuscité, quel est pour vous le sens de cette fête ?

          Voilà les bons côtés d’Internet : je vais répondre à une inconnue.
          Non, Jésus n’est pas « ressuscité » le 9 avril 30 – qui était cette année-là le premier jour de la semaine juive, faisant suite à la fête de pâque. Je vous renvoie pour l’analyse des textes et des faits à Dieu malgré lui, nouvelle enquête sur Jésus (cliquez)
          Ce jour-là, juste après le lever du soleil, des femmes se rendent furtivement au jardin qui fait face à la porte ouest de Jérusalem. Dans ce lieu situé hors de la ville, mais proche des murailles, de riches propriétaires faisaient construire leurs caveaux familiaux. C’est l’un d’eux, Joseph d’Arimathie, qui a prêté le sien au rabbi juif itinérant crucifié 72 heures plus tôt.
          Pourquoi a-t-il fait ce geste compromettant ? Parce que la mort du crucifié intervient juste au moment où s’ouvre la célébration liturgique de la pâque juive – qui durera jusqu’au lever de soleil du 9 avril, un dimanche pour nous.
          Pendant cette période, impossible de s’approcher d’un cadavre (et encore moins de le toucher) sous peine d’une impureté qui rendrait inapte à la célébration de la plus grande fête juive.
          Quand les femmes sont en face du tombeau (qu’elle s’attendaient à trouver tel qu’elles l’avaient laissé le vendredi, la lourde pierre tombale fermant l’entrée), elles sont stupéfaites de le trouver ouvert. Et de voir, à l’intérieur, deux hommes en blanc (un seul, selon certains évangiles) qui leur adressent la parole, comme s’ils les attendaient.
         A ce stade de la rédaction, personne ne dit encore que Jésus est ressuscité. Les témoins (d’après le meilleur d’entre eux pour cet épisode, le IV° évangile) disent seulement : « On a enlevé le Seigneur, et je ne sais pas où on l’a mis… Si c’est toi qui l’as enlevé, dis-moi où tu l’as mis, et je l’enlèverai ! » (Jn 20,13-15).
          Il n’y a aucun témoin de la résurrection : la résurrection est la réponse trouvée, après-coup, au problème posé par le tombeau vide.
          En revanche, les témoignages sur la découverte du tombeau vide sont remarquablement précis, et (si l’on sait lire), concordants.
          Sachant cela, que reste-t-il de Pâques, pour nous, aujourd’hui ?
          D’abord, l’occasion de revivre, en temps cosmique, les derniers moments de Jésus. Pâque avait – et a toujours lieu – au moment de la pleine lune de printemps. Le cosmos tout entier est ainsi associé, pour toujours, au don que fit de lui-même un homme exceptionnel.
          Inutile d’aller sur place, à Jérusalem : la lune, ma douce soeur, plante le décor qui convenait au départ de cette terre, dans la souffrance, de celui qui l’a tant aimée. Et (au moins pour l’hémisphère nord), la lune de printemps est visible de tous, partout.
          Ensuite, revivre cette nuit où (grâce à la lumière de la pleine lune) les hébreux puirent s’enfuir d’Égypte, conduits par Moïse. Ce jour-là, un peuple naissait, qui se dirait bientôt le « peuple de Dieu » – pour le meilleur et pour le pire.
          Jésus a-t-il explicitement voulu que sa mort (qu’il sentait venir) coïncide avec la pâque juive ? Et lui donne ainsi une signification insoupçonnée, celle de l’accomplissement définitif des promesses de Dieu à Israël ? Celle d’un sacrifice (le sien) qui rachèterait l’humanité ?
          Rien, dans ses paroles ni dans son attitude, ne permet de dire cela. Oui, il a eu conscience que sa mort permettrait une nouvelle alliance entre Dieu et la multitude. Mais il ne l’a pas conçue comme un sacrifice mettant un terme à ceux de l’ancienne alliance. Cette piste, ce sont les théologiens chrétiens qui vont s’y précipiter, très tôt (dès l’épître aux Hébreux) et pour des raisons qu’on peut appeler « politiques » : fonder le surclassement du judaïsme par le christianisme.
          Il n’en reste pas moins : la fuite des hébreux d’Égypte, le passage de la Mer Rouge, sont le début d’une humanité nouvelle.
          Regardez bien la pleine lune, chère M.P., dimanche prochain. Elle abolira pour vous les siècles et les distances. C’est sous cette même pleine lune que Jésus a été déposé, à la hâte, dans un tombeau provisoire devant le porte Ouest. Et elle était sans doute encore visible dans le ciel de Jérusalem quand quelques femmes juives, terrorisées, découvrirent que son cadavre n’était plus là.
          Le reste appartient aux théologiens de tous poils, et à l’ambition des Églises de tous crins qui les commanditaient.
          Donc  vendredi, samedi et dimanche soir prochains, soyez sur votre balcon : je serai sur le mien. Dans le ciel de votre Belgique, comme dans celui de ma Picardie, on verra peut-être la pleine lune.
          Laissez-vous entraîner par elle hors de ce siècle souffrant, loin de ces terres malgracieuses.
          Aux côtés des géants qui nous ont faits ce que nous sommes.
                                                          M.B., 7 mars 2007

INUTILE RÉSURRECTION

          Il y a 50 ans, le pape Jean XXIII décrétait l’ouverture d’un concile œcuménique. La nouvelle parût sensationnelle, et elle l’était : on sentait bien que l’Église catholique, encore triomphante, était déconnectée de la marche du monde.
          A l’ouverture de la 2° session, le tout nouveau pape Paul VI décréta que ce Concile serait exclusivement pastoral. C’est-à-dire qu’il laisserait de côté les questions dogmatiques fondamentales : la résurrection, l’incarnation.
          Depuis, il n’est plus question que de l’accessoire : mariage des prêtres, ordination des femmes, contraception, messe en latin, intégristes ou non, préservatif ou non… 
         
          Il faut aller au fond du malaise : la question de la résurrection. Lire la suite