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Quelques analyses des crises du christianisme depuis ses origines

LES MUSULMANS DANS L’IMPASSE : L’APPEL DE PARIS

Depuis la décapitation d’otages occidentaux par des djihadistes au nom d’Allah, vous avez pu entendre en boucle des déclarations indignées, horrifiées, scandalisées de personnalités musulmanes comme Abdallah Zekri : « C’est une révolte que j’ai en moi, une colère, un dégoût. » Ou des musulmans déclarer que « L’islam n’a rien à voir avec cette violence, c’est une religion de paix, de tolérance, etc. » Et Dalil Boubakeur s’exclamer devant les caméras : « C’est pas ça, l’islam ! »

Si c’est pas ça, c’est quoi ? On veut comprendre.

Une seule autorité : le Coran

Contrairement aux Juifs, aux catholiques et aux protestants, les musulmans n’ont aucune organisation centrale. Leurs imams dirigent la prière des mosquées, ne dépendent d’aucune structure hiérarchique, sont autoproclamés ou nommés par une communauté qui peut les licencier à tout moment. Leur statut d’imam dépend presque toujours de considérations politiques locales.

Les musulmans ne reconnaissent qu’une seule autorité, qui fédère l’Oumma (communauté musulmane mondiale) : le Coran.

Est musulman celui qui reconnaît l’autorité du Coran et de son Prophète.

Tout musulman qui s’éloigne du Coran ou qui le remet en question s’exclut de l’Oumma, apostasie punie de mort.

Personne n’ose poser la seule vraie question : le Coran prêche-t-il la violence, oui ou non ? Si oui, aucun musulman ne peut condamner les djihadistes et leurs crimes : ils ne font que mettre le Coran en application.

Violence du Coran

Dans Naissance du Coran, j’ai montré que ce texte puise son inspiration première chez des judéo-chrétiens réfugiés en Syrie pour échapper aux persécutions à la fois des Juifs et des chrétiens. Comme le dit s. Jérôme, ces judéo-chrétiens voulaient « être à la fois Juifs et chrétiens, mais ils ne sont ni Juifs, ni chrétiens. »

Ensuite, la prédication de ces judéo-chrétiens a été amplifiée par les califes de Jérusalem, Damas et Bagdad pour justifier leurs actes de guerre et consolider leur pouvoir politique. Dans sa version finale (fin du 8e siècle ? ), le texte du Coran est le fruit de cette alchimie complexe.

Il se pose en s’opposant aux deux premières Révélations, celle de Moïse et celle de Jésus, le judaïsme et le christianisme. C’est une troisième Révélation qui contient les deux premières mais qui les dépasse, les rend caduques, inutiles, inopérantes. Maléfiques et dangereuses si l’on s’y tient. Et ceux qui s’y tiennent doivent payer tribut, ou disparaître physiquement.

Le Coran efface l’Histoire qui le précède, tout en se réclamant d’elle. Il est un commencement absolu qui reconnaît ses racines, tout en les rejetant.

« Ni Juifs ni chrétiens » : le Coran est né de cette opposition farouche. À son époque, ‘’les chrétiens’’ c’était l’Empire Romain, c’est-à-dire l’Occident : la troisième Révélation est anti-occidentale, moyen-orientale, elle est Arabe, purement Arabe.

Ainsi le Coran n’est pas seulement un livre, c’est une arme de guerre : « N’obéis pas aux non-croyants mais lutte contre eux, avec force, au moyen du Coran. » (1) Son programme c’est la guerre, et ses ennemis sont désignés dans ce que j’appelle les « Versets Brûlants » qui parsèment tout le texte. En voici quelques-uns.

Les Juifs : « Allah ne pardonnera pas aux Juifs, ils empêchent l’humanité d’aller vers Lui : ils mourront. » (2) Ou encore : « Ô vous qui pratiquez le judaïsme ! Vous prétendez être les seuls amis d’Allah, souhaitez mourir ! » (3)

Les chrétiens : « Ces impies, s’ils ne renoncent pas [à leur foi], un châtiment terrible les atteindra. » (4) Et encore : « Les chrétiens disent que le Messie est le Fils de Dieu. Qu’Allah les tue ! Comme ils sont stupides ! » (5)

Tous les non-musulmans : « Ceux qui ne croient pas en Allah et son Prophète, Allah a préparé pour eux un châtiment horrible ! » (6) Ou encore : « On taillera aux incroyants des vêtements de feu, on versera sur leurs têtes de l’eau bouillante qui brûlera leurs entrailles et leur peau. Des fouets de fer seront préparés à leur intention. » (7) Ou bien : « Ceux qui font la guerre à Allah et son Prophète seront tués ou crucifiés, leur main droite et leur pied gauche seront coupés. » (8)

Bref, « saisissez-les, tuez-les partout où vous les trouverez. » (9)

Les djihadistes trouvent dans ces Versets Brûlants la justification pleine et entière de leurs actes monstrueux. Pour eux ce ne sont pas des crimes, ils ne font qu’obéir aux ordres d’Allah.

Et ils le disent.

La décapitation ? Elle n’est pas prescrite explicitement, mais un verset séparé de son contexte peut la laisser à entendre : « Quand vous rencontrez des non-croyants, frappez-les à la nuque jusqu’à ce que vous les ayez abattus. » (10)

Le messianisme : l’humanité séparée en deux

Bien qu’ils soient nombreux, la violence du Coran ne réside pas d’abord dans ces Versets Brûlants : elle vient de ce qu’il sépare l’humanité en deux. À l’origine du monde, « Les hommes formaient une seule communauté» (11), mais maintenant « ils se séparent en deux groupes : d’une part l’aveugle et le sourd et de l’autre, le voyant et l’entendant » (12)

D’une part ceux qui se soumettent au Coran, d’autre part… tous les autres.

Cette idéologie terrifiante, qui sépare l’humanité en deux groupes irrémédiablement opposés l’un à l’autre, elle a un nom, c’est le messianisme.

Dans Naissance du Coran, j’ai retracé l’origine du messianisme qui fut juif avant d’être radicalisé par les Esséniens, fut repris par la chrétienté pendant des siècles et structura le communisme puis le nazisme. Une idéologie qui a tracé un long sillon de sang et d’horreur sur notre planète. Qui se retrouve aujourd’hui chez les sionistes israéliens (soutenus par les néoconservateurs américains). Et chez les djihadistes, qui ne font qu’appliquer le programme messianique du Coran.

Le messianisme c’est la guerre au nom de Dieu, le combat du djihad.

Les musulmans qui prétendent que dans le Coran le mot djihad désigne le combat intérieur, la lutte spirituelle du croyant contre les démons de l’âme, ceux-là se voilent la face : « Prophète, combats les non-croyants et les chrétiens, sois durs envers eux. » (13)

Deux versets pacifistes ?

             Après la décapitation d’Hervé Gourdel Abderrahmane Dahmane, président du Conseil des démocrates musulmans, écrit dans La Croix que « les imams liront des passages du Coran qui interdisent de tuer un être humain.  »

Il fait allusion à deux versets qui demandent une explication. Le premier, « Dieu avait décrété, pour les Juifs : ‘’Quiconque tuera un homme qui lui-même n’a pas tué ou semé la violence sur terre, ce sera comme s’il avait tué tous les hommes. Et quiconque sauve un seul homme, ce sera comme s’il avait sauvé tous les hommes’’. » (14) On trouve ici un souvenir de la grande tradition du judaïsme ancien, une citation du Talmud de Babylone (15) que les judéo-chrétiens connaissaient et respectaient. Mais vous avez bien lu : « Dieu avait décrété pour les Juifs ». Ni juif ni chrétien, le Coran se démarque de ses origines, cette prescription qui s’appliquait aux Juifs n’a plus de valeur pour les disciples de la troisième Révélation.

L’autre verset, « Ne tuez pas votre semblable qu’Allah a déclaré sacré, sauf pour une juste raison » (16) fait allusion à la loi juive du talion. Il est rédigé de telle façon qu’un djihadiste trouvera toujours une « juste raison » de tuer – sa haine de l’Occident.

Isolés dans le Coran, ces deux versets tout droit venus du judaïsme ne font pas le poids face aux dizaines de Versets Brûlants qui parsèment le texte. Et qui mettent périodiquement le feu à la planète.

L’Appel de Paris : les musulmans dans l’impasse

Les musulmans « modérés » ou « libéraux » se trouvent donc dans une impasse douloureuse. En témoigne l’Appel de Paris publié le 9 septembre 2014 par Dalil Boubakeur, Recteur de la Grande Mosquée de Paris, président du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM), conjointement avec un panel de personnalités musulmanes françaises. Je cite :

« Le monde assiste à une flambée inégalée d’extrémisme et de violence au Moyen-Orient, qui instrumentalise l’islam… [Nous dénonçons] sans ambiguïté les actes terroristes qui constituent des crimes contre l’humanité et déclarons solennellement que ces groupes, leurs soutiens et leurs recrues ne peuvent se prévaloir de l’islam.

« Ces agissements d’un autre âge… ne sont fidèles ni aux enseignements ni aux valeurs de l’islam.»

Mais ils sont parfaitement fidèles aux enseignements du Coran.

            Et le Ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve est soit hypocrite, soit ignorant quand il déclare que cet appel « témoigne de la capacité des cultes à se rassembler autour des Droits de l’Homme et des valeurs de la République. Il constitue un démenti apporté à ceux qui s’efforcent d’établir des amalgames entre le terrorisme et la religion musulmane. »

Droits de l’Homme, valeurs républicaines dans le Coran ? On croit rêver. Quand au démenti de l’amalgame, c’est l’habituel refrain politiquement correct de ceux qui nous enfument.

Pleins de bonne volonté, les signataires de l’Appel de Paris confessent que les ‘’crimes’’ djihadistes sont des « agissements d’un autre âge » : en effet, c’est l’âge du Coran, l’autorité unique et suprême de l’islam.

Rêvent-ils à l’établissement d’un islam non-coranique ? Alors, leur Appel aurait dû être rédigé autrement. Par exemple :

« Nous dénonçons sans ambiguïté les nombreux passages du Coran qui appellent au génocide des Juifs et des occidentaux. Nous dénonçons l’optique générale du Coran, qui divise l’humanité en deux factions opposées. Nous reconnaissons que l’humanité est une, et que les humains doivent se respecter et s’entendre, au lieu de se combattre à mort comme le préconise le Coran. »

Mais ceci, jamais ils ne le déclareront.

                                                            M.B., 2 octobre 2014

Pour en savoir plus, lisez

NAISSANCE CORAN 1COUV

            (1) Coran 25, 52.
            (2) Coran 47, 34. Dans ce verset, le Coran appelle les Juifs « les recouvreurs ».
            (3) Coran 62, 6.
            (4) Coran 5, 73.
            (5) Coran 9,30.
            (6) Coran 4, 150.
            (7) Coran 22, 19-21.
            (8) Coran 5, 33.
            (9) Coran 4, 89.
            (10) Coran 47, 4.
            (11) Coran 2, 213.
            (12) Coran 11,24.
            (13) Coran 9, 73 et 66, 9. Dans ce verset, le Coran appelle les chrétiens « les hypocrites».
            (14) Coran 5, 32.
            (15) Mishna Sanhedrin 4, 5. Talmud de Babylone, Kiddushim 1.
            (16) Coran 17, 33.

ISRAËL EN PALESTINE : LE QUATRIÈME REICH ?

Une fois de plus, Israël massacre impunément des civils Palestiniens, et cela dure depuis cinquante ans. Aucun « processus de paix » n’a abouti, aucun n’aboutira jamais.

Pour comprendre, il faut relire quelques passages du Livre de Josué, écrit au milieu du VI° siècle avant J.C., quand les Hébreux exilés à Babylone recomposaient un passé devenu mythique.

La Shoah des Palestiniens (Nakbah)

Il est donc écrit dans la Bible que sur l’ordre de son dieu, Josué envahit la Palestine : « Tous ses voisins se sont unis pour combattre Israël. Mais Josué est tombé sur eux à l’improviste, les a battus et poursuivis jusqu’au Liban (1). » Vient ensuite la description complaisante du premier génocide attesté par l’Histoire: « Josué attaque les villages en partant du centre, et massacre tout être vivant, sans laisser échapper personne. Tous sont passés au fil de l’épée. Il soumet ainsi tout le pays jusqu’à Gaza, sans laisser un seul survivant (2). » Génocide accompagné d’une spoliation des biens : les Juifs « s’emparent des villes par la violence, ils en éliminent les autochtones par le massacre, sans rémission. Quand il n’est plus resté aucun Palestinien, Josué a pris possession de cette terre et l’a distribuée aux tribus juives (3). » Puis il déclare : « Toutes ces populations que nous avons exterminées, Dieu les a dépossédées pour vous… Prenez possession de leurs terres, des terres qui ne vous ont demandé aucune fatigue, des villes bâties par d’autres dans lesquelles vous allez vous installer, des vignes et des oliveraies que vous n’avez pas plantées (4)… Les juifs bâtirent des villages dans les terres spoliées, et s’y établirent (5). »

Il encercle Jéricho dont la population est systématiquement éliminée, comme celle du ghetto de Varsovie : « Jéricho est enfermée et barricadée : nul n’en sort ou n’y rentre. Après y avoir pénétré, les juifs ont massacré tous ceux qui s’y trouvaient, hommes, femmes, enfants (6). »

Cela ne vous dit rien ? Spoliations des biens, ghettos anéantis, extermination programmée… Hitler n’avait rien inventé, tout était déjà dans la Bible.

Entre les populations spoliées et leurs spoliateurs, aucune coexistence ne sera jamais possible : « Nous devons savoir, déclare Josué, que les populations [autochtones] que nous n’avons pas réussi à chasser vont constituer pour nous une menace permanente, une épine dans notre flanc et un chardon dans nos yeux. Et ceci, jusqu’à ce qu’ils nous aient été rayés du sol (7). » C’est eux, ou nous. S’engage alors un engrenage de la violence, et plus tard le héros juif Samson déclare : « Nous ne serons quitte envers les autochtones qu’en leur faisant du mal (8). » À quoi ils répondent : « Nous faisons la guerre aux Juifs parce qu’ils se sont emparés de notre pays. Rendez nous ces terres, maintenant ! » (8)

 Le Messianisme et l’obsession du Royaume

Dans Naissance du Coran, j’ai raconté comment, à partir du Livre de Josué, était née l’idéologie messianique chez les Juifs exilés à Babylone qui rêvaient de reprendre possession de leur terre : le Royaume de David et surtout Jérusalem, lieu du retour du Messie et donc centre du monde.

Ce Royaume de David, qui se serait étendu de l’Euphrate (Irak) jusqu’à Gaza, on sait maintenant que c’est un mythe. L’ambition des Juifs se limitait à sa reconquête. Ils avaient dû émigrer par la force, et c’est par la force qu’ils reviendraient. S’ils considéraient que ce retour se ferait, comme autrefois sous Josué, par une guerre d’extermination, jamais leur ambition n’a été mondiale. Elle se limitait à Heretz Israël, le Grand Israël, avec Jérusalem pour capitale.

Issue du judaïsme, la chrétienté a hérité de son idéologie messianique en étendant son ambition à la terre entière. La Cité des hommes devait devenir la Cité de Dieu.

Dans Naissance du Coran, je montre comment des Arabes, endoctrinés par des judéo-chrétiens nazôréens, ont adopté au 7e siècle ce messianisme dans sa version la plus dure. Ils résidaient en Syrie : voulant rééditer les exploits mythiques de Josué, ils se sont d’abord appelés les émigrés, muhadjirûn, « ceux qui reviennent chez eux ». Mais contrairement aux Juifs leur ambition ne se limitait pas à la reconquête du Royaume de David, elle était devenue mondiale. Au bout d’un siècle, abandonnant le mot muhadjirûn, ils s’appelèrent eux-mêmes mouslims – « ceux qui sont soumis à Allah », au Coran et à son Prophète.

Depuis lors, deux puissances messianiques se sont affrontées, elles s’affrontent toujours. L’Occident chrétien et le monde musulman, animés de la même ambition planétaire : leur Royaume, c’est le monde entier.

Pourquoi alors les musulmans s’en prennent-ils aux Juifs, dont l’ambition de conquête n’a jamais dépassé le Grand Israël ?

À cause de Jérusalem, lieu saint par son Histoire – et parce que c’est là que le Messie doit revenir.

Pendant plusieurs siècles, la conscience messianique des Arabes et l’ambition qui l’accompagne s’étaient endormies. Elle se sont réveillées au 20e siècle sous l’action de plusieurs facteurs – fin de l’époque coloniale et de ses humiliations, perte d’identité de la chrétienté, argent du pétrole.

Coïncidence ? Au même moment, deux totalitarismes adoptaient une version laïque du messianisme : le communisme, et le nazisme. Avec les méthodes qui furent celles de Josué, la conquête par l’extermination.

Le communisme s’est effondré, le nazisme a été vaincu. Restent face à face trois puissances messianiques : les Juifs qui jamais n’abandonneront le rêve du Grand Israël, l’Occident qui n’a pas oublié ses racines chrétiennes, et l’islam.

Les civilisations apparaissent, puis disparaissent. Le messianisme ne disparaîtra pas, parce qu’il possède sur elles un atout essentiel : il offre à ses adeptes le rêve du retour à un paradis perdu. Qu’il faille, pour y parvenir, violer les lois établies pour la préservation de l’humanité, cela importe peu à un messianiste. L’humanité qu’il veut rétablir n’est pas celle-ci, qui doit disparaître pour que naisse le monde nouveau. Société sans classes, Reich Aryen ou Paradis promis aux mouslims, ce sont des rêves.

Les rêves ne meurent pas.

C’est en journaliste et en témoin scrupuleux que Charles Enderlin a publié récemment Au nom du Temple. Son livre est une illustration de Naissance du Coran : il décrit le retour irrésistible du messianisme au sein des gouvernements israéliens successifs, appliquant aux infortunés Palestiniens les méthodes qui ont autrefois tenté d’éradiquer les Juifs du Troisième Reich.

Après les crimes de la dernière guerre dont il fut l’artisan ou le complice, tétanisé par sa mauvaise conscience, l’Occident ferme les yeux et laisse faire la Nakhbah, équivalent palestinien de la Shoah. Et si certains chez nous s’indignent du traitement appliqué aux civils de Gaza, nos ministres se contentent « d’appeler le gouvernement israélien à la modération », comme M. Le Drihan ce matin.

Appeler des messianistes à la modération, on croit rêver ! C’est ignorer ce qu’est le messianisme, c’est méconnaître les trois mille ans d’Histoire au cours desquels il s’est exprimé dans une longue traînée de sang et d’horreur.

J’ose imaginer que ces ministres sont tout, sauf ignorants.

Si ce n’est pas de l’ignorance, alors, de quoi s’agit-il ?

                                                                                          M.B., 13 juillet 2014.
P.S. : pour ceux que cela intéresse, en plus de Naissance du Coran cliquez en haut sur « Articles ». A droite cliquez sur « Liste des Catégories » : dans la catégorie « Judaïsme », vous trouverez plusieurs articles sur le sujet.

(1) La Bible, Livre de Josué, chap. 11.

(2) Livre de Josué, chap. 10

(3) Livre de Josué, chap. 11. J’appelle Palestiniens les populations locales, qui ne prendront ce nom (phalistin) que plus tard.

(4) Livre de Josué, chap. 24

(5) Livre des Juges, chap. 21

(6) Livre de Josué, chap. 6.

(7) Livre de Josué, chap. 23

(8) Livre des Juges, chap. 11

 

LAÏCITÉ À LA FRANÇAISE ET ISLAM : L’ÉCHEC

Les musulmans peuvent-ils s’insérer dans un état laïc comme la France ? Peut-il y avoir un « islam de France » ?

Naissance de la laïcité en France

On connaît les étapes au cours desquelles le principe de laïcité a fini par s’imposer, douloureusement, à la société française. Le mouvement des Lumières, aboutissant à la constitution Civile du Clergé en 1790. Robespierre tentant de remplacer en 1794 le catholicisme par le culte de l’Être Suprême. La révolte des provinces, notamment les Chouans et les Vendéens. Bonaparte reprenant les choses en mains par le Concordat de 1801. Le retour en force de l’Église à partir de 1815, la reprise des hostilités sous la 3e République, la nouvelle révolte des catholiques lors de la séparation de l’Église et de l’État en 1905…

Il a fallu la boucherie de 14-18 pour que la République reconnaisse, tacitement, le retour de catholiques qui avaient généreusement versé leur sang dans les tranchées. Puis la Résistance de 1940-44, où des prêtres et des communistes avaient lutté fraternellement, côte à côte. Pour que finalement, en 2005, l’Église de France soit la première à souhaiter que rien ne soit changé aux lois qui l’avaient tant révoltée cent ans plus tôt. Reconnaissant que sa séparation d’avec l’État lui convenait parfaitement, qu’elle garantissait à la fois la liberté religieuse et la paix civile dans un pays déchiré par la question religieuse depuis 400 ans.

Deux siècles pour parvenir à une laïcité apaisée, bienfaisante.

Ou plutôt trois siècles, si l’on compte le 18e siècle au cours duquel l’idée même de séparation du religieux et du profane a lentement mûri chez les élites.

Trois siècles pour que cette révolution idéologique, d’abord imposée par la force, soit consentie par l’ensemble des français qui ont fini par voir dans ce consensus leur bien le plus précieux.

Comprenons bien : la révolution laïque n’a été rendue possible que parce qu’elle avait été précédée par une révolution idéologique, la raison acquérant sa juste place aux côtés de la foi. Cet équilibre entre raison et foi, il avait été initié par Thomas d’Aquin – mais on était alors au 13e siècle, l’Église et les États européens ne faisaient encore qu’un. Il a fallu Descartes, puis les philosophes du 18e siècle, pour demander et exiger que la raison (le pouvoir public) et la foi (le pouvoir de l’Église) fassent chambre à part.

Jésus et la laïcité

La chrétienté occidentale aurait pu pourtant s’épargner ces longs siècles de tâtonnements, de confrontations violentes et de révolutions, si elle avait tout simplement appliqué l’enseignement de Jésus.

Rappelons qu’à son époque, non seulement pouvoir civil et pouvoir religieux ne faisaient qu’un, mais l’empereur était divinisé, et son culte obligatoire dans tout l’Empire romain. En Palestine, les Juifs avaient obtenu un statut spécial, le pouvoir religieux était double. Celui du divin César, obligatoire. Et celui du Sanhédrin, toléré par l’occupant romain qui lui laissait l’application des lois religieuses propres au peuple juif, notamment le droit d’exécuter les blasphémateurs et les adultères par lapidation.

Lorsque des théologiens juifs demandent à Jésus s’il convient à un Juif de se soumettre au pouvoir (religieux) de César, sa réponse surprend tout le monde tant elle est révolutionnaire dans ce contexte : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » Personne dans l’Empire n’avait jusque là osé pareille séparation des pouvoirs, et aucun Juif ne pouvait s’y risquer : c’est cette réponse qui a valu à Jésus d’être définitivement brûlé aux yeux du clergé juif, appuyés en l’occasion par les nationalistes Zélotes pour qui « rendre quoi que ce soit à César » était une provocation, un scandale et un crime envers Israël (1).

Distinguer les deux pouvoirs, rendre à chacun ce qui lui est dû dans l’autonomie de leurs sphères respectives, c’est exactement le point d’équilibre auquel la société française est parvenue. Pourquoi l’enseignement de Jésus n’a-t-il pas été suivi dès le début, nous épargnant tant de violences ?

Parce que 30 ans après Jésus, Paul de Tarse a déclaré que le chrétien devait se soumettre à ceux qui détiennent un pouvoir dans la société civile. Et parce qu’en 381-90, la religion chrétienne est devenue religion officielle de l’Empire. De persécutés, les chrétiens sont devenus persécuteurs, le trône de Pierre s’est identifié assez vite au trône de l’empereur. Jusqu’à ce qu’Alcuin, théologien de Charlemagne, élabore la théorie du souverain de droit divin.

On était alors au 8e siècle. C’était le moment où le Coran s’écrivait, pour lequel pouvoir religieux et politique ne font qu’un.

Au même moment, deux sociétés (musulmane et chrétienne) allumaient chacune une bombe qui, depuis, n’a pas cessé d’exploser.

Le messianisme coranique et le pouvoir

Dans Naissance du Coran, aux origines de la violence, je décris l’idéologie messianique dont sont nés à la fois le judaïsme, le christianisme et le Coran : je vous renvoie à ce petit livre, paru chez l’Harmattan, et à la conférence que je viens de donner à ce sujet. Vous y verrez que « pour les messianistes, religion et pouvoir n’ont jamais fait qu’un. Dans le Coran, tout appartient à Dieu, corps, âmes et biens, le passé, le présent comme l’avenir. Il ne distingue pas le matériel du spirituel, tout revient à Allah. Il veut accoucher d’un Homme Nouveau, dans une société totalement soumise à une Loi divine.»

Autrement dit, s’ils suivent le Coran les musulmans en sont encore à l’union-fusion des deux pouvoirs, religieux et civil, qui prévalait en Occident avant le 18e siècle.

« S’ils suivent le Coran » : car là est pour eux aujourd’hui toute la difficulté. Certes, la majorité des musulmans, tout comme nous, n’aspire qu’à vivre en paix. Certes, les musulmans français voient ce qu’est une société apaisée par la laïcité. Certes, ils sont comme nous horrifiés par la violence des djihadistes. Mais au nom de quoi peuvent-ils les condamner ? Car musulmans pacifiques comme fanatiques se réclament du même texte, le Coran. Lequel appelle clairement et de façon répétée les croyants à l’extermination des non-croyants, Juifs et chrétiens.

Parce qu’il est messianiste, le Coran divise l’humanité en deux : nous, les mouslims (soumis au Coran) et les autres, tous les autres. Lesquels n’ont qu’un seul choix : se convertir, être mouslims (soumis au Coran) – ou disparaître physiquement.

C’est seulement quand ils auront accompli la révolution idéologique entreprise chez nous au 18e siècle, que les musulmans pourront être en paix. En eux-mêmes d’abord, puis avec le reste de la planète.

Échec de la laïcité

Notre laïcité à la française suppose que les deux partis, le religieux et le civil, parlent le même langage. Qu’ils parviennent à un accord pour cheminer côte à côte, sans se mélanger, sans empiéter l’un sur l’autre, sans se faire concurrence. Un consensus dans la pensée d’abord, dans les faits ensuite : respectés par le pouvoir, les croyants occidentaux respectent le pouvoir. Chacun chez soi.

Ce consensus, c’est une tragique illusion que de vouloir l’appliquer à une religion qui ne reconnaît qu’une seule autorité ultime, s’appliquant à tous : le Coran. Les mots n’ont pas le même sens, nos lois si difficilement acquises ne s’appliquent pas aux musulmans extrémistes. Ils ne les reconnaissent pas, ne les acceptent pas.

Comment jouer au foot quand une équipe applique certaines règles du jeu, règles que l’équipe d’en face rejette pour en appliquer d’autres ?

Vous connaissez la Pensée Unique, obligatoire, ressassée à longueur d’ondes. Par exemple Manuel Valls tout récemment : « C’est toute une nation qui dit que l’islam a toute sa place en France, parce que l’islam est une religion de tolérance, de respect, une religion de lumière et d’avenir (2). »

C’est stupéfiant. M. Valls oublie de dire que le Coran s’impose à tout musulman. Et semble ignorer que le Coran n’est ni tolérant, ni respectueux (des non-croyants, des femmes). Qu’il n’a pas été écrit par les philosophes des Lumières, mais sous l’impulsion de califes imprégnés de messianisme. Et qu’il ne propose aux habitants de la planète qu’un seul avenir : se soumettre au Coran et appliquer la Charia, ou disparaître.

Manifestement, M. Valls ne sait pas de quoi il parle. Il devrait demander à l’un de ses conseillers de lire mon petit livre, et quelques-uns des ouvrages dont je donne la référence – travaux de chercheurs dont j’ai fait mon miel pour écrire Naissance du Coran.

La schizophrénie est une maladie grave, pratiquement sans traitement.

Mais nos politiciens & journalistes ont-ils d’autre choix que de nous entretenir dans la schizophrénie, affirmant d’un côté une chose dont ils savent (ou devraient savoir) d’un autre côté qu’elle n’existe pas ?

Il n’y a pas, il n’y aura jamais d’islam de France, car il ne peut pas y avoir d’islam non-coranique. Puissent nos amis musulmans, qui doivent souffrir autant que nous de cette schizophrénie, commencer un jour la révolution idéologique que nous avons entreprise, avec tant de mal, il y a 3 siècles.

Leur paix intérieure, et la paix du monde, est à ce seul prix.

                                                M.B., 2 juillet 2014

(1) Voyez Jésus, mémoires d’un Juif ordinaire (Dans le silence des oliviers), Albin Michel & Livre de poche 2011.

(2) Déclaration à l’issue de sa visite à l’Institut du Monde Arabe, publiée dans Le Parisien du jeudi 26 juin 2014.

 

L’ISLAM EN QUESTION : PAIX, OU AFFRONTEMENT ?

Le Coran conduit-il les musulmans à la violence ?

La réponse politiquement correcte, vous la connaissez : « Non, le Coran comme l’islam ne sont que paix et tolérance. » Mais quand on le lit sans préjugés, la réalité est tout autre : oui, ce texte est intrinsèquement violent.

Né du Coran, l’islam est-il condamné à l’affrontement ?

Pendant 40 ans, j’ai travaillé en historien sur les origines du christianisme, ces deux ou trois générations de la fin du 1er siècle qui ont donné naissance à la civilisation occidentale. C’était naturel, puisque je suis né et j’ai grandi dans un monde chrétien. En revanche je ne suis pas un historien de l’islam, immense civilisation, multiple et complexe, qui n’est pas la mienne. Malgré le titre je ne vous parlerai donc pas de l’islam, mais uniquement de son texte fondateur, le Coran.

Pourquoi, après le christianisme, me suis-je intéressé au Coran ?

Au cours de mes travaux, j’avais découvert l’existence d’une secte juive peu connue dont Jésus aurait fait partie, les nazôréens. On ne sait rien d’eux à son époque, mais on sait que les tout premiers chrétiens ont d’abord été appelés nazôréens.

J’ai eu la surprise de voir réapparaître ces nazôréens dans le Coran, sous leur transcription arabe, nasârâ. Y aurait-il un lien historique entre les nazôréens du 1er siècle, et le Coran qui apparaît à la fin du 7e siècle ?

J’ai tiré ce fil, et toute la pelote est venue.

Mais comment procéder ? Les musulmans d’hier et d’aujourd’hui se heurtent à une barrière infranchissable : il leur est interdit d’étudier le Coran comme n’importe quel autre texte ancien, avec les méthodes de l’exégèse historico-critique qui ont fait leurs preuves. Pour eux, le Coran est descendu du ciel, fidèlement transmis au monde par le Prophète Muhammad. Chaque mot est la parole de Dieu lui-même. Matériellement, grammaticalement, le Coran est de nature divine, et on ne soumet pas Dieu à l’examen critique. Les rares érudits musulmans qui s’y sont risqués ont été assassinés, torturés ou exilés.

Alors, je me suis tourné vers quelques chercheurs de haut niveau, tous d’origine chrétienne, et donc libres d’appliquer au texte du Coran la méthode de critique historique qui a permis aux chrétiens de porter sur la Bible un regard nouveau. Depuis un siècle les travaux de ces chercheurs non-musulmans, inconnus du public, transforment complètement la compréhension du Coran et des débuts de l’islam.

Ces travaux, j’ai voulu les ramasser en peu de mots, de façon lisible malgré la complexité du sujet : c’est mon livre Naissance du Coran, aux origines de la violence.

Donner au public non spécialisé des clés de lecture, ouvrir des portes.

Ce petit livre permet de mieux comprendre quelques uns des drames qui ont secoué et secouent toujours la planète : pourquoi tant de violence au nom d’Allah, et pourquoi cet affrontement inexpiable entre l’Orient né du Coran, et l’Occident né du christianisme ?

Sans parler des Juifs, épine plantée au cœur des musulmans.

 

Mais revenons aux nazôréens du 1er siècle.

Ce qu’on sait d’eux, c’est qu’ils étaient judéo-chrétiens. C’est-à-dire qu’ils n’étaient plus Juifs, puisqu’ils considéraient que le Messie était venu en la personne de Jésus, mais ils n’étaient pas non plus chrétiens, puisqu’ils refusaient sa transformation en Dieu. Pendant les premiers temps du christianisme, ces judéo-chrétiens se sont opposés à la fois aux Juifs et aux chrétiens dont ils se séparaient, puis ils ont disparu, tous, au 3e siècle.

Tous… sauf les nazôréens. Saint Jérôme les a rencontrés à la fin du 4e siècle en Syrie, d’où il écrit à saint Augustin : « Ces gens veulent être à la fois Juifs et chrétiens, mais ils ne sont ni Juifs, ni chrétiens. »

Ni Juifs, ni chrétiens : c’est la définition des nazôréens. Opposés par nature à la fois aux Juifs dont ils ont rejeté la tradition, et aux chrétiens qu’ils refusent de suivre.

Au début du 7e siècle, la Syrie était presque entièrement chrétienne. Les nazôréens que saint Jérôme a rencontrés s’y étaient réfugiés pour fuir la persécution des Juifs et des chrétiens de Byzance. Ils s’étaient attachés à convertir à leur judéo-christianisme particulier des bédouins Arabes, sédentarisés dans la région côtière autour de Lattaquié.

Pendant ces six siècles de sommeil, ils s’étaient imprégnés du messianisme, une idéologie née dans le peuple juif exilé à Babylone en 587 avant J.C., et devenue flamboyante au tournant du 1er millénaire – c’est-à-dire à l’époque où vivait Jésus.

Dans mon livre, je résume la dérive de ce messianisme flamboyant dont on ne savait pas grand-chose, avant la découverte en 1947 des Manuscrits de la Mer Morte dans les falaises surplombant Qumrân, le haut-lieu des Esséniens. L’idéologie dont témoignent ces manuscrits, rédigés un peu avant et pendant le 1er siècle, est d’une extrême violence. Elle a profondément influencé les nazôréens – et à travers eux les Arabes qu’ils catéchisaient en Syrie, au début du 7e siècle.

Ce messianisme repose sur 3 piliers, qui n’ont pas changé jusqu’à aujourd’hui :

1- Utopique, il rêve du retour à un monde disparu, meilleur que celui-ci.

2- Apocalyptique, ce retour se fera par une guerre d’extermination, menée au nom de Dieu.

3- Messianique, il attend le retour d’un homme providentiel, le Messie sauveur.

La guerre, et la guerre totale, était pour eux le seul chemin offert à l’humanité pour qu’elle retrouve sa pureté, celle du paradis perdu par la faute d’Adam. Affamés de purification, ces messianistes divisaient l’humanité en deux : nous, les croyants qui ont reçu de Dieu la mission de dominer le monde, pour le purifier des autres, les incroyants.

Lesquels devront soit se convertir à notre vision du monde et aux lois qui en découlent, soit disparaître physiquement.

Voici un passage du Règlement de la guerre, texte essénien retrouvé à Qumrân : « L’extermination des nations impies est décidée. Sur les trompettes de la tuerie on écrira : ‘’Main puissante de Dieu dans le combat, pour faire tomber tous les infidèles ! ’’ Sur nos étendards on écrira ‘’Moment de Dieu, tuerie de Dieu’’, et après le combat on écrira ‘’Dieu est grand ! ’’ »

« Dieu est grand », en arabe Allah ou’akbar. C’est le cri de ralliement des musulmans, et c’est en le poussant que des fanatiques tuent ou se font tuer au nom d’Allah. Cette violence, elle leur vient des Esséniens, disparus en l’an 70 mais dont les écrits ont profondément influencé les nazôréens qui ont lancé, bien plus tard, des Arabes sur les pistes du désert.

Mais, me direz-vous, le Coran n’est pas né en Syrie ! Tout le monde sait qu’il a été révélé à un visionnaire arabe de La Mecque, le Prophète Muhammad  qui n’a fait que répéter ce qu’il entendait du ciel ! Eh bien, c’est là que la recherche indépendante sur le Coran a cueilli ses premiers fruits. En montrant que tout ce qu’on dit et qu’on enseigne de Muhammad, de sa vie et de ses débuts à La Mecque, ne relève pas de l’Histoire mais de légendes construites un ou deux siècles après sa mort, par des historiographes au service des premiers califes de l’islam naissant, à Jérusalem d’abord puis à Damas et à Bagdad.

L’ambition de ces califes était politique. Pour transformer leurs conquêtes militaires en civilisation triomphante, ils avaient besoin – comme toute civilisation – d’un mythe fondateur. À partir d’un guerrier arabe, qui a bien existé mais dont on ne sait pas grand chose, ils ont donc forgé la personne du Prophète de l’islam, Muhammad.

Exactement comme les premières générations chrétiennes, pour fonder le christianisme, avaient forgé un Messie à partir d’un homme, Jésus.

Y a-t-il des éléments historiquement fiables dans la légende de Muhammad, construite par la Sirâ (Histoire officielle de l’islam), les Hadîths (paroles du Prophète) et la Sunna (ensemble de la tradition musulmane) ? Actuellement, il est impossible de répondre à cette question. Il faudra attendre que des chercheurs travaillent sur de nouvelles bases, et cela prendra du temps. Je m’en suis donc tenu strictement au texte du Coran tel qu’il nous est parvenu, laissant de côté l’ensemble des traditions séculaires à travers lesquelles les musulmans d’aujourd’hui se doivent de lire et de comprendre leur texte fondateur.

Le premier problème que j’ai rencontré était celui de la langue. Le Coran est écrit dans un arabe archaïque du 8e siècle, très différent de l’arabe parlé aujourd’hui. Une langue tellement étrange, si pleine de points de suspension et d’allusions obscures, que personne ne s’accorde sur le sens de nombreux passages. J’ai donc examiné six traductions françaises pour en choisir finalement quatre autres qui font autorité, et sont accompagnées d’un appareil critique important, à la fois linguistique et historico-littéraire. J’ai confronté l’une à l’autre chacune de ces traductions pour m’approcher du sens le plus vraisemblable, indiquant en note les différences d’interprétation qui justifient mes choix.

Ensuite, il y a la structure de ce texte, qui ressemble à un puzzle dont on aurait jeté les pièces au hasard sur une table. Voici ce qu’en disait le grand savant et philologue musulman Al-Kindi, cent ans après la mort du Prophète : « La conclusion est évidente pour quiconque a lu le Coran et vu de quelle façon, dans ce livre, les récits sont assemblés n’importe comment et entremêlés. Il est évident que plusieurs mains – et nombreuses – s’y sont mises et ont créé des incohérences, ajoutant ou enlevant ce qui leur plaisait ou leur déplaisait. »

« Plusieurs mains, et nombreuses » : comme toute œuvre littéraire, le Coran n’est pas né de rien, il n’est pas descendu du ciel. Il a une histoire, que seule l’exégèse historico-critique permet de comprendre.

Aucune logique donc dans ce texte, un fouillis inextricable. Tous ceux qui ont tenté d’y mettre de l’ordre ont dû y renoncer. Dans son état actuel le Coran est un peu comme un océan, on s’y plonge sans savoir d’où viennent, ni où vont les courants qui le traversent.

Soit on surnage, soit on s’y perd et on s’y noie. J’ai tenté de surnager.

Ce qui frappe, c’est que le Coran est d’une très grande beauté littéraire. D’où lui vient ce souffle, cette musicalité perceptibles même pour ceux qui ne le comprennent pas – c’est-à-dire la grande majorité des musulmans, pour qui cette langue si particulière est encore plus incompréhensible que ne l’était le latin d’Église pour les chrétiens ?

D’où vient la beauté du Coran ?

Il faut revenir à ses premières esquisses, c’est-à-dire au 7e siècle, en Syrie, dans ces communautés et ces monastères où des nazôréens catéchisaient des Arabes.

Pour leurs élèves, ils composaient des florilèges de textes tirés de la Bible, ou plutôt de l’une ou l’autre de ses versions talmudiques. Le Talmud est un immense commentaire de la Bible, écrit par des rabbins autour du 5e siècle après J.C. Ces textes, les nazôréens les psalmodiaient ou les chantaient devant les Arabes qu’ils voulaient convertir. « Coran » vient du verbe Quara’a, qui veut dire « réciter » : avant d’être écrit, le Coran a été récité et chanté dans des assemblées liturgiques, d’où sa beauté, sa musicalité entrainante.

La Bible du Coran n’est donc pas celle que nous connaissons, c’est la Bible du Talmud et de ses commentaires. De même que les évangiles que cite le Coran ne sont pas les nôtres : on les appelle apocryphes, ils sont remplis de légendes sur Jésus et sa mère, et ont été écartés quand l’Église a choisi de n’en retenir que quatre, jugés plus fidèles à la personne et à l’enseignement de Jésus.

Une Bible enjolivée par les rabbins du Talmud, des évangiles folkloriques et fantasmagoriques : ajoutez d’obscures légendes du désert, des allusions incompréhensibles à des divinités ou à des coutumes locales, et vous avez la moitié du Coran.

L’autre moitié, c’est tout un code de lois médiévales, mélangé à des appels véhéments au combat et à l’extermination, que j’appelle les versets brûlants.

Ces versets exigent des croyants qu’ils combattent contre les forces du Mal. Un combat messianique c’est-à-dire sans merci, sans rémission, qui durera tant qu’il y aura sur terre des infidèles qui refusent de se soumettre au Coran – et au pouvoir des califes.

Car pour les messianistes, religion et pouvoir n’ont jamais fait qu’un. Dans une communauté messianique, tout appartient à Dieu, corps, âmes et biens, le passé, le présent comme l’avenir. Notre laïcité, héritage du siècle des Lumières, est incompatible avec le Coran. Il ne distingue pas le matériel du spirituel, tout revient à Allah. Il veut accoucher d’un Homme Nouveau, dans une société totalement soumise à une Loi divine. Dans un monde purifié des démons de l’Occident chrétien. Boko Haram veut dire « enseignement interdit » – entendez : « enseignement occidental. »

Évidemment, pour la majorité des musulmans qui ne sont ni extrémistes, ni fanatiques, ces appels au meurtre de masse qui parcourent le Coran posent question : c’est le djihâd, le combat pour Dieu.

Pour rendre le Coran acceptable, on a donc cherché à distinguer deux sortes de djihâd : le petit djihâd, qui serait la violence du combat armé, et le Grand Djihâd qui serait le combat intérieur, celui de l’âme contre les tentations du démon. Une immense littérature a été écrite à ce sujet, dès le Moyen-âge, mais c’était oublier que le Coran puise ses sources dans le messianisme apocalyptique de ses origines. Pour que le monde retrouve la pureté du paradis perdu, une guerre d’extermination est nécessaire. C’est la seule façon de le purifier des forces du Mal incarnées par l’infidélité des Juifs et des chrétiens. Comme dans les écrits guerriers de Qumrân dont s’inspiraient les nazôréens, le djihad du Coran n’est pas un traité de spiritualité, c’est un chemin de violence et de sang.

Pour lancer les Moudjahidin au combat et à la mort, le Coran a dû reprendre une notion apparue dans le judaïsme au 2e siècle avant J.C., celle du martyre pour Dieu. Ceux qui se font tuer dans la guerre sainte menée pour la purification du monde, le djihâd, sont assurés d’aller au paradis. Et s’ils tuent ou massacrent, ils ne commettent pas un péché : « Quand tu lances ta flèche, dit le Coran, ce n’est pas toi qui lances la flèche, c’est Allah qui la lance. » Autrement dit, quand des Moudjahidin se font exploser en public, ils vont au paradis et ne sont pas responsables de la mort des innocents : « Ce n’est pas toi qui as tué, c’est Allah qui a tué. »

Quelques siècles plus tard, saint Bernard, Docteur de l’Église catholique, reprendra exactement les mêmes termes dans sa Règle aux Templiers, pour les appliquer aux combats des chevaliers du Christ lancés dans des croisades contres les musulmans impies. Vous voyez que les chrétiens n’ont pas de leçons à donner aux musulmans.

Car bien avant le Coran, l’idéologie messianique avait infesté le christianisme. On la trouve déjà dans des textes du Nouveau Testament comme l’Apocalypse dite de saint Jean ou l’Épître aux Hébreux. À partir de cette origine, le messianisme a évolué dans une direction commune à la chrétienté et au Coran, faisant couler des fleuves de sang sur la planète.

Rappelez-vous les trois piliers du cette idéologie : l’utopie, un monde nouveau à faire naître. L’apocalypse, ce monde ne naîtra qu’au prix d’une guerre d’extermination. Et le retour d’un homme providentiel, le Messie.

Rapidement, le Coran va abandonner le troisième pilier, l’attente d’un Messie personnel. Il va affirmer que le Messie est déjà venu, il est là, et c’est la Communauté des vrais croyants, l’Oumma – nom par lequel les musulmans se désignent. Et il va dire à ces croyants : « Vous êtes la meilleurs Oumma réalisée par Dieu pour les hommes », verset du Coran qui est devenu la devise de la Ligue Arabe basée au Caire.

Je retrace dans mon livre ce glissement, dans le Coran, de l’attente d’un Messie personnel vers l’affirmation que ce Messie est arrivé, et c’est une communauté impersonnelle mondiale, l’Oumma musulmane. D’ailleurs la profession de foi musulmane, « il n’y a de Dieu qu’Allah et Muhammad est le prophète d’Allah », ne mentionne plus l’attente d’aucun Messie.

Le drame, c’est que le christianisme a subi la même évolution. Théoriquement, les chrétiens attendent toujours le retour du Messie sauveur. Mais dans les faits, c’est l’Église qui est devenue pour eux le seul lieu du salut sur terre. Elle a repris à son compte et popularisé l’enseignement de saint Cyprien de Carthage (3e siècle) : Extra Ecclesiam nulla salus, hors de l’Église pas de salut.

Depuis lors et jusqu’à maintenant, sur la planète  ce n’est pas au choc des civilisations que nous assistons : c’est au choc de deux messianismes. D’un côté « hors de l’Église pas de salut », et de l’autre « la meilleure Oumma réalisée par Dieu pour les hommes. »

Deux communautés-Messie qui ne pouvaient que s’affronter, qui s’affrontent toujours.

Les musulmans se trouvent donc dans une impasse mortelle, et nous avec eux. Leur immense majorité n’aspire qu’à la paix et ne se joint pas aux Moudjahidin fanatiques. Mais les uns comme les autres, les fanatiques comme les braves croyants pacifiques, tous invoquent le même texte fondateur devenu sacré, intangible et même intraduisible : le Coran.

On nous répète à longueur de médias la Pensée Politiquement Correcte : « Surtout, pas d’amalgame ! Ne confondez pas une poignée d’islamistes fanatiques avec les bons musulmans ! » Comme Tariq Ramadan, qui déclarait récemment : « Les islamistes prétendent que les musulmans sont dans la vérité, et tous les autres dans l’erreur. C’est une distorsion complète du message de l’islam. » (1)

De l’islam, peut-être. Du Coran, certainement pas.

Et quand il ajoute « il faut que les responsables musulmans condamnent fermement [cette idée] », c’est de l’hypocrisie. Car ces responsables ne peuvent pas condamner la violence des djihadistes, puisque que le texte du Coran est là, avec ces versets brûlants qui appellent les croyants à l’extermination des infidèles, et entretiennent depuis 13 siècles le feu sur la planète.

Comprenez bien : la violence du Coran ne réside pas d’abord dans ces versets brûlants. Si le Coran est violent, c’est avant tout parce qu’il sépare l’humanité en deux portions inconciliables, qui ne peuvent que s’affronter : ceux qui sont soumis à Allah-et-son-Prophète, et les autres – tous les autres.

Pendant 17 siècles, des chrétiens ont pratiqué exactement la même violence, à la fois idéologique et physique. Et pour la même raison, un messianisme entretenu par la lecture fondamentaliste de la Bible. Ils n’ont pu faire la paix en eux-mêmes et avec le reste de l’humanité (celle qui était « hors de l’Église »), puis entrer sans crainte dans la modernité, qu’à partir du jour où ils ont enfin accepté de lire et de comprendre leurs textes fondateurs à la lumière de l’exégèse historique et critique. C’est ce tournant idéologique qui leur a permis, non sans réticences, de faire un tri dans la Bible. Pour ne retenir que le meilleur du message des prophètes et de Jésus lui-même. Sans plus se sentir concernés par les appels à la violence qui parcourent la Bible et trouvent, comme le Coran, leur origine dans le messianisme flamboyant.

Jésus vivait au moment où ces textes ravageurs étaient mis par écrit et se diffusaient autour de lui. J’ai découvert qu’il était parfaitement au courant de l’idéologie messianique dont ses disciples étaient imprégnés, comme tous les Juifs d’alors. Cette idéologie, il l’a clairement et explicitement rejetée.

Jamais il n’a prétendu être le Messie attendu par les Juifs. Toujours, il s’est situé dans la continuation du mouvement prophétique initié par le prophète Élie.

J’ai mis en scène ce choix décisif dans mon dernier roman, Jésus, mémoires d’un Juif ordinaire. Ce n’est qu’après sa mort qu’il a été transformé en Messie, par les judéo-chrétiens de Jérusalem que côtoyaient les nazôréens. En franchissant ce pas, ils ont légué à la planète un lourd fardeau. Car faire du christianisme un mouvement messianique, c’était introduire dans la civilisation chrétienne en train de naître, puis plus tard dans le Coran, une utopie aux conséquences dramatiques : la nécessité, et la justification, des guerres d’extermination pour Dieu.

Cette idéologie judéo-chrétienne violente et conquérante, elle est l’utérus dans lequel le Coran a pris naissance et s’est développé.

Ensuite, le messianisme a poursuivi sur la planète sa carrière meurtrière. Au 20e siècle, il a inspiré deux idéologies totalitaires : le communisme, pour qui le Messie était la classe des travailleurs, qui l’emporterait sur la classe possédante en supprimant le capital et ceux qui en profitent. Et le nazisme, pour qui le Messie était le Herrenvolk, le peuple aryen des Seigneurs qui devait l’emporter en anéantissant les races inférieures.

Mais ce feu brûle toujours aujourd’hui. « L’Empire du Mal » : cette expression, écrite en toutes lettres dans les textes de Qumrân, vous l’avez entendue comme moi dans la bouche du Président des États-Unis. Les fondamentalistes américains (2), messianistes chrétiens, ont pris le pouvoir avec George W. Bush pour lancer, selon ses propres mots, une « croisade contre l’Empire du Mal. »

Depuis 2000 ans, rien n’a changé.

Les connaisseurs me reprocheront d’aller un peu vite aux conclusions : c’est possible, mais ils trouveront dans les notes de mon livre les références à mes sources, et les justifications de ce que j’affirme.

En fin de parcours, j’aborde enfin quelques questions brûlantes. La naissance de la première société totalitaire, à laquelle on assiste dans le Coran. Ce sont les califes qui ont esquissé les contours de la première police politique, surveillant une population interdite de penser et de s’exprimer. Cette réglementation qui asservit les croyants, hommes et femmes, ce sont bien les cours califales qui l’ont élaborée, en l’attribuant au Prophète.

J’ai tenté enfin de comprendre d’où venait l’antiféminisme agressif qui parcourt le Coran. Comment les califes ont-ils pu s’éloigner du judaïsme et du christianisme, au point d’introduire dans ce texte un mépris, on pourrait presque dire une haine des femmes, absente du judaïsme, du christianisme et des sociétés patriarcales de l’Antiquité ?

Il y a deux façons d’aborder un texte sacré : comme un monument qu’on ne visite qu’à genoux, face contre terre. Ou bien comme l’aboutissement d’une Histoire, et le commencement d’une autre.

C’est en apprenant à lire la Bible de façon exigeante, à la fois critique et respectueuse, que les chrétiens ont pu récemment s’apaiser, et accepter l’autre sans haine ni complexes.

Puissent les musulmans, dont la culture a pris naissance dans la même tradition, puissent-ils trouver, avec un regard nouveau porté sur leurs origines, le chemin de la paix.

D’abord en eux-mêmes, et ensuite avec le reste de l’humanité.

                                                                 (Conférence donnée en Bourgogne, juin 2014)
P.S. : Je m’absente, et ne pourrai répondre à vos commentaires & messages qu’après le 29 juin

(1) Dans Le Point du 15 mai 2014.

(2) Voyez dans ce blog la catégorie « Les américains et la religion », et le mot-clé « messianisme »

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LA ‘’RÉSURRECTION’’ EN QUESTIONS – Après l’émission de Stéphane BERN

Mon intervention dans l’émission de Stéphane Bern Secrets d’Histoire, « Un homme nommé Jésus » a suscité quantité de réactions sur Facebook. J’y réponds sommairement ici en vous renvoyant à ce que j’ai publié par ailleurs.

 I. Jésus et ses apôtres

Quand elles parlent des suiveurs de Jésus, les traditions les plus anciennes conservées dans les évangiles n’emploient jamais le mot apôtre. C’est Luc, vers l’an 80, qui projette dans le passé son idéal d’une direction collégiale de l’Église en employant l’expression « les douze apôtres (1). »  À peu près au même moment, Matthieu reprend à son compte cette rétroprojection nostalgique d’une communauté parfaite (2). Sauf ces deux cas, l’expression « les douze apôtres » est absente des synoptiques (3).

Dans L’évangile du treizième apôtre, j’ai identifié le témoignage le plus ancien qui nous soit parvenu sur Jésus. Ses compagnons n’y sont jamais appelés apôtres, mais disciples. C’est Paul et les Actes qui appellent « apôtres » certains dignitaires de l’Église, dont quelques femmes. Ce qualificatif leur conférait une légitimité et une autorité incomparables, il n’a été  associé aux disciples de Jésus que bien après sa mort.

Ont-ils été de vrais disciples ? Non, au contraire tout montre que de son vivant ils n’ont pas compris le message en paroles et en actes de Jésus, et il leur reproche vivement leur incompréhension. D’ailleurs lorsqu’il est reconnu par une servante dans la cour du grand prêtre, Pierre nie solennellement et par deux fois avoir été un disciple de Jésus (4).

Ce sont ces hommes qui ont pris le pouvoir spirituel en utilisant le souvenir du rabbi galiléen. Il se devait d’être un surhomme, et – comme tous les héros de l’antiquité, d’Orphée à Mithra – d’avoir franchi victorieusement l’épreuve de la mort.

On avait trouvé son tombeau vide à l’aube du 9 avril 30 ? Eh bien, c’est qu’il s’était ressuscité lui-même.

 II. Le tombeau vide

Pour comprendre ce qui a pu se passer, il faut connaître avec précision le contexte de l’époque. Je l’ai décrit dans Dieu malgré lui et vous renvoie à cette enquête dont je résume ici quelques conclusions.

Jésus meurt dans la soirée du 7 avril. C’est le début de la fête de Pâque, pour éviter une impureté majeure on dépose provisoirement son cadavre dans un tombeau proche. Comme tous les tombeaux juifs, c’est une cavité fermée par une lourde pierre circulaire. Au centre, une table où l’on dépose les corps en attendant leur décomposition, pour placer définitivement les ossements dans les niches creusées dans la paroi.

Au matin du 9 avril, des femmes trouvent la pierre roulée de côté et deux hommes en blanc qui tentent de leur parler. Effrayées, elles s’enfuient et viennent raconter aux disciples qu’elles ont vu « deux anges » à côté du tombeau. Pierre et Jean courent, voient la pierre roulée et entrent dans le caveau. On dispose ici du témoignage visuel, indiscutable, de l’auteur du noyau initial du 4e évangile dit de saint Jean : le cadavre a disparu de la table, les bandelettes qui l’enveloppaient gisent pêle-mêle mais le suaire placé sur le visage a été soigneusement plié et mis de côté. Ils ressortent, disent aux femmes qu’elle ne sont que des radoteuses et doivent trouver, dans l’urgence, une réponse aux questions dont on va les assaillir : qu’est devenu le cadavre de Jésus ?

Leur réponse ne tardera pas : Jésus est ressuscité.

Reprenons les témoignages indiscutables.

1 La pierre a été trouvée roulée sur le côté. Si Jésus s’était ressuscité comme un « corps subtil », capable de traverser les murs, pourquoi aurait-il eu besoin de rouler la pierre pour sortir du tombeau ? Et s’il est ressuscité dans son corps de chair, comment a-t-il pu, de l’intérieur et gravement blessé, rouler une pierre qui pèse plus d’une tonne ?

Conclusion : quelqu’un, ou plutôt quelques uns, ont roulé la pierre pour pénétrer dans le tombeau. Qui ?

2- Deux hommes en blanc sont vus par les femmes devant l’ouverture, et ils leur parlent. On sait que les esséniens revêtaient une tunique blanche pour accomplir leurs actes rituels. Qu’il y avait entre eux et Jésus une complicité – bien qu’il n’ait jamais fait partie de leur secte. Et qu’ils enterraient leurs morts à part – quitte à transporter les cadavres d’un cimetière commun pour le ré-inhumer dans une de leurs nécropoles.

Ils n’ont pas voulu que ce crucifié qu’ils admiraient finisse comme les autres dans la fosse commune : ce sont eux qui sont venus rouler la lourde pierre et enlever le cadavre à l’aube du 9 avril, afin de l’inhumer en terre pure. Pour cet acte éminemment religieux, ils avaient revêtu leur tunique blanche.

3- Le linge de tête (le suaire) a été vu soigneusement plié et mis de côté. Pourquoi Jésus aurait-il pris la peine de faire le ménage dans son tombeau avant de le quitter ? En revanche, les esséniens ont eu ce geste de respect.

L’hypothèse la plus vraisemblable est donc que des esséniens ont sorti le cadavre du tombeau avant que les femmes n’arrivent. Des milliers de pèlerins campaient autour de Jérusalem, mais on avait l’habitude de les voir transporter des cadavres pour les enterrer en terre pure, dans leurs nécropoles.

C’est dans l’une de ces nécropoles que se trouvent toujours les restes de ce Juste injustement crucifié, auquel les esséniens ont voulu rendre un dernier hommage.

 III. Inutile résurrection

Dans un article de ce blog (cliquez), j’ai montré que la résurrection de Jésus était une supercherie inutile. Elle ne pouvait naître qu’en milieu juif : dans leur culture, la mort met un terme final à la vie. Mais dans d’autres cultures comme l’hindo-bouddhisme, la mort n’existe pas. « Rien ne disparaît, tout se transforme » : la mort n’est qu’un passage vers une autre forme de vie, soit une renaissance, soit le nirvâna c’est-à-dire une forme de vie éternelle, dans un autre espace-temps que le nôtre.

Jésus était parvenu à un haut niveau de réalisation humaine et spirituelle. Il n’a pas eu à renaître pour mener à terme cette montée vers l’Éveil, que nous accomplissons tous douloureusement. Il n’a jamais cessé de vivre, sa mort n’a été que le passage – le parinirvâna – d’une forme de vie humaine à une forme de vie dont nous ne savons rien, sinon qu’elle nous attend nous aussi.

Une fois inscrite dans les esprits, la résurrection – devenue un miracle unique et exceptionnel – a permis au christianisme de bâtir et de justifier l’édifice intellectuel sur lequel notre culture s’est construite.

                                                             M.B., 17 avril 2014
 (1) Luc 6, 13 et Actes 1, 26.
(2) Matthieu 10, 2 : « Voici les noms des douze apôtres »
(3) Synoptiques : les 3 évangiles de Marc, Matthieu et Luc.
(4) Jean 18, 17 et 25.

VALLS MÉLANCOLIQUE…

À mes lecteurs affamés d’art, puis-je chanter l’un des plus beaux poèmes de Baudelaire ?

             Voici venir les temps où vibrant sur sa tige

            Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir ;

            Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir

            Valls mélancolique et langoureux vertige !

 

            Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir ;

            Le violon frémit comme un cœur qu’on afflige ;

            Valls mélancolique et langoureux vertige !

            Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.

                        … Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige.

(Charles Baudelaire, Harmonie du soir)

Le langoureux vertige de Valls se figera-t-il dans un ciel triste et beau comme un soleil qui se couche ?

                         M.B., cœur qu’on afflige, 2 avril 2014

 

ÉGLISE CATHOLIQUE, L’IMPOSSIBLE RÉFORME

Le nouveau pape va-t-il réformer l’Église catholique ? Séduites par sa personnalité, des chaînes de télévision nous offrent de nombreux reportages sur ce thème. Ainsi d’Arte, ce soir, qui titre Les défis de l’Église, « poussée à la réforme par une majorité de fidèles et une partie du clergé : le chef de l’Église écoutera-t-il les contestataires ? »

Réforme ? Quelle réforme ? On nous dit que « la famille et tout ce qui relève de la sexualité et de la reproduction est au cœur des inquiétudes du Vatican qui… affirme haut et fort ses positions en matière d’avortement et de contraception. »

Ainsi, c’est sur les formes d’expression de la sexualité que se porte une fois de plus l’attention des médias.

Rideau de fumée qui masque la vraie question, celle des dogmes fondateurs de l’Église et principalement celui de la Trinité.

Car depuis un siècle et demi, le patient travail des exégètes a mis en lumière la véritable personnalité du rabbi galiléen. Lequel n’a jamais prétendu être un dieu, n’a voulu être rien d’autre que le continuateur du mouvement prophétique juif initié par Élie, dont il se réclame explicitement. Continuer et accomplir le prophétisme juif – c’est-à-dire le dépasser sans l’abolir. Le porter à maturité en le corrigeant, sans renier l’essentiel de cet héritage.

Qu’est-ce que Jésus apporte de nouveau au prophétisme juif ? Je vous renvoie aux Mémoires d’un Juif ordinaire, où je montre qu’il n’apporte aucune nouvelle doctrine sur « Dieu ». Son Dieu est celui de Moïse, mais il propose une nouvelle relation avec ce Dieu qu’il appelle abba, petit papa chéri.Et cela change tout.

Ce qui change ce n’est pas « Dieu », mais le regard porté sur « Dieu ». Jésus n’est pas un théologien, il ne propose aucun dogme nouveau. Il fait part de la relation qui est la sienne avec « Dieu » : non plus un juge lointain et terrifiant, auteur de lois contraignantes qui empêcheraient de vivre, mais un père aimant jusqu’à tout pardonner, pour ouvrir ses bras à l’enfant prodigue. Les trois paraboles de Luc 15 sont le sommet d’une anti-théologie qui a traversé les siècles parce qu’elle n’est pas dogmatique, mais relationnelle.

La morale sexuelle, la contraception, l’avortement ? Jésus n’en dit rien. Sa morale familiale ? C’est celle du judaïsme traditionnelle. L’homosexualité ? C’est Paul de Tarse qui la condamne, en des termes qui posent d’ailleurs question sur sa propre clarté à ce sujet.

Car pour Jésus, la morale découle de la relation nouvelle qu’il propose avec son abba. « Fais cela, et tu vivras ».

La seule vraie réforme de l’Église serait de revenir à l’enseignement de Jésus en mettant abba au centre de tout. Ce serait signer son arrêt de mort, car il n’y aurait plus ni sacrements (Jésus n’en a institué aucun), ni autre morale que la lutte contre tout ce qui empêche les enfants prodigues que nous sommes de nous jeter dans les bras d’un père aimant.

Le pape François ne peut que maintenir et protéger les dogmes fondateurs de l’Église qui l’a élu pour cela. Peut-être aura-t-il le courage de réformer les finances d’une institution compromise par la corruption, de dénoncer et de punir les débordements sexuels de son clergé. Mais attendre de lui qu’il réforme une morale sexuelle et familiale qui porte la marque de 17 siècles de tradition, même si elle n’a rien à voir avec l’enseignement de Jésus (1), c’est se faire illusion.

Numquam reformata, quia numquam reformanda, jamais réformée parce qu’elle n’a pas à être réformée, c’est la devise de l’Église catholique.

                                               M.B., 1er avril 2014

(1) Vous trouverez dans ce blog des articles sur ce sujet (catégorie « La question Jésus »), articles mis en situation dans mon livre Jésus, mémoires d’un Juif ordinaire.

 

INCULTURE, BETISE ET LAICITÉ : le Maire de Brest.

La bêtise et l’inculture, mieux vaut en rire.

Sur le site de Fr3 Iroise, je lis que « la Mairie de Brest a décidé de toute urgence de retirer, dans les écoles de la ville, les couronnes qui accompagnent traditionnellement la galette des rois, pour ne pas faire entrer le religieux à l’école. » Pourquoi cela ?

Parce que « L’intérieur des couronnes comportait l’inscription « Épiphanie ». Une référence trop évidente à une fête chrétienne et qui aurait pu froisser certaines communautés. Le maire PS de la ville, François Cuillandre  a donc préféré éviter tout incident en supprimant les couronnes « litigieuses ».
Inculte, le Maire de Brest ignore que les « rois » qu’on fête partout en France à cette époque sont les rois mages des évangiles de l’enfance de Jésus, telle que racontée par Luc et Matthieu.

Ce ne sont pas les couronnes, mais la fête elle-même qu’il fallait interdire par arrêté municipal. Logique avec lui-même, le Maire interdira ensuite la Toussaint, Noël, Pâques, Pentecôte et le 15 août, cinq fêtes « litigieuses ». Puis il interdira aux français d’avoir leurs racines culturelles, avant de leur interdire d’avoir une mémoire.

Brest a donc fêté les rois sans couronnes. Et pour ne pas « froisser certaines communautés », le Maire a publié un communiqué expliquant aux Brestois qu’ils célébreraient désormais les rois Abd-el-Malek, Fouad, Saoud, Sissi-Seko, Atahualpac ou Li-Peng – selon leur communauté.

La laïcité est sauve.

La joie des petits bretons aussi.

                              M.B. (qui préfère rire pour ne pas pleurer), 2 mars 2014

 

ET LE SOCIALISME, si ça marchait ?

Si le socialisme ça marchait, je serais socialiste depuis longtemps. Vous aussi sans doute, et toute la planète.

Le travail et les richesses équitablement partagés, la fin des patrons rapaces, le pouvoir à ceux qui produisent et non aux fainéants qui en profitent, une société où chaque individu – devenu centre du monde – serait récompensé en fonction de ses mérites. Où l’État assisterait les plus faibles au lieu de laisser l’impitoyable sélection naturelle les engloutir… Qui refuserait ce merveilleux programme ? Aucun être humain digne de ce nom.

Or – c’est l’historien qui parle – le socialisme, ça ne marche pas.

Hélas.

 Le christianisme, antisocial ?

La première tentative de socialisme intégral nous est bien connue, c’était à Jérusalem, peu de temps après la mort de Jésus. Les disciples, autoproclamés apôtres, décidèrent que les adeptes de la nouvelle religion mettraient tout en commun. L’échec fut tel, qu’il fallut d’urgence organiser dans l’Empire une collecte de fonds pour soutenir la communauté de Jérusalem en faillite. Et l’on vit naître un clergé, les anciens pêcheurs du lac, dont le niveau de vie s’éleva brusquement. Devenus oisifs, ces apparatchiks percevaient l’impôt volontaire des travailleurs et en disposaient à leur guise, sans autre contrôle qu’un vague programme de redistribution.

Je vous renvoie à l’article Le premier programme de Gauche dans ce blog, où vous trouverez les détails.

Ensuite, l’Église créée par les apôtres s’accommoda du capitalisme, en devint le promoteur, le principal acteur et bénéficiaire. François d’Assise fut une parenthèse immédiatement fermée par son successeur à la tête de son Ordre. Et quand des franciscains dissidents, les Dolciniens, voulurent rappeler à l’Église l’urgence du partage et de la pauvreté, ils furent condamnés par l’Inquisition. Qui extermina ensuite par le feu d’autres égalitaristes chrétiens, les Vaudois et les différentes sortes de Cathares.

Luther voulait réformer cette Église ? Mais il soutint les Princes allemands dans leur féroce répression des paysans révoltés par leur pauvreté. Et c’est dans les nations protestantes que le capitalisme a connu sa mutation moderne, son plus bel épanouissement jusqu’à nos jours.

Le siècle des Révolutions

La Révolution Française fut faite par des bourgeois et des nobles, effrayés dès le pillage de l’entreprise Réveillon (juin 1789) par la naissance d’aspirations égalitaires dans le prolétariat parisien. La Déclaration des Droits de l’Homme affirme haut et fort le droit à la propriété, elle est résolument capitaliste.

Au XIXe siècle vinrent les premiers socialistes déclarés, en France et en Allemagne. Mais c’est Lénine qui fit pour la première fois l’expérience grandeur nature du socialisme, dans la Russie devenue URSS sous Staline. On connaît la suite : à bout de souffle, épuisée, la patrie du socialisme réel s’effondra sous les coups du capitalisme triomphant de Reagan.

Aucun des pays où le socialisme a été mis en œuvre n’a jamais réussi. Partout, ce fut la dictature des idéologues : Mao, Pol Pot, Castro, Kim Jong-il… Un désastre social et humain.

Quitter le socialisme ?

Alors on servit à l’Europe un plat nouveau, ni chair ni poisson, la social-démocratie. Le plus bel exemple est Tony Blair, socialiste qui poursuivit l’œuvre de M. Thatcher et permit à l’Angleterre de se relever. On se souvient de la phrase qu’il prononça devant le Parlement français : « Il n’y a pas une économie de droite ou une économie de gauche : il y a l’économie qui marche, et celle qui ne marche pas. »

C’était proclamer la fin de l’idéologie socialiste, condamnée par son inadéquation à la réalité humaine et sociale.

Le socialisme ne marche que quand on le quitte.

Il semble que M. Hollande l’ait enfin compris, en tout cas il le dit. Mais s’il passe aux actes, il va se trouver face aux enfants attardés du prolétariat parisien de juin 1789, les idéologues d’une idée généreuse qui a fait la preuve de son incapacité à exister dans la réalité. Il y aura avis de tempête, et l’on souhaite à ce grand louvoyeur de pouvoir nous en sortir. S’il y parvient, il aura réussi là où tous ses prédécesseurs ont échoué : mettre un point final au socialisme à la française. Exploit qui fera de lui un grand président.

Jésus, socialiste ?

J’ai montré dans les Mémoires d’un Juif ordinaire que Jésus n’a jamais eu ce que nous appelons aujourd’hui une doctrine sociale ou politique. Dans ses paroles comme dans ses actes, il s’est tenu soigneusement à l’écart des combats politiques de son époque. S’il a parlé du prolétariat (parabole de l’ouvrier de la onzième heure), c’est pour proposer une solution qu’aucun syndicat n’accepterait : la rémunération au bon vouloir du patron. Et dans d’autres paraboles, il semble non seulement admettre, mais encourager le capitalisme.

Jésus était réaliste. Il ne propose pas de réformer la société, c’est aux individus qu’il s’adresse : le monde tel qu’il est, tu ne le changeras pas. Mais tu peux te changer toi-même, tu le dois. Transforme ton regard sur les autres, ta façon de te comporter avec eux, ta relation personnelle à l’argent et aux biens de ce monde.

Tu n’as de pouvoir que sur toi-même. Mais sur toi-même, tu as tout pouvoir.

Ne cherche pas à changer les autres : change-toi toi-même.

Et en changeant ce que tu es, par contagion tu transformeras le monde.

                                     M.B., 19 février 2014

 

PENSÉE UNIQUE, NOVLANGUE, FIN D’UN MONDE (II.)

Une enquête chiffrée publiée par Le Parisien (1) me permet de compléter l’article d’hier.

J’y reprenais des passages du roman 1984 de George Orwell, dans lequel il décrit la mainmise d’un Parti totalitaire sur la planète. C’est ce qui nous arrive aujourd’hui, sauf que le Parti n’a ni capitale, ni siège social, ni structures visibles.

Il a des militants : entre autres des géants de l’informatique (Microsoft, Facebook, Twitter…), des politiciens, des enseignants et leurs lobbys, des éducateurs, des médias.

Et des dizaines de millions d’adeptes répandus sur tous les continents : blancs ou colorés, éduqués ou non, riches ou pauvres… Ces adeptes n’ont en commun que deux points :

– ils ont moins de 30 ans, ou à peu près,

– et parlent la même langue (la novlangue). Pour l’instant ils sont encore bilingues, peuvent comprendre leur langue natale mais la parlent de moins en moins bien. On en voit qui ne connaissent plus que la novlangue, et ont l’air tout surpris si on leur parle « comme dans les livres » – qu’ils ne lisent pas, puisqu’ils sont écrits dans une langue qu’ils ne comprennent plus.

« Lire une conversation entre deux ados sur un réseau social, c’est un peu comme regarder une chaîne cryptée sans décodeur… un épais brouillard d’incompréhension vous empêche de bien capter… Ce n’est pas seulement le langage des ados, mais aussi celui des enfants de 9 à 12 ans que les plus grands ne parviennent plus à déchiffrer. » (1)

La novlangue est la nouvelle patrie des adeptes, c’est là qu’ils habitent et ils se sentent à l’étranger dès qu’ils en sortent. Cette patrie – leur habitat réel – est virtuelle : 91 % des 6-8 ans et 99% des 9-12 ans sont des accros du Web, ordinateur ou téléphone portable. Il arrive que des groupes de jeunes se trouvent réunis dans un même lieu, sans se regarder ni se parler : les yeux rivés sur l’écran, ils communiquent avec leur voisin qui se trouve à quelques mètres d’eux.

De la novlangue, 72 % des parents disent qu’ils comprennent moins de la moitié des mots. C’est un savant mélange d’abréviations, de smileys et d’expressions forgées par les adeptes.

Par exemple, 9% seulement des parents savent que « chiler » signifie « prendre du bon temps, que « gb » veut dire « gros Bill », terme péjoratif pour désigner quelqu’un de trop arrogant. Que « tfk » sert à demander « tu fais quoi ? », que « mdr » c’est « mort de rire ».

La langue traditionnelle d’origine est souvent l’anglais.Ainsi « yolo » veut dire « profites-en », mais il faut savoir que cela vient de you only live once, « on ne vit qu’une fois ». Quand à « bitcher », qui signifie « dire du mal de… », il vient de l’injure anglo-américaine son of a bitch, « fils de p… »

Et pourtant, très peu d’adeptes comprennent l’anglais…

Le Parisien donne un exemple de conversation novlangue :

« Wsh koi 2 9 ? – Ma besta ma traité de fdp – Épic ! Ma mer ma clashé osi + de sortie ! – Omg ! – Mdr ! Je vi1 qd mm 2m1. »

Traduit en français : « Bonjour. Quoi de neuf ? – ma meilleure amie m’a traité de fils de p… – Incroyable ! J’ai aussi eu une dispute avec ma mère. Je suis privée de sortie ! – Oh my god ! – Mort de rire ! Je viens quand même demain. »

Ceci, c’est la novlangue basique qu’on apprend vite, parce qu’elle est issue d’une langue traditionnelle connue.

Mais le domaine de prédilection de la novlangue, c’est la technique (2). Piqué au hasard du ouèb : « J’voulais customiser ma page, j’l’ai pimpée avec un plugin, mais faut qu’je change de portfolio. Y s’ra disponible en podcast, etc. » Tous les utilisateurs d’Internet (blogs, sites) ont dû d’abord consulter un dictionnaire pour comprendre ce langage.

Quelques conclusions (3) :

1) La novlangue n’est pas un langage à double sens. Au contraire, elle conduit l’esprit dans un sens unique. Rien de plus précis, de plus encadré, de moins équivoque.

2) Elle ne peut exprimer qu’une seule vérité à la fois : celle de la Pensée Unique.

3) Hors de la Pensée Unique, il n’y a pas de vérité exprimable.

4) Pour un adepte, ce sont les langues traditionnelles  qui l’induisent en erreur, puisqu’elles peuvent exprimer des sentiments ou une pensée à la fois complexe, nuancée et élaborée.

5) La novlangue n’est créée par personne en particulier, et c’est ce qui fait sa force. Ce sont les adeptes qui la créent, en inventant des termes ou des expressions qui deviennent à la mode. L’adepte est totalement soumis au diktat de la mode verbale, il ne peut plus penser autrement.

Je salue ceux qui sont restés comme moi échoués sur l’îlot isolé, abandonné, des langues natales traditionnelles dans lesquelles s’est exprimée une culture que j’ai aimée.

Avant de disparaître, des touropérators organiseront des visites pour savoir « comment c’était… avant ».

P.S. : Vous trouverez des liens avec le même thème dans le premier article, Pensée unique, novlangue, fin d’un monde (G. Orwell)

                                                   M.B., 11 février 2014

(1) Parlez-vous le Web des jeunes ?, dans Le Parisien du 11 février, p. 14. Résultats d’une enquête réalisée par l’Institut des mamans le 26 décembre 2013.

(2) Relisez l’article d’hier.

(3) extraites des commentaires au premier article.