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JÉSUS PORTAIT-IL UN GILET (jaune) ?

  La France possède deux spécialités mondialement reconnues : de bons vins, et des fromages raffinés. Mais elle est affligée d’une troisième spécialité : l’anarchie.

I. La France en crise, hier et aujourd’hui

Les choses remontent à 1789. Au point de départ il y avait une situation de faillite de l’État, confronté à une dette insurmontable. Les plus riches (noblesse, clergé) ne payant pas d’impôts, l’État était obligé d’emprunter pour payer la fonction publique et les retraites – jusqu’à ce que les emprunts lancés par Necker ne trouvent plus preneurs. Fin 1788 la pression fiscale sur le peuple était insupportable, la dette monstrueuse, l’État au bord de la banqueroute. Pour résoudre cette crise financière et en l’absence de corps intermédiaires, Louis XVI organisa dans la population des États Généraux. Partout les citoyens rédigèrent des cahiers de doléances dans lesquels on espérait puiser les idées qui permettraient à l’État de sortir de sa crise. Lire la suite

SOMMES-NOUS TOUS DES MYSTIQUES ?

« Le monde change, mais un de ses traits ne varie pas : tant qu’il y aura des hommes, ils aspireront à autre chose. Autre chose que ce qu’ils ont déjà, autre chose que la vie de chaque jour, autre chose que la vie tout court ». (1)

Cette aspiration, c’est celle qui a fait naître dans toutes les civilisations le courant mystique. Lire la suite

TYRANNIE DES APPARENCES ET VIOLENCE : les mystiques ont-ils quelque chose à nous apprendre ?

 Les premières traces d’Homo Sapiens montrent quelque chose d’étonnant : ils rassemblaient les ossements de leurs défunts en un même lieu – alors que les restes des animaux sont éparpillés dans la nature. Yves Coppens pense que c’est à cet indice qu’on détermine le seuil qui sépare les grands singes des hominidés : la conscience qu’il y a quelque chose après la mort, puisque les restes des humains sont collectés dans l’attente confuse, non-formulée, de ce « quelque chose ».

I. Platon et la caverne

En Occident il va falloir attendre Platon pour que cette conscience vague soit formulée dans sa fameuse « parabole de la caverne ». Nous sommes enchaînés, dit-il, dans une grotte obscure, le dos tourné à l’entrée. Jamais nous n’avons vu la source de la lumière qui nous parvient depuis l’ouverture. De la réalité du monde extérieur nous ne connaissons que les ombres, projetées par cette lumière sur le fond de la caverne. Si l’un de nous est libéré de ses chaînes et va jusqu’à l’entrée de la caverne, il sera d’abord ébloui par la lumière et par la réalité du monde qu’il découvre. Revenu auprès de ses compagnons, il ne trouvera pas les mots pour leur dire ce qu’il a vu, pour leur communiquer son expérience toute nouvelle de cette réalité. Les malheureux ne pourront pas comprendre ce qui lui est arrivé, ils le recevront très mal et  refuseront de le croire. Lire la suite

RETOUR DE LA VIOLENCE (en jaune)

Les humains sont-ils violents par nature ? Oui et non. Le cas de l’extermination de l’Homme de Neandertal au profit de l’Homo Sapiens semble faire pencher la balance vers le non. Entre – 35 et – 24.000 ans, la population de Neandertal disparaît en Europe au profit du Sapiens. Que s’est-il passé ? Plusieurs hypothèses tentent d’expliquer la disparition totale d’une espèce humaine en 20.000 ans. Un génocide ? Hypothèse écartée, il n’y a pratiquement pas trace de mort violente sur les squelettes retrouvés. Un ensemble de facteurs nutritionnels, génétiques et climatiques se seraient conjugués pour que Neandertal laisse la place à Sapiens. Une extinction naturelle, pacifique, et non une suite de guerres fratricides.

À cette époque reculée, une population s’est donc éteinte sans trace de violence. Et là, il faut noter un fait capital : à cette époque, les civilisations n’existaient pas encore. Quand elles apparaissent, les civilisations seraient-elles intrinsèquement sources de violence ? Sommes-nous violents parce que nous sommes ‘’civilisés’’ ? Lire la suite

MARTYRE DES PALESTINIENS : LE VIEIL HOMME ET LA CLEF

C’était au printemps 1978, des amis m’avaient offert un billet d’avion Paris – Tel-Aviv. L’État d’Israël était alors au faîte de sa puissance. Écrasé, l’OLP faisait silence : il n’y avait pas, il n’y avait plus de « question palestinienne ».

Je n’ai pas voulu quitter ce pays sans avoir fait à pied le même trajet que Jésus, de Jéricho à Jérusalem.

On laisse Jéricho-la-verte et l’on entre au désert. Un chemin qui sinue sous un soleil de feu, puis des collines abruptes où l’on chemine à flanc de coteaux. Personne. Parfois un bruit étrange, répercuté par les parois escarpées.

Soudain, on débouche sur la grande route Tel-Aviv – Jérusalem. Au milieu de nulle part un bus vient de s’arrêter, il va à Jérusalem, le prendre serait échapper à la fatigue. Un instant d’hésitation, le souvenir de Jésus qui n’avait pas de bus à sa disposition : je traverse la route et m’enfonce à nouveau dans la fournaise. Jérusalem est là-bas, derrière les vagues de chaleur.

Le désert. Le soleil : il doit être 15h, comment se fait-il qu’il brûle encore autant ? La lumière, aveuglante. Soif, très soif.

Soudain, une voix qui m’appelle : mais oui, c’est bien à moi qu’on en veut. Dans l’air qui tremble, un cube de béton posé sur l’immensité du désert. Sur une espèce de véranda, un homme au keffieh me fait de grands signes avec ses bras maigres. Je m’approche : il est âgé, me parle en arabe, mon montre le ciel embrasé, le sable, la direction de Jérusalem. Que me veut-il ?

Un homme plus jeune apparaît derrière lui et me crie en anglais : « Come, sir, come here ! » Je m’approche du cube de béton. Le jeune homme me sourit, il est vêtu à l’européenne. « Monsieur, me dit-il en mauvais anglais, mon père vous a vu marcher dans le désert. Vous venez de Jéricho, n’est-ce pas, vous allez à Jérusalem ? Vous ne pouvez pas continuer sans boire, il vous reste une longue distance, mon père veut que vous veniez prendre du thé. C’est nécessaire pour vous, vous comprenez ? Vous en avez besoin ».

Le vieillard hoche la tête, me prend par la main, me conduit à l’ombre de la véranda. D’un bras tremblant, il fait gicler dans un verre ébréché un jet de thé mousseux. Me le tend avec un sourire qui découvre ses dents orphelines. « Bismillah, schouf, bech’er ! » Au nom de Dieu, regarde, c’est bon !

Oui c’est bon, c’est délicieusement sucré, odoriférant. La vie revient en moi : sans cet apport d’eau et de sucre, je ne sais pas dans quel état je serais parvenu au terme de cette longue marche.

Le vieil homme tourne la tête, parle à son fils qui traduit tant bien que mal : « Notre famille vit en Palestine depuis toujours, aussi loin que la mémoire de mon père remonte, peut-être depuis les Croisades. Mon père sait : dans ce désert, sans eau, vous étiez en danger. » Je ne dis rien. Je bois le thé et je bois le visage ridé du vieil homme, ses yeux profonds. Une immense humanité, faite de tristesse et de compassion. Il me regarde longuement puis se tourne vers son fils, lui dit quelques mots. Le fils secoue la tête – « non, non ! » – puis finit par céder, se lève, entre dans le cube, en revient au bout d’un instant, le poing fermé sur un objet. « Mon père dit que vos yeux savent entendre. Il veut que je vous montre quelque chose, si vous voulez bien : il faut monter là-haut ».

Nous gravissons une colline de sable et de pierres. Parvenus au sommet, un vaste panorama : tout là-bas Jérusalem, l’esplanade du Temple et le dôme de la mosquée d’Omar qui scintille sous le soleil. A cette époque, la banlieue de Jérusalem était peu construite. Le jeune homme tend la main vers des maisons basses entourées d’oliviers, à la limite de la ville : « Vous voyez ? Dans ce petit village, là-bas, c’est notre maison. Celle où mon père est né, et son père avant lui. Autour de la maison ce sont nos oliviers. Ils ont été plantés par le grand-père de mon grand-père. Nous vivions bien, il y avait un pressoir à huile… Et puis en 1948, Tsahal est arrivé. Ils nous ont expulsés, ils ont pris notre maison, nos meubles, notre plantation. Maintenant, ce sont des Juifs qui font couler l’huile du pressoir, avec le fruit de nos oliviers. Et nous, nous n’avons plus rien. Nous vivons là… » Je me retourne : en contrebas le cube de béton, planté en plein désert, est l’image de la désolation et du dénuement solitaire. Pas un arbre, rien.

Rien.

Le jeune homme ouvre son poing fermé. Au creux de sa paume, une clef rouillée : « Et ça, c’est la clef de notre maison. Chaque jour depuis trente ans, chaque jour mon père monte jusqu’ici. Il regarde sa maison de loin, et puis il embrasse sa clef, la clef de sa maison, de la maison de ses ancêtres. Et puis il descend, s’assied sur la véranda, fixe le désert. Des larmes coulent sur ses vieilles joues. Et moi… »

Il referme ses doigts sur la clef : « Moi, je m’appelle ‘Amin. En arabe comme en hébreu, cela veut dire « fidélité ». Moi, je pense à notre maison là-bas, au bruit du vent le soir dans nos oliviers. Mon jeune fils s’appelle ‘Amin lui aussi. Et chaque jour, comme moi, il vient ici regarder notre maison. Quand mon père mourra, je lui transmettrai la clef. Et lui la transmettra à son fils. Pour le jour où nous rentrerons chez nous. Chez nous… »

Je n’ai rien dit. Dans lez yeux d’Amin il y a une lueur particulière, ardente et dramatique.

Le lendemain, c’était la veille de mon départ. A Jérusalem, j’ai pris un bus rue Rehovot. Direction, Gaza.

A l’époque, on pouvait entrer dans le territoire simplement en montrant son passeport. Évidemment aucun touriste, jamais, n’allait à Gaza. Mais moi, depuis ma rencontre avec ‘Amin et son vieux père, depuis le thé dans le désert, depuis les yeux d’Amin, je n’étais plus un touriste.

J’ai traversé la ville et me suis dirigé vers le bord de mer. Donnant sur la plage j’ai vu de hauts murs cernés de barbelés, des miradors, des projecteurs. Je me suis approché du portail d’entrée. Immédiatement j’ai été entouré d’une foule de keffiehs qui poussaient des cris, me faisaient des signes affolés : « Non, ici on n’entre pas. Ici c’est pour nous, c’est l’enfer de la douleur et des larmes. Étranger, va, retourne dans ton monde !  » Gentiment, presque tendrement ils m’ont pris par le bras et m’ont éloigné. Ils ne parlaient plus. Mais les dizaines de paires d’yeux qui me fixaient avaient en eux le même reflet tragique que ceux d’Amin.

Et puis une jeep de Tsahal est passée, a freiné dans un nuage de poussière : « Qu’est-ce que vous faites ici ? C’est interdit, vous ne devez pas voir ça, ils sont dangereux, des bêtes fauves ! » Les soldats israéliens m’ont saisi, jeté sur le plateau de la jeep qui est repartie en trombe tandis que les bêtes fauves, immobiles et muets, levaient doucement la main pour me saluer. Tsahal m’a reconduit jusqu’au bus et ne m’a quitté que quand il a démarré pour Jérusalem, avec moi dedans.

Depuis, je pense à la clef du vieil homme, à sa maison qu’il n’a pas revue avant de mourir. A ‘Amin le fidèle, à son fils qui doit être grand maintenant. Et qui doit, à son tour, gravir chaque jour la colline aride pour regarder, au loin, sa maison et ses oliviers.

Une clef rouillée dans son poing fermé.

Je revois la lueur dans le regard de tous les ‘Amin de Gaza. Et je sais qu’elle ne s’éteindra jamais.

                                                                      M.B., janvier 2009.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

VIOLENCE FRANÇAISE : NI DIEU NI MAÎTRE

Est-ce reparti pour un tour ? L’histoire du peuple français commence avec la Guerre des Gaules. Quand Jules César envahit le pays au-delà les Alpes, il trouve un territoire occupé par des tribus celtes qui passent leur temps à se faire la guerre les unes aux autres. Un chef charismatique, Vercingétorix, tente de fédérer ces tribus pour résister à l’envahisseur. Il dispose de 100.000 hommes en armes tandis que César n’en a que 60.000, il connaît parfaitement le terrain, ne manque pas d’approvisionnement.

Pourtant à Alésia, il va se rendre. Pourquoi ? Parce qu’il a été incapable de faire accepter son autorité par les chefs des tribus gauloises. Sous les yeux de César ils se chamaillent sans autre projet que de prendre la place du chef. Ils préfèrent perdre la guerre, être anéantis plutôt que d’unir leurs efforts sous la bannière d’un seul. Nous ne connaissons pas les arguments des uns et des autres, mais le résultat est là : Alésia est un suicide collectif. Lire la suite

LES POLITIQUES DANS LE CANIVEAU : JUSQU’OÙ TOMBERONT-ILS ? Laurent Wauquiez et Cie

 Dans la IVe comme dans la Ve République, les élus du peuple savaient qu’ils représentaient ce peuple. Ils parlaient en son nom, et au-delà à l’Europe, au monde. Les Français appréciaient d’être représentés par des hommes qui voyaient les choses d’en-haut, Même s’ils n’étaient pas d’accord, ceux den-bas aimaient la tenue des affrontements de leurs hommes politiques. Leurs mots n’étaient pas toujours les nôtres, mais ils venaient de loin, ils portaient loin parce qu’ils avaient du contenu. Ni attaque personnelle ni grossièreté, on savait se tenir, on était les héritiers d’une certaine élégance française.

 Et nous les petits, les sans-grade, on se sentait respectés, presque valorisés par les mots avec lesquels nos politiques allaient au combat. « Oui, c’est comme ça qu’on doit parler en notre nom ». Lire la suite

LA SYRIE, CREUSET ET DÉPOTOIR DE L’OCCIDENT

Pourquoi la Syrie est-elle aujourd’hui ravagée par une guerre sans issue ? Parce que ce malheureux pays est, depuis plus de 2000 ans, l’un des creusets des trois religions monothéistes, judaïsme, christianisme et islam.

Leur creuset autrefois, leur dépotoir aujourd’hui. Lire la suite

FICTION ET RÉALITÉ DANS « LA DANSE DU MAL »

Un polar, c’est d’abord de l’action. L’action de tous les romans policiers suit deux canevas (qui furent ceux de nos jeux d’enfance), ‘’la course au trésor’’ ou ‘’les gendarmes et les voleurs’’. Depuis Le double crime de la rue Monge d’Edgar-Allan Poe (‘’gendarmes et voleurs’’, 1841) jusqu’au Da Vinci Code (‘’course au trésor’’), une immense littérature a été et continue d’être produite en suivant l’un ou l’autre de ces deux canevas, dont ses fans ne se lassent jamais. En France, un livre publié sur quatre est un ‘’Roman Policier’’. Pourquoi un tel succès populaire ? Lire la suite